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Décisions | Chambre de surveillance

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C/57/1977

DAS/106/2022 du 02.05.2022 sur DTAE/7025/2021 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/57/1977-CS DAS/106/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 2 MAI 2022

 

Recours (C/57/1977-CS) formé en date du 3 janvier 2022 par Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés c/o M. C______, rue ______ Genève, comparant tous deux par Me Cyril MIZRAHI, avocat, en l'Etude duquel ils élisent domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 3 mai 2022 à :

- Madame A______
Monsieur B______
c/o Me Cyril MIZRAHI, avocat.
Avenue Vibert 9, 1227 Carouge.

- Monsieur C______
p.a. D______ - Appartement E______
Route ______.

- Maître F______
Rue ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance du 19 novembre 2021 (DTAE/7025/2021), notifiée aux parties le 2 décembre 2021, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a rappelé que C______, né le ______ 1975, originaire de Genève, se trouve sous curatelle de portée générale et qu'il est privé de plein droit de l'exercice de ses droits civils (ch. 1 du disposititf), confirmé F______, avocat, aux fonctions de curateur de portée générale de la personne concernée (ch. 2) et arrêté les frais à 500 fr., mis à la charge de la personne concernée (ch. 3).

En substance, le Tribunal de protection a considéré qu'il n'y avait aucun motif de faire droit à la demande des recourants visant la libération du curateur de ses fonctions, aucun manquement ne pouvant lui être reproché. Le Tribunal de protection avait par ailleurs déjà rendu une décision similaire en 2020, refusant de libérer le curateur, aucune évolution défavorable de l'exercice du mandat n'étant constatée depuis lors.

B.            a. Contre cette décision, B______ et A______, oncle et tante de C______, ont formé recours le 3 janvier 2022, concluant à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif, au prononcé de la relève du curateur de portée générale et à son remplacement par G______, avocat, les frais de première instance et d'appel devant être laissés à la charge de l'Etat.

En substance, ils font grief au Tribunal de protection de ne pas avoir retenu une rupture du lien de confiance entre le curateur et son protégé, respectivement eux-mêmes, dans le cadre de l'exercice des relations personnelles entre eux, le curateur leur ayant durant un temps fait interdiction d'en entretenir.

b. Par courrier du 28 janvier 2022, le Tribunal de protection a informé la Cour ne pas souhaiter revoir sa décision.

c. Le curateur s'est déterminé le 21 février 2022, concluant au rejet du recours. Il a contesté le grief qui lui est fait en exposant que les relations avec les recourants avaient toujours été compliquées, ceux-ci ayant adopté des comportements pénalement répréhensibles à l'égard de son protégé. Par ailleurs, aucune rupture du lien de confiance n'existait entre lui-même et son protégé, dont il était le curateur depuis 2004 déjà. Il avait été obligé d'interdire les contacts entre les recourants et son protégé, ceux-ci ayant un effet délétère sur l'état psychologique de celui-là, ce qui était confirmé par sa psychiatre. Cette dernière avait en outre considéré que C______ n'avait pas la capacité de discernement lui permettant de choisir et surveiller un curateur.

d. En date du 11 mars 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions, suite à quoi la cause a été gardée à juger.

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a. Par ordonnance du 29 janvier 1997, le Tribunal tutélaire (désormais le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant) a prononcé l'interdiction de C______, né le ______ 1975, originaire de Genève (GE), et lui a désigné un tuteur. Dès le 1er juin 2004, cette fonction a été exercée par F______, avocat. La mesure a été convertie, conformément au nouveau droit, en curatelle de portée générale.

Il vit au sein de la résidence spécialisée D______.

b. En 2020 déjà, il est apparu que C______ revenait très perturbé après chaque week-end passé en famille, que ce soit auprès de son demi-frère, ou de son oncle et sa tante, et ne retrouvait ses esprits et son envie de voir ses proches qu’après quelques jours. Il avait été décidé par l'équipe soignante et le curateur de limiter les visites à domicile à la seule journée du samedi.

c. Le 9 octobre 2020, les recourants ont sollicité la libération du curateur de ses fonctions, lui adressant divers reproches, notamment de ne pas privilégier les intérêts de son protégé.

d. Le curateur a informé le 3 décembre 2020 le Tribunal de protection que, alors qu'un acheteur avait été trouvé pour l'appartement de C______, qu'il fallait aliéner pour assurer sa prise en charge, et dont la mise en vente avait été autorisée en date du 9 septembre 2020 par le Tribunal de protection, les recourants, qui occupaient ledit appartement à titre gratuit, refusaient de le quitter, ce qui lui faisait craindre un désistement de l'acheteur potentiel.

Par ailleurs, les dernières visites ou téléphones de la tante de son protégé avaient déstabilisé ce dernier, sa médecin psychiatre, la Dre H______, ayant dû recommander la suspension de tout contact familial pendant un certain temps, du fait d'une décompensation de son patient.

Un protocole de reprise des contacts, souhaitée par le protégé, encadrés et devant avoir lieu sur son lieu de vie, avait été mis sur pied d’entente entre les responsables de la résidence D______ et les éducateurs et avalisé par la Dre H______.

e. Par décision DTAE/7420/2020 du 17 décembre 2020, I______, avocate, a été désignée aux fonctions de curatrice d’office du cité pour la procédure.

Le 10 janvier 2021, la curatrice d'office a exposé que C______ disait souhaiter pouvoir vivre avec sa tante ou à tout le moins passer les week-ends avec cette dernière.

f. Par réponse à la requête de libération du 11 janvier 2021, le curateur F______ a expliqué que les griefs soulevés à son encontre par les proches de son protégé ne différaient pas de ceux déjà invoqués par le passé par d’autres membres de sa famille et concluait au rejet de leurs conclusions.

A teneur du certificat médical du 11 janvier 2021, la Dre H______ mentionnait que son patient, qui souffrait d’une déficience intellectuelle modérée, ne présentait pas une capacité de discernement suffisante pour se prononcer sur la libération du mandat de curatelle actuel.

g. Les relations personnelles de C______ avec son oncle et sa tante ont été rétablies début janvier 2021 et se sont exercées à l’occasion d’un droit de visite le samedi, la journée.

h. En date du 19 avril 2021, le curateur a informé le Tribunal de protection que les recourants avaient profité de leur droit de visite pour emmener son protégé vers une destination inconnue en Italie, sans volonté de revenir. Plainte pénale avait été déposée à leur encontre.

Le conseil des recourants a confirmé au Tribunal de protection que ses mandants avaient décidé de se rendre tous les trois en Italie sans intention de retour mais qu’ils avaient pris les dispositions nécessaires auprès des autorités italiennes compétentes en matière de protection de l’adulte afin de préserver les intérêts de l’intéressé, de sorte que la poursuite de la procédure ne se justifiait plus.

C______ a été rapatrié à Genève suite à l’intervention des polices genevoises et sicilienne, fin juillet/ début août 2021. Selon son curateur, ce dernier s’était montré très reconnaissant de pouvoir rentrer à Genève.

Par certificat médical du 2 septembre 2021, la Dre H______ a attesté que C______ avait répété à plusieurs reprises, de manière claire et intelligible, qu’il ne souhaitait pas retourner en Italie. Après avoir été rassuré sur son lieu de vie, il avait été instantanément apaisé, détendu et souriant, et répétait qu’il pouvait faire confiance à son curateur actuel.

Le 6 septembre 2021, le curateur a informé le Tribunal de protection avoir rencontré son protégé à son retour d’Italie, lequel n’avait pas eu de contact sur place avec des tiers en raison de sa méconnaissance de la langue italienne ; il se sentait rassuré d’avoir pu réintégrer son institution à Genève.

i. Lors de l’audience du Tribunal de protection du 14 octobre 2021, C______ a confirmé être satisfait d’être de retour à Genève.

La curatrice d'office a déclaré que C______ avait clairement exprimé que son lieu de vie se trouvait à Genève, et a souhaité être relevée de son mandat.

j. Suite à quoi l'ordonnance querellée a été prononcée.

 

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Formé dans les délai et forme prescrits par la loi, par des proches de la personne protégée (art. 450 al. 2 ch. 2 CC) devant l'autorité compétente, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

2. Les recourants reprochent au Tribunal de protection de ne pas avoir relevé le curateur de portée générale de C______ malgré la rupture du lien de confiance qu'ils croient déceler entre lui et son protégé.

2.1 A teneur de l'art. 423 CC, l'autorité de protection de l'adulte libère le curateur de ses fonctions s'il n'est plus apte à remplir les tâches qui lui sont confiées (al. 1 ch. 1) ou s'il existe un autre motif de libération (al. 1 ch. 2). La personne concernée ou l'un de ses proches peut demander que le curateur soit libéré de ses fonctions (al. 2).

L'art. 423 CC permet la libération du mandataire indépendamment de sa volonté. Comme pour l'art. 445 al. 2 aCC, c'est la mise en danger des intérêts de la personne à protéger qui est déterminante et non le fait qu'il y ait eu un dommage ou non (Rosch, in Commentaire du droit de la famille, Protection de l'adulte, 2012, ad art. 423 CC).

L'autorité de protection dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu aussi bien lorsqu'elle examine l'aptitude du mandataire (art. 400 CC) que lorsqu'elle le libère pour inaptitude. La notion d'aptitude est relative et doit être appréciée par rapport aux tâches du mandataire. Le mandataire peut aussi être libéré de ses fonctions sur la base d'un autre juste motif. Dans ce cas également, l'accent sera mis sur les intérêts de la personne à protéger. Il sera aussi tenu compte de motifs axés plus nettement sur la confiance envers l'administration, comme le devoir de fidélité dans les rapports de service de droit public (Rosch, op. cit., ibidem).

L'application de l'art. 423 CC est gouvernée par le principe de proportionnalité. Les autorités de protection doivent exiger une sérieuse mise en danger des intérêts ou du bien-être de la personne protégée pour prononcer la libération du curateur. Dans le cadre de l'application de l'art. 423 al. 1 ch. 2 CC, on pense notamment à la grave négligence dans l'exercice du mandat, à l'abus dans l'exercice de sa fonction, à l'indignité du mandataire et de son comportement, à son défaut de paiement en particulier. Tous ces motifs doivent avoir pour résultante la destruction insurmontable des rapports de confiance ("unüberwindbare Zerrüttung des Vertrauensverhältnisses") (Fassbind, Erwachsenenschutz, 2012, p. 273).

2.2 En l'espèce, la décision du Tribunal de protection doit être confirmée.

En effet, il ne ressort ni de la procédure, ni de l'argumentation des recourants un quelconque manquement du curateur de portée générale au sens de la disposition précitée qui justifierait que celui-ci fût relevé de sa charge.

Pas plus n'existe-t-il entre lui et son protégé de destruction insurmontable du rapport de confiance.

Au contraire, il ressort de l'instruction menée par le Tribunal de protection que les rapports entre le curateur et son protégé sont empreints de respect, de confiance et de sérénité, ce qui par ailleurs est confirmé par les intervenants externes, et notamment la psychiatre de C______.

En outre, si un rapport de confiance a été détruit, c'est celui qui pouvait exister entre les recourants eux-mêmes et le curateur, et ce du fait exclusif des agissements fourbes et potentiellement pénalement répréhensibles des recourants qui n'ont pas hésité à profiter du droit de visite qui avait été rétabli en leur faveur pour enlever leur neveu et l'emmener définitivement à l'étranger sans intention de retour, comme l'a d'ailleurs confirmé par écrit leur conseil à l'égard du Tribunal de protection. Ce faisant et sans aucunement en référer au représentant légal de leur neveu, les recourants ont trahi la confiance mise en eux par celui-ci et agi en opposition totale à la sauvegarde des intérêts de C______. C'est avec une mauvaise foi crasse qu'ils prétendent ce jour qu'il existerait une rupture du lien de confiance entre le curateur et C______, alors qu'ils ne visent en fait que la rupture du rapport de confiance, effectif, entre le curateur et eux-mêmes.

Quoiqu'il en soit, il ressort de même du dossier, comme déjà relevé, qu'aucun motif de relève du curateur n'existe, celui-ci ayant agi depuis près de 20 ans dans l'intérêt de son protégé, tant lorsqu'il s'agissait, pour la sauvegarde de sa santé psychique, de suspendre comme le requérait sa médecin les relations délétères entre celui-ci et les recourants, que lorsqu'il s'agissait de réaliser un bien immobilier de C______, dans son intérêt et aux fins de financer son lieu de vie, bien immobilier que les recourants occupaient gratuitement, contrairement aux intérêts du protégé.

3. A l'extrême limite de la témérité, le recours doit être rejeté sous suite de frais arrêtés à 800 fr., mis à charge des recourants qui succombent complètement (art. 106 al.1 CPC), les compense partiellement avec l'avance de frais de 400 fr. fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève et condamne les recourants, conjointement et solidairement, à verser le solde, en 400 fr.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 3 janvier 2022 par A______ et B______ contre l'ordonnance DTAE/7025/2021 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/57/1977.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 800 fr., les compense partiellement avec l'avance de frais de 400 fr. fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge des recourants, conjointement et solidairement.

Condamne en conséquence les recourants, conjointement et solidairement, à payer la somme de 400 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financier du Pouvoir judiciaire.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica Quinodoz, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.