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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3682/2021

JTAPI/423/2022 du 25.04.2022 ( TAXE ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT SPÉCIAL SUR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE;ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE;MÉDECIN;FRAIS(EN GÉNÉRAL)
Normes : LCP.304.al1; LCP.304.al3.letd
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3682/2021 TAXE

JTAPI/423/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 avril 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par 2b Partners SA, avec élection de domicile

 

contre

VILLE DE GENEVE, TAXE PROFESSIONNELLE COMMUNALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxe professionnelle communale 2021 de Monsieur A______ qui, durant l’année en cause, exerçait la profession de médecin à titre indépendant.

2.             Dans sa déclaration pour la TPC, le contribuable a fait valoir en déduction de son chiffre des affaires pour les périodes 2019 et 2020 les montants respectifs de CHF 90'000.- et de CHF 85'500.-, représentant des « charges d’infrastructure [versées au] Cabinet médical de B______ » (ci-après : le Cabinet), comptabilisées dans son compte de profits et pertes. Le siège de cette société se trouve à Genève.

Il a joint une convention d’actionnaires conclue avec deux autres médecins du Cabinet, dont le ch. 5.1 prévoyait notamment qu’au premier jour de chaque mois, les associés versaient des acomptes de CHF 7'500.- couvrant les frais (loyers, salaires, frais bureautiques, matériel, médicaments, assurance, informatique, abonnements et autres).

3.             Le 12 octobre 2021, le service de la TPC de la Ville de Genève (ci-après : le service de la TPC) a notifié au contribuable un bordereau de TPC. Ce faisant, elle a refusé de défalquer de son chiffre des affaires les charges d’infrastructure.

4.             Le 15 octobre 2021, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ce bordereau. C’était à tort que les charges d’infrastructure n’avaient pas été admises en déduction, étant donné qu’elles ressortaient clairement de son compte de profits et pertes.

5.             Par décision du 19 octobre 2021, le service de la TPC a rejeté la réclamation.

L’art. 304 al. 3 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) listait les éléments qui n’étaient pas compris dans le chiffre des affaires, pour autant qu’ils ressortent clairement de la comptabilité. Or, les charges d’infrastructure n’en faisaient pas partie.

6.             Par acte du 26 octobre 2021, le contribuable, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision.

Le service de la TPC avait refusé de déduire de son chiffre des affaires les charges d’infrastructure versées au Cabinet. Puisque ces montants avaient été imposés comme chiffre d’affaires auprès de cette société, il en découlait qu’ils avaient été taxés deux fois, ce qui contrevenait au principe de l’interdiction de la double imposition.

Chaque mois, les médecins indépendants du Cabinet devaient verser CHF 7'500.- pour couvrir les coûts d’exploitation comprenant le loyer, le salaire des assistantes médicales, l’achat de matériel, etc. Les charges d’infrastructure constituaient des frais directs d’exploitation au sens de l’art. 304 al. 3 let. d LCP, déductibles du chiffre des affaires.

7.             Dans ses observations du 10 janvier 2022, le service de la TPC a conclu au rejet du recours.

Selon la jurisprudence, les dépenses engagées dans le cadre de l’activité indépendante étaient comprises dans le chiffre des affaires, à moins qu’il ne s’agisse d’émoluments administratifs. Les loyers, salaires des assistantes médicales et frais d’achat de matériel ne constituaient pas des émoluments administratifs. Aucune autre exception visée par l’art. 304 al. 3 let. d LCP n’était envisageable. Dès lors, les charges d’exploitation n’étaient pas déductibles.

Enfin, la double imposition ne visait pas les cas d’imposition intracantonale de deux contribuables différents.

8.             Par réplique du 17 janvier 2022, le contribuable a maintenu son recours.

En refusant de déduire de son chiffre des affaires les charges d’infrastructure, qui constituaient un produit pour le Cabinet, le service de la TPC taxait deux fois le même montant auprès de deux contribuables différents au cours de la même période fiscale.

9.             Dans sa duplique du 10 février 2022, le service de la TPC a persisté dans les conclusions de sa réponse.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions sur réclamation en matière de TPC (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 315 al. 1 LCP et art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Le recourant demande que les charges d’infrastructure soient soustraites de son chiffre des affaires. À cet égard, il ne se prévaut que de l’art. 304 al. 3 let. c LCP.

4.             La TPC est une taxe annuelle que les communes du canton de Genève peuvent prélever auprès des personnes physiques qui exercent dans le canton une activité lucrative indépendante ou y exploitent une entreprise commerciale (art. 301 al. 1 let. a LCP).

La TPC de chaque contribuable est établie sur la base de coefficients, applicables aux chiffres annuels de ses affaires, aux loyers annuels de tous les immeubles, locaux et terrains qu’il occupe professionnellement et à l’effectif annuel des personnes travaillant dans son entreprise (art. 302 LCP).

L’art. 304 al. 1 LCP définit le chiffre des affaires comme la somme des prestations brutes que le contribuable a obtenues pour son propre compte et en son nom, en contrepartie de livraisons ou de mise à disposition de marchandises et de biens, ainsi que de services rendus. L’alinéa 3 de cette disposition légale énumère limitativement les éléments qui ne font pas partie du chiffre des affaires pour autant qu'ils ressortent clairement de la comptabilité. Il s'agit en particulier des émoluments administratifs s'ils constituent des frais directs d'exploitation (art. 304 al. 3 let. d LCP), étant précisé que les autres exceptions prévues à cet alinéa 3 ne sont pas envisageables en l'espèce.

5.             Dans une décision du 25 avril 1996 (DCRIC/84/1996), la Commission cantonale de recours en matière d’impôts a jugé que les dépenses engagées par le recourant en cause dans le cadre de l'exercice de son activité lucrative indépendante étaient comprises dans son chiffre des affaires au sens de l’art. 304 LCP, à moins qu'il ne s'agisse d'émoluments administratifs.

6.             L'émolument représente la contrepartie de la fourniture d'un service par l'État - émolument administratif - ou de l'utilisation d'une infrastructure publique - émolument d'utilisation (ATF 135 I 130 consid. 2).

7.             En l’espèce, il résulte de la convention d’actionnaires du Cabinet que chaque médecin associé doit s’acquitter mensuellement de CHF 7'500.- à titre de couverture de frais, qui comprennent les loyers les salaires, les frais bureautiques, le matériel, les médicaments, l’assurance, l’informatique, les abonnements et autres. Ces dépenses n’entrent en aucune manière dans la définition des émoluments, ni du reste, dans celle des autres contributions publiques. D’ailleurs, le recourant ne le prétend pas. En conséquence, elles font partie de son chiffre des affaires.

Partant, le grief doit être rejeté.

8.             Dans un second argument, le contribuable fait valoir que le refus de défalquer de son chiffre des affaires les charges d’infrastructure, qui sont également imposées comme produit auprès du Cabinet, constitue une double imposition.

9.             L’art. 127 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) interdit la double imposition par les cantons, la Confédération prenant les mesures nécessaires.

À teneur de l’art. 303A LCP libellé « double imposition », lorsqu’un contribuable assujetti à la taxe professionnelle communale dans une commune genevoise exerce également son activité dans d’autres cantons ou à l’étranger, par l’intermédiaire d’un siège, d’un établissement stable ou d’une autre forme de base d’activité, telle que décrite à l’art. 301 al. 1 let. e, les éléments de taxation directement afférents à cette activité hors du canton ne sont pas pris en considération.

10.         Selon la jurisprudence (ATF 138 I 297 consid. 3), le principe de l’interdiction de la double imposition s’oppose à ce qu’un contribuable soit concrètement soumis, par deux ou plusieurs cantons, sur le même objet, pendant la même période, à des impôts analogues (double imposition effective), à ce qu’un canton excède les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles de conflit jurisprudentielles, prétende prélever un impôt dont la perception est de la seule compétence d’un autre canton (double imposition virtuelle) ou encore qu’un canton impose plus lourdement un contribuable du fait qu’il est assujetti aux impôts dans un autre canton (interdiction du traitement fiscal discriminatoire).

Toutefois, ce principe concerne la double imposition intercantonale du même contribuable et non l'imposition intracantonale de deux contribuables différents (ATA/830/2021 du 10 août 2021 consid. 7).

11.         Le recourant ne peut être suivi. Le fait que le service de la TPC l’impose tout comme le Cabinet sur les charges d’infrastructure ne constitue pas un cas de double imposition prohibée. Une telle situation se produit en cas de taxation d’un même contribuable par deux cantons pendant la même période, mais non, comme en l’espèce, en présence d’une imposition de deux contribuables distincts – l’intéressé et le Cabinet – ayant leur domicile, respectivement leur siège dans le même canton, en l’occurrence Genève.

12.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

13.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2021 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation du service de la Taxe professionnelle communale de la Ville de Genève du 19 octobre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Nicole FRAGNIÈRE MEYER et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière