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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/11018/2020

CAPH/98/2022 du 01.07.2022 sur JTPH/304/2021 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 09.09.2022, rendu le 01.12.2022, REJETE, 4A_368/2022
Normes : CO.336; CO.328
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11018/2020-2 CAPH/98/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 1ER JUILLET 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le
Tribunal des prud'hommes le 17 août 2021 (JTPH/304/2021), comparant par
Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat, rue du Vieux-Collège 10, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Yvan JEANNERET, avocat, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/304/2021 du 17 août 2021, reçu le lendemain par les parties, le Tribunal des prud'hommes, statuant par voie de procédure ordinaire, a, à la forme, déclaré recevable la demande formée par B______ le 24 novembre 2020 contre A______ SA (chiffre 1 du dispositif) et, au fond, condamné cette dernière à verser à B______ la somme nette de 15'000 fr. avec intérêts moratoires de 5% l'an dès le 1er mars 2021 (ch. 2), dit qu'il n'était pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé le 17 septembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a formé appel contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation.

Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

b. Par réponse expédiée le 20 octobre 2021, B______ a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par avis de la Cour du 24 novembre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ SA est une société de droit suisse, inscrite au Registre du commerce du canton de Genève, ayant pour but social l’exploitation de bars, cafés, restaurants, discothèques, cercles ou tout établissement analogue, en particulier la gérance du cabaret-dancing « C______ » à Genève.

D______ en est l’administrateur président et dispose d’une signature individuelle.

Suite à sa requête déposée le 27 mai 2019, E______, employé du C______ en qualité d’agent de sécurité et de barman, est titulaire de la patente dudit établissement depuis le 19 juillet 2019. Il dispose de la signature collective à deux depuis avril 2019.

b. Par contrat de travail à durée indéterminée du 18 mars 2004, B______ a été engagé par A______ SA en qualité d’assistant de direction dès le 1er mai 2004. Il occupait en dernier lieu la fonction de directeur.

Le salaire annuel convenu était de 4'020 fr. brut versé treize fois l’an.

Au moment de son licenciement, B______ percevait un salaire mensuel brut de 5'020 fr., versé treize fois l’an.

Après le temps d’essai, le délai de congé contractuel était fixé à deux mois dès la cinquième année de service.

c. Selon A______ SA, B______ n’était pas un employé modèle. Elle s’est notamment plainte de l’absentéisme de B______, produisant des certificats médicaux couvrant une période d’incapacité de travail de l’employé du 22 mars au 7 juin 2017. B______ avait par ailleurs écopé d’un avertissement le 8 novembre 2011 et d’une mise à pied le 30 janvier 2019 en raison de son comportement au travail (notamment un manque de ponctualité et le non-respect de consignes). Des courriers lui rappelant les tâches qui lui incombaient ainsi que les directives à respecter lui ont été adressés le 12 décembre 2013 et le 19 janvier 2018.

A______ SA a aussi fait valoir que des tensions existaient entre B______ et les autres employés, qui étaient réticents à se faire remplacer par lui, notamment à la caisse, au motif qu'il manquait ensuite de l'argent.

d. B______ a allégué qu’en début d’année 2019, un litige professionnel l’avait opposé à E______, qui s’était montré menaçant. Le problème, qui découlait en réalité d’une incompréhension, avait été réglé lors d’une séance.

Entendu par le Tribunal lors de l’audience du 19 mai 2021, E______ a admis avoir eu un différend avec B______ au sujet de la caisse, mais a soutenu avoir toujours respecté les instructions transmises par son supérieur, malgré "les dialogues forts échangés entre eux". Lors de l’audience du 27 mai 2021, il a contesté avoir eu des altercations verbales avec son supérieur avant la réunion du 24 mai 2019. Il avait uniquement mis de la distance entre eux.

e. Le 24 mai 2019 en début de soirée, A______ SA a organisé une réunion avec le personnel et les membres de la direction du C______. Selon A______ SA, cette réunion devait permettre aux directeurs de l’établissement de faire des propositions pour augmenter le chiffre d’affaires, qui était en baisse.

Les parties présentent une version différente du déroulement de cette séance.

e.a B______ a allégué que E______ l’avais pris à partie. Ce dernier était virulent à son égard et l’avait traité de fourbe, de voleur et de menteur. B______ avait alors tenté de s’expliquer et de se défendre, mais son interlocuteur, furieux, ne lui avait pas permis de s’exprimer. Il avait menacé E______ de porter plainte s’il continuait à l’insulter, ce qui avait rendu ce dernier encore plus furieux et énervé. Il lui avait alors dit que s’il était un homme, il pouvait se retourner et lui dire ces insultes en face. E______ s’était ensuite tourné vers lui et lui avait asséné un violent coup de poing au visage ainsi qu’un coup de genou dans les côtes, et il était tombé. Il avait alors immédiatement quitté la séance, de peur que la situation s’envenime.

e.b A______ SA a contesté la version des faits présentée par B______, en soutenant d’abord, dans le cadre de sa réponse du 1er février 2021, qu’il n’y avait eu aucune altercation entre B______ et E______. Lors de l’audience du Tribunal du 19 mai 2021, elle a déclaré qu’une dispute orale avait bien eu lieu entre les deux protagonistes, laquelle avait entraîné une mise à pied d’une semaine pour chacun des employés, mais qu’elle n’avait pas eu le temps d’informer B______ de sa sanction.

Entendu par le Tribunal le 19 mai 2021 en qualité de partie, E______ a soutenu ne pas avoir insulté B______ lors de la réunion du 24 mai 2019. En revanche, il avait déclaré refuser la "fourberie" et la "loi du plus fort" et demandé à B______ de se taire d’un ton ferme, celui-ci n’arrêtant pas de parler. Des collègues s’étaient alors approchés de lui pour lui demander de se calmer. B______ avait ensuite glissé de sa chaise.

Également entendu par le Tribunal en qualité de partie, D______ a, quant à lui, déclaré qu'à la fin de la séance, il avait demandé à tout son personnel d’avoir plus de respect les uns pour les autres. E______ avait alors réagi en disant que pour avoir le respect des collaborateurs, les directeurs devaient aussi les respecter car ils n’étaient pas des chiens. S’en était suivie une discussion entre B______ et E______, calme au début, puis les voix s’étaient élevées. Il était assis entre B______, qui était sur sa gauche, et E______, sur sa droite. Il avait alors vu B______ glisser de sa chaise. Il avait demandé à ce dernier s'il allait bien, ce à quoi B______ lui avait répondu par l’affirmative, en pleurant. Il avait dit à son employé qu’il pouvait partir s’il ne se sentait pas bien, ce que B______ avait fait. Il avait ensuite dit à E______ que son comportement ainsi que celui de B______ l’avaient choqué et qu’ils étaient tous deux sanctionnés par une mise à pied d’une semaine.

E______ a confirmé la sanction reçue.

e.c Des employés ont livré leur version des faits s’étant déroulé le 24 mai 2019.

F______, employée en qualité de serveuse par C______ de 2015 à 2020, a déclaré qu’il y avait eu une discussion "animée" entre E______ et B______, mais que tout le monde était "remonté", elle y compris en raison des tensions existant entre les employés et les supérieurs. Elle avait toutefois quitté la salle au milieu de la conversation et n’avait rien vu de particulier, hormis que B______ lui avait dit en partant qu’il n’était pas bien et qu’il avait mal. Selon elle, B______ pleurait tout le temps et "fais[ait] toujours du cinéma"; "c’était [sa] manière d’être".

G______, employé en qualité de directeur par C______ de 2013 à 2020, a déclaré qu’il y avait eu une discussion un peu tendue entre E______ et B______ concernant la disparition d’argent dans les caisses. Les deux individus s’étaient expliqués et chacun était parti de son côté. G______ a précisé qu’il avait quitté la salle lorsqu’ils s’étaient mis à crier car il ne supportait plus le bruit.

H______, employé en qualité de directeur intérimaire par le C______ de janvier 2019 "jusqu’au début du confinement", a confirmé que le ton était monté entre E______ et B______. Il avait vu ce dernier glisser de son tabouret et se relever. D______ s’était alors approché pour voir si tout allait bien. Selon lui, il s’agissait d’une réunion comme un autre et il n’y avait vu aucune violence physique.

f. B______ a déclaré être retourné le soir même à la discothèque après que D______ l’ait appelé. Il avait remis les clés à I______, employé en qualité d’agent de vestiaire par C______ – ce dont ce dernier a déclaré ne pas se souvenir – devant D______ qui lui avait alors dit de prendre soin de lui et de faire attention à E______. Il avait sollicité les images de vidéosurveillance de la séance, mais D______ avait refusé, lui assurant qu’il règlerait le problème en interne.

A cet égard, A______ SA a contesté que B______ ait réclamé les enregistrements et a fait valoir qu'il n’aurait pas pu les lui remettre car il n’avait pas les codes. Seul B______ les avait

g. B______ s’est trouvé en incapacité de travailler à 100% du 26 mai 2019 au 31 mars 2020, puis à 30% jusqu’au 30 avril 2020. Ces certificats médicaux lui ont été délivrés par le Dr J______, psychiatre et psychothérapeute FMH, dès le 6 juin 2019.

g.a B______ s’est rendu aux urgences de la Clinique K______ le 26 mai 2019.

"Une douleur exquise de l’angle rétro-angulo-maxillaire droit à la palpation" ainsi qu’"à la palpation du gril costal droit, irradiant dans le dos", dont l’origine était "certainement" traumatique ont été constatées le 4 juin 2019 par le Dr L______, médecin interne FMH.

Une légère inflammation de l’œil droit et une choriorétinite séreuse centrale ont également été observées le 17 juin 2019 par la Dresse M______, spécialiste FMH en maladies et chirurgie des yeux. Il est indiqué que B______ l’avait consultée sur avis de son médecin traitant, suite à un coup sur la mâchoire droite trois semaines auparavant.

g.b B______ a soutenu qu’en raison des "recommandations pressantes de son employeur", il avait préféré indiquer aux médecins qu’il avait glissé dans son salon et était tombé sur une table basse, de peur de perdre son emploi, ce qui est contesté par A______ SA.

A cet égard, selon un message non daté produit par B______, ce dernier a informé D______ qu’il éprouvait de la difficulté à respirer, qu’il avait très mal aux côtes et que si le lundi 27 mai 2019 les douleurs persistaient, il irait consulter, étant précisé qu’il "ne dirai[t] pas ce qui s’[était] passé" au médecin. Le 26 mai 2019, B______ a encore indiqué à son employeur qu’il avait dit aux médecins qu’il avait "glissé dans le salon et était tombé sur la table basse", ce à quoi D______ a répondu "OK B______ prend soin de toi on se rappelle demain bisous".

g.c B______ a bénéficié d’un suivi psychiatrique dès le 6 juin 2019.

Par certificat médical du 29 août 2019, le Dr J______ a indiqué que son patient souffrait d’une symptomatologie anxieuse, dépressive et post-traumatique qui nécessitait un traitement médicamenteux conséquent, étant précisé qu’aucune amélioration n’avait été constatée à cette date. Selon le psychiatre, cet état psychique s’était déclenché suite à une agression physique subie sur son lieu de travail ainsi qu’en raison de la "minimisation voire le déni des évènements de la part de sa hiérarchie" et du refus de mettre en place des mesures suite à cet évènement. A la date du certificat, le patient n’était pas apte psychologiquement à être confronté à son agresseur et craignait d’éventuelles représailles.

h. Le 28 mai 2019, B______ et D______ se sont vus au domicile de ce dernier.

Selon B______, lors de cette discussion, D______ lui avait dit qu’il ne pouvait pas le garder lui et E______ au vu de ce qui s’était passé et que E______ était plus important pour la société puisque celui-ci avait alors déposé une demande de patente, de sorte qu'il le licenciait. Il changerait peut-être d’avis s’agissant de son licenciement si la situation avec E______ s’arrangeait. E______ avait refusé de parler avec lui, de sorte que D______ avait confirmé le licenciement quelques jours plus tard.

Selon D______ en revanche, ils n’avaient parlé que de leurs familles respectives lors de cette rencontre. Il n’avait constaté aucune blessure au visage de son employé. Quelques jours plus tard, il avait appelé B______ pour lui demander la date de son retour au travail, ce à quoi ce dernier lui avait répondu qu’il devait se reposer car il était en arrêt accident.

Il ressort d’une capture d’écran produite par B______ qu'à une date indéterminée, ce dernier a écrit à D______ qu’il vivait mal le fait d’être licencié alors qu’il était la victime et E______ l’agresseur. D______ n’a pas répondu à ce message mais a demandé, par envoi du 31 mai 2019, à son employé de l’appeler.

i. Pendant son absence, B______ a échangé des messages avec ses collègues.

i.a Il a écrit à F______ le 30 mai 2019 que [D______] lui avait "demandé d’arrêter", ce à quoi celle-ci a répondu qu’elle était choquée par la situation, soit par le fait que c’était lui qui devait "arrêter" alors que c’était celui qui s’était fait "taper". B______ lui a ensuite confirmé que D______ le licenciait, ce à quoi F______ a répondu qu’elle était désolée et triste pour lui.

Entendue à ce sujet par le Tribunal, F______ a déclaré que certains messages ne figuraient pas sur la capture d’écran et que pour comprendre ses réponses, il aurait fallu avoir toute la conversation.

i.b H______ a demandé des nouvelles à son collègue le 24 mai 2019 à 23h29, ce à quoi B______ a répondu qu’il avait un peu la mâchoire enflée mais que ça allait et s’est plaint de ses côtes. H______ a ensuite répondu "navré de ce qu’il se passe". Le 26 mai 2019, B______ a envoyé un message à H______ pour l’informer qu’il s’était rendu aux urgences et qu’il avait une côte cassée. H______ lui a alors adressé des vœux de rétablissement, lui indiquant qu’il était désolé.

H______ a confirmé être l’auteur de ces messages. Il avait écrit qu’il était navré car c’était une période difficile pour B______ et qu’il avait vu ce dernier tomber lors de la séance.

i.c Selon une capture d’écran, sur laquelle ne figure pas les numéros de téléphone mais a été inscrit à la main "N______", qui, selon les déclarations de B______ au Tribunal, était un employé qui faisait des extras, B______ a indiqué à ce dernier, qui lui demandait si ça allait, que ses côtes lui faisaient très mal. Ledit employé lui a alors écrit "Merde il a vraiment déconné" et souhaité un bon rétablissement.

i.d Le 25 juin 2019, B______ a envoyé un message à G______, dont la teneur est la suivante : "Hello G______ écoute malgré notre conversation de hier soir que j’ai apprécié du fond du cœur je vais rester pour l’instant avec l’avis médicale et en plus D______ n’a pas la franchise de dire la réalité qu’il m’a licencié je peux pas revenir dans ces conditions et on va travailler comment avec E______ qui m’a agressé et même pas une excuse une discussion en tout cas merci G______ de ta franchise et ton respect bisous B______".

Le témoin G______ a confirmé avoir reçu ce message, auquel il pensait ne pas avoir répondu. Il avait eu B______ au téléphone "de temps en temps". Ce dernier ne lui avait pas parlé de la réunion du 24 mai 2019 mais lui avait notamment dit qu’il s’était fait mal aux côtes en tombant de sa chaise et qu’il était allé voir un médecin.

Il a ajouté que B______ l’avait informé, lors d’un appel téléphonique, qu’il n’avait pas l’intention de retourner travailler au C______.

j. Le 19 juillet 2019, B______ a déposé plainte contre E______ pour les faits survenus le 24 mai 2019.

Par ordonnance du 17 novembre 2020, le Ministère public a classé la procédure. Au vu des éléments du dossier et des déclarations des parties, il a estimé qu’il était établi qu’une altercation verbale avait eu lieu entre B______ et E______ lors de la réunion du 24 mai 2019. Cela étant, aucun élément de preuve objectif ne permettait d’accréditer la version de B______ s’agissant du déroulement précis des faits lors de cette réunion et dans les jours qui avaient suivi.

B______ a déclaré ne pas avoir recouru contre l’ordonnance de classement pour des raisons économiques.

k.a Par courrier du 31 juillet 2019, B______ a demandé à A______ SA quelles mesures avaient été prises à l’encontre de E______ en vue de son éventuel retour au sein de l’équipe.

k.b Par réponse à B______ du 26 août 2019, A______ SA a contesté l'avoir licencié, mais il lui avait cependant fait comprendre, par l’envoi d’un message à G______ (cf. let. i.d), qu’il ne souhaitait pas reprendre son poste.

k.c Par courrier du 29 août 2019 adressé à A______ SA, B______ a contesté la teneur du courrier précité.

Il a expliqué avoir été licencié la semaine suivant son agression du 24 mai 2019, car A______ SA préférait garder E______ qui était au bénéfice de la patente. S’agissant du message envoyé à G______, il signifiait qu’il ne pouvait pas reprendre son poste immédiatement, dans la mesure où il était en arrêt maladie, où aucune mesure n’avait été prise et où la situation devait nécessairement être clarifiée avec son agresseur. Il n’avait jamais mentionné ni eu l’envie de démissionner de son poste de directeur du C______.

Il a réitéré sa demande tendant à ce que des mesures soient prises à l’encontre de E______ pour préparer son retour au sein de l’équipe.

k.d Par courriers des 15 octobre et 2 décembre 2019 adressés à A______ SA, B______ a, à nouveau, sollicité que cette dernière prenne des mesures à l’encontre de E______.

k.e Par pli du 3 décembre 2019, A______ SA a contesté l’agression du 24 mai 2019.

Elle a soutenu avoir uniquement vu B______ glisser de son tabouret et qu’il était déjà arrivé au précité de faire semblant de tomber dans les pommes lorsqu’on lui demandait de remplacer un collègue sur son jour de congé. Pour elle, "c’[était] une habitude et [elle n’avait] plus rien à [lui] dire tant [qu’il était] en maladie". Des "dispositions" seraient prises "au terme de [sa] maladie".

k.f Le 27 décembre 2019, B______ a contesté la teneur du courrier précité.

Il comprenait que rien ne soit mis en place vu son licenciement signifié oralement le 28 mai 2019 lorsqu'il s'était rendu chez D______, étant rappelé qu’il avait, ce jour-là, sollicité les images de vidéosurveillance de la réunion du 24 mai 2019, qui lui avaient été refusées. Il regrettait d’avoir fait confiance à son employeuse car il se trouvait à présent sans images pour prouver ses allégations.

l. Le 27 décembre 2019, A______ SA a licencié B______ pour le 28 février 2020. Le courrier de licenciement indique comme motif une restructuration interne.

A______ SA a déclaré au Tribunal avoir libéré B______ de son obligation de travailler pendant le délai de congé, dans la mesure où elle savait que celui-ci ne voulait pas revenir travailler "dans ces conditions".

B______ s’est opposé à son licenciement, qu’il estimait abusif, par courrier du 20 février 2020.

m. Par requête du 2 juin 2020 déposée en vue de conciliation, puis introduite le 24 novembre 2020 devant le Tribunal des prud’hommes après échec de la conciliation, B______ a assigné A______ SA en paiement de la somme totale de 47'630 fr. 10 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er mars 2020, comprenant un montant net de 32'630 fr. 10 à titre d’indemnité pour résiliation abusive correspondant à six mois de salaire ainsi qu’un montant net de 15'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral.

A l’appui de ses conclusions, B______ a, en substance, allégué avoir été licencié de manière abusive le 27 décembre 2019 à l’issue de son délai de protection parce qu’il avait demandé à A______ SA de prendre des mesures pour le protéger de E______ qui l’avait agressé le 24 mai 2019.

n. Par réponse du 1er février 2021, A______ SA a conclu au rejet de la demande.

Elle a notamment allégué que B______ avait été licencié pour des motifs économiques et que son licenciement n’avait aucun lien avec la réunion du 24 mai 2019. Elle a allégué que la baisse importante du chiffre d’affaires en 2019 (2'390'973 fr.) par rapport à 2018 (2'604'133 fr.) l’avait contrainte à se séparer d’un des employés dont le salaire était parmi les plus élevés de la société, soit celui de B______. Les tâches de ce dernier avaient été reprises par H______.

Elle a également fait valoir qu’il n’y avait jamais eu d’altercation entre B______ et E______ et que son incapacité de travail était probablement fictive. Il ressortait des captures d’écran produites du compte FACEBOOK de B______ que ce dernier a publié des photos de lui et de son fils en octobre, novembre et décembre 2019. Il avait également publié, à une date indéterminée, le message suivant : "Il aurait dû me garder au C______ regarde depuis une année la merde que cella foutu dans le monde", auquel un dénommé "O______" avait répondu: "Ca va les chevilles ?", suivi de trois émoticônes riant aux larmes.

o. Le Tribunal a procédé à l’audition des parties et de plusieurs témoins, dont les déclarations ont été intégrées dans la mesure utile à l’état de fait retenu ci-dessus.

p. Lors de l’audience du Tribunal du 27 mai 2021, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.

A l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.

q. Dans le jugement entrepris, le Tribunal des prud'hommes a relevé que les témoignages des deux employés présents lors des faits litigieux, soit F______ et H______, ne concordaient pas avec les messages échangés avec B______ après le 24 mai 2019. De l'avis du Tribunal, si F______ n'avait rien vu, elle n'aurait pas dit à son collègue qu'elle était choquée par le fait que celui-ci devait arrêter de travailler alors que c'était lui qui s'était fait frapper. Les mêmes considérations valaient pour le témoin H______ qui avait répondu à B______ qu'il était navré alors que celui-ci l'informait de son état de santé. Il ressortait par ailleurs de la procédure que l'attitude de A______ SA, respectivement de D______, était peu claire et contradictoire les jours suivant la réunion du 24 mai 2019 ainsi que, de façon générale, sur le déroulement des faits cette nuit-là. Quant à E______, s'il avait contesté avoir insulté et agressé physiquement B______, il avait toutefois admis que lors de cette réunion, il avait demandé au précité de se taire d'un ton ferme et que ses collègues s'étaient approchés de lui pour le calmer. Les échanges WhatsApp produits par B______ ne laissaient par ailleurs aucun doute quant à l'existence d'une altercation violente lors de la réunion du 24 mai 2019. Il ressortait également de la procédure qu'il y avait eu des tensions par le passé entre B______ et E______ au sujet de la caisse, ce que tous les témoins avaient confirmé. Si l'incident du 24 mai 2019 n'avait pas été grave, E______ n'aurait pas été mis à pied pendant une semaine. De même, les collaborateurs ne se seraient pas enquis de l'état de santé de B______ auprès de ce dernier et D______ aurait immédiatement contesté l'état de fait présenté par l'employé dans ses nombreux courriers.

A______ SA n'avait pris aucune mesure pour tenter d'apaiser les relations entre E______ et B______, ni permettre à ce dernier une reprise sereine de son travail après son incapacité de travail. Elle avait même ignoré les demandes de son employé. Elle n'avait en outre pas prouvé que B______ était de mauvaise foi. La chronologie des évènements et le licenciement du 27 décembre 2019 concordaient avec les demandes de l'employé. Partant, en licenciant B______ à la suite de ses demandes de protection et en ne prenant aucune mesure pour calmer les tensions à l'origine de l'altercation du 24 mai 2019, l'employeuse avait violé son obligation de protection.

Le motif de licenciement invoqué par A______ SA n'apparaissait quant à lui pas réel. La baisse du chiffre d'affaires en 2019 était visible dès janvier 2019 et, partant, l'employé aurait pu être licencié à ce moment-là ou en novembre 2019, à l’échéance de son délai de protection de 180 jours. Le motif réel du licenciement est donc bien les demandes formées par B______ tendant à la mise en place de mesures de protection suite à la réunion du 24 mai 2019. Ce licenciement-représailles était partant abusif.

Le Tribunal a accordé un montant net de 15'000 fr. à B______ compte tenu du nombre important d’années de service de ce dernier, du poste d’assistant-directeur qu’il occupait, de son âge, du fait qu'il a été licencié à la suite d’une altercation avec un employé et que A______ SA n’avait pas répondu aux différents courriers de son employé au sujet de mesures de protection jusqu’en décembre 2019. Dans la mesure où il n'avançait pas d’autre motif que celui relatif au fait que A______ SA avait violé son obligation de protection en ne prenant pas de mesure pour le protéger, le Tribunal a débouté B______ de ses conclusions tendant au versement d'une indemnité pour tort moral puisqu'il avait accordé une indemnité pour résiliation abusive équivalente à environ trois mois de salaire et que le cumul de cette indemnité avec l’indemnité pour tort moral n'était pas admis.

EN DROIT

1.             1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales et incidentes lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l’espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l’appel est ouverte.

1.2 Déposé dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC), l’appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenus (art. 157 CPC en lien avec l’art. 310 let. b CPC ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 2).

1.4 Dans la mesure où la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr., les maximes de débats (art. 55 al. 1 et 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables (arrêt du Tribunal fédéral 5A_261/2013 du 19 septembre 2013 consid. 3.3). La présente cause est en outre régie par la procédure ordinaire (art. 243 al. 1 et 2 a contrario CPC).

2.             Les parties n’ont, à juste titre, pas remis en cause la compétence ratione materiae et loci des juridictions prud’homales genevoises pour connaître du présent litige et l’application du droit suisse.

3.             L’appelante critique le jugement attaqué en tant qu'il a considéré le licenciement litigieux comme abusif. Elle reproche au Tribunal d’avoir constaté les faits de manière inexacte en retenant l'existence d’une altercation physique dont l’intimé aurait été victime. De plus, la baisse du chiffre d'affaire qui avait motivé le licenciement était bien réelle et pouvait être constatée lors de l'établissement du bilan provisoire à fin novembre ou début décembre. Elle invoque une violation de l'art. 336 CO et de l'art. 8 CC au motif que le Tribunal a renversé le fardeau de la preuve, le faisceau d'indices ayant amené le Tribunal à retenir l'existence d'une agression physique de l'intimé ne confinant pas à la certitude et ne permettant pas d'établir que le licenciement était abusif.

3.1 Chaque partie peut décider unilatéralement de mettre fin à un contrat de durée indéterminée (art. 335 al. 1 CO). Ce droit est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO). L’art. 336 CO énonce une liste non exhaustive de cas de résiliation abusive, concrétisant l’interdiction générale de l’abus de droit (ATF 136 III 513 consid. 2.3 ; 131 III 535 consid. 4.2).

3.1.1 Aux termes de l’article 336 al. 1 let. d CO, le congé est abusif lorsqu’il est donné par une partie parce que l’autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail (congé dit de représailles).

Les prétentions résultant du contrat de travail portent notamment sur les salaires, primes ou vacances ou encore sur un droit à la protection de sa personnalité au sens de l’art. 328 CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_96/2017 du 7 janvier 2019 consid. 3.1 et 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.1.1). Pour que cette disposition soit applicable, il faut que l’autre partie ait eu la volonté d’exercer un droit et qu’elle ait été de bonne foi, laquelle est présumée (art. 3 al. 1 CC), même si sa prétention, en réalité, n’existait pas (ATF 136 III 513 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_652/2018 du 21 mai 2019 consid. 4.1 ; 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.1.2 et la référence citée).

L’émission de prétentions par le travailleur doit avoir joué un rôle causal dans la décision de licenciement (ATF 136 III 513 consid. 2.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_310/2019 du 10 juin 2020 consid. 5.2 ; 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.1.3). Le fait que l’employé émette de bonne foi une prétention résultant de son contrat de travail n’a pas nécessairement pour conséquence de rendre abusif le congé donné ultérieurement par l’employeur. Encore faut-il que la formulation de la prétention en soit à l’origine et qu’elle soit à tout le moins le motif déterminant du licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2019 précité ; 4A_652/2018 du 21 mai 2019 consid. 4.1).

3.1.2 Pour dire si un congé est abusif, il faut déterminer et se fonder sur son motif réel. Il incombe en principe au travailleur d'apporter la preuve d'un motif abusif visé par l'art. 336 al. 1 CO (art. 8 CC ; ATF 130 III 699 consid. 4.1, SJ 2005 I 152 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 2.2.2).

La jurisprudence a tenu compte des difficultés qu'il pouvait y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui a donné le congé. Ainsi, selon le Tribunal fédéral, le juge peut présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de "preuve par indices". De son côté, l'employeur ne peut rester inactif ; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_437/2015 du 4 décembre 2015 consid. 2.2.5).

Le juge établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). L’appréciation du caractère abusif du licenciement suppose l’examen de toutes les circonstances du cas d’espèce (ATF 132 III 115 consid. 2.5 et les références citées).

Lorsque le juge constate qu'un fait s'est produit ou ne s'est pas produit, il est parvenu à un résultat. En tant que règle légale, le fardeau de la preuve n'intervient que lorsque le juge ne parvient pas à un résultat, s'il ne peut déterminer si le fait s'est produit ou non (ATF 119 III 103 consid. 1; 118 II 142 consid. 3a p. 147; 114 II 289 consid. 2a). Lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge qu'une allégation a été établie ou réfutée, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 141 III 241 consid. 3.2; 138 III 374 consid. 4.3.1; 130 III 591 consid. 5.4; 128 III 22 consid. 2d; arrêt 5A_113/2018 consid. 6.2.2.3 non publié aux ATF 144 III 541).

3.1.4 Aux termes de l’article 328 al. 1 CO, l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité.

L’art. 328 al. 2 CO astreint l’employeur à prendre, pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l’expérience, applicables en l’état de la technique et adaptées aux conditions de l’exploitation, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger de lui.

3.1.5 A teneur de l’art. 336c al. 1 lit. b CO, après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputable à la faute du travailleur, et cela, durant 30 jours au cours de la première année de service, durant 90 jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant 180 jours à partir de la sixième année de service.

3.1.6 Selon l’art. 53 CO, le juge civil n’est pas lié par le jugement pénal ou par l’acquittement.

3.2
3.2.1 En l’espèce, concernant en premier lieu la réalité de l'agression dont l'intimé soutient avoir été victime lors de la réunion du 24 mars 2019, il ressort des déclarations des différentes personnes qui y ont assisté que le ton était monté entre l'appelant et E______. Certaines ont d'ailleurs quitté ladite réunion pour ce motif.

E______, D______ et H______ étaient présents au moment des faits litigieux.

Les déclarations des deux premiers doivent être appréciées avec circonspection. Le premier serait l'auteur de l'agression dont l'intimé déclare avoir été victime et il détient la patente permettant l'exploitation du C______. Le second est administrateur de l'appelante, laquelle a varié dans sa version des faits. Elle a d’abord soutenu dans sa réponse écrite du 1er février 2021 qu’il n’y avait eu aucune altercation entre l’intimé et E______, puis a déclaré, par la bouche de D______, que le ton était monté entre les deux employés, qui avaient été sanctionnés par une mise à pied car elle estimait que leur comportement avait été choquant. Or, si aucun incident d'une certaine gravité ne s'était produit, allant au-delà d'une simple dispute verbale, on ne comprend pas pourquoi elle aurait pris des sanctions.

De même, si l’altercation décrite par l'intimé ne s'était pas produite, il y a lieu d'admettre que D______ aurait réagi lorsque l’intimé l’a informé, par messages téléphoniques, ne pas avoir dit aux médecins ce qui s’était réellement passé, expliquant à la place avoir glissé dans le salon et être tombé sur la table basse. En outre, alors que l'appelante avait eu connaissance, comme en atteste son courrier du 26 août 2019, du message de l'intimé à G______ du 25 juin 2019 dans lequel l'intimé indiquait avoir été agressé, elle n'a pas contesté dans ledit courrier cette agression. Enfin, ce n’est qu’en date du 3 décembre 2019 que l’appelante a contesté qu’une agression avait eu lieu le 24 mai 2019.

Quant à H______, il a certes déclaré qu'il avait simplement vu l'intimé tomber de son tabouret. Il a toutefois spontanément pris des nouvelles de son collègue le soir même et n’a pas semblé surpris lorsque celui-ci lui a annoncé avoir la mâchoire enflée, et plus tard, une côte cassée, alors que ces blessures semblent peu compatibles avec une simple chute d'un tabouret. Par ailleurs, sa version des faits, consistant uniquement à dire qu’il s’agissait d’une réunion comme une autre, que le ton était monté et que l’intimé avait glissé de son tabouret, ne correspond pas à celle livrée par E______, qui a reconnu que les autres employés avaient dû intervenir pour lui demander de se calmer.

En outre, même si elle n'a pas assisté à l'entier de la scène, F______ a répondu à un message de l'intimé et lui disant qu’elle était choquée par la situation, soit par le fait que D______ lui avait dit que l'intimé devait "arrêter" alors que c’était lui qui s’était fait "taper". Elle a certes déclaré au Tribunal que l’ensemble de la conversation ne figurait pas sur la pièce produite par l’intimé, mais elle n’a cependant fourni aucune explication sur la teneur de ces prétendus messages supprimés.

De son côté, l’intimé n’a jamais varié dans sa version des faits. Il a toujours soutenu avoir été victime d’une agression de la part de E______ lors de la réunion du 24 mai 2019, avoir rapidement sollicité les images de vidéosurveillance et avoir informé son supérieur de son état.

Si les constats médicaux ne permettent pas d’établir la cause des blessures, il en ressort toutefois que l’intimé a souffert de blessures "certainement" d’origine traumatiques et d’une symptomatologie anxieuse, dépressive et post-traumatique, qui ont nécessité un traitement médicamenteux. De telles affections sont compatibles avec l’agression alléguée et le déroulement des faits postérieurs (soit la "minimisation voire le déni des évènements de la part de sa hiérarchie"). Elles le sont en revanche difficilement avec une simple chute d'un tabouret.

Sur ce point, il y a encore lieu de souligner que, contrairement à ce que prétend l’appelante, des moments joyeux passés par l'intimé avec son enfant ne sont pas inconciliables avec l’état décrit dans les attestations médicales. En tout état, la date de publication d’une photographie ne correspond pas nécessairement à la date à laquelle celle-ci a été prise. Quant au message "ça va les chevilles ???", il s’agit à l'évidence d’une réponse moqueuse pour faire remarquer à l’intimé qu’il pense avoir trop d’importance (puisqu’il estime que son licenciement est à l’origine de tous les problèmes du monde) et l'appelante ne peut pas sérieusement soutenir qu'elle aurait un lien avec les lésions subies par l’intimé. C’est donc à tort que l’appelante s’en prévaut pour soutenir sa version des faits, soit qu’il n’y a aucune altercation physique et que l'incapacité de travail de l'intimé était fictive.

Enfin, contrairement à ce que soutient l’appelante, le fait que la plainte pénale déposée par l’intimé en relation avec les faits susvisés ait fait l’objet d’une décision de classement de la part des autorités pénales ne permet pas d'exclure que les faits allégués par l'intimé se soient produits.

Ainsi, en définitive, au vu de l'ensemble des éléments figurant à la procédure, il sera retenu que l'altercation entre l'intimé et E______ n'a pas été que verbale et que l'intimé n'est pas simplement tombé de son tabouret, mais qu'il y a eu une altercation physique.

3.2.2 Le motif de la résiliation du contrat de travail est contesté. L'intimé soutient que la résiliation est intervenue en réponse à ses demandes tendant à ce que l'appelante prenne des mesures pour son retour au travail, alors que celle-ci soutient qu'elle est intervenue pour des motifs économiques.

Il convient de relever en premier lieu que l'intimé a réclamé à plusieurs reprises que des mesures soient prises pour éviter que ne se reproduise l'incident survenu le 24 mai 2019. L'appelante n'allègue pas que de telles mesures, qui étaient légitimes, auraient été mises en place ou même simplement envisagées et elle a même contesté le 3 décembre 2019 qu'une altercation se soit produite, soutenant que l'intimé était tombé de son tabouret.

En outre, contrairement à ce que fait valoir l’appelante, il n’appartenait pas à l’intimé de prendre des mesures pour s’assurer un retour serein au sein de l’équipe. Il ne pouvait par ailleurs pas, compte tenu de son absence, mettre en place lesdites mesures pour son retour. Le devoir de l’employeuse de protéger la personnalité de ses employés, peu importe la fonction qu’ils occupent, lui imposait en revanche d’intervenir pour aplanir le conflit, en tentant par exemple une conciliation, ce d’autant que des mesures étaient réclamées par l’intimé, qui n’a jamais été informé de la prétendue mise à pied de E______, laquelle n'est établie par aucune pièce ni témoignage, ni de la sienne. C’est ainsi à juste titre que le Tribunal a retenu que l’appelante n’avait jamais pris de mesure de protection à l’égard de l’intimé.

Pour le surplus, le message transmis par l’intimé à G______ ne permettait pas à l’appelante d’inférer que son employé ne souhaitait pas retrouver son poste. Il en ressort en réalité qu’il n’était pas capable de reprendre son activité selon avis médical et qu'il ne voulait pas revenir travailler "pour l'instant" et "dans ces conditions", soit en l’absence de toute mesure de protection. En tout état, l’intimé a exprimé son désir de retourner sur son lieu de travail par l’envoi de nombreux courriers à l'appelante lui demandant de prendre des mesures de protection.

Quant au motif invoqué par l'appelante pour justifier le licenciement de l'intimé, il apparaît que le délai de protection de l’intimé ayant commencé à courir le 26 mai 2019, il a ainsi pris fin le 22 novembre 2019. Or, si à cette date l'appelante connaissait déjà sa situation financière, on ne comprend alors pas pourquoi elle n'a pas licencié l'intimé, étant relevé que selon l'appelante elle-même, la réunion du 24 mai 2019 devait permettre aux directeurs de l’établissement de faire des propositions pour augmenter le chiffre d’affaires, qui était en baisse, de sorte qu'à la suivre, elle connaissait la baisse de son chiffre d'affaires depuis plusieurs mois. Si en revanche elle ne connaissait pas cette baisse à l'échéance du délai de protection, il n'est alors pas crédible qu'elle en ait eu connaissance plus précise, ou à tout le moins suffisante pour motiver le licenciement de l'intimé, durant le mois de décembre. Le bouclement de ses comptes annuels n'était pas encore intervenu le 27 décembre 2019 et elle ne connaissait ainsi pas les résultats obtenus en particulier lors des fêtes de fin d'année, de sorte que si elle n'avait pas de motif économique pour licencier l'intimé à la fin de sa période de protection, il doit être admis qu'elle n'en avait pas davantage le 27 décembre 2019. Le licenciement intervient en outre après un long échange de courriers dans lesquels l'intimé a réclamé à réitérées reprises des mesures de protection que l'appelante refusait de prendre et au terme duquel elle a indiqué qu'elle n'avait plus rien à lui dire.

Au vu de ce qui précède, les éléments fournis par l’intimé suffisent à convaincre du fait que le motif avancé par l’appelante, soit la baisse du chiffre d’affaires, ne constitue pas le véritable motif de licenciement et que l’émission de prétentions légitimes par le travailleur en est le motif réel.

Il ne peut dès lors être reproché aux premiers juges d’avoir constaté les faits de manière inexacte et d'avoir violé l’art. 8 CC.

3.2.3 Compte tenu des faits tels qu'ils ont été retenus ci-dessus, à savoir l'existence d'une altercation physique dont a été victime l'intimé, l'absence de mesures prises par l'appelante pour éviter que ce type d'incident ne se reproduise malgré les demande de l'intimé et le motif erroné invoqué pour motiver le licenciement, le congé, qui est en lien de causalité avec les demandes de l'intimé, doit être qualifié d'abusif au sens de l'art. 336 al. 1 let. d CO.

C'est donc à bon droit que le Tribunal a condamné l'appelante à verser à l'intimé une indemnité fondée sur l'art. 336a CO, dont le montant n'est pas, en lui-même, contesté par l'appelante.

Dans ces circonstances, le jugement entrepris sera confirmé.

4.             La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas prélevé de frais judiciaires (art. 71 RTFMC), ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 2 :


A la forme
:

Déclare recevable l’appel formé par A______ SA le 17 septembre 2021 contre le jugement JTPH/304/2021 du Tribunal des prud’hommes dans la cause C/11018/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite et qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fiona MAC PHAIL, juge employeur; Monsieur Kasum VELII, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.