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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3990/2021

JTAPI/327/2022 du 04.04.2022 ( LCR ) , REJETE

REJETE par ATA/656/2022

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;COURSE DE CONTRÔLE;PERSONNE ÂGÉE
Normes : LCR.16d.al1.leta; OAC.29
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3990/2021 LCR

JTAPI/327/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 4 avril 2022

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.      Madame A______, née le ______ 1935, est titulaire du permis de conduire catégorie B délivré le 27 juillet 1964.

2.      Le 17 février 2020, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV ou office) a rendu à l'encontre de Mme A______, une décision de retrait du permis de conduire des véhicules de toutes catégories et sous-catégories, sur la base des art. 16d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR- RS 741.01) et 27 al.1 let.b de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC – RS 741.51), au motif qu'elle ne s'était pas soumise à un examen médical.

La mesure ne pouvait être levée que sur présentation d'un certificat médical favorable émanant d'un médecin-conseil.

3.      Le 2 mars 2020, la doctoresse B______, médecin-conseil, a déclaré Mme A______ apte à la conduite pour les véhicules automobiles de la catégorie B.

Ce même jour, elle a dirigé Mme A______ chez un ophtalmologue pour un contrôle supplémentaire.

4.      Le 10 mars 2021, le docteur C______, ophtalmologue, a déclaré Mme A______ apte à la conduite.

5.      La Dre B______ a à nouveau déclaré Mme A______ apte à la conduite des véhicules à moteur par certificat médical du 10 mars 2021.

6.      Le 18 mai 2021, l'OCV a rendu une décision de levée de la mesure du retrait de permis du 17 février 2020, après la présentation du certificat médical du 10 mars 2021.

Toutefois, il a considéré que Mme A______ devait se soumettre à une course de contrôle, compte tenu de la longue période durant laquelle elle n'avait pas conduit.

Dans ce but, seul un permis d'élève conducteur lui serait délivré, sur requête et à ses frais.

Cette décision n'avait pas fait l'objet d'un recours, elle est entrée en force.

7.      Le 8 juin 2021, Mme A______ a déposé une demande de permis d'élève conducteur. Un permis d’élève conducteur lui a été délivré le 8 juin 2021 et un second le 13 août 2021.

8.      Le 14 octobre 2021, elle a effectué la course de contrôle pour la catégorie B.

9.      Il ressort du procès-verbal d’examen qu'elle a échoué à cette course de contrôle « x sans succès », les éléments suivants ayant été jugés insuffisants :

-          accélération, décélération, réaction, sens de la dynamique, point de friction, embrayage, débrayage;

-          anticipation;

-          freinage (anticipation, intensité dégressive, tardif);

-          virage, changement de direction (adaptation de la vitesse trajectoire, tenue du volant);

-          vitesse d'approche, estimation des distances;¨

-          adaptation aux conditions (chaussée, visibilité, trafic);

-          choix et maintien de la trajectoire dans le trafic;

-          préparation du freinage;

-          roule trop près;

-          ralentissements, arrêts injustifiés;

-          utilisation de la chaussée, position;

-          changement de voie;

-          excès de vitesse, >10 km/h,

-          intersections (observation, vitesse approche, gêne, arrêt injustifié);

-          signaux lumineux rouge (observation, interprétation);

-          refus de priorité, droite;

-          intervention de sécurité de l'expert sur le volant, orale.

Le procès-verbal mentionnait en outre que l'expert avait dû intervenir sur le volant en raison d'un changement de voie, qu'un motocycle avait été touché à l'arrêt devant un feu rouge et que la signalisation lumineuse à la phase rouge n'avait pas été respectée à deux reprises.

10.  Le 26 octobre 2021, l'OCV a rendu une décision de retrait du permis de conduire de Mme A______, retenant que cette dernière avait échoué à la course de contrôle, laquelle ne pouvait pas être répétée.

11.  Dans un courrier du 2 novembre 2021 à Mme A______, l'OCV a relaté leurs entretiens téléphoniques des 29 octobre et 1er novembre 2021, et a transmis, en annexe, une copie du procès-verbal de la course de contrôle du 14 octobre 2021, ainsi qu'une copie de la décision du 17 février 2020.

L'OCV a expliqué la portée de la course de contrôle, qui était de vérifier l'aptitude du conducteur, en cas de doutes, sur ses qualifications nécessaires à la conduite, dans l'intérêt de la sécurité routière.

S'agissant de l'accompagnement de tiers à ladite course de contrôle, elle n'était nécessaire que si les résultats d'examen étaient non-concluants et conduisaient à la présence parfois, du médecin. Pour ce motif, la présence de tiers avait été exclue en l'espèce.

12.  Le 6 novembre 2021, Mme A______ a déposé son permis de conduire à l'OCV.

13.  Par acte du 22 novembre 2021, Mme A______ (ci-après : la recourante), a recouru contre la décision du 26 octobre 2021 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à la reconsidération de l'obligation de se soumettre à la course de contrôle, en raison du résultat favorable du certificat médical en date du 2 mars 2020.

Ledit certificat étant suffisant, et le second contrôle médical n'aurait pas été nécessaire à l'obtention du certificat attestant de son aptitude à conduire. Elle avait voulu réaliser ce second contrôle dans les plus brefs délais, mais en raison de la pandémie et du confinement général lors de la seconde moitié de mars 2020, elle n'avait pas pu prendre de rendez-vous avant le 10 mars 2021.

Par lettre recommandée du 24 avril 2021, elle avait écrit à l'OCV pour expliquer sa situation au cours de l'année 2020, car elle avait l'impression que l'avis favorable du 2 mars 2020 ne lui avait pas été transmis dans les temps.

Elle n'avait en autre pas pu déduire de la décision du 18 mai 2021, que la course de contrôle serait obligatoire et amènerait à un retrait du permis de conduire.

Par ailleurs, le comportement du contrôleur lors de la course de contrôle avait été humiliant et dégradant. Il n'avait pas été impartial et lui avait fait comprendre qu'elle était une personne âgée qui n'avait plus sa place sur la route. De plus, il avait tenu des propos choquants à l'égard de son mari.

Enfin, son permis de conduire était vital pour lui permettre de faire ses trajets quotidiens entre son domicile et celui de son mari, afin de faire ses achats de premières nécessités, ainsi que pour s'occuper de ses petits-enfants.

14.  Le 21 janvier 2022, l'OCV a répondu au recours, concluant à son rejet et persistant dans les termes de sa décision du 26 octobre 2021. Il a produit son dossier.

La longue période durant laquelle la recourante n'avait pas conduit, soit depuis le retrait de permis du 17 février 2020 jusqu'à sa levée, qui était intervenue le 18 mai 2021, imposait une course de contrôle, afin de vérifier que ses qualifications nécessaires à la conduite demeuraient intactes.

La recourante aurait pu se rendre compte qu'un échec à la course de contrôle, conduirait à un retrait du permis de conduire, même si la décision du 18 mai 2021 ne l'indiquait pas expressément. En effet, le 8 juin 2021 la recourante a déposé sa demande de permis d'élève conducteur et le personnel du guichet l'a informée des conséquences d'un échec de la course de conduite. De plus, sur le permis d'élève conducteur du 8 juin 2021, il était spécifié que la course de contrôle ne pouvait être répétée.

Ladite course avait été subie sans succès et de nombreuses fautes de circulation ressortaient du procès-verbal.

Il aurait appartenu à la recourante de former recours contre la décision de levée de la mesure du 18 mai 2021, pour que le certificat médical du 2 mars 2020 fut retenu par l'autorité comme attestant de son aptitude à la conduite ; la décision était cependant définitive à ce jour et ne pouvait être attaquée dans le présent recours.

15.  Dans sa réplique du 15 février 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle estimait que sa volonté avait été viciée, en raison du manque d'information de la part de l'OCV.

L'office n'avait jamais répondu à sa lettre recommandée du 24 avril 2021, et n'en avait pas fait mention dans ses écritures. Dans ce courrier, elle avait spécifié la réussite de sa visite médicale du 2 mars 2020 et ses difficultés liées à la crise sanitaire.

La décision du 18 mai 2021 ne comportait pas la mention qu'en cas d'échec, la course de contrôle ne pouvait être répétée et pouvait conduire au retrait définitif du permis de conduire. Le permis d'élève conducteur délivré le 8 juin 2021, ne faisait pas mention que la course de contrôle ne pouvait pas être répétée en cas d'échec. Ce n'était que sur le permis d'élève conducteur du 13 août 2021, que cette mention apparaissait.

Le terme « course de contrôle » était trompeur, puisqu’il s’agissait d’un examen. À la lecture de la décision du 18 mai 2021, elle ne pouvait pas à être soumise à un nouvel examen de conduite.

Elle estimait que l'OCV mettait par ailleurs à tort à sa charge dans le calcul de la longue période durant laquelle elle n'avait pas conduit, son délai de réponse supérieur à deux mois, soit du 10 mars 2021 au 18 mai 2021. Le médecin-conseil aurait dû respecter des délais pour le retour des certificats auprès de l'office, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce.

16.  Dans sa duplique du 22 février 2022, l'OCV a persisté dans ses conclusions.

17.  Le contenu des pièces sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.      Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.      Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.      Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.      À titre liminaire, le tribunal relève que le recours porte sur la décision rendue par l’OCV le 26 octobre 2021, retirant le permis de conduire de la recourante suite à l’échec de la course de contrôle.

En effet, la recourante n’a pas recouru contre la décision de l’OCV du 18 mai 2021 lui imposant une course de contrôle. S’il est exact que ni cette décision, ni le permis d’élève conducteur délivré le 8 juin 2021 n’indiquaient que la course de contrôle ne pouvait être répétée, cette mention apparaissait sur le permis délivré le 13 août 2021 et la recourante s’est tout de même présentée à la course de contrôle sans remarque particulière.

Dès lors, le tribunal n’entrera pas en matière sur les griefs portant sur la décision du 18 mai 2021.

5.      Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite.

6.      L'art. 16 al. 1 1ère phr. LCR dit que le permis de conduire est retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de sa délivrance ne sont pas ou plus remplies.

7.      Selon l'art. 16d al. 1 let. a LCR, le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire en sûreté avec un véhicule automobile.

Une telle mesure constitue un retrait de sécurité (ATF 139 II 95 consid. 3.1.4 ; ATF 122 II 359 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2), en ce sens qu'elle ne tend pas à réprimer une infraction fautive à une règle de circulation routière, mais est destinée à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs incapables ( arrêt du Tribunal fédéral 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid.3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2).

La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d’inaptitude à la conduite constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de l’intéressé ; elle doit reposée sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 133 II 284 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_242/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.2 ; 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 4 ; 1C_557/2014 du 9 décembre 2014 consid. 3 ; 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1). L’autorité compétente doit, avant d’ordonner un tel retrait, éclaircir d’office la situation de la personne concernée. L’étendue des examens officiels nécessaires est fonction des particularités du cas d’espèce et relève du pouvoir d’appréciation des autorités cantonales compétentes (ATF 129 II 82 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_331/2016 du 29 août consid. 4).

Le permis de conduire est toujours retiré pour une durée indéterminée lorsqu'il s'agit d'un retrait de sécurité (art. 16d al. 1 et 17 al. 3 LCR).

Lorsque le retrait du permis de conduire est prononcé pour une durée indéterminée, l'autorité compétente informe l'intéressé, en lui notifiant sa décision, des conditions qui lui permettront d'obtenir de nouveau un permis de conduire (art. 31 OAC ; Bussy/ Rusconi/Jeanneret/Kuhn/Mizel/Müller, Code de la circulation routière commenté, n.4 ad art. 17 al. 3 LCR).

8.      L'art. 29 al. 1 OAC dispose qu'en cas de doutes sur les qualifications nécessaires à la conduite, l'autorité cantonale peut ordonner une course de contrôle avec un expert de la circulation pour déterminer les mesures à prendre.

Selon l'art. 29 al. 2 let. a OAC, si la personne concernée ne réussit pas la course de contrôle, le permis de conduire lui sera retiré ou l'usage du permis de conduire étranger lui sera interdit, la personne concernée peut alors demander un permis d'élève conducteur.

La course de contrôle ne peut pas être répétée (art. 29 al. 3 OAC).

9.      En l’espèce, il ressort clairement du procès-verbal d'examen que de nombreuses fautes de circulation ont été constatées, ce que la recourante ne conteste pas. La signalisation lumineuse à la phase rouge n’a notamment pas été respectée à deux reprises, un véhicule s’est vu couper la route, un changement de voie a nécessité l’intervention de l’expert sur le volant et un motocycle a été touché à l’arrêt, devant un feu rouge. Il s’agit de graves manquements.

En raison de ces nombreuses fautes, l’OCV n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que la recourante avait échoué à la course de contrôle et a, à juste titre, retiré son permis de conduire.

Le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

10.  En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2021 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 26 octobre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière