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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3993/2020

ACST/40/2020 du 03.12.2020 ( ABST ) , ACCORDE

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3993/2020-ABST ACST/40/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 3 décembre 2020

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

dans la cause

 

Monsieur A______
et
Monsieur B______
et
Monsieur C______
et
Monsieur D______
et
Monsieur E______

représentés par Me Steve Alder, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT


 

Attendu, en fait, que :

1) Le 1er novembre 2020, le Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d'État) a adopté l'arrêté d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l'arrêté), publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 novembre 2020.

2) L'arrêté comprend notamment les articles ci-après :

Chapitre 1 Dispositions générales

Article 1 - État de nécessité

L'état de nécessité, au sens de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, est déclaré.

Les mesures prévues dans le présent arrêté visent à prévenir la propagation du coronavirus.

Chapitre 2 Autorités compétentes et contrôles

Article 2 - Autorités compétentes

1 Le département chargé de la santé (ci-après : département), soit pour lui la direction générale de la santé, est l'autorité compétente pour édicter les directives d'application nécessaires et mettre en oeuvre les mesures sanitaires fédérales et cantonales, sauf dans les domaines où le droit cantonal ou le présent arrêté désignent d'autres autorités compétentes.

...

Chapitre 5 Mesures visant les installations et les établissements accessibles au public

Article 12 - Mesures dans les établissements et installations accessibles au public non sujets à fermeture

1 Les exploitants d'installations et d'établissements, ou leur remplaçant, doivent mettre à disposition de leur clientèle une solution hydro-alcoolique.

2 Ils s'assurent qu'aucune personne ne pénètre dans l'installation ou l'établissement sans désinfection préalable des mains.

3 Les personnes qui pénètrent dans une installation ou un établissement doivent se désinfecter les mains.

4 Elles doivent porter un masque en permanence dès l'entrée dans l'installation ou l'établissement.

5 Les exploitants d'installations et d'établissements, ou leur remplaçant, s'assurent que toutes les personnes portent un masque.

6 Les exploitants d'installations et d'établissements, ou leur remplaçant, s'assurent que la distance interpersonnelle soit préservée en toutes circonstances sur toute la surface des locaux accessibles.

7 Les exploitants d'installations et d'établissements, ou leur remplaçant, s'assurent que les surfaces que la clientèle touche avec ses mains (comme les poignées des caddies et les paniers, les scanners ou les écrans tactiles) soient nettoyées régulièrement avec du savon ou un produit de nettoyage courant. À chaque caisse de paiement, la clientèle doit disposer d'une solution hydro alcoolique.

...

Chapitre 8 Manifestations

Article 18 - Interdiction

1 Les manifestations, publiques et privées, y compris dans le cercle familial, à l'intérieur comme à l'extérieur, réunissant plus de 5 participants sont interdites, les ménages de plus de cinq personnes exceptés.

2 Les services religieux et autres manifestations religieuses accessibles au public sont interdits.

3 Sont exceptés :

a) les cérémonies religieuses de mariage jusqu'à 5 participants, en sus des personnes rattachées à l'office religieux ;

b) les funérailles accessibles au public, jusqu'à 50 participants, en sus des personnes rattachées à l'office religieux ou au service des pompes funèbres ;

(...)

Chapitre 9 Dispositions pénales

Article 19 - Contraventions

1 La violation des prescriptions édictées dans le présent arrêté est sanctionnée conformément à la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme, du 28 septembre 2012 (LEp : RS 818.101).

Chapitre 10 Dispositions finales

Article 20 - Clause abrogatoire

L'arrêté relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie COVID-19, du 14 août 2020, est abrogé.

Article 21 - Entrée en vigueur et durée de validité

1 Le présent arrêté entre en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00.

2 Les mesures prévues ont effet jusqu'au 29 novembre 2020 à minuit, elles pourront être prolongées en cas de besoin.

3) Par acte posté le 27 novembre 2020, Messieurs B______, D______, E______, A______ et C______ ont conjointement interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), concluant, sur mesures provisionnelles, à ce que la chambre constitutionnelle « autorise immédiatement et jusqu'à droit jugé sur le fond, la tenue de tout office et service religieux et de toute manifestation à caractère religieux, dans la limite maximale de 50 participants, moyennant le respect des mesures sanitaires suivantes :

-       Respect de la distance physique de 1,50 mètres entre chaque participant ;

-       Port du masque obligatoire pour les participants ;

-       Désinfection obligatoire des mains à l'entrée des édifices religieux ;

-       Interdiction de tout contact physique et de passage de tout objet durant les cérémonies ».

Sur le fond, ils ont conclu à l'annulation de l'art. 18 al. 2 de l'arrêté du Conseil d'État du 1er novembre 2020, le tout « sous suite de frais et dépens ».

L'atteinte que l'interdiction pure et simple des services religieux portait à la liberté religieuse était grave, les fidèles étant privés de toute possibilité de pratique liturgique. Cette atteinte quasi absolue était en outre d'une certaine durée, puisqu'elle avait été prolongée jusqu'au 17 décembre 2020, sans que l'on sache à ce stade si une nouvelle prolongation interviendrait ou non.

La mesure n'était pas apte à lutter contre la propagation du virus, dès lors qu'il n'était pas établi que les lieux de culte fussent des foyers d'infection, étant rappelé que le Conseil d'état avait, le 25 novembre 2020 également, assoupli les mesures et autorisé certaines activités pourtant plus risquées d'un point de vue sanitaire, telles que les manifestations à caractère politique ou les soins à la personne.

L'interdiction en cause était également excessive, dès lors que des mesures moins incisives existaient qui eussent permis d'atteindre le même résultat, et qui n'avaient pas été envisagées en lieu et place d'une interdiction totale. Les chances de succès du recours étaient ainsi importantes.

4) Le 2 décembre 2020, le Conseil d'État a conclu au rejet de la demande d'effet suspensif.

C'était la hausse du nombre de personnes hospitalisées, combinée à une flambée de cas de personnes testées positives, qui l'avaient poussé à prendre des mesures plus contraignantes visant à prévenir une saturation des capacités de prise en charge hospitalière des malades. Il existait dès lors un intérêt de santé publique indéniable justifiant les mesures adoptées le 1er novembre 2020. Des mesures moins incisives avaient bien été prises auparavant, sans arriver à freiner l'augmentation des cas ou du nombre d'hospitalisations.

L'interdiction des services religieux ne devait pas se voir isolément, mais comme faisant partie d'un ensemble de mesures permettant d'endiguer la propagation de l'épidémie. La situation sur le front sanitaire semblait s'améliorer, ce qui démontrait l'aptitude des mesures prises.

Enfin, l'interdiction en cause ne portait pas atteinte à la liberté de croyance ou aux fondements de la liberté religieuse. Il n'était pas question pour l'état d'interdire certaines religions ou pratiques personnelles, mais uniquement d'interrompre temporairement et de manière égale pour chaque confession la possibilité de se rendre dans un lieu de culte en compagnie d'autres fidèles. Toutes les mesures décrétées étaient temporaires et seraient progressivement levées.

5) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt au fond, étant précisé que la chambre constitutionnelle est récemment entrée en matière sur un recours contestant des dispositions issues d'un arrêté de même type que celui présentement attaqué (ACST/35/2020 et ACST/36/2020 du 23 novembre 2020).

2) Les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d'urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ; a majore ad minus, elles peuvent être prises par la chambre statuant en composition régulière, d'autant que tant le président que le vice-président de celle-ci siègent en l'espèce.

3) a. Selon l'art. 66 LPA, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d'État, le recours n'a pas d'effet suspensif (al. 2) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, restituer l'effet suspensif (al. 3). D'après l'exposé des motifs du projet de loi portant sur la mise en oeuvre de la chambre constitutionnelle, en matière de recours abstrait, l'absence d'effet suspensif automatique se justifie afin d'éviter que le dépôt d'un recours bloque le processus législatif ou réglementaire, la chambre constitutionnelle conservant toute latitude pour restituer, totalement ou partiellement, l'effet suspensif lorsque les conditions légales de cette restitution sont données (PL 11311, p. 15).

b. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.1), l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

L'octroi de mesures provisionnelles - au nombre desquelles figure l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405). En matière de contrôle abstrait des normes, l'octroi de l'effet suspensif suppose en outre généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 835 ss ; Claude-Emmanuel DUBEY, La procédure de recours devant le Tribunal fédéral, in François BELLANGER / Thierry TANQUEREL [éd.], Le contentieux administratif, 2013, 137-178, p. 167).

4) a. L'art. 15 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comme les art. 25 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 18 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (Pacte II - RS 0.103.2), garantit la liberté de conscience et de croyance (al. 1) et accorde à toute personne le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté (al. 2), d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir et de suivre un enseignement religieux (al. 3). En outre, nul ne peut être contraint d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir, d'accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux (al. 4).

b. La liberté religieuse englobe tant la liberté intérieure de croire, de ne pas croire ou de modifier ses convictions religieuses que la liberté extérieure d'exprimer ses convictions, de les pratiquer et de les divulguer dans certaines limites, ou de ne pas les partager (ATF 145 I 121 consid. 5.1 et les références citées ; ACEDH Kokkinakis c. Grèce du 25 mai 1993, série A n° 260-A, § 31 et Otto-Preminger-Institut c. Autriche du 20 septembre 1994, série A n° 276, § 47). Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l'identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents (ACEDH zzettin Doan et autres c. Turquie du 26 avril 2016, req. 62649/10, § 103). Elle inclut le droit de chacun de se comporter en principe selon les enseignements de sa foi et d'agir conformément à ses convictions. Elle protège toutes les religions, quel que soit le nombre de leurs fidèles en Suisse (ATF 145 I 121 consid. 5.1 ; 142 I 49 consid. 3.4 et les références citées). Elle ne protège toutefois pas n'importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter dans le domaine public d'une manière dictée ou inspirée par sa religion ou ses convictions (ACEDH Leyla ahin c. Turquie du 10 novembre 2005, Rec. 2005-XI, § 105 et 121).

c. Les restrictions à la liberté de conscience et de croyance ne sont admissibles que si elles satisfont aux conditions prévues en cas de restriction aux droits fondamentaux. Elles doivent ainsi reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnées au but visé (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; art. 43 al. 1 à 3 Cst-GE ; ATF 139 I 280 consid. 4.3 et les références citées).

d. Les restrictions graves doivent reposer sur une disposition claire et expresse de la loi au sens formel (art. 36 al. 1, 2ème phrase, Cst.). Se déduisant du principe de la légalité, l'exigence de densité normative suffisante renvoie au degré de clarté et de précision que des dispositions générales et abstraites doivent avoir pour que leur application soit prévisible (ACST/19/2018 du 15 août 2018 consid. 6a et les références citées ; ACEDH zzettin Doan et autres c. Turquie précité, § 99).

e. Les restrictions de la liberté de conscience et de croyance doivent répondre à un intérêt public ou se justifier par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.). La notion d'intérêt public varie en fonction du temps et des lieux et comprend notamment les biens dits de police, tels que l'ordre, la sécurité, la santé et la paix publics.

f. Pour qu'une restriction d'un droit fondamental soit conforme au principe de la proportionnalité tel que garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., il faut qu'elle soit apte à atteindre le but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (art. 36 al. 3 Cst. ; ATF 142 I 49 consid. 9.1).

5) a. L'art. 40 de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101) prévoit par ailleurs que les autorités cantonales compétentes ordonnent les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population ou dans certains groupes de personnes (al. 1). Elles peuvent en particulier (al. 2) : prononcer l'interdiction totale ou partielle de manifestations (let. a), fermer les écoles, d'autres institutions publiques ou des entreprises privées ou réglementer leur fonctionnement (let. b), interdire ou limiter l'entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis (let. c). Les mesures ordonnées ne doivent pas durer plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour prévenir la propagation d'une maladie transmissible et elles doivent être réexaminées régulièrement (al. 3). Selon l'art. 75 LEp, les cantons exécutent la présente loi dans la mesure où son exécution n'incombe pas à la Confédération, en particulier en désignant les autorités compétentes (Message concernant la révision de la LEp du 3 décembre 2010, FF 2011 291, p. 398).

En outre, sur la base de l'art. 40 LEp, le canton peut prendre des mesures temporaires applicables régionalement si le nombre d'infections est élevé localement ou menace de le devenir (art. 8 al. 2 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière - RS 818.101.26).

b. À Genève, l'art. 21 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) prévoit que l'État encourage les mesures destinées à prévenir les maladies qui, en termes de morbidité et de mortalité, ont des conséquences sociales et économiques importantes ainsi que les mesures visant à limiter les effets néfastes de ces maladies sur la santé et l'autonomie des personnes concernées (al. 1). Il prend les mesures nécessaires pour détecter, surveiller, prévenir et combattre les maladies transmissibles en application de la LEp (al. 2) et encourager leur prévention (al. 3).

Selon l'art. 9 al. 1 LS, le médecin cantonal est chargé des tâches que lui attribuent la présente loi, la législation cantonale ainsi que la législation fédérale, en particulier la LEp. L'art. 121 LS précise que la direction générale de la santé, soit pour elle le médecin cantonal notamment, exécute les tâches de lutte contre les maladies transmissibles prévues par la LEp (al. 1). Elle peut en particulier ordonner les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles dans la population ou des groupes de personnes (al. 2 let. a ch. 3).

Selon l'art. 1 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15), le Conseil d'État exerce le pouvoir exécutif et prend les décisions de sa compétence. Il peut en tout temps évoquer, le cas échéant pour décision, un dossier dont la compétence est départementale en vertu de la loi ou d'un règlement ou a été déléguée lorsqu'il estime que l'importance de l'affaire le justifie et pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une matière où il est autorité de recours (art. 3 LECO).

6) a. En l'espèce, la mesure considérée constitue une ingérence dans la liberté religieuse des recourants. Prima facie, il pourrait même s'agir d'une atteinte grave, car elle revêt un caractère quasi-absolu (seuls les offices de funérailles et de mariage étant tolérés dans une certaine mesure) ; et si elle est censée être temporaire, la mesure a déjà été prise au printemps, et se voit en l'occurrence prolongée jusqu'au 17 décembre 2020 sans assurance qu'elle ne le soit pas à nouveau.

A priori, la mesure a un fondement légal (ACST/36/2020 du 23 novembre 2020 consid. 10) et poursuit un intérêt important voire vital de santé publique (ibid., consid. 11).

Cela étant, elle pose un sérieux problème de proportionnalité. Quand bien même on admettrait son aptitude, dès lors que toute diminution des contacts interpersonnels contribue à la diminution des risques d'infection, il apparaît à première vue que des mesures moins incisives permettraient d'atteindre ce but sans emporter une ingérence aussi importante aux droits fondamentaux. De nombreuses collectivités publiques, dont certaines sont citées par les recourants, ont du reste adopté de telles mesures moins incisives, en particulier la limitation à un certain nombre de personnes - ou mieux à un certain pourcentage de capacité, les lieux de culte pouvant être de taille et de contenance fort différente - et le strict respect d'un plan de protection approprié aux circonstances. De plus, si l'intimé a évoqué la possibilité que les lieux de culte puissent constituer des foyers de contamination particuliers (« clusters »), il n'a toutefois aucunement démontré que tel aurait été le cas dans le canton depuis la mise en place de mesures de protection.

Il s'ensuit que les chances de succès du recours apparaissent a priori élevées voire très élevées.

L'effet suspensif sera donc octroyé au présent recours, l'urgence étant également donnée vu la limitation dans le temps de la mesure d'interdiction et l'impossibilité de rattraper ultérieurement les services religieux manqués.

b. Il ne se justifie en revanche pas de statuer par voie de mesures provisionnelles pour prononcer les mesures alternatives suggérées par les recourants. En effet, la chambre de céans ne possède pas les compétences techniques pour déterminer quelles sont les restrictions adéquates en termes de santé publique, et son intervention dans ce cadre poserait donc problème en termes de respect de la séparation des pouvoirs, alors même que, comme précédemment exposé, c'est à Genève le médecin cantonal qui est formellement compétent pour l'édiction de telles mesures, et qui peut statuer de manière effective et avec toute la promptitude nécessaire à la mise en oeuvre des impératifs de santé publique propres aux lieux de culte. Dans l'intervalle, il est indiqué que l'art. 12 de l'arrêté querellé soit appliqué par analogie aux différents lieux de culte.

7) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

octroie l'effet suspensif au recours ;

rejette la demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Steve Alder, avocat des recourants, au Conseil d'État ainsi que, pour information, au médecin cantonal.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mmes Lauber et McGregor, M. Knupfer, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :