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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1141/2022

JTAPI/376/2022 du 13.04.2022 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : INTERDICTION DE QUITTER UNE RÉGION
Normes : LEI.74.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1141/2022 MC

JTAPI/376/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

Du 12 avril 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Arnaud MOUTINOT, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1969, est ressortissant du Maroc.

2.             Par décision du 30 septembre 2015, l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a prononcé la caducité de son autorisation d'établissement et a prononcé son renvoi de Suisse, décision devenue définitive et exécutoire et qui l'obligeait à quitter la Suisse au plus tard le 2 avril 2017.

3.             Par ailleurs, M. A______ fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, notifiée le 13 décembre 2020 et valable jusqu'au 27 août 2022.

4.             En raison de son refus de quitter la Suisse, il a fait l'objet d'une détention administrative prononcée par le commissaire de police le 14 décembre 2020 et confirmée successivement par le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), puis par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), par arrêt du 30 décembre 2020 (ATA/1______).

5.             Le 23 avril 2021, le commissaire de police a ordonné son assignation au territoire de la commune de B______, pour une durée de douze mois, au sens de l'art. 74 al. 1 let a et b LEI. A cet égard, il y a lieu de préciser qu'ensuite de la décision prononçant la caducité de son autorisation d'établissement, l'intéressé aurait dû quitter la Suisse au plus tard le 2 avril 2017.

6.             Le 4 novembre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a prononcé contre M. A______ une mesure d'expulsion du territoire suisse d'une durée de trois ans.

7.             Le 21 décembre 2021, M. A______ – alors placé en détention administrative – a refusé d'embarquer à bord de l'avion (vol DEPU) censé le ramener dans son pays d'origine. Alors qu'un nouveau vol (avec escorte policière cette fois) avait été confirmé pour le 8 janvier 2021, l'intéressé a refusé de se soumettre au test-PCR indispensable pour qu'il puisse monter à bord de l'avion destiné à assurer son rapatriement, ce qui a entraîné l'annulation du vol en question.

8.             M. A______ a ensuite été transféré à la prison de C______ en vue de l'exécution d'écrous.

9.             En raison de l'arrivée à échéance du passeport de l'intéressé, les autorités suisses ont été contraintes de procéder à l'identification de M. A______ auprès des autorités marocaines. Faute de laissez-passer et de liaisons aériennes pour cause d'état d'urgence décrété par le Maroc en raison de la crise sanitaire, M. A______ n'a pas pu être renvoyé dans ce pays à sa sortie de prison.

10.         Le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a indiqué à l'OCPM, par courrier électronique du 11 avril 2022, que toutes les correspondances maritimes entre le Maroc et les autres pays étaient suspendues depuis le 29 novembre 2021 et que la date de reprise des correspondances n'était à ce jour pas encore connue.

11.         Par requête motivée du 11 avril 2022, l'OCPM a sollicité la prolongation de l’assignation à la commune de B______ de M. A______ pour une durée de douze mois.

Outre que ce dernier s'obstinait à rester sur le territoire helvétique alors qu'il faisait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse ainsi que d'une mesure d'expulsion judiciaire, il y adoptait un comportement qui constituait un trouble et une menace pour l'ordre et la sécurité publics (ayant fait entre le 27 février 2015 et le 4 novembre 2021 l'objet de pas moins de six condamnations pour séjour illégal, faux témoignage, violation des règles de la circulation routière, conduite d'un véhicule malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis, violation des obligations en cas d'accident, opposition ou dérobade aux mesure visant à déterminer l'incapacité de conduire et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée. Il se justifiait dès lors, en application des art. 74 al. 1, let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), de prolonger l'assignation prononcée à son encontre pour une durée de douze mois, soit jusqu'au 21 avril 2023. Cette mesure constituait en effet l’unique moyen de mener à terme son rapatriement à destination de son pays d'origine et, dans l'intervalle, de protéger l'ordre et la sécurité publics

12.         M. A______ a été dûment convoqué pour l’audience de ce jour devant le tribunal, par le biais de son conseil. La convocation lui a au surplus été adressée, par courrier électronique à l'adresse du foyer des D______.

13.        Lors de l’audience de ce jour, M. A______ a indiqué être arrivé en Suisse en 2000 et avoir reçu un titre de séjour suite à son mariage, permis B renouvelé plusieurs fois jusqu'à ce qu'il se voie octroyer un permis d'établissement. Son centre de vie sociale à Genève se trouvait dans le quartier de E______ et de F______, ainsi que dans le centre-ville. S'il faisait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse, il avait néanmoins construit toute sa vie dans ce pays depuis 22 ans et il avait quasiment complètement coupé les liens avec le Maroc, où il n'était retourné que pour de très courts séjours annuels. Chaque mardi, il devait se rendre au poste de police de G______ pour attester de sa présence. Il ne possédait aucun véhicule à moteur et se déplaçait en transports publics ou à vélo.

La représentante de l'OCPM a indiqué que si la demande de prolongation de l'assignation indiquait que M. A______ demeurait inscrit sur un vol spécial par voie maritime, cela visait essentiellement les modalités de ce renvoi, car il était exact qu'aucune date n'était prévue pour le moment. Ces modalités découlaient en l'espèce de l'échec successif d'un vol DEPU et DEPA. Elle a rappelé que l'identification de M. A______ par les autorités marocaines avait eu lieu en juin 2021 et qu'au moment où le Maroc avait levé l'état d'urgence à cette même époque, la Suisse disposait d'une trentaine de places pour des renvois sous la contrainte. M. A______ n'était cependant pas éligible à un tel renvoi, compte tenu du fait qu'il faisait l'objet d'une procédure pénale en cours. La chambre pénale d'appel et de révision avait mis un terme à cette procédure par arrêt du 4 novembre 2021 et la suspension des communications par voie maritime avec le Maroc avait eu lieu à partir du 29 novembre 2021. Elle a précisé qu'il n'y avait pour l'heure pas de vols spéciaux acceptés par le Maroc en provenance de la Suisse. Elle a confirmé la demande de prolongation de l’assignation à la commune de B______ de Monsieur A______ déposée le 11 avril 2022 pour une durée de douze mois, soit jusqu’au 21 avril 2023. Elle a précisé encore que les liaisons aériennes avec le Maroc étaient actuellement ouvertes et que les vols accompagnés avaient lieu

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu principalement au rejet de la prolongation de l'assignation, subsidiairement à l'obligation de se présenter à un poste de police hebdomadairement, et plus subsidiairement à la réduction de la durée de son assignation à trois mois.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour prolonger, « à chaque fois de 6 mois au plus », l'interdiction de quitter un territoire assigné ou de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre d'un étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. b LaLEtr).

2.             S’il entend demander la prolongation de l’interdiction de quitter un territoire assigné ou de pénétrer dans une région déterminée, l'OCPM doit saisir le tribunal d’une requête écrite et motivée au plus tard 96 heures avant l’expiration des 6 mois d’interdiction (art. 8 al. 2 LaLEtr).

3.             Une telle requête a été déposée en l'occurrence et, statuant ce jour au terme de la procédure orale prévue par l'art. 9 al. 5 LaLEtr, le tribunal respecte le délai de 96 heures courant dès sa saisine que lui impose l'art. 9 al. 2 LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants, en particulier à éloigner les personnes qui sont en contact répété avec le milieu de la drogue des lieux où se pratique le commerce de stupéfiants (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.1 ; 2C_570/2016 du 30 juin 2016 consid. 5.1) ;

b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (cf. ATF 144 II 16 consid. 2.1) ;

c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).

5.             Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 let. a LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).

Les étrangers dépourvus d'une autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner de telles mesures n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. En particulier, des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 2.1 ; 2C_1142/2014 du 29 juin 2015 consid. 3.1 ; ATA/233/2018 du 13 mars 2018 consid. 4b ; ATA/1041/2017 du 30 juin 2017  ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, n. 18 ss ad art. 74 p. 734 s.).

Selon la doctrine, le motif à l’origine de la mesure doit néanmoins rester en lien avec le droit des étrangers et ne saurait poursuivre des objectifs exclusivement policiers, sécuritaires ou pénaux (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 15 ad art. 74 p. 732 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral retient cependant que la mesure peut avoir pour objectif principal d’empêcher l’étranger de commettre de nouvelles infractions (cf. ATF 142 II 1 consid. 4.4).

Pour faire l’objet d’une assignation sur la base de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'étranger doit troubler ou menacer la sécurité et l’ordre publics. Dans ce contexte, cette notion est interprétée de façon large ; elle vise à empêcher que la présence de l’étranger en Suisse puisse déboucher sur la commission d’infractions pénales ou tout autre comportement « rétif ou asocial », qui, tout en ne tombant pas nécessairement sous le coup du droit pénal, perturbe ou enfreint grossièrement les règles tacites de la cohabitation sociale. De simples vétilles ne sauraient toutefois suffire, au regard du principe de la proportionnalité, pour prononcer une telle mesure (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 16 ad art. 74 p. 733 et les arrêts cités).

6.             L'assignation d'un lieu de résidence ou l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée fondée sur l'art. 74 al. 1 let. b LEI vise notamment à permettre le contrôle du lieu de séjour de l'intéressé et à s'assurer de sa disponibilité éventuelle pour la préparation et l'exécution de son refoulement hors de Suisse par les autorités (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.1), mais aussi, en tant que mesure de contrainte poursuivant les mêmes buts que la détention administrative, se présentant toutefois en tant que mesure atténuée - et donc plus respectueuse du principe de la proportionnalité - par rapport à cette dernière, à inciter, comme moyen de pression, la personne à se conformer à son obligation de quitter la Suisse, de sorte à constituer, selon les cas, un succédané moins incisif à la mesure visée par l'art. 78 LEI. Elle permet ainsi de vérifier la présence de l'étranger dans le pays et, en même temps, de lui faire prendre conscience que cette présence est illégale et qu'il ne peut pas bénéficier inconditionnellement des libertés associées à un droit de présence (cf. ATF 144 II 16 consid. 4 ; 142 II 1 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_770/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.3 ; 2C_200/2020 du 25 mars 2020 consid. 5.1 ; 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.1 ; 2C_934/2017 du 23 mars 2018 consid. 5.1 ; 2C_431/2018 du 5 mars 2018 consid. 2.1 ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., ad art. 74 p. 739 ; cf. aussi ATA/484/2021 du 7 mai 2021 consid. 5b). Dès lors que la mesure prévue par l'art. 74 al. 1 let. b LEI vise les personnes dont le séjour sur l'ensemble du territoire suisse est déjà illicite, après l'expiration du délai de départ leur ayant été imparti, elle n'interdit donc rien de plus que ce qu'il leur est déjà interdit, prévoyant seulement une menace de sanction supplémentaire et plus élevée en cas d'entrée dans une zone particulière du pays (art. 119 al. 1 LEI ; cf. ATF 142 II 1 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.1).

L'art. 74 al. 1 let. b LEI ne présuppose pas l'existence d'un risque de fuite ou de disparition. Il n'est pas non plus nécessaire que la personne concernée constitue un trouble ou une menace particulier pour la sécurité et l'ordre publics. Pour qu'une telle assignation soit prononcée, il faut que l'étranger soit frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion, que cette décision soit entrée en force et que des éléments concrets fassent craindre que l'étranger ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il soit constaté qu'il n'a d'ores et déjà pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (cf. cf. ATF 144 II 16 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_934/2017 du 23 mars 2018 consid. 4 ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., ad art. 74 p. 736 s. ; cf. aussi ATA/484/2021 du 7 mai 2021 consid. 5b).

7.             Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; cf. aussi art. 96 LEI ; ATF 142 II 1 consid. 2.3 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1), qui exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qui interdit toute limitation des droits individuels allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 ; 142 I 49 consid. 9.1 ; 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 132 I 49 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3 ; 2C_206/2017 du 23 février 2018 consid. 8.3).

Sous l'angle de l'art. 74 LEI, le principe de la proportionnalité implique de prendre en compte, en particulier, la délimitation géographique de la mesure, ainsi que sa durée (cf. ATF 142 II 1 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3 ; 2C_796/2018 du 4 février 2019 consid. 4.2 ; 2C_494/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.3). Selon la jurisprudence, l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée, à l'instar de l'assignation à un lieu de résidence, ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée et le périmètre d'interdiction doit être fixé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3 ; 2C_494/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.3 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.2 ; 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.1 ; 2C_1142/2014 du 29 juin 2015 consid. 4.1 ; 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 et les références citées). Il convient de vérifier, dans chaque cas d'espèce, que l'objectif visé par l'autorité justifie véritablement l'interdiction de périmètre en cause, c'est-à-dire qu'il existe un rapport raisonnable entre cet objectif et les moyens mis en œuvre pour l'atteindre (ATF 142 II 1 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3 ; 2C_494/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.3). Tous les éléments peuvent être pertinents pour apprécier la proportionnalité de la mesure (cf. ATA/233/2018 du 13 mars 2018 consid. 7).

Le cas échéant, sur la base d'une requête motivée, l'autorité compétente doit accorder des exceptions, afin de permettre à l'intéressé d'accéder aux autorités, à son avocat, au médecin ou à ses proches, pour autant qu'il s'agisse de garantir des besoins essentiels qui ne peuvent être assurés, matériellement et d'un point de vue conforme aux droits fondamentaux, dans le périmètre assigné (ATF 142 II 1 consid. 2.3 ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_494/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.3 ; 2C_830/2015 du 1er avril 2016 consid. 5.2 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3). Le juge pourra au besoin ordonner à l’autorité administrative cantonale d’adapter le périmètre interdit ou assigné, afin de permettre à l’étranger d’accomplir des actes indispensables, notamment de bénéficier des soins médicaux requis auprès de son médecin traitant (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., ad art. 74 p. 745 et les arrêts cités).

Comme évoqué plus haut, de telles mesures ne peuvent pas être ordonnées pour une durée indéterminée. Le fait que l’art. 74 al. 1 LEI ne prévoit pas de durée maximale ou minimale laisse une certaine latitude sur ce point à l’autorité compétente, dite durée devant être fixée en tenant compte des circonstances de chaque cas d’espèce et en procédant à une balance entre les intérêts en jeu, publics et privés (cf. ATA/609/2018 du 14 juin 2018 consid. 4c ; ATA/468/2018 du 14 mai 2018 consid. 4c ; ATA/1041/2017 du 30 juin 2017 consid. 9 ; ATA/802/2015 du 7 août 2015 consid. 7). L'assignation à résidence constituant une atteinte légère à la liberté personnelle, des durées d'un, voire deux ans ont déjà été admises - ou a tout le moins pas critiquées - par la jurisprudence (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_200/2020 du 25 mars 2020 ; 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5 ; ATA/484/2021 du 7 mai 2021 consid. 5b ; ATA/976/2020 du 30 septembre 2020 consid. 6b). Dans une affaire genevoise, le Tribunal fédéral a aussi par exemple estimé que la prolongation d'une assignation à résidence de six mois ne paraissait pas disproportionnée, même en tenant compte du fait que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une telle mesure prise pour une durée d'un an (arrêt 2C_830/2015 du 1er avril 2016 consid. 5.3).

A condition d'être efficace, l'obligation de se présenter à intervalles réguliers pour des contrôles ou le prononcé d'un couvre-feu peuvent être préférés à une assignation en vertu du principe de proportionnalité, de même que du principe de subsidiarité consacré par la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen le 13 janvier 2009 (Directive sur le retour - RO 2010 5925) (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., ad art. 74 p. 744 s.).

8.             Si l'objectif poursuivi par la mesure n'est pas de garantir la sécurité et l'ordre publics (art. 74 al. 1 let. a LEI), mais de faire respecter une mesure d'éloignement (art. 74 al. 1 let. b LEI), cette dernière n'est adaptée que si le départ est effectivement possible, car elle ne peut atteindre son but que dans ce cas. Si le retour dans le pays d'origine est objectivement impossible, ce qui ne sera pas le cas si la personne concernée a la possibilité de s'y rendre sur une base volontaire, la mesure n'est pas apte à atteindre son objectif et est donc inadmissible (ATF 144 II 16 consid. 2.3 et 4.8 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.3 ; 2C_934/2017 du 23 mars 2018 consid. 5.3 ; 2C_431/2018 du 5 mars 2018 consid. 2.3 et 4.3.1 ; cf. aussi ATA/484/2021 du 7 mai 2021 consid. 5b).

9.             En l’espèce, il convient tout d'abord de préciser, ce que M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a d'ailleurs admis, que la présente cause ne constitue pas un réexamen de la décision de renvoi de Suisse dont il fait l'objet. Par conséquent, le fait qu'il soit présent en Suisse depuis 22 ans est un élément étranger à la question de son assignation au territoire de la commune de B______ et à la prolongation de cette mesure.

10.         Sous l'angle du principe de la légalité, cette mesure remplit en l'espèce les critères prévus par l'art. 74 al. 1 let. b LEI, tels que rappelés plus haut. En effet, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée le 30 septembre 2015, à laquelle s'ajoute une mesure d'expulsion du territoire suisse pour une durée de trois ans prononcée par la chambre pénale d'appel et de révision le 4 novembre 2021. En outre, il n'a pas quitté le territoire suisse dans le délai qui arrivait à échéance le 2 avril 2017. Par surabondance de motif, des éléments concrets permettent de retenir qu'il cherche à échapper à son renvoi, vu qu'il a déjà à deux reprises refusé d'embarquer à bord d'un avion devant le ramener au Maroc.

11.         Sous l'angle de l'art. 74 al. 1 let b LEI, peu importe qu'il soit susceptible ou non de commettre de nouvelles infractions pénales, de sorte que son argumentation sur ce point n'est pas pertinent.

12.         S'agissant du but de l'assignation, elle vise non seulement à permettre le contrôle du lieu de séjour de M. A______ et à s'assurer de sa disponibilité pour la préparation et l'exécution de son renvoi de Suisse par les autorités, conformément à la jurisprudence susmentionnée, mais également à exercer sur lui une certaine pression afin de l'amener à reconsidérer son refus de retourner au Maroc. A cet égard, il convient encore de relever que le retour de M. A______ au Maroc n'est pas absolument impossible, ni même retardé de manière indéterminée, puisque les liaisons aériennes à destination du Maroc sont actuellement ouvertes et qu'il ne tient donc qu'à M. A______ de décider de retourner dans son pays. Peu importe, par conséquent, qu'un renvoi par vol spécial (par voie aérienne ou maritime) soit pour l'heure inenvisageable.

13.         Cette mesure lui permet de se déplacer librement et de jouir de toutes les infrastructures disponibles sur le territoire de la commune de B______, où il a aussi la possibilité d'entretenir des relations sociales, de sorte que, sous l'angle du périmètre, elle ne contrevient pas au principe de proportionnalité (cf. ATA/484/2021 du 7 mai 2021 consid. 6 ; ATA/976/2020 du 30 septembre 2020 consid. 6a).

Au vu de ce qui précède, il n'apparaît pas qu'une autre mesure, moins incisive, tel que le seul contrôle hebdomadaire, ou même plus fréquent, à l'OCPM permettrait d'atteindre les buts visés par la mesure, notamment s'agissant de la pression que l'assignation territoriale vise à exercer sur M. A______ afin de l'amener à accepter son obligation de quitter la Suisse. En outre, cette assignation ne fixe aucune limite aux relations que M. A______ peut nouer à l'intérieur du périmètre qui lui a été assigné ou par d'autres moyens de communication.

Il en résulte que rien ne s'oppose à ce qu'elle soit prolongée.

14.         En application de l'art. 7 al. 4 let. b LaLEtr, dite prolongation sera néanmoins limitée à six mois, nonobstant l'argumentation de l'OCPM sur le fait que la jurisprudence confirme des interdictions territoriales de 12 mois. Le texte de la disposition légale cantonale susmentionnée est clair et il n'y a pas lieu de s'en écarter, même si l'obsolescence et la systématique parfois hasardeuse de la LaLEtr ne sauraient être niées. L'art. 7 al. 4 let. b LaLEtr ne s'attache d'ailleurs qu'à la prolongation de la mesure, non à son prononcé initial, pour lequel la loi ne prévoit pas une durée maximale (cf. art. 7 al. 1 let. a et 2 let. a LaLEtr), de sorte que la jurisprudence à laquelle le commissaire de police se réfère n'apparaît pas déterminante. Le cas échéant, une nouvelle prolongation (de six mois au plus) de la mesure pourra être requise en temps voulu. Cette appréciation, à laquelle le tribunal a déjà procédé (cf. JTAPI/1072/2021 du 21 octobre 2021 et JTAPI/590/2021 du 10 juin 2021), n'a dernièrement pas été critiquée par la chambre administrative (cf. ATA/1217/2021 du 12 novembre 2021 consid. 4)

15.         Vu la nature de la cause, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités de procédure administrative - RFPA - E 5 10.03 ; ATA/484/2021 du 7 mai 2021 consid. 7 ; ATA/976/2020 du 30 septembre 2020 consid. 8).

16.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l'OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.

17.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la requête tendant à la prolongation, pour une durée de douze mois, de la mesure d’assignation d’un lieu de résidence visant Monsieur A______ déposée le 11 avril 2022 par l’office cantonal de la population et des migrations  ;

2.             l’admet partiellement ;

3.             prolonge ladite mesure pour une durée de six mois, soit jusqu'au 21 octobre 2022 inclus ;

4.             dit que la procédure est franche d’émolument ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 


Genève, le

 


La greffière