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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16577/2021

DAS/124/2022 du 09.06.2022 sur DTAE/273/2022 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16577/2021-CS DAS/124/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 9 JUIN 2022

 

Recours (C/16577/2021-CS) formé en date du 22 février 2022 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant par Me Philippe JUVET, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 14 juin 2022 à :

- Madame A______
c/o Me Philippe JUVET, avocat.
Rue de la Fontaine 2, 1204 Genève.

- Madame B______
Rue ______ Genève.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance DTAE/273/2022 du 10 janvier 2022, communiquée aux parties pour notification le 21 janvier 2022, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, née le ______ 1932, de nationalité allemande (ch. 1 du dispositif), désigné B______ aux fonctions de curatrice (ch. 2), confié à la curatrice les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques et de gérer ses revenus et ses biens ainsi que d’administrer ses affaires courantes (ch. 3), autorisé la curatrice à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et arrêté les frais judiciaires à 300 fr., mis à la charge de A______ (ch. 4 et 5) ;

En substance, le Tribunal de protection a retenu, suite à un signalement d’un médecin, que A______ souffre de troubles psychiques nécessitant une mesure de protection limitée à la représentation et à la gestion de ses affaires, celle-ci refusant les soins de base et rencontrant des difficultés dans la compréhension de ses affaires administratives et financières.

B.            Par acte du 22 février 2022, A______ a recouru contre l’ordonnance en question, concluant à son annulation et à la constatation du fait qu’elle n’avait pas besoin de mesure de protection. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal de protection pour que soit procédé à l’audition de cinq témoins.

En substance, elle expose qu’elle n’est sujette à aucun trouble psychique, seul un médecin généraliste, qui n’a d’ailleurs pas été entendu par le Tribunal de protection, avait diagnostiqué des troubles mnésiques. Aucun test n’avait été effectué, aucune expertise médicale diligentée. Pour le surplus, elle n’avait aucune dette, elle gérait parfaitement ses affaires administratives et financières et ne bénéficiait pas de prestations du Service des prestations complémentaires. En outre, pour le paiement de ses factures, elle pouvait compter sur l’aide d’un tiers, sa déclaration fiscale étant établie chaque année par une fiduciaire. Le principe de subsidiarité ayant été violé, la décision devait être annulée.

En date du 9 mars 2022, le Tribunal de protection a déclaré ne pas souhaiter faire usage de la possibilité de revoir sa décision.

A______ a fait parvenir à la Cour en date du 18 mars 2022, un certificat médical établit le 13 mars 2022 par un médecin ayant évalué ses capacités sur le plan cognitif le 11 mars 2022. Il en ressort que son discours est cohérent et adéquat, qu’elle est capable d’expliquer clairement les raisons qui ont mené à sa mise sous curatelle et celles pour lesquelles elle s’y oppose. Suite à un bilan cognitif, le certificat indique quelques faiblesses au niveau de la mémoire de rappel mais considère les autres fonctions cognitives comme conservées. Le médecin conclut que sa patiente possède sa capacité de discernement, présentant certes des troubles mnésiques pouvant interférer dans la gestion de ses tâches administratives pour lesquelles elle nécessite une aide, mais semble tout à fait capable de choisir son mandataire et d’en contrôler l’activité.

Requis de se prononcer à nouveau sur sa volonté éventuelle de revoir sa décision, le Tribunal de protection a maintenu sa position.

C.           Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) Par mail non signé à l’adresse du Tribunal de protection, le Docteur C______, a informé ce dernier le 26 août 2020, que A______, âgée de 89 ans, présentait des troubles mnésiques évoluants associés à un important syndrome de méfiance. Elle disposait d’une bonne santé générale mais n’était pas entourée par de la famille. Elle semblait se montrer opposante et agressive à l’égard d’une infirmière se rendant chez elle une fois par semaine et nécessitait une assistance pour gérer ses paiements.

b) De l’instruction menée par le Tribunal de protection, il ressort que A______ n’a pas déposé auprès de l’office de l’Etat civil de mandat pour cause d’inaptitude, ne fait l'objet d’aucune poursuite, ne touche pas de prestations complémentaires.

S’agissant de l’infirmière qui effectue des passages à son domicile, celle-ci a indiqué que la recourante était souvent très perturbée et énervée, notamment relativement à des problèmes administratifs ou financiers.

Requis par le Tribunal de protection, le médecin signalant a confirmé son signalement et précisé qu’un couple s’afférait dans le cadre des affaires de sa patiente, susceptible d’actes de malveillance. S’agissant de sa santé, il la considérait comme correcte, sans traitement médical en cours, capable d’entendre et de vouloir. Toutefois, une évaluation neuropsychologique serait nécessaire considérant « une incapacité durable et progressive ». Il estimait qu’une mesure pouvait la protéger de personnes non adéquates de son entourage.

Le Tribunal de protection a procédé à l’audition de A______, laquelle a confirmé avoir des difficultés dans la compréhension de ses affaires administratives. Elle a déclaré avoir besoin d’aide pour le paiement de ses factures et les contacts avec les banques en particulier. Quant au couple requis par elle pour la gestion de ses affaires, il avait renoncé à ce mandat.

Le Tribunal de protection a procédé à l’audition de D______, se présentant spontanément à l’audience et déclarant aider A______ pour le paiement de ses factures. Elle a confirmé que cette dernière savait très bien ce qu’elle voulait. Le Tribunal de protection a procédé également à l’audition de l’infirmière qui se rend chez A______ à intervalles réguliers, laquelle a déclaré avoir constaté que cette dernière avait un discours en boucle et des papiers éparpillés partout dans son appartement. Elle exprimait un besoin d’être aidée. Sur quoi, le Tribunal de protection a prononcé l’ordonnance querellée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir à Genève la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 CC ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Le délai est de trente jours à compter de la notification de la décision.

1.2 En l’espèce, déposé dans les formes et délai prévus par la loi par une personne habilitée à le faire, le recours est recevable.

1.3 La Chambre de surveillance établit les faits et applique le droit d’office et n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

2. La recourante sollicite l’annulation de la décision du Tribunal de protection et la constatation qu’elle n’a pas besoin d’une mesure de protection, subsidiairement le renvoi du dossier au Tribunal de protection pour procéder à une instruction et à l’audition de témoins qu’elle propose.

2.1 Les mesures prises par l’autorité de protection de l’adulte garantissent l’assistance et la protection de la personne qui a besoin d’aide. Elle préserve et favorise autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 1 et 2 CC) dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité (art. 389 CC).

L’application du principe de subsidiarité implique que l’autorité de protection de l’adulte ne peut prendre des mesures de protection que si l’aide dont nécessite la personne concernée ne peut être procurée par sa famille, ses proches ou par les services publics ou privés compétents (art. 389 al. 1 CC ; Message FF 2006 6635, p. 66-76). Si l’autorité de protection de l’adulte constate que l’aide apportée par ce cercle de personne ne suffit pas ou qu’elle considère d’emblée qu’elle sera insuffisante, elle doit ordonner une mesure qui respecte le principe de la proportionnalité, à savoir une mesure nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC ; ATF 140 III 49 consid. 4.3). La mesure ordonnée doit donc se trouver en adéquation avec le but fixé, représenter l’atteinte la plus faible possible pour être compatible avec celui-ci et rester dans un rapport raisonnable entre lui et l’atteinte engendrée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_318/2013 du 12 juin 2013 consid. 2.4 ; ATF 140 III 49 cité idem).

L’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assumer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (art. 390 al. 1 ch. 1 CC). S’agissant de « l’autre état de faiblesse » affectant la condition personnelle de la personne au sens de la disposition précitée, cette notion doit être interprétée restrictivement et n’être utilisée qu’exceptionnellement (MEIER, Comm Fam. Protection de l’adulte 2013 n. 17 ad art. 390 CC).

Lorsque la personne concernée se prononce elle-même sur la personne du curateur, l’autorité doit, autant que possible, tenir compte de ses souhaits (art. 401 al. 1 CC).

2.2 En l’espèce, il ressort de la procédure et notamment du dernier certificat médical produit par la recourante à l’appui de son appel, que celle-ci possède sa capacité de discernement. Elle présente certes quelques troubles de la mémoire de rappel, et admet ses difficultés et son besoin d’aide pour gérer ses affaires administratives, comme elle l’a d’ailleurs déclaré lors de l’audience du Tribunal de protection. Elle souhaite cependant pouvoir choisir la personne qui lui apporte de l’aide sans pour autant se voir imposer une mesure, ce qu’elle est capable de faire à teneur de dossier.

Force est d’admettre que le Tribunal de protection n’a pas respecté le principe de subsidiarité en ordonnant le prononcé d’une curatelle, qui plus est de portée relativement large puisqu’elle vise la représentation de la personne dans ses rapports avec les tiers en matière d’affaires administratives et juridiques, et la gestion de ses revenus et biens, ainsi que de ses affaires courantes. Cette décision s’oppose au dossier duquel on peut retenir que la recourante nécessite une aide, qu’elle souhaite par ailleurs, pour le paiement de ses factures, en particulier, à l’exclusion de toute autre en l’état. Or cette aide apparaît lui être octroyée par l’une des personnes entendues par le Tribunal de protection, personne que la recourante a choisie elle-même. Par conséquent, en l’absence de troubles psychiques de la recourante et de besoin de protection autre que celui de la pure gestion de l’administration de ses paiements, gestion confiée, volontairement et en capacité de discernement complète, à une personne de son choix par la recourante, les conditions au prononcé de la mesure décidée par le Tribunal de protection n’étaient pas réalisées, de sorte que la décision doit être annulée.

3. Vu l’issue de la procédure, les frais judiciaires seront laissés à la charge de l’Etat de Genève, l'avance de frais versée étant restituée à la recourante.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours déposé le 22 février 2022 par A______ contre la décision DTAE/273/2022 rendue le 10 janvier 2022 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/16577/2021.

Au fond :

L’admet et annule la décision querellée.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires à la charge de l’Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais en 400 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.