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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1153/2022

JTAPI/386/2022 du 14.04.2022 ( MC ) , ANNULE

ADMIS par ATA/502/2022

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1153/2022 MC

JTAPI/386/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 avril 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Arnaud MOUTINOT, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 6 décembre 2015, le prétendument dénommé A______, né le ______ 1996 et originaire de Côte d'Ivoire, mais dépourvu de tout document d'identité, a déposé en Suisse une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi. La prise en charge et l'exécution du renvoi de l'intéressé ont été confiées au canton de Genève. M. A______ a été renvoyé deux fois en Italie en tant qu'Etat Dublin responsable, à savoir les 11 juillet 2016 et 13 mai 2021. Il s'est par ailleurs vu notifier deux interdictions d'entrée en Suisse, dont la dernière, notifiée le 14 mars 2020, est valable jusqu'au 31 octobre 2022.

2.             Entre le 28 juin 2016 et le 27 février 2021, l'intéressé a été condamné à six reprises pour entrée illégale, séjour illégal, contravention et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (notamment pour trafic de cocaïne) et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (en raison de la violation de l'interdiction de pénétrer au centre-ville de Genève prononcée par le Commissaire de police le 5 janvier 2018 pour une durée de 12 mois).

3.             Le 6 avril 2022, M. A______ – en possession d'un titre de séjour de type "protezione speciale" délivré par les autorités italiennes – a été interpellé par la police genevoise. Entendu par les enquêteurs, il a prétendu vivre à Genève avec une femme avec laquelle dont il aurait eu un enfant, refusant toutefois de donner une quelconque précision à cet égard. Il a par ailleurs indiqué n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucune source légale de revenu. Il a été prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

4.             Le 7 avril 2022, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour les faits ayant donné lieu à son arrestation de la veille.

5.             Les démarches visant à informer le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) de la situation de l'intéressé en Suisse et à charger ladite autorité fédérale d'examiner la possibilité d'engager une procédure Dublin sont en cours d'organisation.

6.             Par requête du 12 avril 2022, M. A______, a déposé une demande d'examen de la légalité et de l'adéquation de la détention administrative. Il ne reconnaissait pas les faits qui lui avaient été reprochés.

7.             Le même jour, le commissaire de police sur la demande du tribunal a transmis son dossier. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie « En droit ».

8.             A réception de ladite demande d'examen, le tribunal a invité conseil de l'intéressé à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 13 avril 2022 à 18h00.

9.             Par courriel adressé dans le délai imparti, le conseil de l'intéressé a conclu en son nom à sa libération immédiate. Il était au bénéfice d'un titre de séjour italien de type « protezione speciale » valable du 2 novembre 2017 au 2 novembre 2022. Par conséquent, il ne relevait d'aucune procédure en vue de l'obtention d'une éventuelle protection internationale, puisqu'il était précisément déjà au bénéfice d'une telle protection. Les conditions légales d'une détention en vue de son renvoi dans l'État Dublin responsable n'étaient ainsi pas réalisées. Par ailleurs, il avait une compagne, Madame B______, mère de leur enfant commun, C______, résidant légalement tous deux au 1______ chemin D______, E______.

10.         Par courriel du 14 avril 2022, le tribunal a imparti au commissaire de police un délai au jour même, à 11h30, pour répondre aux observations de M. A______ et pour se déterminer sur la question de savoir si le champ d'application du règlement (UE) 604/2013 s'étendait aux personnes bénéficiant d'un titre tel que la «protezione speciale » octroyée à M. A______ par l'Italie, en particulier sous l'angle de l'art. 18 ch. 1 let. a à d de ce règlement..

11.         Par réponse transmise au tribunal par courriel à 11h22, le commissaire de police, joignant un courriel reçu du secrétariat d'État aux migrations (SEM) à 11h12, a indiqué que le permis de séjour « protection spécial » de M. A______ était remis dans certains cas, lorsque la demande d'asile était rejetée, mais que le renvoi ne pouvait pas être exécuté, par exemple si la personne présente des problèmes de santé ou en raison de la situation dans le pays d'origine. Il ne s'agissait pas d'une protection internationale, au contraire d'un permis présentant la mention « protection subsidiaire » ou « asile ». Dès lors, la personne en question n'ayant pas reçu de protection, le Règlement Dublin restait applicable, sous l'angle de son art. 18 ch. 1 let. d.

12.         Invité à répliquer, le conseil de M. A______, par courriel transmis ce jour à 15h10, a relevé que le courriel du SEM avait été signé par un « stagiaire académique », ce qui, selon le site de l'administration fédérale, correspondait à un poste destiné aux étudiants et aux personnes titulaires d'un diplôme de degré tertiaire souhaitant acquérir une première expérience professionnelle dans leur domaine de spécialité. Par conséquent, un avis juridique émanant d'un stagiaire académique ne pouvait aller à l'encontre de la doctrine spécialisée, qui soutenait que la détention Dublin n'était pas applicable si dans l'étranger n'entendait pas requérir de protection internationale dans un Etat du système. S'agissant de la définition de la protection internationale, la même doctrine indiquait qu'il fallait entendre par la « les personnes qui peuvent bénéficier de la protection subsidiaire, celles qui ne peuvent être considérées comme réfugiés, mais pour lesquelles il y a des motifs sérieux est avéré de croire que si elles étaient renvoyées dans leur pays d'origine, elle couvrait un risque réel de subir des atteintes graves ». Or dans son courriel du 14 avril 2022, le SEM indiquait que le permis de protection spéciale dont bénéficiait M. A______ était obtenu lorsque le renvoi n'était pas exécutable, notamment pour des raisons de santé ou en raison de la situation du pays d'origine. Par conséquent, dans la mesure où il entendait pas requérir de protection internationale puisqu'il en était d'ores et déjà bénéficiaire, M. A______ ne pouvait faire l'objet d'une détention Dublin.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80a al. 3 LEI, la légalité et l'adéquation de la détention ordonnée dans le cadre d'une procédure Dublin sont examinées, sur demande de la personne détenue, par une autorité judiciaire au terme d'une procédure écrite. Cet examen peut être demandé à tout moment.

3.            La LaLEtr, qui n'a pas été mise en jour suite à l'adoption et l'entrée en vigueur des art. 76a et 80a LEI, ne définit pas la compétence et ne détermine pas la procédure applicable dans les cas de figure envisagés par ces dispositions. Il ne fait néanmoins pas de doute que la compétence du tribunal est donnée s'agissant des demandes formées par les personnes détenues sur la base de l'art. 76a LEI (cf. not. JTAPI/803/2019 du 6 septembre 2019 ; JTAPI/720/2018 du 27 août 2018 ; JTAPI/13172018 du 13 février 2018 ; cf. aussi ATA/557/2017 du 16 mai 2017).

4.            En l'espèce, M. A______ a requis du tribunal qu'il contrôle la légalité et l'adéquation de sa détention.

5.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger (cf. art. 9 al. 3 LaLEtr).

6.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

7.            Selon l'art. 28 par. 2 du Règlement (UE) n° 604/2013 (ci-après : le Règlement), les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément audit règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. À teneur du par. 3 du même article, le placement en rétention est d'une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu'à l'exécution du transfert au titre du présent règlement.

8.            À teneur de l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'État Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a.            des éléments concrets font craindre que l'étranger concerné n'entende se soustraire au renvoi ;

b.           la détention est proportionnée ;

c.            d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace (art. 28 par. 2 du Règlement).

9.             À compter du moment où la détention a été ordonnée, l’étranger peut être placé ou maintenu en détention pour une durée maximale de sept semaines pendant la préparation de la décision relative à la responsabilité du traitement de la demande d’asile, les démarches y afférentes comprenant l’établissement de la demande de reprise en charge adressée à un autre État Dublin, le délai d’attente de la réponse à la demande ou de son acceptation tacite, la rédaction de la décision et sa notification (art. 76a al. 3 let. a LEI).

10.         Un comportement en Suisse ou à l'étranger adopté par l'intéressé permettant « de conclure qu'il refuse d'obtempérer aux instructions des autorités » constitue un élément concret faisant craindre qu'il entende se soustraire à l'exécution du renvoi (art. 76a al. 2 let. b LEI). Il ressort du Message relatif à l'approbation et à la mise en œuvre des échanges de notes entre la Suisse et l'Union européenne concernant la reprise des règlements (UE) nos 603/2013 et 604/2013 (développements de l'acquis de Dublin/Eurodac) du 7 mars 2014 (FF 2014 2587, 2614) que l'art. 76a al. 2 LEI définit les critères relatifs au risque de passage à la clandestinité (cf. let. a à i). Il s'agit là d'indices concrets relevés au cas par cas justifiant de craindre que la personne concernée n'entende se soustraire à l'exécution du renvoi (non-observation des prescriptions des autorités, p. ex. violation de l'obligation de collaborer, dépôt de plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, etc.).

Ces critères s'apparentent aux motifs déjà existants de détention en phase préparatoire ou de détention en vue du renvoi définis aux art. 75 et 76 LEI (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 17 ad art. 76a p. 808).

11.         Selon les définitions données par l'art. 2 du Règlement, par « demande de protection internationale », il faut entendre une demande de protection internationale au sens de l'art. 2 point h) de la directive 2011/95/UE (art. 2 point b) du Règlement). Par « demandeur » il faut entendre le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n'a pas encore été statué définitivement (art. 2 point c) du Règlement). Par « bénéficiaire d'une protection internationale », il faut entendre un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a obtenu la protection internationale au sens de l'art. 2 point a) de la directive 2011/95/UE (art. 2 point f) du Règlement). Par « titre de séjour », il faut entendre toute autorisation délivrée par les autorités d'un État membre autorisant le séjour d'un ressortissant de pays tiers ou d'un apatride sur son territoire, y compris les documents matérialisant l'autorisation de se maintenir sur le territoire dans le cadre d'un régime de protection temporaire ou en attendant que prennent fin les circonstances qui font obstacle à l'exécution de mesures d'éloignement, à l'exception des visas et des autorisations de séjour délivrés pendant la période nécessaire pour déterminer l'État membre responsable en vertu du présent règlement ou pendant l'examen d'une demande de protection internationale ou d'une demande d'autorisation de séjour (art. 2 point l) du Règlement).

12.         Selon l'art. 18 ch. 1 du Règlement, l'État membre responsable envers du présent Règlement est tenu de :

a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre;

13.         b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre;

14.         c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l’apatride qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre;

15.         d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre.

16.         Selon l'art. 2 point h) du Règlement 2011/95/UE, par « demande de protection internationale », il faut entendre la demande de protection présentée à un État membre par ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d'application de la présente directive et pouvant faire l'objet d'une demande séparée.

17.         Selon l'art. 2 point a) du Règlement 2011/95/UE, par « protection internationale », il faut entendre le statut de réfugié le statut conféré par la protection subsidiaire définie aux points e) et f).

18.         Selon l'art. 2 point e) du Règlement 2011/95/UE le « statut de réfugié » correspond à la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié pour tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride.

19.         Selon l'art. 2 point f) du Règlement 2011/95/UE, par « personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cadre d'un apatride, dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'art. 15, l'art. 17 paragr. 1 et 2 n'étant pas applicables à cette personne, et cette personne ne pouvant pas, ou compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.

20.         Selon l'art. 15 du Règlement 2011/95/UE, les atteintes graves sont:

a) la peine de mort ou l’exécution; ou

b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou

c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

21.         L'art. 17 du Règlement 2011/95/UE exclut quant à lui de la possibilité de bénéficier de la protection subsidiaire des personnes au sujet desquels il existe des motifs sérieux de considérer, en substance, qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l'humanité, un crime grave, ou qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies, ou encore qu'elles représentent une menace pour la société ou la sécurité de l'État membre dans lequel elles se trouvent

22.         Il ressort de ces différentes dispositions que la prise en charge ou la reprise en charge par l'État membre responsable selon le Règlement ne peut concerner que les personnes qui ont introduit une demande de protection internationale (art. 18 ch. 1 point a) du Règlement), celles dont la demande est en cours d'examen (art. 18 ch. 1 point b) du Règlement), celle qui a retiré sa demande en cours d'examen (art. 18 ch. 1 point c) du Règlement) et enfin celle dont la demande a été rejetée (art. 18 ch. 1 point d) du Règlement).

23.         Quant à la rétention au sens de l'art. 28 du Règlement, elle ne peut être prononcée qu'en vue de garantir les procédures de transfert au sens de ce Règlement (art. 28 ch. 2 du Règlement). Par conséquent, si l'État sur le territoire duquel se trouve la personne concernée ne peut requérir d'un autre État membre la prise en charge ou la reprise en charge de cette personne, il n'est pas possible de prononcer la rétention de cette dernière.

24.         Il ressort également de ces dispositions que le bénéficiaire de la protection internationale est non seulement la personne qui obtient le statut de réfugié (art. 2 points a) et e) du Règlement 2011/95/UE, mais aussi celle qui obtient une protection subsidiaire, c'est-à-dire pour laquelle il y a des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de renvoi dans son pays d'origine, elle courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'art. 15 de ce Règlement (art. 2 points a) et f) du Règlement 2011/95/UE).

25.         Il convient donc de distinguer clairement, d'une part, les personnes pour lesquelles une procédure de protection internationale est en cours, c'est-à-dire au sujet desquelles l'État responsable n'a pas encore statué, celles qui ont retiré leur demande est celle dont la demande a été refusée et, d'autre part, les personnes auxquelles la protection internationale a été accordée, que ce soit sous la forme du statut de réfugié ou en les mettant au bénéfice de la protection subsidiaire.

26.         Quant à la « protezione speciale » accordée par l'Italie, il s'agit d'un permis de séjour accordé aux requérants d'asile qui ne peut pas obtenir la protection internationale mais pour lesquelles l'autorité compétente a retenu un risque de persécution ou de torture dans le cas où elle rentrerait dans son pays d'origine (https://www.piemonteimmigrazione.it/faq/vivere-in-italia/protezione-internazionale/item/1373-che-cos-e-il-permesso-per-protezione-speciale#:~:text=%C3%88%20un%20permesso%20di%20soggiorno,rientro%20nel%20paese%20di%20origine. ; consulté le 14 avril 2022).

27.         En l'espèce, M. A______ dispose d'un permis de séjour accordé par l'Italie au motif de la « protezione speciale ». Aucun élément au dossier n'indique que ce statut lui aurait été accordé pour d'autres raisons que celles de la protection subsidiaire prévue par l'art. 2 points a) et f) du Règlement 2011/95/UE. Par conséquent, M. A______ doit donc être considéré comme une personne au bénéfice de la protection internationale, selon la définition qu'en donne l'art. 2 point f) du Règlement (UE) n° 604/2013. Il échappe ainsi aux catégories de personnes pour lesquelles existe une obligation de prise ou de reprise en charge prévue par l'art. 18 du Règlement et, par conséquent, contre lesquelles peut être prononcée une rétention au sens de l'art. 28 du Règlement. L'argumentation extrêmement succincte développée par le SEM dans son courriel du 14 avril 2022, qui ne cite aucune disposition légale et ne procède à aucune analyse des règlements européens susmentionnés, ne permet pas de retenir une autre conclusion que celle-ci.

28.         Au vu de ce qui précède, force est de constater que M. A______ ne répond pas aux conditions de détention prévue par l'art. 76a LEI.

29.         Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument.

30.        Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera accordée à M. A______, à charge de l'État de Genève, soit pour lui le commissaire de police (art. 87 al. 2 LPA).

31.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             annule l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 7 avril 2022 à 15h10 à l’encontre de Monsieur A______ une durée de sept semaines ;

2.             ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur A______ ;

3.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

4.             octroie à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 800.- à la charge de l'État de Genève, soit pour lui le commissaire de police ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 14 avril 2022

 

La greffière