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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/901/2018

JTAPI/531/2021 du 26.05.2021 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : AÉRATION;PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE;PROCÉDURE ORDINAIRE;BRUIT;AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PUBLICATION DES PLANS
Normes : Cst.29.al2; LCI.3.al7; LCI.3.al1; RCI.9.al2; RCI.10B.al2; LCI.47; LCI.48
Parties : SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE SERVETTE-ONYX SA / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE-OAC, BOMMER Igor, COMTE Nicolas, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/901/2018 LCI

JTAPI/531/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 mai 2021

 

dans la cause

 

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE SERVETTE-ONYX SA, représentée par Me Pierre BANNA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur Igor BOMMER et Monsieur Nicolas COMTE, représentés par Me Timo SULC, avocat, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE


EN FAIT

1.             La société immobilièreServette-Onyx SA (ci-après : la SI), ayant son siège 6, avenue de Frontenex, est propriétaire des immeubles situés 9 bis et 11, rue de la Cité, sur la parcelle n° 5'798, feuille 28 de la commune Genève-Cité.

2.             Messieurs Igor BOMMER et Nicolas COMTE sont propriétaires de la parcelle n° 6'706, feuille 28 de la même commune, à l'adresse 22, rue Bémont, jouxtant, à l'est, la parcelle susmentionnée. Un immeuble d'habitation y est érigé. Un restaurant occupe le rez-de-chaussée.

Un conduit d'évacuation d'air vicié a été installé sans autorisation le long de la façade nord de ce bâtiment pour les besoins de la cuisine de l'établissement.

3.             À la suite d'une plainte du propriétaire de l'immeuble voisin, lequel invoquait des nuisances provoquées par cette gaine, M. BOMMER a déposé le 28 novembre 2017 une demande d'autorisation de construire auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : DT ou le département), enregistrée sous référence APA 49'121 (ci-après : l'APA).

Selon les plans déposés, le conduit existant serait prolongé jusqu'à une hauteur dépassant de 50 cm le faîte du toit, peint aux couleurs de la façade et équipé d'un silencieux à baffles.

Le rapport acoustique produit avec cette demande mettait en évidence le fait que les locataires de l'immeuble sis rue de la Cité, 11 se plaignaient du bruit produit par le fonctionnement des installations de la cuisine du restaurant. Le bruit était émis par l'évacuation de la hotte de la cuisine placée en façade du bâtiment, à proximité des fenêtres.

En l'état, le document indiquait que cette installation ne respectait pas les exigences de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41), un dépassement de 17 dB(A) ayant été constaté « dans le cas le plus défavorable ».

4.             Dans le cadre de l'instruction de l'APA précitée, les instances de préavis concernées ont été consultées.

-          le 20 novembre 2017, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) s'est prononcé favorablement ;

-          le 12 janvier 2018, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a émis un préavis favorable, tout en requérant que les détails d'exécution liés à la façade et à la gaine de ventilation lui soient soumis avant travaux.

5.             Les autres préavis émis étaient tous favorables, cas échéant sous conditions.

6.             Le 13 février 2018, le département a délivré l'autorisation de construire APA 49'121, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO) le 13 février 2018.

7.             Par acte du 9 mars 2018,la SI a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) d'un recours à l'encontre de cette décision, concluant à son annulation et à ce que l'instruction soit donnée au département, aux intimés, ou à tout autre tiers intéressé, de supprimer immédiatement la gaine de ventilation en question, le tout sous suite de frais et dépens. Elle a joint un chargé de pièces.

Préalablement, elle a sollicité la tenue d'un transport sur place, l'audition des locataires de l'immeuble de la rue de la Cité, 11 et 9 bis selon une liste de témoins à déposer et qu'une expertise soit ordonnée afin d'effectuer des mesures acoustiques de la ventilation querellée.

En sa qualité de propriétaire de la parcelle voisine de l'immeuble sur lequel était prévue l'installation litigieuse, la SI avait un intérêt actuel, concret et digne de protection à recourir, de sorte que son recours était recevable.

En substance, l'autorisation contrevenait à l'art. 14 al. 1 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), vu que la ventilation en question était extrêmement bruyante, qu'elle dégageait de fortes odeurs de nourriture se propageant dans les appartements de l'immeuble de la rue de la Cité n° 11 et dans les communs de celui situé au n° 9bis. L'installation contrevenait également à l'art. 83 al. 5 et 6 LCI.

Le bruit produit par la ventilation querellée dépassait les valeurs limites d'immission fixées par la norme SIA 181 et les émanations olfactives contrevenaient à l'ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 (OPair - RS 814.318.142.1).

8.             Dans leurs déterminations du 16 avril 2018, MM. BOMMER et COMTE ont conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Préalablement, ils ont adhéré aux demandes d'actes d'instruction faites par la SI.

L'autorisation de construire litigieuse avait pour objectif l'installation d'une nouvelle gaine de ventilation conforme aux normes en vigueur et aux recommandations des experts.

Suite aux plaintes de locataires de l'immeuble voisin, ils avaient sollicité une étude acoustique auprès de l'entreprise Architecture et Acoustique SA, au sujet des bruits émis à l'extérieur par la ventilation du restaurant. Le rapport établi le 1er novembre 2017 précisait que les limites de planification à ne pas dépasser étaient de 60 dB(A) le jour, soit entre 7 heures et 19 heures et de 50 dB(A) la nuit entre 19 heures et 7 heures. Selon l'analyse réalisée, les exigences de l'OPB étaient respectées en période diurne et très largement non respectées en période nocturne, avec des dépassements des valeurs de planification aux fenêtres de l'immeuble rue de la Cité, 11 entre +11.9 dB(A) et +12 dB(A).

Architecture et Acoustique SA détaillait qu'une diminution du bruit au minimum de 17 dB(A) devait être obtenue à l'endroit des fenêtres des locaux sensibles au bruit les plus exposés, pour respecter les exigences de l'OPB et les principes de précaution de la LPE. Afin d'obtenir la diminution souhaitée et assainir la situation, les experts proposaient la mise en place d'un silencieux à baffles de 1.5 m de longueur, directement après le coude de sortie du mur massif. Ce silencieux et la gaine située entre le silencieux et le mur massif de façade devaient être isolés.

Le projet litigieux, incluant cette proposition, ne serait pas de nature à causer des nuisances sonores aux immeubles de la rue de la Cité 9 bis et 11, ce que les intimés demandaient au tribunal de constater.

Concernant les nuisances olfactives dues à la présence de sacs à ordures et divers détritus, elles avaient été supprimées par les intimés. Par ailleurs, en accord avec le SABRA, ils avaient prévu une sortie en toiture pour la nouvelle gaine de ventilation munie d'une sortie verticale qui dépasserait de 50 cm au moins le faîte du toit et dépasserait également d'un mètre au moins les bâtiments situés dans un rayon de 15 m, afin d'éviter toutes nuisances olfactives pour le voisinage.

En conséquence, les intimés demandaient au tribunal de constater que la future gaine de ventilation en façade n'était pas de nature à causer des nuisances olfactives aux immeubles rue de la Cité 9 bis et 11.

S'agissant des nuisances esthétiques, la gaine litigieuse ne serait pas visible depuis la place Bémont. En outre, elle serait peinte de la même couleur que la façade jusqu'au début du toit puis revêtirait un habillage cuivre sur sa partie supérieure comme mentionné sur les plans. Les intimés avaient en outre pris toutes les mesures nécessaires afin que le volume, l'échelle, les matériaux et la couleur de cette gaine s'harmonisent avec le caractère du quartier.

9.             En date du 16 mai 2018, le département a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il s'opposait aux mesures d'instruction requises par la SI et concluait au rejet du recours.

L'autorisation litigieuse visant à améliorer la situation existante, un transport sur place, l'audition de certains locataires et la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire liée au bruit n'apporteraient rien dans le cadre de l'instruction de la présente procédure.

Le SMS, dans son préavis du 12 janvier 2018, avait clairement indiqué ne pas être opposé au projet, alors qu'il se situait dans la zone protégée de la Vieille Ville et du secteur Sud des anciennes fortifications. Ainsi, la recourante se contentait de substituer sa propre appréciation à celle d'une instance de préavis composée de spécialistes.

Le SABRA avait par ailleurs considéré que la solution proposée respectait les exigences de l'OPB.

En ce qui concernait les nuisances olfactives, le projet autorisé avait précisément pour but de rendre conforme aux dispositions légales applicables la gaine de ventilation critiquée. Les recommandations de l'office fédéral de l'environnement étaient respectées par le projet, puisque l'orifice du conduit d'évacuation était prévu à une hauteur dépassant de 50 cm le faîte du toit de l'immeuble concerné.

Enfin comme l'installation litigieuse n'avait pas encore été réalisée, aucun constat permettant de considérer les émissions comme étant excessives ne pouvait, en l'état, être effectué.

10.         Le 28 mai 2018, la recourante a répliqué persistant dans ses conclusions et demandes d'actes d'instruction.

La nouvelle ventilation n'améliorerait pas la situation. En rajoutant un caisson d'isolation autour du silencieux et du coude, elle empiéterait davantage sur la vue du locataire du premier étage de l'immeuble de la rue de la Cité 11.

Compte tenu du fait que l'objet du litige se situait dans la Vieille-Ville, le préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) n'était pas suffisamment motivé.

Sur les plans produits, la ventilation n'avait pas été dessinée telle qu'elle existerait réellement. Comme le démontrait le reportage photographique produit, la ventilation se situait juste en face des fenêtres de certains locataires de son immeuble et leur obstruait la vue.

11.         Le 29 juin 2018, les intimés ont dupliqué, persistant dans leur argumentation.

Ils contestaient l'affirmation de la recourante selon laquelle la ventilation n'avait pas été dessinée sur les plans fournis telle qu'existante et confirmaient que la future gaine allait être réalisée « conformément aux plans déposés auprès du département ».

12.         Le même jour, le département a produit sa duplique.

S'agissant des nuisances sonores ou olfactives, la recourante n'apportait aucun élément probant permettant d'étayer ses affirmations quant à l'inefficacité des mesures proposées. De plus, il lui serait toujours possible, une fois les travaux réalisés, de demander au SABRA de procéder à des mesures afin de s'assurer que les normes applicables étaient bien respectées.

S'agissant de la protection du site concerné, les photos figurant au dossier de même que le système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG) permettaient de constater qu'il ne serait pas impacté par les travaux, lesquels avaient d'ailleurs été validés par le SMS. Les exigences de la recourante relative à la motivation du préavis étaient infondées, sachant que le projet portait sur l'installation d'une gaine de ventilation située à l'abri des regards des passants et à côté d'un conduit de cheminée existant.

Concernant les nuisances visuelles invoquées, il n'appartenait pas au SMS de déterminer mais à la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), devenue l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), qui avait le 29 novembre 2017, rendu un préavis favorable, ce qui tendait à démontrer que les conditions des art. 47 et 48 LCI, lesquels prescrivaient que les vues droites, calculées perpendiculairement à la façade et sur toute la hauteur et la largeur de la baie, devaient être sauvegardées sur une longueur de 4 m, avaient bien été respectées.

13.         Par jugement du 8 novembre 2018 (JTAPI/1090/2018), le tribunal a déclaré le recours irrecevable.

14.         Par acte du 12 décembre 2018, la SI a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l'encontre du jugement précité, concluant à son annulation et à ce que la qualité pour recourir lui soit reconnue.

15.         Par arrêt du 3 septembre 2019 (ATA/1336/2019), la chambre administrative a annulé le jugement précité, la qualité pour recourir devant être reconnue à la SI, et renvoyé le dossier au tribunal pour qu'il examine si les autres conditions de recevabilité du recours étaient remplies et se prononce, le cas échéant, sur les mérites de celui-ci.

16.         Le 12 novembre 2019, donnant suite à l'arrêt précité, le tribunal a imparti aux parties un délai au 3 décembre 2019 pour transmettre leurs éventuelles observations.

17.         En date du 28 novembre 2019, le département a indiqué au tribunal qu'il persistait dans sa position.

18.         Le 20 décembre 2019, la recourante, représentée par son avocat, a transmis ses observations.

Elle persistait dans ses demandes d'instruction. Le transport sur place permettrait au tribunal d'appréhender la question des nuisances olfactives et sonores que le conduit d'évacuation d'air vicié occasionnait et de constater que ce conduit inesthétique, installé à une distance d'environ 1,20 m des fenêtres des locataires de l'immeuble de la recourante, leur causait des inconvénients graves en tant qu'il venait considérablement obstruer leurs vues. L'aspect de cette installation ne s'intégrait nullement dans ce milieu bâti protégé de la Vieille-Ville et qu'il venait en particulier dénaturer la place Bémont.

Il pourrait également constater à cette occasion que les mesures proposées par le requérant pour tenter de régulariser le conduit d'air vicié installé sans droit (prolongement du conduit jusqu'à une hauteur dépassant de 50 cm le faîte du toit, camouflage du conduit par la pose d'une peinture aux couleurs de la façade et installation d'un silencieux à baffles) ne permettrait pas d'en améliorer l'aspect visuel. S'agissant des nuisances olfactives, l'autorisation de construire ne prévoyait aucune mesure visant à les supprimer.

19.         Le 20 janvier 2020, le département s'est déterminé. Il persistait à s'opposer aux mesures probatoires sollicitées vu que l'autorisation de construire visait à améliorer la situation existante.

Concernant l'aspect visuel, les représentants du SMS s'étaient prononcés en connaissance de cause, puisque figurait également dans le dossier un reportage photographique très détaillé de l'endroit où cette installation devait prendre place. Ces éléments étaient à la disposition du tribunal. L'installation concernée se situait à l'abri des regards des passants et à proximité d'un conduit de cheminée existant. Enfin, « sur la base des plans produits, l'OAC avait pu constater que les vues droites, protégées par les art. 47 et 48 LCI, avaient été respectées ».

20.         Le 21 janvier 2020, les intimés se sont déterminés, persistant dans leurs précédentes conclusions et explications.

Ils ne s'opposaient pas aux mesures d'instruction sollicitées par la recourante. La présence de la CMNS ne s'imposait pas, ce service ayant rendu un préavis circonstancié. L'audition de tous les locataires des immeubles rue de la Cité 9 bis et 11 n'était pas nécessaire, seule l'audition de Madame Françoise SENGER était utile, cette dernière semblant être la principale plaignante contre l'installation en cause. Ils n'étaient pas opposés à une expertise acoustique, à la charge de la recourante.

21.         Le 12 février 2020, la recourante a présenté des observations.

Le transport sur place permettrait au tribunal de constater compte tenu de la configuration des lieux que la régularisation de la gaine existence consacrerait une violation des art. 47 et 48 LCI (vues droites), notamment pour ce qui concernait la fenêtre (décalée par rapport aux autres) située à l'étage supérieur du bâtiment concerné. La présence du SMS était nécessaire, le préavis rendu par cette instance n'étant pas motivé.

Elle ne s'opposait pas à l'audition de Mme SENGER dans un premier temps, puis suggérait que le tribunal évalue, à l'issue du transport sur place et selon les constatations réalisées à ce moment, si l'audition d'autres témoins, voire une expertise acoustique, étaient (encore) nécessaires.

22.         Le 10 juin 2020, le tribunal a procédé à un transport sur place, en présence des parties et de Monsieur Jean-Jacques DE BORTOLI, du SMS. Le tribunal a visité les alentours du bâtiment sis 11, rue de la Cité, deux appartements dans le bâtiment, au 2ème étage et au rez-sur-cour, et réalisé quinze photographies, lesquelles font parties intégrantes du procès-verbal.

a. Le tribunal a constaté que depuis la place Bémont, tant le conduit d'évacuation que les fenêtres des appartements des locataires étaient visibles. Depuis la place, la fenêtre de gauche du 3ème étage n'était pas alignée sur celle de gauche de l'étage inférieur, laquelle semblait partiellement cachée par le conduit. Depuis le pied de l'immeuble, le conduit semblait être visible depuis les fenêtres des locataires.

Il a relevé qu'un bruit sourd et continu pouvait être entendu, qui semblait provenir du conduit d'aération installé sur le bâtiment voisin, appartenant au Crédit Suisse.

D'après les mesures réalisées par le tribunal, le diamètre du conduit était de 40 cm, comme sur le plan. La gaine était installée à environ 10 cm du mur. Quant à la fenêtre au 2ème étage notamment, elle était plus proche de la façade sur laquelle était installé le conduit, que telle que le plan de l'architecte la représentait. L'embrasure de la fenêtre se trouvait à 0,46 m de la façade. L'empiétement de la conduite sur la fenêtre était de 5 cm.

S'agissant de l'appartement au rez-sur-cour, la fenêtre la plus proche du conduit se trouvait à 0,52 m de la façade sur laquelle le conduit était installé.

Durant le transport sur place, aucune nuisance olfactive émanant du restaurant n'avait été constatée.

b. La recourante a indiqué que selon elle, le remplacement total de la gaine actuelle correspondait à une nouvelle installation et non à une simple mise en conformité.

Elle allait se renseigner pour savoir s'il était exact que l'architecte mandaté n'avait pas eu accès à l'intérieur des appartements pour établir des relevés corrects.

c. Le représentant du département a relevé que dans la mesure où le conduit était remplacé à l'identique, il s'agissait de la mise en conformité de l'existante, au demeurant illicite, et non d'une installation nouvelle.

Il allait produire les plans de l'autorisation de construire délivrée le 22 août 2008 en faveur du Crédit suisse, propriétaire du complexe voisin Confédération Centre, bâtiment sur lequel une cheminée avait également été installée, et dont le bruit sourd et continu entendu par le tribunal émanait.

d. Les intimés ont précisé que le bruit sourd et continu entendu par le tribunal, provenait du conduit d'aération installé sur le bâtiment du Crédit suisse, au pied de l'immeuble de Confédération Centre.

Ils ont indiqué qu'un empiètement au niveau de la fenêtre du 2ème étage ne pouvait être nié. Selon eux, l'architecte mandaté n'avait pas eu accès à l'intérieur des appartements pour établir des relevés corrects.

e. Le représentant du SMS a exposé que pour émettre son préavis, cette instance ne s'était pas rendue sur place mais s'était fondée sur les plans et le reportage photographique figurant au dossier. Il relevait que ce qu'il constatait aujourd'hui sur place « ne correspond[ait]pas à ce qui [était] dessiné sur les plans ».

Il a expliqué que c'était l'OAC qui déterminait la procédure d'autorisation suivie (accélérée ou définitive). Dans le cadre d'une procédure accélérée, seul le SMS était invité à se prononcer, et non la CMNS, même pour un objet sis en zone protégée.

Il relevait, s'agissant de la fenêtre de Mme SENGER sise au 2ème étage, que telle qu'elle était dessinée sur le plan qui lui avait été soumis, elle n'était pas alignée comme dans la réalité. Le dessin représentait les fenêtres plus à droite du conduit (vue depuis la cour) que la réalité.

f. Mme SENGER, locataire d'un appartement au 2ème étage et entendue par le tribunal comme témoin lors du transport sur place, a indiqué être surtout gênée par la vue depuis sa fenêtre, obstruée par la conduite du restaurant et le vrombissement continu qu'elle entendait depuis son appartement. Son voisin à l'étage inférieur, lui avait relaté être quant à lui, gêné par les odeurs du restaurant, surtout durant l'été avec les fenêtres ouvertes.

23.         À l'issue du transport sur place, les parties ont sollicité la suspension de la procédure jusqu'au 1er septembre 2020, afin d'entamer des discussions.

Le tribunal a donc prononcé la suspension de la procédure par décision du 24 juillet 2020 (DITAI/284/2020).

24.         Le 26 juin 2020, le département a transmis les plans liés à l'autorisation de construire délivrée le 22 août 2008 dans le cadre de la demande déposée par les SIG pour l'installation d'un groupe de secours électrogène sur le bâtiment de Confédération Centre.

25.         Le 29 juin 2020, la recourante a indiqué qu'il manquait l'indication dans le procès-verbal de la présence de Monsieur Thimotée CARREL, responsable technique auprès de la régie lors du transport sur place, ce dont le tribunal a pris acte.

26.         Le 13 juillet 2020, les intimés ont relevé, que contrairement à la mention du procès-verbal du transport sur place, que c'était la fenêtre de gauche du 4ème étage qui n'était pas alignée sur celle du 3ème étage, laquelle semblait partiellement cachée par le conduit.

En raison de la suspension de la procédure, ils n'allaient pas formuler, à ce stade, d'autres observations.

27.         Le 17 juillet 2020, la recourante a informé le tribunal, à la suite des questions s'étant posées lors du transport sur place et contrairement aux éléments avancés par les intimés, que l'architecte en charge du dossier avait contacté la régie en charge et avait obtenu les coordonnées des locataires de l'immeuble et le code d'accès, en vue de procéder aux relevés nécessaires avant le dépôt de la requête en autorisation de construire.

En outre, elle a exposé qu'un représentant du bureau d'architecte, ainsi que le gérant de l'immeuble des intimés avaient pu accéder, à la suite du transport sur place, aux appartements situés aux abords du conduit litigieux, aux 1er, 3ème et 4ème étages, à l'exception du 2ème étage, la locataire étant en vacances.

28.         Les 31 août et 13 octobre 2020, les parties ont sollicité deux prolongations de la suspension de la procédure, étant toujours en discussion. Le département ne s'y est pas opposé.

29.         Le tribunal a reconduit à deux reprises la suspension de l'instruction, du 11 septembre 2020 au 2 octobre 2020 (DITAI/353/2020), puis du 16 octobre 2020 jusqu'au 30 octobre 2020 (DITAI/411/2020).

30.         Le 30 octobre 2020, les parties ont sollicité la reprise de la procédure, leurs pourparlers n'ayant pas abouti.

31.         Par déterminations du 9 décembre 2020, à la suite du transport sur place, la SI a persisté dans ses précédentes explications et conclusions. Le transport sur place avait permis d'établir que la gaine de ventilation actuelle, installée sans droit, violait les art. 47 et 48 LCI, les fenêtres des locataires ne disposant plus d'un champ visuel libre.

En outre, il était apparu lors du transport sur place que les plans joints par l'architecte des intimés à la requête APA querellée, laquelle avait justement pour but de régulariser la gaine de ventilation, étaient inexacts par rapport à la configuration effective des lieux. Dans ces conditions, la délivrance de l'APA dont il était fait recours ne permettait en aucun cas de rétablir une situation conforme au droit. En effet, le diamètre de la nouvelle conduite était identique à l'existant. L'autorisation querellée avait été « délivrée sur la base des plans soumis au département, lesquels ne faisaient apparaitre aucun empiètement sur les vues des appartements ».

M. DE BORTOLI avait relevé qu'il s'était fondé sur les plans et le reportage photographique figurant au dossier, mais que ce qu'il constatait sur place « aujourd'hui ne correspondait pas à ce qui était dessiné sur les plans ». La recourante relevait que le tribunal avait constaté que « le diamètre actuel du conduit était de 40 cm comme sur le plan. La gaine était installée à environ 10 cm du mur, mais la fenêtre était plus proche de la façade sur laquelle était installée le conduit que sur le plan d'architecte ».

Il ressortait donc des déclarations et des constatations faites lors du transport sur place, que la décision devait être annulée, dans la mesure où les plans sur lesquels le département s'était fondé pour rendre sa décision étaient faux et que la réalisation du projet selon l'APA ne permettait en rien une mise en conformité du conduit litigieux en ce qui concernait les vues droites.

Elle relevait ensuite que le SMS avait rendu son préavis en violation de l'art. 85 al. 3 LCI, ce dernier n'étant pas motivé, et se limitant à préciser se fonder sur divers documents transmis par le département.

S'agissant du bâtiment voisin, propriété du Crédit Suisse sur lequel une cheminée prenait place, il n'était pas situé dans une zone protégée. Or, dans ce cas, la commission d'architecture avait pourtant, selon le dossier d'autorisation produit par le département, délégué deux commissaires qui avaient visité les lieux afin d'estimer l'impact de cette intervention, bien qu'il ne s'agisse pas d'un site protégé comme la Vieille-Ville. Dans ces conditions, la référence à cette autorisation n'était d'aucun secours aux intimés, puisque le bâtiment n'était pas en zone protégée et le tribunal avait procédé à un transport sur place, et pouvait faire usage de son plein pouvoir d'examen pour constater que l'APA querellée avait été délivrée en violation des art. 15 et 83 ss LCI.

Enfin, l'art. 3 LCI avait été violé, car la construction d'une gaine de ventilation avait été autorisée dans une zone protégée, sans enquête publique. Il s'agissait d'une nouvelle installation, puisque la gaine de ventilation actuelle avait été érigée sans autorisation. Les dimensions de la cheminée projetée étaient différentes de celle actuelle. Ainsi, il ne s'agissait manifestement pas d'une construction nouvelle de peu d'importance au sens de l'art. 3 al. 7 LCI. Partant, il aurait fallu passer par une procédure ordinaire, impliquant la consultation de la CMNS et permettant l'opposition des voisins.

Enfin, si l'autorisation devait être considérée comme valable, une expertise acoustique mesurant le bruit émis par la ventilation était nécessaire.

32.         Par courrier du 12 janvier 2021, le département s'est rapporté à justice quant à la suite à donner au recours interjeté par la SI.

33.         Le 15 janvier 2021, les intimés se sont déterminés à la suite du transport sur place et des observations de la recourante du 9 décembre 2020, persistant dans leurs précédentes explications et conclusions. Ils sollicitaient, dans le cas où l'expertise produite par Architecture et Acoustique SA n'était pas suffisante, qu'il soit procédé à des mesures acoustiques par un expert.

Il n'était pas contesté que le conduit actuel empiétait sur la vue droite des fenêtres du 2ème et 3ème étage du bâtiment de la recourante. Ils rappelaient toutefois que le tribunal n'avait pas pu déterminer l'ampleur de l'empiètement, de sorte qu'il n'était pas possible de déterminer la gravité de l'atteinte portée à la vue droite. Il n'existait pas d'empiétement sur la vue droite de l'appartement au rez-sur-cour, ce que le tribunal avait constaté lors du transport sur place.

Ils soulignaient sur la base des photographies jointes au procès-verbal, que depuis le balcon intérieur de l'établissement, le conduit n'empiétait pas sur la vue droite de la fenêtre du 1er étage.

S'agissant de l'exactitude des plans déposés à l'appui de la demande d'autorisation, ils s'en rapportaient à justice et aux constats effectués lors du transport sur place du 10 juin 2020.

Les perturbations sonores, invoquées par la recourante dans ses écritures, ne provenaient pas du conduit querellé mais bien du groupe électrogène installé au pied de l'immeuble de Confédération Centre, ce que le tribunal avait pu constater lors du transport sur place. S'agissant des nuisances olfactives, le tribunal n'en avait pas relevées lors du transport sur place.

Ils contestaient l'interprétation faite par la recourante des art. 47 et 48 LCI. Seules les fenêtres des 2ème et 3ème étages faisaient l'objet d'un empiètement des vues droites, dont l'ampleur n'était pas connue pour le 3ème étage et de 5 cm seulement pour le 2ème étage, selon les constatations faites lors du transport sur place. Dans ces conditions, en l'absence de mesures d'instructions supplémentaires, ils considéraient que le tribunal n'était pas en mesure de confirmer que l'empiètement de la gaine querellée sur les vues droites des fenêtres de l'immeuble puisse être qualifié « d'objectivement grave » au sens de la jurisprudence pour justifier l'annulation de l'autorisation de construire.

Il n'existait pas de violation des art. 15 et 83 ss LCI, dès lors que le SMS avait délivré son préavis sur la base des plans et du reportage photographique figurant au dossier, comme à son habitude dans le cadre d'une APA en zone protégée. En outre, une autorité qui mentionnait, même brièvement, les motifs qui l'avaient guidée et sur lesquels elle fondait sa décision, remplissait son obligation de motivation. Enfin, ils s'étaient engagés à peindre la gaine de ventilation querellée de la même couleur que la façade de l'immeuble, afin de préserver l'harmonie du quartier. Dans ces conditions, les atteintes esthétiques causées par la gaine existante seraient diminuées grâce à son remplacement.

Ils se rapportaient à justice s'agissant de savoir si c'était la voie de l'APA ou de l'autorisation définitive qui aurait dû être suivie par le département.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite. Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier. En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATA/1350/2020 du 22 décembre 2020 consid. 2 et les nombreux arrêts cités).

4.             En l'espèce, les pièces, les écritures versées à la procédure, et les éléments constatés lors du transport sur place renseignent suffisamment le tribunal de céans pour résoudre le présent litige. Dès lors qu'elle n'apparait pas comme nécessaire et au regard des éléments qui suivent, il ne sera donc pas donné suite à la demande d'expertise acoustique formulée par la recourante.

5.             La recourante considère que le département aurait à tort appliqué la procédure accélérée au cas d'espèce, empêchant toute opposition des voisins et des tiers concernés. L'autorisation serait donc, selon elle, nulle ou à tout le moins annulable.

6.             Les zones de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications font l'objet de dispositions particulières incluses dans la LCI (art. 28 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30). L'art. 83 LCI impose la préservation de l'aménagement et du caractère architectural original du quartier concerné (al. 1). S'agissant des demandes d'autorisations de construire instruites sous la forme accélérée, elles sont, conformément à ce que prescrit l'art. 85 al. 1 LCI, soumises, pour préavis, à l'office du patrimoine et des sites, et plus exactement au service des monuments et des sites.

7.             Selon l'art. 3 al. 7 LCI, le département peut traiter par une procédure accélérée les demandes d'autorisation relatives à des travaux, soumis à l'art. 1, portant sur la modification intérieure d'un bâtiment existant ou ne modifiant pas l'aspect général de celui-ci. La procédure accélérée peut également être retenue pour des constructions nouvelles de peu d'importance ou provisoires. Sont réputées constructions de peu d'importance, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui répondent à certaines exigences de gabarit (art. 3 al. 3 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

8.             L'autorisation par procédure accélérée (ci-après : APA) a été introduite par la modification législative du 18 décembre 1987. Jusqu'alors, toute demande d'autorisation de construire était soumise à la procédure prévue à l'art. 3 LCI, procédure qui s'était révélée relativement lourde pour des travaux mineurs, tels que modification de quelques galandages à l'intérieur d'un immeuble, remplacement de la toiture d'un bâtiment, travaux de façades, constructions de peu d'importance telles que muret, portail, adjonction d'une cheminée, etc. La lecture des travaux préparatoires démontre que le législateur entendait bien limiter l'APA à des objets de peu d'importance, soit essentiellement à des projets de modification intérieure d'un bâtiment ne touchant ni les façades ni l'esthétique du bâtiment ni sa situation (Mémorial des séances du Grand Conseil du 10 décembre 1987, pp. 6971 ss, notamment 6972, 6979 ; ATA/205/2015 du 24 février 2015).

9.             À l'occasion d'une révision de la LCI, le législateur s'est à nouveau penché sur la procédure accélérée - devenue dans l'intervalle l'al. 6 de l'art. 3. Les députés ont relevé que la pratique avait permis de mettre en évidence que le contenu de cette disposition devait être précisé, notamment en ce qui concernait sa portée. La référence aux travaux de peu d'importance n'était pas opportune, vu qu'elle ne figurait pas à l'art. 1 de la loi. Il était donc préférable de préciser que la procédure accélérée pouvait être utilisée pour des projets portant sur des travaux soumis à l'art. 1 précité, à condition qu'ils portent sur la modification intérieure d'un bâtiment ou ne modifient pas l'aspect général de celui-ci. L'APA devait également s'appliquer pour les constructions nouvelles de peu d'importance ou provisoires, voire également, à titre exceptionnel, pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d'urgence. Présentaient un tel caractère, notamment, des travaux rendus nécessaires à la suite d'un incendie. S'agissant de constructions nouvelles de peu d'importance, les piscines, les cabanes de jardin et les vérandas sont mentionnées à titre d'exemples à la condition qu'elles soient compatibles avec les normes de la zone de construction (Mémorial des séances du Grand Conseil du 18 septembre 1992, pp. 4657s). L'al. 6 - devenu entretemps l'al. 7 - a donc été modifié dans sa teneur actuelle (ATA/883/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/363/2012 du 12 juin 2012 consid. 5b ; ATA/599/2007 du 20 novembre 2007 consid. 3 ; ATA/303/2000 du 16 mai 2000 consid. 4).

10.         En outre, en annexe d'un projet de loi modifiant la LCI, figurait une liste exemplative de projets autorisés par la procédure d'APA (LP 11'283 projet p. 57 ss, https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11283.pdf, consulté le 4 mai 2021) dans laquelle on peut relever tant un abri de jardin, l'agrandissement d'un restaurant ou le prolongement d'un mur de soutènement, que l'installation d'une ventilation.

11.         De jurisprudence constante, la chambre administrative considère comme nulle une autorisation délivrée à la suite d'une procédure accélérée en lieu et place de la procédure ordinaire. La publication des demandes d'autorisation (art. 3 al. 1 LCI) compte au nombre des dispositions impératives de droit public (ATA W. du 4 septembre 1974 in RDAF 1975 p. 33 ss). Le fait que d'autres publications sont prévues par la loi ne saurait modifier la gravité des vices sans enlever aux prescriptions de droit public contenues dans la LCI leur caractère impératif.

12.         La procédure d'APA est de nature à empêcher toute opposition émanant des voisins, des tiers intéressés et des associations de sauvegarde du patrimoine. Même dans les cas où les intéressés se sont manifestés par la suite, ils ont perdu un degré de juridiction. Il est d'intérêt public de priver l'acte vicié de tout effet juridique en raison de l'importance qu'il y a de ne porter aucune atteinte aux garanties de propriété ou de voisinage (ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3b ; ATA/205/2015 du 24 février 2015 consid. 5 ss ; ATA/725/2013 du 29 octobre 2013 et les références citées). L'application de la procédure accélérée au lieu de la procédure ordinaire constitue un vice particulièrement grave, de sorte qu'il s'agit d'un cas de nullité (ATA/725/2013 précité ; ATA/303/2000 du 16 mai 2000 consid. 5 et les références citées).

13.         Il ressort de la jurisprudence que des travaux portant sur le remplacement des fenêtres d'un bâtiment avaient valablement été autorisés par procédure accélérée. Dans cette espèce, les fenêtres subissaient des modifications au niveau de leur partition : les proportions et division à l'intérieur de l'encadrement des fenêtres n'étaient pas conservées et leur cadre en aluminium gris était remplacé par du PVC blanc, et des descentes d'eau de pluie, de la même couleur que la façade étaient ajoutées à l'extérieur. Ces travaux ne modifiaient pas l'aspect général du bâtiment, et n'altéraient pas profondément les façades (ATA/263/2007 du 22 mai 2007).

Dans le cadre d'une transformation et d'un changement d'affectation, avec l'installation d'un système de ventilation et d'évacuation et d'une cheminée en toiture, la procédure par le biais d'une procédure accélérée, a été considéré comme adéquate (JTAPI/201/2019 du 28 février 2019 consid. 22). Il en allait de même pour l'installation d'une ventilation dans le secteur Genève-Cité par le biais d'une APA (JTAPI/1137/2012 du 26 septembre 2012).

14.         En revanche, il a été considéré que des travaux modifiant le rythme, tant vertical qu'horizontal de la façade avaient une incidence esthétique non négligeable et modifiaient l'aspect général du bâtiment, au sens de l'article 3 al. 7 LCI de façon significative, même si le projet s'inspirait de l'architecture existante. Toute la façade de l'entresol, constituée d'un bandeau entièrement vitré, était remplacée par des vitres séparées par des meneaux pleins. Dans ces conditions, les travaux ne pouvaient être autorisés par le biais d'une APA, mais il fallait suivre la voie d'une autorisation de construire ordinaire. (ATA/599/2007 du 20 novembre 2007).

15.         En l'espèce, l'installation d'un conduit de ventilation, peint aux couleurs de la façade, dont la finition est mate, avec un habillage cuivre pour la cheminée, et d'un diamètre d'une quarantaine de centimètre, préavisé favorablement par les services spécialisés, correspond à la définition de constructions de peu d'importance, étant pour le surplus mentionné spécifiquement dans la liste exemplative de projets autorisés par la procédure d'APA (LP 11'283 projet p. 57 ss, https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11283.pdf, consulté le 4 mai 2021).

En conséquence, le choix fait par le département de procéder à l'examen de la requête par APA est conforme à l'art. 3 al. 7 LCI et le grief soulevé sera écarté.

16.         Dans un second grief, la recourante considère que les plans sur lesquels le département s'est fondé seraient faux. La réalisation du projet ne permettrait pas la mise en conformité du conduit litigieux, s'agissant notamment des vues droites. Les intimés considèrent quant à eux que l'empiètement de la conduite sur les vues droites n'a pas été mesuré, et l'inconvénient en résultant ne serait pas suffisamment grave pour annuler l'autorisation.

17.         Aux termes de l'art. 2 LCI, les demandes d'autorisation sont adressées au département (al. 1). Le RCI détermine notamment les pièces qui doivent être déposées par le demandeur (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d'autorisation publiée dans la FAO doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ dans la catégorie correspondant à la nature de l'ouvrage, au sens de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40).

18.         L'art. 9 al. 2 RCI définit les documents devant être joints à une demande définitive. L'art. 10B al. 2 RCI, quant à lui, désigne les documents qui doivent, dans la mesure où ils sont nécessaires, être joints à une requête en autorisation de construire en la forme accélérée. La jurisprudence relative aux exigences formelles imposées pour les demandes d'autorisation définitive peut toutefois être appliquée mutatis mutandis à la demande accélérée d'autorisation de construire prévue à l'art. 10B RCI, dès lors que dans les deux types de demandes, il y a lieu de joindre les plans des constructions et aménagements projetés (JTAPI/529/2019 du 12 juin 2019 consid. 7).

Les exigences formelles imposées par l'art. 9 al. 2 RCI ne sont pas seulement destinées à permettre au département d'instruire les demandes et de contrôler leur conformité à la loi, ou encore de faciliter le travail du juge. Elles permettent également de garantir l'exercice du droit de chacun de consulter - et de comprendre - les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d'un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, en connaissance de cause (art. 3 al. 2 et 145 LCI, 18 RCI et 60 LPA ; ATA/1829/2019 du 17 décembre 2019 ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 et les références citées).

La précision des plans a également pour fonction de déterminer avec exactitude les détails de l'ouvrage et d'en fixer les contours une fois pour toutes, rendant un contrôle possible au stade de l'exécution. Cette exigence protège, de ce point de vue, tant le bénéficiaire de l'autorisation qui, une fois celle-ci entrée en force, peut se prévaloir d'un droit clairement défini, que les éventuels opposants ou l'autorité compétente, qui peuvent s'assurer que les travaux, une fois exécutés, sont conformes à l'autorisation délivrée (ATA/1829/2019 précité ; ATA/246/2016 du 15 mars 2016 ; ATA/636/2011 du 11 octobre 2011 consid. 5 et 6).

Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a confirmé l'annulation d'autorisation de construire eu égard au fait que les plans étaient lacunaires ou erronés. (ATA/213/2018 du 6 mars 2018 ; ATA/246/2016 du 15 mars 2016 consid. 6 ; ATA/636/2011 du 11 octobre 2011 consid. 5 et 6).

19.         Selon l'art. 47 al. 1 LCI, les pièces servant à l'habitation de jour ou de nuit, les cuisines et les locaux où l'on travaille en permanence doivent être pourvus de baies ouvrant directement sur l'extérieur et disposant d'un champ de vue libre dénommé vue droite.

Selon l'art. 48 al. 1 LCI, la longueur des vues droites se calcule de la même manière que les distances entre constructions (art. 45). Selon l'art. 48 al. 2 LCI, elle est mesurée, pour chaque baie, perpendiculairement à la façade et sur une longueur de 4 m au moins. Le champ visuel d'une baie doit s'étendre en outre sur toute la hauteur et toute la largeur de cette baie.

Selon l'art. 45 al. 1 LCI, les distances entre deux constructions ne peuvent être inférieures à la somme des distances qui seraient exigibles entre chacune de ces constructions et une limite de propriété passant entre elles.

20.         En l'espèce, il ressort du dossier que l'autorisation de construire a été accordée aux intimés sur la base des plans joints à la demande d'autorisation, sur lesquels aucun empiètement sur les vues droites n'est perceptible ; les art. 47 et 48 LCI apparaissant respectés. Le SMS a d'ailleurs indiqué ne pas s'être rendu sur place, mais fondé sur les plans pour émettre un préavis favorable.

Or, il ressort du transport sur place du 10 juin 2020 que les plans ne correspondent pas à la configuration réelle du bâtiment. En effet, M. DE BORTOLI, pour le SMS, a spécifiquement déclaré à cette occasion, que ce qu'il constatait ce jour-là « ne correspondait pas à ce qui était dessiné sur les plans ».

Il a en outre déclaré que la fenêtre de Mme SENGER, telle qu'elle était dessinée sur le plan qui lui avait été soumis, « n'était pas alignée sur celui-ci (le plan) comme dans la réalité, le dessin représentant les fenêtres plus à droite du conduit (vue depuis la cour) », que dans la réalité.

Les intimés eux-mêmes ont admis qu'il existait un empiètement visible au niveau de la fenêtre du 2ème étage. Selon eux, l'architecte mandaté n'avait pas pu avoir accès à l'intérieur des appartements pour établir des relevés corrects.

Or, contrairement à leurs allégations, il ressort des échanges de courriels produits dans le cadre de l'instruction et figurant au dossier, que l'architecte mandaté a contacté la régie afin d'obtenir le code d'accès, ainsi que l'autorisation d'entrer dans les appartements, ce qui lui a été accordé sans réserve.

Il apparait clairement, à la suite du transport sur place, que les plans produits par les intimés à l'appui de leur requête en autorisation de construire, quelle qu'en soit la raison, ne correspondent pas à la réalité du terrain. En effet, le plan qui figure au dossier indique un emplacement des fenêtres différent de ce qui a été constaté par le tribunal. L'empiètement de la conduite sur les fenêtres du 2ème et du 3ème étage n'apparaît pas comme un point de détail, mais remet en question l'implantation du projet telle qu'envisagée.

Cette situation doit être distinguée du cas d'une exécution des travaux non conforme aux plans ; dans le cas présent, la contradiction résulte bien de l'inexactitude et de l'imprécision des plans par rapport à la réalité et non de la réalisation des travaux de l'autorisation de construire. En outre, puisque l'APA querellée a pour but de mettre en conformité l'installation actuelle, en la remplaçant à l'identique en ce qui concerne le diamètre et l'implantation de la conduite, seule la hauteur étant modifiée, elle ne saurait être apte à pallier l'erreur des plans, qui a été constatée à l'occasion du transport sur place.

Il importe que l'autorité intimée dispose de plans ne souffrant d'aucune discussion, sur la base desquels elle soit en mesure d'examiner clairement si le projet peut être autorisé ou non, puis de déterminer si les travaux envisagés permettent une mise en conformité de la ventilation installée sans droit.

Il en résulte que le département, le SMS et les autres instances de préavis ont ainsi instruit le dossier sur la base de plans erronés. Le département ne s'est pas prononcé sur la configuration réelle, et n'a pas pu examiner conformément à la réalité, la conformité du projet à la LCI, s'agissant en particulier de l'empiètement de la conduite sur les fenêtres et du respect ou non des vues droites. La juridiction de céans ne peut, en application des principes d'économie de procédure et de maxime inquisitoire, réparer elle-même les manquements constatés par des mesures d'instruction. Dans ces conditions, l'autorisation, basée sur des plans erronés, doit être annulée.

21.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et l'APA 49'121 querellée annulée, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen des autres griefs invoqués par la recourante.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des intimés, pris solidairement, qui succombent. Conformément à l'art. 87 al. 1 in fine LPA, il n'est pas perçu d'émolument de la part du département.

23.         Vu l'issue du litige, l'avance de frais, soit CHF 700.-, sera restituée à la recourante et une indemnité de procédure de CHF 2'500.-, qui tient compte des mesures d'instruction auxquelles le conseil de la recourante a dû participer, sera allouée à cette dernière, à la charge de MM. COMTE et BOMMER, pris solidairement entre eux (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2018 par la société immobilière Servette-Onyx SA, contre l'autorisation de construire délivrée par le département du territoire le 13 février 2018 (APA 49'121) ;

2.             l'admet ;

3.             annule l'autorisation de construire précitée ;

4.             met à la charge de Messieurs Igor BOMMER et Nicolas COMTE, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'000.- ;

5.             ordonne la restitution à la société immobilière Servette-Onyx SA de son avance de frais de CHF 700.- ;

6.             condamne Messieurs Igor BOMMER et Nicolas COMTE, pris solidairement entre eux, à verser à la société immobilière Servette-Onyx SA une indemnité de procédure de CHF 2'500.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Saskia RICHARDET VOLPI et Diane SCHASCA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière