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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4212/2021

JTAPI/369/2022 du 12.04.2022 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : CAPACITÉ DE CONDUIRE;ENQUÊTE MÉDICALE;DÉLIT DE CHAUFFARD;ÉLÈVE CONDUCTEUR
Normes : LCR.15d.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4212/2021 LCR

JTAPI/369/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 avril 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Renato CAJAS, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est détenteur d'un permis d'élève conducteur.

2.             Le 6 septembre 2021, il a été intercepté par la police routière alors qu'il circulait à une vitesse excessive sur l'avenue Vibert, à Carouge.

3.             Entendu par la police routière le 12 septembre 2021, après avoir relaté les faits, il a indiqué s'être laissé emporter par la vitesse et l'estimait à environ 100 km/h, au maximum. Il a été informé qu'une caméra de surveillance avait filmé les faits et, qu'après analyse des images, celles-ci avaient révélé une vitesse de pointe de 142 km/h. Il a déclaré ne pas s'être rendu compte qu'il roulait si vite, mais qu'il était pressé car il devait aller au restaurant pour fêter son anniversaire. Il se rendait maintenant compte de son comportement routier inacceptable et en était désolé. Il admettait qu'il n'était pas irréprochable, mais il n'avait pas la volonté de rouler si vite et de mettre en danger les autres usagers.

4.             Par décision du 2 décembre 2021, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) lui a ordonné de se soumettre à une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite au sens de l'art. 15d al. 1 let. c de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR – RS 741.01), en lui impartissant pour ce faire un délai de trois mois, à défaut de quoi son permis d'élève conducteur pour la catégorie A1 et tout permis obtenu lui serait retiré ou la délivrance de tout permis refusée pour une durée indéterminée à titre de sécurité, de même qu'en cas d'expertise défavorable. En cas d'expertise favorable, la procédure pouvait être suspendue jusqu'à droit jugé sur le plan pénal.

Il lui était reproché d'avoir dépassé la vitesse maximale autorisée en localité de 92 km/h, sur un tronçon limité à 50 km/h, le 6 septembre 2021 à 20h05, sur l'avenue Vibert, à Carouge, en direction du boulevard des Promenades, au guidon d'un motocycle. Le Groupe Audio-Visuel Accidents (ci-après: GAVA) de la police routière avait été mandaté afin d'analyser les images de l'infraction enregistrée par une caméra de vidéosurveillance et de calculer la vitesse moyenne du véhicule sur le tronçon choisi. Sur un tronçon de 355 mètres, comprenant une marge de sécurité de 10 mètres, la vitesse moyenne s'élevait à 142 km/h. Son permis n'avait pas été saisi par la police. Ayant pris bonne note de ses observations transmises le 1er novembre 2021, dans lesquelles il contestait la vitesse retenue, l'OCV précisait que la mesure avait été prise dans un but de sécurité routière et qu'une décision d'admonestation n'allait être prononcée qu'à réception d'un rapport d'expertise favorable et en cas de condamnation pénale.

5.             Par acte du 13 décembre 2021, sous la plume de son conseil, M. A______ (ci-après: le recourant) a formé recours contre la décision de l'OCV du 2 décembre 2021, concluant, à titre préliminaire, à la suspension de la procédure, et à titre principal, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité couvrant le frais du recours.

En substance, il contestait la manière dont avait été déterminé le dépassement de vitesse. Seul un excès de vitesse maximal de 100 km/h pouvait être retenu, compte tenu de ses déclarations auprès de la police routière du 12 septembre 2021, soit, tout au plus, une infraction grave à la circulation routière. En tout état, la vitesse à laquelle il circulait le jour de l'infraction ne pouvait être établie que dans le cadre de la procédure pénale pendante, raison pour laquelle le tribunal devait prononcer la suspension de la présente procédure jusqu'à droit jugé au pénal.

S'agissant de la soumission à une expertise, il n'avait commis qu'une infraction grave à la LCR et non un excès massif (délit de chauffard), lequel ne suffisait pas pour justifier la mise en œuvre d'une telle expertise, en particulier lorsqu'il s'agissait d'une première infraction. Ainsi, une telle expertise ne pouvait être mise en œuvre, sous peine de violer son droit d'être entendu.

6.             Par courrier du 4 janvier 2022, l'OCV a répondu au recours.

Il s'opposait à la requête de suspension. Malgré la procédure pénale pendante, il existait des indices suffisants pour éveiller des doutes quant à l'aptitude caractérielle à la conduite du recourant, élève conducteur. La mesure litigieuse visait à déterminer si son aptitude pouvait être confirmée, avant de suspendre l'instruction du dossier, jusqu'à droit jugé sur le plan pénal, comme cela ressortait du dispositif de la décision. Dans un but de sécurité routière, il était opportun de soumettre le recourant à une expertise psychologique avant de prononcer une décision d'une suspension. Aussi, suspendre la procédure reviendrait à vider la mesure de son sens.

7.             Par décision DITAI/1______ du ______ 2022, le tribunal de céans a rejeté la demande de suspension. Le recourant perdait de vue que la décision litigieuse n'était pas un retrait d'admonestation qui supposait, pour pouvoir déterminer la gravité de l'excès de vitesse commis, de fixer cette dernière dans une fourchette suffisamment précise. Si le recourant demeurait pour le moment libre de continuer à circuler, les faits sur lesquels se fondait la décision litigieuse impliquaient néanmoins, pour garantir la sécurité du trafic, de déterminer dans les meilleurs délais si le recourant disposait de l'aptitude caractérielle à la conduite. Les moyens par lesquels la police avait déterminé la vitesse à laquelle roulait le recourant n'avaient peut-être pas la précision voulue pour permettre en l'état de déterminer l'excès de vitesse lui-même, mais étaient néanmoins suffisants pour retenir qu'il avait très vraisemblablement circulé de manière totalement inconsidérée à l'intérieur d'une localité, faisant naître un doute raisonnable sur son aptitude caractérielle à la conduite.

8.             Par courrier du 24 janvier 2022, prenant acte de la décision DITAI/1______du ______ 2022, l'OCV a informé le tribunal de céans qu'il n'entendait pas déposer d'observations sur le fond du litige.

9.             Les parties ont ensuite été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

5.             Le recourant est d'avis que les faits du 6 septembre 2021 qui lui sont reprochés ne seraient pas suffisants pour douter de son aptitude à la conduite au point de l'obliger à se soumettre à une expertise au sens de l'art. 15d al. 1 let. c LCR.

6.             Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui a atteint l’âge minimal requis (let. a), a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

7.             Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fait l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1), notamment en cas d'infractions aux règles de la circulation dénotant un manque d'égards envers les autres usagers de la route (art. 15d al. 1 let. c LCR).

8.             Les faits objet des hypothèses de l’art. 15d al. 1 LCR fondent un soupçon préalable que l'aptitude à la conduite pourrait être réduite (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et la référence). Si des indices concrets soulèvent des doutes quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée, un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin et/ou un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un psychologue du trafic doivent être ordonnés (art. 28a al. 1 OAC ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1 ; 1C_76/2017 du 19 mai 2017 consid. 5 ; cf. aussi ATF 139 II 95 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1).

9.             De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu'elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, selon la jurisprudence constante, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en présence d'un dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.1 et 3.2 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_580/2017 du 1er octobre 2018 consid. 2.1).

10.         En l'espèce, il ressort du dossier et des déclarations du recourant dans son acte de recours, que s'il conteste la détermination exacte de l'excès de vitesse et, ce faisant, sa potentielle qualification de délit de chauffard, il reconnait néanmoins s'être laissé emporter par la vitesse et avoir circulé à environ 100 km/h dans une localité où la vitesse est limitée à 50 km/h, au motif qu'il était en retard pour aller fêter son anniversaire au restaurant. De surcroît, il admet lui-même dans son acte de recours qu' « il est hautement vraisemblable que l'excès de vitesse maximal qui puisse [lui] être reproché [ ] est de 49 km/h ». Dans le cadre de la présente procédure, il n'importe pas de connaître avec exactitude l'écart entre la vitesse constatée et la vitesse maximale autorisée. Il suffit que des indices concrets soulèvent des doutes quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée. Or, il sied de relever que le recourant admet, à tout le moins, avoir commis un excès de vitesse de 49 km/h, c'est-à-dire d'avoir roulé à une vitesse très largement supérieure à celle à partir de laquelle la jurisprudence retient la commission d'une infraction grave sur une route située en localité. Il ressort également du rapport de renseignement de la police routière du 11 septembre 2021, versé au dossier de l'OCV, que le recourant est uniquement détenteur d'un permis d'élève conducteur. Il ressort ensuite du procès-verbal d'audition de la police du 12 septembre 2021 qu'il admet avoir sciemment dépassé la vitesse maximale autorisée, en circulant jusqu'à environ 100 km/h, mettant ainsi gravement en danger les autres usagers de la route afin de ne pas être en retard au restaurant pour son anniversaire, soit en expliquant cette grave mise en danger par un motif tout à fait futile. À cet égard, il déclare ne pas s'être rendu compte de la vitesse. À la lumière de ces éléments, il est manifeste qu'il existe des indices concrets soulevant des doutes sérieux quant à l'inaptitude à la conduite du recourant, quand bien même il n'a pas d'antécédent, ce qui justifie dès lors sa soumission à une expertise d'évaluation de son aptitude à la conduite.

11.         Partant, le grief est à écarter.

12.         Mal fondé, le recours est rejeté.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 décembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 2 décembre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière