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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1094/2022

JTAPI/364/2022 du 08.04.2022 ( MC ) , CONFIRME

recours terminé sans jugement

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);RESPECT DE LA VIE PRIVÉE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LEI.75.al1.leth; LEI.76.al1.letb.chb.par1; CEDH.8; LEI.80.al6; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.79
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1094/2022 MC

JTAPI/364/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 avril 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Alain MISEREZ, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1986, originaire de Tunisie (N 1______), a déposé une demande d'asile en Suisse le 12 février 2014.

2.             Par décision du 18 juillet 2014, le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté cette demande, et, simultanément prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressé. Cette décision est entrée en force en date du 28 août 2014. La prise en charge de l'intéressé et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton de Genève. L'intéressé a disparu en date du 24 février 2016 avant l'exécution de son renvoi.

3.             Fin 2018, le casier judiciaire de M. A______ faisait état des condamnations suivantes :

-       En date du 2 juin 2015, l'intéressé a été condamné par le Ministère public de la République et canton de Genève pour des lésions corporelles simples au sens de l'art.123 al.1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et pour du séjour illégal au sens de l'art.115 al.1 let. b. de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

-       En date du 5 avril 2017, l'intéressé a été condamné par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois pour notamment vol et violation de domicile (cambriolage) conformément aux art. 139 al. 1 et 186 CP ainsi que pour activité lucrative sans autorisation conformément à l'art 115 al.1 let c LEI.

-       En date du 5 octobre 2018, l'intéressé a été condamné par le Ministère public cantonal STRADA à B______, pour entrave aux services d'intérêt général conformément à l'art 239 al. 1 CP.

4.             Le 19 juin 2021, la Tunisie a reconnu formellement M. A______. Ce dernier a disparu ce même jour.

5.             En date du 26 août 2021, le SEM a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que la Tunisie était disposée à délivrer un laissez-passer en faveur de M. A______. Le courrier avait notamment la teneur suivante : « [ ] Lorsque la personne sera à nouveau disponible, nous vous prions, dans le cadre d'un droit d'être entendu, d'informer l'intéressé du résultat de l'identification et vous invitons également à lui rappeler les avantages d'un retour volontaire avec une aide au retour (si les conditions pour cela sont réunies). Le cas échéant, un vol auprès de swissREPAT devra être réservé en tenant compte d'un délai de trois semaines afin d'obtenir un laissez-passer. [ ] ».

6.             Les autorités genevoises ont requis que M. A______ soit inscrit au RIPOL, en application de l'art. 47 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), afin qu'il soit interpellé, puis renvoyé de Suisse.

7.             En date du 2 décembre 2021, lors d'un contrôle au sein d'un salon de coiffure à Genève, les policiers ont été accueillis par M. A______ qui leur a expliqué qu'il travaillait dans cet établissement depuis une semaine. Emmené au poste de police pour la suite de la procédure, il a déclaré être arrivé en Suisse en 2009, n'être jamais reparti, vivre grâce à quelques affaires qu'il revendait au marché aux puces et qu'il comptait obtenir un emploi auprès du salon de coiffure après sa période d'essai. Toute sa famille se trouvait en Tunisie. Il vivait à Genève chez des amis, dont il ne se souvenait pas des noms et adresses.

8.             Par ordonnance pénale du 3 décembre 2021, le Ministère public a reconnu M. A______ coupable d'infractions à l'art. 115 al.1 let. b et let c LEI.

9.             Le même jour, le commissaire de police a ordonné la mise en détention de l'intéressé pour une durée de trois mois. A cette occasion, ce dernier a déclaré être d'accord de se soumettre à un test COVID19 et de retourner en Tunisie.

10.         Les démarches visant la réservation d'une place sur un vol de ligne devant assurer le rapatriement de M. A______ ont été entamées immédiatement et le 6 décembre 2021, la confirmation de la réservation en sa faveur d'une place sur un vol de ligne prévu le 17 décembre 2021 en direction de C______ au départ de Genève a été reçue par les autorités.

11.         Lors de l'audience du 6 décembre 2021 par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), M. A______ a déclaré, contrairement aux propos tenus précédemment devant le commissaire de police, ne pas vouloir repartir en Tunisie ni se soumettre à un test COVID19. Il se trouvait en Suisse depuis 2009, sans être en mesure de le prouver, et avait une petite amie de longue date sur le territoire genevois avec laquelle il souhaitait se marier. Le conseil de M. A______ a conclu à la libération immédiate de son client et subsidiairement, à ce qu'il ait l'opportunité de préparer un dossier en vue d'une autorisation de séjour en vue de mariage.

12.         Par jugement du même jour, le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention pris par le commissaire de police en date du 3 décembre 2021 à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 2 mars 2022.

13.         Le 7 décembre 2021, le SEM a informé la Brigade Migration et Retour (ci-après : BMR) que le délai était trop court pour obtenir un laissez-passer en vue du vol du 17 décembre 2021. Ce même jour, la BMR a effectué une demande de changement de date de vol.

14.         Le 9 décembre 2021, la confirmation de la réservation en faveur de M. A______ d'une place sur un vol de ligne prévu le 27 décembre 2021 en direction de C______ au départ de Genève a été reçue par les autorités. La nouvelle commande de vol mentionnait que l'intéressé n'était plus volontaire au retour.

15.         Le 16 décembre 2021, le SEM a informé les autorités genevoises que l'Ambassade de Tunisie à Berne avait refusé la délivrance du laissez-passer au motif que l'intéressé n'était plus volontaire au retour.

16.         L'intéressé a confirmé son refus de collaborer à son départ le 17 décembre 2021, lors de son audition par l'OCPM.

17.         Le 21 décembre 2021, la BMR a fait une demande d'annulation du vol DEPU prévu le 27 décembre 2021.

18.         Ce même jour, des discussions ont été entamées entre des cadres de l'OCPM et du SEM sur la problématique de la délivrance de laissez-passer par les autorités tunisiennes à certains de leurs ressortissants.

19.         Le 5 janvier 2022, le SAPEM a informé la prison de D______ que M. A______ était tenu de purger dans cet établissement cent-dix-neuf jours d'écrous. Il a par ailleurs demandé le transfert de l'intéressé de E______ à D______ pour le 7 janvier 2022.

20.         Le 24 janvier 2022, le SEM a relancé la demande de délivrance de laissez-passer auprès des autorités tunisiennes pour leurs ressortissants non volontaires au retour qui séjournent en Suisse illégalement. Le cas de M. A______ était expressément mentionné.

21.         Le 2 février 2022, le SEM a requis des autorités genevoises qu'elles effectuent une annonce de vol pour M. A______ afin qu'il puisse, une fois la date de vol connue, procéder à une nouvelle demande de délivrance de laissez-passer auprès des autorités tunisiennes.

22.         Le 28 mars 2022, l'OCPM ainsi que la BMR ont été informés de la libération conditionnelle de M. A______ devant intervenir le 6 avril 2022.

23.         Le même jour, une place en faveur de M. A______ a été réservée sur le vol prévu le 18 avril 2022 au départ de Genève en direction de C______.

24.         Le 29 mars 2022, l'OCPM s'est assuré auprès du SEM qu'un laissez-passer serait délivré à M. A______ par les autorités tunisiennes, ce à quoi il lui a été répondu que la semaine précédente une rencontre avait eu lieu entre le SEM et les représentants des autorités tunisiennes et que la délivrance d'un laissez-passer dans le cas de M. A______ ne devrait pas poser de problème.

25.         Le même jour, le SEM a envoyé un courrier à l'Ambassade de Tunisie en vue de la délivrance d'un laissez-passer en faveur de l'intéressé.

26.         Le 6 avril 2022 à 14h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 (renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h LEI), 3 et 4 LEI.

Au commissaire de police, l'intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Tunisie et qu'il n'était pas d'accord de se soumettre à un test Covid-19.

27.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.

28.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a confirmé son refus de retourner en Tunisie et de se prêter à un test COVID.

Son conseil a versé à la procédure la demande en vue de mariage déposée le 7 avril 2022 par Madame F______, née le ______ 1964 et domiciliée 1______, G______, à l'office d'état civil de H______, laquelle a été entendue à titre de renseignements. Elle a notamment déclaré connaitre M. A______ depuis 2018. Ils étaient ensemble depuis quatre ans. Elle était allée voir sa famille en Tunisie à cinq reprises. Elle ne souhaitait pas qu'il soit renvoyé dans ce pays, raison pour laquelle elle avait déposé la présente demande en mariage. Elle communiquait avec M. A______ en français et en arabe. Après que la Présidente lui ait indiqué que M. A______ avait déclaré qu'il avait une petite amie de longue date sur le territoire genevois, elle a répondu ne pas être au courant, que ce n'était pas vrai et que c'était elle sa petite amie. Depuis 2018, M. A______ vivait soit chez elle à H______ soit à Genève chez des amis où elle le retrouvait. Elle ne connaissait pas l'adresse de l'endroit où ils se retrouvaient depuis quatre ans à Genève. Il y avait plusieurs adresses en réalité. En 2019, lorsqu'elle avait eu son opération, M. A______ était resté tout le temps auprès d'elle, à H______. Elle n'avait fait la demande en mariage qu'hier car M. A______ lui avait demandé d'attendre sa sortie de prison afin qu'ils aillent ensemble à la Mairie. Sur question du conseil de M. A______, elle l'avait régulièrement visité lorsqu'il était à E______ et à D______. Elle lui avait également régulièrement téléphoné. Ils s'aimaient et elle ne souhaitait pas qu'il soit renvoyé en Tunisie.

S'agissant de sa déclaration au tribunal lors de l'audience du 6 décembre 2021, à savoir "qu'il avait une petite amie de longue date sur le territoire genevois avec laquelle il souhaitait se marier", M. A______ a indiqué qu'il se référait à Mme F______. Il avait dit qu'elle se trouvait sur le territoire genevois car Mme F______ était venue plusieurs fois l'y visiter.

La représentante du commissaire de police a confirmé le vol du 18 avril 2022. Il s'agissait d'un vol non accompagné. Comme ils ignoraient jusqu'alors l'existence de la demande en mariage déposée par Mme F______, elle ne pouvait dire, à ce stade, si elle aurait un impact sur la délivrance d'un laissez-passer en faveur de M. A______. Ils avaient bon espoir qu'un tel laissez-passer serait délivré dès lors que les refus opposés jusqu'alors par les autorités tunisiennes concernaient des ressortissants ayant des liens de filiation avec des enfants autorisés à séjourner en Suisse. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour la durée requise, rappelant que la procédure en vue de mariage était indépendante de la présente procédure et que l'intéressé pouvait attendre l'issue de la première en Tunisie.

Le conseil de M. A______ a conclu à la libération immédiate de son client. Subsidiairement, il a conclu à son assignation au domicile de Mme F______, le temps qu'il soit statué sur la demande de mariage déposée par cette dernière. En l'espèce, le renvoi n'était pas exécutable, en application notamment des art. 80 LEI et 8 CEDH, la durée de détention administrative de trois mois requise illicite et le renvoi disproportionné.

La représentante du commissaire de police a encore précisé que le commissaire de police genevois n'avait pas compétence pour décider d'une assignation sur le territoire d'un autre canton.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 LEI ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 6 avril 2022 à 9h00.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de 3 ans (art. 10 al. 2 CP ; cf. ATA/295/2011 du 12 mai 2011, consid. 4).

6.            Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c’est-à-dire la réalisation de l’un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du refoulement, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d’une certaine marge d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

7.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prise le 18 juillet 2014, qu'il n'a à ce jour, à teneur du dossier, pas exécutée. Il a par ailleurs fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, notamment pour vol infraction constitutive de crime. Force est en outre de constater que le comportement qu'il a adopté depuis qu'il est arrivé en Suisse pour la première fois dénote une insensibilité aux décisions prononcées à son encontre. Dans ces conditions, on peut admettre l'existence d'un risque réel et concret que s'il devait être libéré à présent, il n'obtempérerait pas aux instructions de l'autorité, lorsque celle-ci lui ordonnera de se présenter à elle en vue de son renvoi en Tunisie, et qu'il pourra être amené à disparaître dans la clandestinité, comme il l'a déjà fait, situation visée par le motif de détention prévu par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

Les conditions d'une détention administrative sont ainsi réalisées et celle-ci s'avère fondée dans son principe.

8.            Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

9.            Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

10.        Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

11.        Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

12.        Selon l'art. 79 LEI, la détention administrative ne peut excéder six mois au total, cette durée maximale pouvant néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

13.        En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Pour établir la durée de la détention, il faut partir du moment de la détention effective de l’intéressé pour des motifs tirés du droit des étrangers. Pour le surplus, le mois et l’année sont comptés de quantième à quantième (allemand : « nach der Kalenderzeit »), par analogie avec l’art. 110 ch. 6 CP (Gregor CHATTON et Laurent MERZ, op. cit. p. 849).

14.        La détention doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, elle ne peut, en effet, plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; de plus, elle est contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; 122 II 148 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 7.1 ; 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). L'exécution du refoulement n'est en outre pas possible lorsque celui-ci se heurte à des obstacles objectifs et durables d'ordre technique (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.5 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 8c ; ATA/738/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10 ; ATA/705/2013 du 25 octobre 2013 consid. 8 ; ATA/88/2013 du 18 février 2013 consid. 10).

15.        Enfin, de jurisprudence constante, en matière de mesures de contrainte, la procédure liée à la détention administrative ne permet pas, sauf cas exceptionnels, de remettre en cause le caractère licite de la décision de renvoi ou d'expulsion (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_932/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.2 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2). Les objections y relatives doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si cette décision apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, étant donné que l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_383/2017 du 26 avril 2017 consid. 3 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7 ; 2C_206/2014 du 4 mars 2014 consid. 3).

16.        En l'occurrence, M. A______ s'opposant à son renvoi et ayant déjà disparu à deux reprises dans la clandestinité, il apparaît évident que sa mise en détention administrative est le seul moyen de s'assurer de sa présence au moment où il pourra prendre place à bord d'un vol pour la Tunisie. Par ailleurs, l'exécution de son renvoi répond à un intérêt public qui l'emporte sur son intérêt privé, son comportement en Suisse n'ayant de loin pas été exemplaire. Enfin, les autorités suisses ont agi avec diligence en vue de son renvoi.

Il convient au surplus de rappeler que le refus de se prêter à un test PCR-COVID-19 permet de considérer que la personne concernée ne se prête pas à la collaboration que l'on peut attendre de sa part en vue de l'exécution de son renvoi et qu'elle met ainsi en échec cette mesure, attitude qui peut justifier une mise en détention administrative ou le maintien de cette détention, sous réserve d'autres circonstances impliquant le principe de proportionnalité (arrêts 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.3; 2C-35/2021 du 10 février 2021 consid. 3.5.1). Par conséquent, contrairement à ce que semble penser M. A______, le fait qu'il refuse de se prêter à un test de dépistage du COVID ne signifie pas que son renvoi est impossible et qu'il s'imposerait donc de lever sa détention. Il en va de même du fait qu'il ne souhaite pas rentrer volontairement en Tunisie, l'opposition à un départ de Suisse étant précisément ce qui peut conduire à une détention administrative, et non pas ce qui la délégitime.

S'agissant enfin de son projet de mariage avec une ressortissante Suisse, comme déjà retenu par le tribunal de céans, il est exorbitant à la présente procédure. En l'état, seul compte le fait que M. A______ ne dispose d'aucun titre de séjour et qu'il fait l'objet d'un renvoi de Suisse en force et exécutoire. L'art. 8 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui vivent avant tout les relations qui existent entre époux ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 127 II 60 consid. 1d/aa ; 120 Ib 257 consid. 1d ; ATA/519/2017 du 9 mai 2017), ne lui est au demeurant d'aucun secours, étant rappelé que M. A______ et Mme F______ ne sont pas mariés, qu'ils ne vivent pas même en ménage commun et que, de jurisprudence constante, si la vie familiale a été créée à un moment où les personnes impliquées étaient conscientes que le statut de l'un d'eux vis-à-vis des services de l'immigration était tel que la pérennité de la vie familiale dans l'État hôte serait dès le départ précaire, le renvoi du membre étranger de la famille ne sera qu'exceptionnellement incompatible avec l'art. 8 CEDH (ACEDH Antwi et autres c. Norvège du 14 février 2012, req. n° 26940/10, § 89 ; ATF 116 Ib 353 consid. 3e-f ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_858/2008 du 24 avril 2009 consid. 5.3). Au vu de ce qui précède, l'impossibilité du renvoi de M. A______ n'apparaît pas patente et ne peut être prise en compte par le tribunal, en sa qualité de juge de la détention.

En dernier lieu, dans la mesure où, à nouveau, M. A______ s'oppose à son renvoi, ce qui laisse présager des démarches plus longues et compliquées en vue d'exécuter ce dernier, la durée de sa détention apparait proportionnée et adéquate. La durée de la détention de six mois, au sens de l'art. 79 al. 1 LEI, n'est pour le surplus de loin pas atteinte, dans la mesure où la détention administrative de l'intéressé n'a été que d'un peu plus d'un mois avant sa détention pénale (soit du 3 décembre 2021 au 7 janvier 2022). Elle ne le sera pas non plus à l'issue de la détention administrative prononcée le 6 avril 2022, pour une durée de trois mois.

17.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

18.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 6 avril 2022 à 14h50 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 6 juillet 2022 ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière