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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1081/2021

JTAPI/353/2021 du 07.04.2021 ( RECU ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : RÉCUSATION;COMPÉTENCE
Normes : LPA.15A; LPA.15B.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1081/2021 RECU

JTAPI/353/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 avril 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, Madame B______, Monsieur C______, Madame D______, Monsieur E______, Madame F______, Monsieur G______, Madame H______, Monsieur I______ et Madame J______, Madame K______, Monsieur L______ et Madame M______, Monsieur N______, Madame O______, Monsieur P______ et Madame Q______, Monsieur R______ et Madame S______, Madame T______, Madame U______, Messieurs V______ et W______ et Madame X______, représentés par Me Serge PATEK, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

Madame Y______

Z______ SA

Madame AA______

 

 


EN FAIT

 

1.        Par jugement JTAPI/1______/2021 rendu le ______ 2021 dans la procédure A/2______/2019, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a rejeté le recours interjeté auprès de lui, d'une part, par la VILLE DE AB______ et, d'autre part, par Monsieur A______, Madame B______, Monsieur C______, Madame D______, Monsieur E______, Madame F______, Monsieur G______, Madame H______, Monsieur I______ et Madame J______, Madame K______, Monsieur L______ et Madame M______, Monsieur N______, Madame O______, Monsieur P______ et Madame Q______, Monsieur R______ et Madame S______, Madame T______, Madame U______, Messieurs V______ et W______ et Madame X______ (ci-après : les consorts), contre une autorisation de construire DD 3______ délivrée par le département du territoire, le 11 novembre 2019, en faveur de Madame Y______ et Z______ SA, respectivement propriétaire de la parcelle concernée par l'autorisation et requérante de cette dernière.

 

2.        Le dispositif du jugement indique que les juges qui ont siégé sont Madame la juge AA______, présidente, ainsi que Mesdames AC______ et AD______, juges assesseurs. Le dispositif porte la signature manuscrite de Mme AA______ ainsi que du greffier du tribunal.

 

3.        Expédié aux parties le 18 mars 2021 et reçu par les consorts en l'Etude de leur avocat, ce jugement contient, à la fin du quatrième paragraphe du considérant 16 de la partie en fait, qui traite des élévations maximales et du niveau du terrain à prendre en considération, la mention « A examiner par les assesseurs », souligné et en caractères gras. En outre, le jugement contient, au considérant 43 de sa partie en droit, des développements sur le respect du gabarit légal par la future construction qui se terminent par la phrase « A vérifier par juges assesseurs en prenant en compte le terrain naturel », soulignée et en caractères gras.

 

4.        Par communication du 19 mars 2021, reçue le 22 mars 2021 par les consorts en l'Etude de leur avocat, le tribunal a notifié aux parties une version du jugement annulant et remplaçant la précédente. La date du jugement et son numéro sont demeurés inchangés, de même que le dispositif et le corps du jugement, sous réserve de la disparition de la phrase « A examiner par les assesseurs » qui figurait à la fin du quatrième paragraphe du considérant 16 de la partie en fait, ainsi que la disparition de la phrase « A vérifier par juges assesseurs en prenant en compte le terrain naturel » qui figurait au considérant 43 de la partie en droit.

 

5.        Cette nouvelle notification était accompagnée d'un courrier du greffe du tribunal, en date du 19 mars 2021, précisant que la nouvelle version annulait et remplaçait le précédent envoi du tribunal du 18 mars 2021 et que le délai de recours de 30 jours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice était à compter depuis la notification du présent envoi.

 

6.        Par acte du 23 mars 2021, les consorts ont saisi Monsieur le juge Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, en sa qualité de vice-président du Tribunal administratif de première instance, d'une demande de récusation de Mme AA______. Ils concluent préalablement à la suspension « de la présente procédure » jusqu'à droit jugé sur la demande de récusation. À titre principal, ils concluent à ce que la récusation de Mme AA______ soit prononcée dans la procédure A/2______/2019, ainsi qu'à l'annulation du jugement JTAPI/1______/2021 rendu le ______ 2021 dans cette procédure.

 

En substance, ils considèrent que la mention « A vérifier par juges assesseurs en prenant en compte le terrain naturel » qui figurait dans la première version du jugement « laisse de toute évidence entendre [que Mme AA______] n'a pas consulté les juges assesseurs avant de rejeter le grief formulé par les recourants ». De la sorte, le droit constitutionnel à une composition correcte du tribunal n'avait pas été respecté. Il en découlait également objectivement une apparence de prévention. Il apparaissait que les deux assesseurs n'avaient pas pris connaissance ni approuvé le jugement litigieux. Quant à l'apparence de prévention de Mme AA______, cela découlait du fait qu'elle avait acquis une opinion sur l'issue à donner au litige avant même d'avoir obtenu les avis spécialisés des juges assesseurs. La communication du nouveau jugement étant intervenue un jour plus tard, soit le 19 mars 2021, il était autrement invraisemblable que Mme AA______ ait pu recueillir à temps les avis spécialisés des deux juges assesseurs dans l'intervalle.

 

7.        Par téléphone du 24 mars 2021, M. BINDSCHEDLER TORNARE a informé l'avocat des consorts du fait que le jugement du ______ 2021 avait bien été délibéré avec les deux juges assesseurs. La pratique du tribunal consistait à expédier aux juges assesseurs les projets de jugement à délibérer à une date ultérieure. Dans ce cadre, il se pouvait qu'un projet contienne des mentions qui n'étaient pas destinées à figurer dans la version définitive du jugement, mais destinées à faire l'objet d'une discussion plus spécifique au moment de la délibération. En l'occurrence, lors de l'envoi du jugement, le lendemain de la délibération, le greffe avait envoyé le projet mis en délibération et non pas le jugement lui-même. En s'en apercevant le jour même, Mme AA______ avait donné l'ordre de notifier le jugement dans sa version définitive en annulant et remplaçant le précédent envoi. Compte tenu de ces explications, l'avocat des consorts était invité à préciser s'il maintenait sa demande de récusation.

 

8.        Par courrier du 24 mars 2021, ce dernier a confirmé que tel était le cas. En outre, les consorts sollicitaient l'annulation de toutes les opérations auxquelles avait participé Mme AA______.

 

EN DROIT

 

 

1.        Selon l'art. 15A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), une demande de récusation doit être présentée sans délai et par écrit à la juridiction compétente (al. 4). La décision sur la récusation d'un juge, d'un membre d'une juridiction ou d'un membre du personnel d'une juridiction est prise par une délégation de 3 juges, dont le président ou le vice-président et 2 juges titulaires; l'article 30 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010, s'applique. Si la demande de récusation vise un juge titulaire, un membre d'une juridiction ou un membre du personnel d'une juridiction, ce dernier ne peut participer à la décision (al. 5).

 

2.        Selon l'art. 15B al. 3 LPA, si un motif de récusation n'est découvert qu'après la clôture de la procédure, les dispositions sur la révision sont applicables.

 

Selon l'art. 80 let. e LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît que la juridiction qui a statué n'était pas composée comme la loi l'ordonne ou que les dispositions sur la récusation ont été violées.

 

3.        Comme le relève la doctrine (Stéphane GROSDECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 79 ch. 285), le renvoi de l'art. 15B al. 3 LPA à l'art. 80 let. e LPA signifie que la possibilité d'invoquer un motif de récusation après la clôture de la procédure n'est possible, par la voie de la révision, que dans une affaire réglée par une décision définitive. Un jugement rendu par un tribunal ne devient définitif par l'écoulement du délai de recours ou par l'absence de tout autre possibilité de recours ordinaire, que lorsqu'il ne peut plus être remis en cause devant une autorité administrative ou judiciaire. Dans la mesure où une autorité de recours ne peut réexaminer ses propres décisions, le prononcé d'une autorité ayant statué sur recours ne peut être modifié qu'à la suite d'une procédure de recours ou, une fois le délai de recours échu, par la voie de la révision (S. GRODECKI / R. JORDAN, op. cit. p. 255 ch. 967; arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2007 du 30 avril 2008, consid. 2.1).

 

4.        En l'occurrence, les consorts saisissent le tribunal d'une demande de récusation à l'encontre de Mme AA______ dans la procédure A/4______/2019.

 

Comme l'exprime a contrario l'art. 15B al. 3 LPA, une demande de récusation concernant un membre du tribunal ne peut être traitée, dans une composition spécifique prévue par l'art. 15A LPA, que dans la mesure où la cause concernée est encore pendante devant le tribunal. C'est ce que confirme d'ailleurs, par analogie, l'art. 15 al. 1 LPA relatif à la récusation des membres d'autorités administratives, qui précise qu'une telle mesure peut concerner les membres des autorités administratives appelées à rendre ou à préparer une décision. Or, il s'avère que la procédure A/4______/2019 s'est terminée devant le tribunal par le jugement JTAPI/1______/2021 du ______ 2021.

 

Par conséquent, dans la mesure où il s'agirait, selon les consorts, de la traiter dans le cadre de cette procédure-là, leur demande de récusation est irrecevable.

 

En dehors de cette procédure et en tant que requête à part entière, la demande de récusation apparaît également irrecevable, dès lors qu'elle requiert du tribunal une décision qui n'entre pas dans le champ de ses compétences, selon la définition qui en a été rappelée plus haut. Il ne s'agit en effet ni d'un recours, ni d'une demande de révision, ni de l'une des autres demandes sur lesquelles le tribunal est compétent pour se prononcer.

 

Dans la mesure où le délai de recours contre le jugement JTAPI/1______/2021 du ______ 2021 est encore ouvert, les critiques que les consorts se croient autorisés à faire en ce qui concerne la composition du tribunal qui l'a rendu ou la prévention de l'un de ses membres, ne peuvent s'exprimer, selon la jurisprudence et la doctrine rappelées plus haut, que dans le cadre d'un recours ordinaire.

 

5.        Comme le rappelle le jugement en question, le recours ordinaire est de la compétence de la chambre administrative de la Cour de justice (art. 132 al. 2 LOJ). A toutes fins utiles, dans la mesure où les consorts concluent à l'annulation du jugement JTAPI/1______/2021, leur acte du 23 mars 2021 sera transmis à la chambre administrative de la Cour de justice pour raison de compétence (art. 11 al. 3 LPA).

 

6.        Vu l'issue de la présente procédure, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de suspension présentée par les consorts.

 

7.        Vu la nature de la procédure, il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

8.        Le présent jugement sera notifié aux consorts ainsi qu'aux autres parties à la procédure A/4______/2019 et Mme AA______.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable la requête de récusation formée le 23 mars 2021 par Monsieur A______, Madame B______, Monsieur C______, Madame D______, Monsieur E______, Madame F______, Monsieur G______, Madame H______, Monsieur I______ et Madame J______, Madame K______, Monsieur L______ et Madame M______, Monsieur N______, Madame O______, Monsieur P______ et Madame Q______, Monsieur R______ et Madame S______, Madame T______, Madame U______, Messieurs V______ et W______et Madame X______ à l'encontre de Madame AA______ dans le cadre de la procédure A/4______/2019 ;

2.             transmet la présente cause à la chambre administrative de la Cour de justice pour raison de compétence ;

3.             dit que la procédure est franche d'émolument ;

4.             dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Sophie CORNIOLEY BERGER et Yves JOLIAT, juges.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière