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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1238/2021

JTAPI/426/2022 du 27.04.2022 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : AMENDE;MANDATAIRE;ARCHITECTE
Normes : LCI.121; LCI.2.al3; LCI.137; LCI.6; LPAI.6
Rectification d'erreur matérielle : JTAPI/426/2022 (au lieu de JTAPI/426/2021) et 27 avril 2022 (au lieu de 27 avril 2021)
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1238/2021 LCI

JTAPI/426/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 avril 2022

 

dans la cause

 

A______ SA

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             En date du 27 avril 2016, le département du territoire (ci-après : le département ou DT) a délivré une autorisation de construire en faveur de B______ (DD  1______), portant sur la réalisation d'un immeuble de logements et l'abattage d'arbres sur les parcelles nos 1______, 2______ et 3______, devenues depuis la parcelle n° 4______ de la commune de C______.

2.             Deux autorisations complémentaires ont été délivrées, par décisions des 10 novembre 2016 (DD 1______/2) et 21 juin 2017 (DD 1______/3). La première concernait l'agrandissement du sous-sol et l'installation de sondes géothermiques alors que la deuxième portait sur une modification du plan financier.

3.             Par courrier du 2 décembre 2016, le département a été informé que la direction des travaux serait gérée par A______ SA, Monsieur D______.

Cette société exploite un bureau d'architectes. Monsieur E______ en est l'administrateur président et Monsieur F______, l'administrateur secrétaire ; ils disposent tous deux de la signature individuelle et sont par ailleurs reconnus par l'État de Genève comme mandataires professionnellement qualifiés.

4.             En date du 9 novembre 2016, le bureau A______ SA a adressé au DT une annonce d'ouverture de chantier.

5.             Dans un courrier adressé le 14 décembre 2016 à G______, H______ le département a pris acte du fait que les travaux en lien avec la DD 1______ précitée seraient exécutés sous la responsabilité de M. D______, architecte, auquel il s'adresserait dorénavant.

6.             Le 17 décembre 2018, l'attestation globale de conformité signée par les bureaux G______, H______ et le bureau A______ SA a été transmise au département.

7.             Le 14 octobre 2020, le département a informé les deux premiers bureaux précités que lors d'une visite effectuée au mois de juillet 2020, il avait été constaté que la voie d'accès du service du feu n'était pas dûment signalée et que celle-ci était obstruée par des places de stationnement. Un délai de 10 jours leur a été accordé pour se déterminer à ce sujet.

8.             Le 30 octobre 2020, un membre du bureau G______ a répondu par courriel. Il avait pris contact avec le bureau I______ qui s'occupait de faire réaliser les marquages ainsi qu'avec M. J______ de l'entreprise K______.

9.             Le 18 novembre 2020, le département a infligé une amende de CHF 3'500.- au bureau G______ pour avoir exécuté des travaux non conformes aux autorisations de construire en force. Il lui a également ordonné de rétablir une situation conforme au droit en signalant la voie d'accès des engins du service du feu, en supprimant les places de parc qui obstruaient cette voie et en délimitant, de manière claire, les places de travail et la chaussée réservée aux engins précités.

10.         Le 20 novembre 2020, Monsieur L______ a formé recours contre cette décision.

11.         Par jugement du 27 janvier 2021, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a déclaré ce recours irrecevable.

12.         Le 25 janvier 2021, le département a interpellé le bureau A______, l'invitant à se déterminer sur l'infraction constatée le 16 juillet 2020, dès lors que le mandat d'exécution et de direction des travaux lui aurait été confié par le maître d'ouvrage.

13.         Par courrier du 2 février 2021, ce dernier a rappelé au département ce qui suit :

- le projet, la demande d'autorisation et le suivi administratif avait été réalisé par le bureau G______, architecte ;

- le dossier d'exécution avait été effectué par le bureau H______ ;

- la conclusion des contrats et la direction des travaux avaient été réalisées par leur bureau ;

- à cela s'ajoutait un mandataire spécialisé, K______, responsable de l'assurance qualité en protection incendie.

Pour le surplus, il a informé le DT qu'une situation conforme au droit avait été en grande partie rétablie.

14.         Le 10 mars 2021, le DT a infligé une amende de CHF 3'500.- au bureau A______ pour avoir contrevenu à l'art. 121 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et aux conditions fixées dans l'autorisation de construire concernant le règlement d'application de la loi sur la prévention des sinistres, l'organisation et l'intervention des sapeurs-pompiers du 25 juillet 1990 (RPSSP - F 4 05.1).

Suite à un contrôle effectué sur place le 16 février 2021, l'inspecteur avait pu constater que l'ensemble des points était dorénavant régularisé. Il était toutefois relevé que les travaux considérés n'avaient pas été réalisés avant l'occupation des locaux, ce qui avait donné lieu à l'ouverture de la présente procédure. Cette manière d'agir ne pouvait être tolérée.

Le département avait pris en considération le fait qu'il avait été informé le 2 décembre 2016 que le bureau A______ serait en charge de la direction des travaux ; que l'avis d'ouverture de chantier avait été signé par ce bureau et qu'un jeu de plans d'exécution et une attestation globale de conformité, adressée le 17 décembre 2018 au département comportait la signature du bureau G______ et celle du bureau A______.

15.         Par acte du 9 avril 2021, le bureau A______ a saisi le tribunal d'un recours contre la décision précitée.

En substance, se référant à ses explications adressées le 2 février 2021 au DT, il contestait l'infraction reprochée dès lors qu'il n'avait pas été en charge la direction des travaux pour le traçage des places bleues obstruant le point de pénétration du service du feu. Ce mandat était en effet assuré par le bureau M______ SA, architecte du bâtiment voisin pour la coopérative N______ et mandaté spécifiquement par B______, le maître d'ouvrage pour cette tâche.

16.         Le 15 juin 2021, le département a informé le tribunal que dans la mesure où le bureau A______ avait mis en cause la responsabilité du bureau M______ SA pour les irrégularités constatées, il allait l'interpeller et procéder aux vérifications qui s'imposaient avant de se déterminer sur le recours précité.

17.         En date du 23 septembre 2021, le DT a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours.

Le 31 août 2021, le bureau M______ SA lui avait indiqué qu'il n'avait pas été mandaté pour le projet litigieux mais pour celui prévu sur la parcelle voisine.

L'argument du recourant selon lequel la sanction n'était pas fondée dès lors qu'il n'était pas en charge de la direction des travaux pour les irrégularités constatées ne remettait pas en cause le bien-fondé de la décision litigieuse. Premièrement, il n'était pas contesté que des travaux non conformes aux autorisations de construire DD 1______ et aux conditions qu'elles imposaient (préavis de la police du feu du 12 janvier 2016) avaient été réalisés. Ces travaux ne respectaient en outre pas la directive n° 7 du RPSSP et en particulier les art. 7.2, 7.4 let. e et 7.6. Les mesures prises pour rétablir une situation conforme au droit expressément décrites par la recourante l'attestaient. Partant, l'infraction était réalisée. Ensuite, la recourante avait assumé la direction des travaux. Celui-ci avait également remis au DT l'attestation censée certifier que les constructions ou installations étaient conformes à l'autorisation de construire et aux conditions de celle-ci. Au demeurant, les plans qui accompagnaient cette attestation, dénommés plans conformes à l'exécution, indiquaient l'existence d'une voie d'accès qui n'était pas obstruée et des places de travail clairement délimitées. Or la situation relevée par le DT sur place ne correspondait ni aux autorisations de construire ni aux prescriptions en matière de sécurité incendie et encore moins aux plans précités. La recourante avait dès lors remis une attestation qui ne reflétait pas la réalité. Pour ce motif également, le fondement du principe de l'amende ne pouvait être nié.

Si la recourante prétendait que la responsabilité incombait à un tiers, cette affirmation était contredite par le tiers en question. En tout état, cela n'était pas de nature à faire échec à sa responsabilité de droit public. Enfin, la recourante ne niait pas que l'absence de signalétique de la voie d'accès et de délimitation des places de travail relevait de sa responsabilité.

S'agissant du montant de l'amende, le statut de mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) du recourant avait été pris en compte de même que le fait que les travaux illicites étaient de nature à porter atteinte à la sécurité des habitants. Enfin, la remise d'une attestation non conforme à la réalité constituait une circonstance aggravante au sens de l'art. 137 al. 3 LCI dont il avait également été tenu compte.

18.         La recourante n'a pas répliqué dans le délai imparti.

19.         Le 15 décembre 2021, le tribunal a convoqué les parties à une audience de comparution personnelle prévue le 19 janvier 2022. La convocation a été adressée par courrier recommandé au recourant.

20.         Lors de l'audience du 19 janvier 2022, la recourante ne s'est pas présentée ni ne s'est excusée.

Le représentant du DT a expliqué au tribunal que la sanction prononcée visait la violation d'une obligation par le MPQ. Il a précisé que la direction architecturale du projet avait été confiée au bureau H______. En revanche, la direction des travaux était sous la responsabilité du bureau A______. Pour le département, le MPQ désigné était le bureau A______, soit pour lui, M. D______.

Il n'était toutefois pas en mesure de préciser si cet architecte était inscrit au tableau des MPQ.

Il a encore ajouté que le département avait sanctionné le bureau A______, d'une part parce que tous les documents tels que l'avis d'ouverture de chantier et l'avis de conformité revêtaient la même signature pour le bureau A______. Par ailleurs, M. D______ qui était son interlocuteur ne figurait plus, au moment de la sanction, sur le tableau des MPQ.

À sa demande, le tribunal a accordé un délai au 2 février 2022 au département, pour lui permettre d'identifier l'auteur de la signature de l'avis d'ouverture de chantier et de celui de conformité et pour indiquer les suites qu'il entendait donner à la présente procédure.

21.         Le tribunal a transmis une copie du procès-verbal de l'audience au recourant.

22.         Par courrier du 2 février 2022 adressé au tribunal, le DT a indiqué qu'après enquête, il était apparu que M. F______ était l'auteur de la signature de l'avis de l'ouverture de chantier ainsi que de celui de conformité. Par ailleurs, M. D______ n'avait jamais été inscrit au tableau des MPQ et il ne travaillait plus pour le bureau recourant depuis 2019.

Pour le surplus, il persistait dans ses conclusions.

N'ayant pas eu d'autres éléments qu'un paraphe apposé tant sur l'avis d'ouverture de chantier que sur l'attestation globale de conformité, il avait adressé l'amende litigieuse à la société A______. Il soulignait enfin que les deux administrateurs de cette société, à savoir MM. E______ et F______ étaient inscrits au tableau des MPQ. Aucune autre suite ne pouvait être donnée à cette procédure. En effet, annuler la décision litigieuse par défaut de MPQ reviendrait à récompenser le manque de transparence du recourant et violerait l'art. 137 al. 4 LCI qui visait précisément à éviter la prime à l'opacité.

23.         Le 16 février 2022, la recourante s'est déterminée. Il contestait le contenu du courrier du 2 février 2022.

M. F______ était le signataire de l'avis d'ouverture de chantier pour le groupe d'architectes G______-H______ et A______. En revanche l'avis de conformité avait été signé conjointement par les trois architectes MPQ en charge de ce dossier pour B______, soit MM. L______, O______ et F______. Mais surtout, il était important de relever que la déclaration de conformité de protection incendie avait été signée par le mandataire spécialisé et MPQ du bureau J______ ingénieurs-conseils, M. P______.

24.         En date du 3 mars 2022, le département s'est déterminé sur le courrier précité. La personne qui avait signé tant l'avis d'ouverture de chantier que l'avis de conformité était l'un des administrateurs du recourant. Les reproches d'imprécisions formulés n'étaient pas pertinents puisqu'ils portaient sur l'intervention de tiers qui n'étaient pas concernés par la présente procédure et dont les relations internes relevaient du droit privé. À cela s'ajoutait qu'aucun de ces tiers n'avait assumé à l'égard du département, la direction des travaux, contrairement à au recourant. Enfin, la multitude d'intervenants que reconnaissait expressément la recourante renforçait la position du DT quant au bien-fondé, en l'espèce, de l'application de l'art. 137 al. 4 LCI.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Selon l'art. 121 LCI, une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la LCI, son règlement d’application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires (al. 1). Les exigences imposées pour les constructions et les installations en matière de prévention des incendies sont régies par la norme de protection incendie et les directives de l'AEAI (al. 2). Une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit être maintenue en tel état et utilisée de telle sorte que sa présence, son exploitation ou son utilisation ne puisse, à l’égard des usagers, du voisinage ou du public ni porter atteinte aux conditions exigibles de sécurité et de salubrité (al. 3 let. a ch. 1), ni être la cause d’inconvénients graves (al. 3 let. a ch. 2), ni offrir des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions) par le fait que la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (al. 3 let. a ch. 3), elle ne crée pas, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne pour la circulation (al. 3 let. b).

5.             En l'espèce, il n'est pas contesté que des travaux non conformes aux autorisations de construire DD 1______ et aux conditions qu'elles imposaient (préavis de la police du feu du 12 janvier 2016) ont été réalisés, de sorte qu'une infraction a bien été réalisée.

6.             La recourante conteste sa responsabilité.

7.             De façon générale, la police des constructions institue un système d'autorisation dans lequel les architectes mandataires jouent un rôle central. Ainsi prévoit-elle aussi que toute demande d'autorisation doit être établie et signée par une personne inscrite au tableau des MPQ (art. 2 al. 3 LCI).

8.             Aux termes de l’art. 6 LCI, la direction des travaux dont l’exécution est soumise à autorisation de construire doit être assurée par un mandataire inscrit au tableau des MPQ, dont les capacités professionnelles correspondent à la nature de l’ouvrage. Demeurent réservées les constructions ou installations d’importance secondaire, qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 1). Le mandataire commis à la direction des travaux en répond à l’égard de l’autorité jusqu’à réception de l’avis d’extinction de son mandat (al. 2). À défaut de mandataire annoncé ou en cas de cessation de mandat, le département peut interdire l’ouverture du chantier ou ordonner la suspension des travaux (al. 3).

9.             Les constructions ou installations neuves ou modifiées, destinées notamment à l'habitation ou au travail (let. a), ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié cas échéant le requérant, dans les cas prévus par les art. 2, al. 3, 2e phrase, et 6. (art. 7 al. 1 LCI).

L'attestation certifie que les constructions ou installations sont conformes à l'autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu'aux lois et règlements applicables au moment de l'entrée en force de l'autorisation de construire (art. 7 al. 2 LCI).

Suivant la nature du dossier et si le mandataire ou le requérant l’estime nécessaire, l’un ou l’autre peut joindre à sa propre attestation celles des autres mandataires spécialisés intervenus dans le cadre de la réalisation des travaux et/ou l’attestation du propriétaire selon laquelle il n’a sollicité aucune réalisation contraire à la loi (art. 7 al. 3 LCI).

10.         La loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40) a pour objet de réglementer l’exercice indépendant de la profession d’architecte ou d’ingénieur civil, ou de professions apparentées, sur le territoire du canton de Genève. L’exercice de cette profession est restreint, pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI, aux MPQ reconnus par l’État (art. 1 LPAI).

Le mandataire est tenu de faire définir clairement son mandat. Il s’acquitte avec soin et diligence des tâches que lui confie son mandant dont il sert au mieux les intérêts légitimes tout en s’attachant à développer, dans l’intérêt général, des réalisations de bonne qualité au titre de la sécurité, de la salubrité, de l’esthétique et de l’environnement (art. 6 de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40).

Il résulte de cette dernière disposition que le respect du droit public est l’un des devoirs incombant à l’architecte (Blaise KNAPP, "La profession d’architecte en droit public", in Le droit de l’architecte, 1986, p. 487 ss n. 510 ; cf. ATA/118/2013 du 26 février 2013).

11.         Selon les travaux préparatoires de la LPAI, la ratio legis de celle-ci était d’atteindre, par des restrictions appropriées au libre exercice de cette activité économique, un ou plusieurs buts d’intérêt public prépondérant à l’intérêt privé - opposé - des particuliers. Il peut s’agir d’assurer aux mandants, à l’instar des capacités professionnelles exigées des mandataires dans le domaine médical ou juridique, des prestations d’une certaine qualité nécessitée par la nature ou l’importance des intérêts du mandant. Il peut s’agir aussi de l’intérêt social de la communauté dans son ensemble, aux titres de la sécurité, de la santé, de l’esthétique et de la protection de l’environnement, à ce que les constructions ne comportent pas de risques pour le public, ni ne déparent l’aspect général des lieux. Il peut s’agir notamment de l’intérêt des autorités compétentes à ce que leurs interlocuteurs, lors de la présentation et de l’instruction de dossiers de demandes d’autorisations de construire, respectivement lors de l’exécution des travaux, soient des personnes qualifiées, contribuant ainsi, d’une manière générale, à une meilleure application de la loi (MGC 1982/IV p. 5204 ; cf. not. ATA/161/2014 du 18 mars 2014).

12.         Il s’ensuit que les manquements professionnels de l’architecte concernés par la LPAI peuvent aussi être trouvés dans les relations qu’entretient ce dernier avec les autorités administratives, respectivement dans l’exécution scrupuleuse des injonctions qu’elles formulent et, d’une manière générale, dans le respect des règles juridiques du droit de la construction justifiant l’existence même du tableau des architectes habilités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010 consid. 6 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/161/2014 du 18 mars 2014 ; ATA/118/2013 du 26 février 2013 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4e).

13.         Le DT dresse et tient à jour le tableau des MPQ. Le tableau distingue différentes catégories, dont les architectes. Seules les personnes inscrites sur le tableau sont autorisées à exercer l’une des professions mentionnées pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI. Les constructions et installations d’importance secondaire sont réservées (art. 1 al. 1 à 3 du règlement d’application de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 9 novembre 1983 - RPAI - L 5 40.01).

14.         Pour les architectes, la reconnaissance s’étend à la planification et à la direction des travaux de construction de tous ouvrages, à charge pour eux de veiller, au besoin, que les prestations spécifiques de génie civil, de génie électrique, de génie thermique ou relevant d’autres disciplines soient confiées à des spécialistes (art. 3 al. 2 RPAI).

15.         Tout changement dans la personne ou le rôle du mandataire doit être annoncé sans délai et par écrit au département. À défaut, ce changement ne lui est pas opposable (art. 4 RPAI).

16.         Selon l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d'application, ainsi qu'aux ordres du DT (art. 137 al. 1 LCI). Toutefois, lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales, le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive, ainsi que l'établissement, par le MPQ ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI). Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).

17.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7b ; ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018).

18.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité ; ATA/19/2018 précité). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute.

19.         Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/824/2015 précité consid. 14c et les références citées).

20.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/19/2018 précité).

21.         Dans le cas présent, il résulte des considérations qui précèdent que les manquements reprochés sont effectivement réalisés, et sont passibles d'une amende administrative.

Lors de l'audience de comparution, le DT a précisé que la sanction prononcée visait exclusivement la violation d'une obligation incombant au MPQ.

Il convient dès lors d'examiner si c'est à juste titre que le DT a sanctionné le bureau d'architectes lequel, personne morale employant des architectes dont certains sont inscrits au tableau des MPQ, a été mandaté pour la direction des travaux relatifs à la DD 1______ par le maître d'ouvrage.

En effet, eu égard aux dispositions rappelées plus haut mettant en exergue le rôle central du MPQ et la responsabilité que ce dernier assume notamment à l'égard de du département, seul celui-ci peut violer des obligations qui lui incombent en cette qualité et par conséquent être sanctionné pour de telles infractions.

Ainsi, la recourante ne pouvait se voir imputer les manquements dont seul répond le MPQ, qualificatif qui est exclusivement attribué à une personne physique inscrite sur le tableau officiel du même nom.

L'argument du département selon lequel l'art. 137 al. 4 LCI l'autorise à sanctionner la personne morale lorsqu'il n'apparait pas de prime abord quelles sont les personnes responsables ne lui est d'aucun secours, dès lors que cet alinéa vise des infractions commises dans la gestion d'une personne morale et donc pas celles que seul le MPQ est susceptible de commettre. Quant à l'argument selon lequel la personne du MPQ n'était pas identifiable dès lors que seul un paraphe avait été apposé sur l'attestation globale de conformité ne saurait convaincre. En effet, dans la mesure où la loi prévoit que le MPQ doit la signer, le département doit être en mesure de vérifier que le signataire possède effectivement la qualité de MPQ. On regrettera à cet égard l'absence de vérification de la part du département qui ne s'est pas assuré que M. D______ désigné comme personne chargée de la direction des travaux était bien inscrit au tableau des MPQ.

22.         Partant, l'amende litigieuse sera annulée.

23.         À toutes fins utile, il sera indiqué que le DT demeure libre de notifier une amende à M. F______, s'il était bien le MPQ en charge.

24.         Aucun émolument ne sera perçu et l'avance de frais de CHF 900.- sera restituée à la recourante.

25.         Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante qui a agi en personne n'y ayant pas conclu.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 avril 2021 par A______ contre la décision du département du territoire du 10 mars 2021 ;

2.             l'admet ;

3.             annule l'amende prononcée à l'encontre de A______ ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument et ordonne la restitution de l'avance de frais de CHF 900.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Diane SCHASCA et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseures.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière