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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/6338/2020

CAPH/99/2022 du 04.07.2022 sur JTPH/49/2022 ( SS ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 06.09.2022, rendu le 16.03.2023, REJETE, 4A_363/2022
Normes : CPC.49; CPC.50; 47.al1.letf
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6338/2020-4 CAPH/99/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 4 JUILLET 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 25 février 2022, comparant par Me Romain JORDAN, avocat, rue Général-Dufour 15, Case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______[GE], intimée, comparant par Me C______, avocat, rue______, Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 

 

 

 

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/49/2022 du 25 février 2022, le Tribunal des Prud'hommes a rejeté la demande de récusation formée par A______ à l'encontre de D______ (ch. 1 du dispositif) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 2).

Selon le jugement entrepris, les incidents soulevés par A______ à l'audience du 10 mai 2021 avaient été traités de manière collégiale par l'ensemble des juges composant le Tribunal des Prud'hommes, après délibérations suite à plusieurs suspensions d'audience. Il ne ressortait pas du procès-verbal de l'audience que le Président avait pris seul les décisions contestées. D______ n'avait fait qu'exercer la fonction qui lui incombait d'énoncer au procès-verbal la décision prise par le Tribunal collégialement. Le désaccord de A______ avec les décisions prises par le Tribunal des Prud'hommes ne suffisait pas à fonder un soupçon de partialité d'un seul membre du Tribunal. Le recours de D______ au support juridique offert par la juridiction aux juges prud'hommes, qui n'étaient pas juristes, n'était pas un acte de prévention ou de partialité à l'encontre de A______. La remarque selon laquelle la demande de récusation avait pour but de retarder la procédure n'était pas non plus suffisante pour admettre la prévention du magistrat, ce d'autant qu'elle n'était pas dénuée de légitimité, au vu des nombreux incidents soulevés par A______ dans la procédure, qui avait débuté en 2020 et était soumise à la procédure simplifiée.

B.            a. Par acte du 10 mars 2022, A______ a formé recours contre ce jugement, reçu le 28 février 2022, concluant à ce que la Cour l'annule, renvoie la cause au Tribunal et ordonne la récusation de D______, les frais et dépens de la procédure devant être mis à la charge de l'autorité intimée.

b. Aux termes de sa réponse expédiée le 25 mars 2022, B______ SA a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris, A______ devant être condamné en tous les frais.

c. La réponse de B______ SA a été transmise à A______ par courrier de la Cour du 29 mars 2022. Par avis du 21 avril 2022, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

d. A______ a déposé en date du 29 avril 2022 une réplique spontanée.

e. Par courrier du 2 mai 2022, B______ SA a conclu à l'irrecevabilité de la réplique spontanée de A______

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Le 16 septembre 2020, B______ SA, comparant par Me E______, avocat, a saisi le Tribunal des prud'hommes d'une demande en paiement de 17'306 fr. 41, intérêts en sus, à l'encontre de A______, auquel il était reproché, en sa qualité d'employé de la demanderesse, d'avoir indûment utilisé la carte de crédit de la société.

Cette procédure, enregistrée sous numéro C/6338/2020, a été attribuée au groupe 4, présidé par le juge D______. Elle est régie par la procédure simplifiée (art. 243 CPC).

b. Par ordonnance du 24 septembre 2020, le Tribunal des prud'hommes a imparti à A______ un délai de 30 jours pour répondre, lequel a été prolongé à deux reprises à la demande de ce dernier.

c. Dans son mémoire-réponse du 17 décembre 2020, A______ a conclu à l'incompétence ratione materiae du Tribunal des Prud'hommes et à ce qu'il soit constaté que Me E______ se trouvait en situation de conflit d'intérêt, dès lors qu'il était associé à Me F______, administrateur de B______ SA, qu'il avait notamment signé le contrat de travail de A______ et siégé avec lui au sein du conseil d'administration de la société. Me F______ était aussi l'avocat et conseiller de G______, actionnaire final de B______ SA.

Sur le fond, A______ a conclu au déboutement de B______ SA de ses prétentions.

d. Par écriture du 26 janvier 2021, B______ SA a conclu au rejet de l'exception d'incompétence du Tribunal et contesté l'existence d'un quelconque conflit d'intérêts de l'Etude de son conseil.

A l'audience du 13 avril 2021, après audition de A______ et de Me F______, le Tribunal a admis l'existence d'un conflit d'intérêts entre l'Etude de Me E______ et A______ et invité B______ SA à constituer un nouvel avocat.

e. Par courrier du 21 avril 2021, Me C______, avocat, s'est constitué pour la défense des intérêts de B______ SA dans la procédure C/6338/2020.

f. Le 10 mai 2021, A______ a déposé un courrier par lequel il invoquait plusieurs incidents de procédure.

Le Tribunal des Prud'hommes devait faire interdiction à Me F______ de représenter B______ SA (en sa qualité d'administrateur).

Par ailleurs, le nouvel avocat de B______ SA, Me C______, se trouvait aussi en situation de conflit d'intérêt, dès lors qu'il était l'avocat de G______ dans une affaire qui l'opposait à A______, G______ faisant par ailleurs partie des témoins dont A______ avait requis l'audition.

Enfin, le Tribunal des Prud'hommes était invité à suspendre l'instruction de la cause, jusqu'à droit connu par le Tribunal de première instance du litige opposant G______ à A______ (cause C/1______/2021).

g. A l'audience de débats qui s'est tenue le 10 mai 2021 devant le Tribunal des Prud'hommes, A______, se référant à son courrier du même jour, a relevé l'existence d'un double conflit d'intérêts (celui de Me F______ et celui de Me C______) et l'incompétence du Tribunal. Il a en outre requis la suspension de la procédure jusqu'à droit connu du litige l'opposant à G______ devant le Tribunal de première instance (cause C/1______/2021).

B______ SA, représentée par H______ et Me F______, assistés de Me C______, a contesté les incidents soulevés par A______.

Selon le procès-verbal de l'audience, après avoir entendu les parties, le Tribunal des Prud'hommes a suspendu l'audience à 18h38 et s'est retiré pour délibérer.

Il a ensuite repris l'audience à 18h52 et s'est prononcé comme suit :

"Note du Tribunal : Le Tribunal considère que :

1. Me F______ est vice-président de B______ SA et représente valablement la société. Il n'a pas de conflit d'intérêt en cette qualité.

2. Me C______ n'a pas de conflit d'intérêt dans cette affaire par le simple fait qu'il défend un tiers contre la partie défenderesse. Il n'a aucun lien avec la défenderesse autre que l'exercice de son métier en tant qu'avocat.

3. Le Tribunal est compétent pour juger de la présente affaire qui relève clairement d'un contrat de travail. A______ était lié à B______ par un contrat de travail et B______ SA formule des prétentions à l'encontre de A______ sur la base de ce contrat de travail.

4. Un litige commercial entre G______ et A______ n'a pas d'incident sur la présente cause. La présente procédure ne sera pas suspendue jusqu'au jugement de la cause C/1______/2021-22-C."

A______ a indiqué au Tribunal qu'il considérait cette décision erronée. Il souhaitait recevoir une décision motivée contre laquelle il avait l'intention de recourir. La poursuite de la procédure lui causerait en effet un préjudice irréparable.

Le Tribunal des Prud'hommes a prononcé une seconde suspension de l'audience à 19h00 et s'est retiré pour délibérer. Il a repris l'audience à 19h18 et fait savoir, par la bouche de son Président, qu'il avait décidé de rejeter la requête de suspension de la procédure.

A______ a pris note de la décision et indiqué qu'elle n'était selon lui pas motivée. Il a demandé au Tribunal de motiver les raisons pour lesquelles il considérait qu'il n'était pas justifié de suspendre la cause, afin de lui permettre de recourir contre la décision du Tribunal des Prud'hommes niant l'existence d'un (double) conflit d'intérêt. La décision lui causait un préjudice difficilement réparable.

Le Tribunal des Prud'hommes a indiqué qu'il maintenait sa décision. Les dommages irréparables allégués n'avaient pas été suffisamment étayés.

B______ SA a relevé le caractère dilatoire de la démarche de sa partie adverse.

A 19h43, le Tribunal des Prud'hommes a prononcé une nouvelle suspension d'audience.

A 19h57, lors de la reprise, A______ a requis derechef la récusation du Président du Tribunal des Prud'hommes, "au vu de la grave violation que représente l'absence de motivation du refus de suspendre la procédure afin de permettre à A______ de faire recours contre la négation du conflit d'intérêts. De plus, le président a répondu à plusieurs reprises au nom du Tribunal sans interpeller ses collègues, alors que de nouveaux arguments ont été évoqués."

Dans une note au procès-verbal, le Président a rappelé que l'audience avait été suspendue trois fois pour discuter avec les juges assesseurs ainsi que la permanence juridique du Tribunal des prud'hommes.

B______ SA a rétorqué que la procédure était limitée à la question de savoir si A______ avait le droit d'utiliser la carte de crédit de la société pour les dépenses qu'il avait effectivement faites. B______ SA ne partageait pas du tout l'avis de A______. Il avait fallu 20 minutes à ce dernier pour se décider sur la question de la récusation. Il s'agissait clairement d'une mesure dilatoire.

h. Le 20 mai 2021, A______ a recouru auprès de la Cour de justice contre les décisions prises par le Tribunal lors de l'audience du 10 mai 2021, concluant à ce qu'elles soient annulées et à ce qu'il soit ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans la cause C/1______/2021.

Par arrêt du 6 novembre 2021, la Cour de justice a déclaré ce recours irrecevable. Le recours de A______ au Tribunal fédéral a été déclaré irrecevable par arrêt du 5 janvier 2022 (4A_635/2021).

i. Entretemps, par ordonnance du 12 mai 2021, le Président du groupe 5 du Tribunal des Prud'hommes, chargé du traitement de la requête de récusation, a fixé un délai à B______ SA et au Président D______ pour se déterminer sur la requête de récusation.

j. Aux termes de sa prise de position du 18 mai 2021, le Président D______ estimait qu'il n'y avait pas de motif de récusation.

L'audience avait été suspendue à trois reprises et le Tribunal des Prud'hommes avait pris les décisions qui s'imposaient pour la poursuite de la procédure, à l'unanimité de ses membres et après délibération. C'était donc à tort que A______ soutenait que le Président n'avait pas consulté ses assesseurs.

Le Tribunal des Prud'hommes avait d'ailleurs admis l'existence d'un conflit d'intérêt de l'Etude de Me E______. La négation du conflit d'intérêt de Me C______ et le refus de suspendre la procédure étaient en tout état de cause des décisions susceptibles de recours.

k. Le 28 mai 2021, B______ SA s'est opposée à la demande de récusation du juge D______. A______ faisait en substance reproche au Président du Tribunal de ne pas lui avoir donné raison, ce qui n'était à l'évidence pas un motif de récusation.

l. Les déterminations de D______ et de B______ SA ont été communiquées à A______ par courrier du 11 juin 2021, reçu par son conseil le 14 juin 2021.

m. Par jugement JTPH/218/2021 du 15 juin 2021, le Tribunal des Prud'hommes a rejeté la demande de récusation formée par A______ contre le Président D______ (ch. 1 du dispositif) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2).

n. Par arrêt CAPH/202/2021 du 1er novembre 2021, la Cour de justice a annulé le jugement du 15 juin 2021 et renvoyé la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision. Pour la Cour, le Tribunal avait violé le droit d'être entendu de A______ en statuant sur la requête de récusation le lendemain de la notification de la détermination du juge concerné, A______ n'ayant pas pu exercer son droit à la réplique.

o. Par ordonnance du 18 janvier 2022, le Tribunal a imparti un délai de 15 jours à A______ pour qu'il se détermine sur la prise de position de D______.

p. Par courrier du 4 février 2022, A______ a maintenu sa requête de récusation. Les propos de D______, selon lesquels la demande de récusation était sans fondement et avait pour unique but de retarder la procédure, étaient révélateurs d'un parti pris évident, suffisant pour entraîner sa récusation. De plus, D______ avait indiqué avoir discuté de la cause "avec la permanence juridique", laquelle ne faisait pas partie de la composition du tribunal saisi, de sorte qu'il s'agissait aussi d'un motif de récusation.

EN DROIT

1.             1.1 Une décision sur récusation peut faire l'objet d'un recours (art. 50 CPC).

Il s'agit du recours stricto sensu des art. 319 ss CPC, le cas étant prévu par la loi au sens de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (Jeandin, Commentaire romand, 2019 ad art. 319 n. 18). Le délai est de 10 jours à compter de la notification, la procédure sommaire étant applicable (art. 49, 321 al. 1 et 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_474/2018 du 12 septembre 2019 consid. 3.3)

Selon l'art. 14 al. 3 LTPH, les demandes de récusation visant un juge prud’homme ou un greffier sont tranchées par le président d’un autre groupe. La Chambre des prud’hommes de la Cour de justice est compétente pour connaître des recours.

Le recours, qui respecte les dispositions légales précitées, est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2.             2.1.1 L'art. 49 CPC dispose que la partie qui entend obtenir la récusation d'un magistrat ou d'un fonctionnaire judiciaire la demande au tribunal aussitôt qu'elle a eu connaissance du motif de récusation. Elle doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande (al. 1).

Le magistrat ou le fonctionnaire judiciaire concerné se prononce sur la demande de récusation (al. 2).

Si le motif de récusation invoqué est contesté, le Tribunal statue (art. 50 al. 1 CPC).

2.1.2 Selon l'art. 47 al. 1 let. f CPC, les magistrats se récusent lorsqu'ils pourraient être prévenus de toute autre manière que celles mentionnées aux let. a à e du même alinéa, notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant. L'art. 47 al. 1 let. f CPC concrétise les garanties découlant de l'art. 30 al. 1 Cst., qui a, de ce point de vue, la même portée que l'art. 6 § 1 CEDH. La garantie d'un juge indépendant et impartial permet de demander la récusation d'un magistrat dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité (ATF 140 III 221 consid. 4.2; 134 I 20 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_674/2016 du 20 octobre 2016 consid. 3.1; 5A_171/2015 du 20 avril 2015 consid. 6.1).

La récusation ne s'impose pas seulement lorsqu'une prévention effective est établie, parce qu'une disposition relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement subjectives de la partie qui demande la récusation n'étant pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 142 III 732 consid. 4.2.2; 142 III 521 consid. 3.1.1; 140 III 221 consid. 4.1). Le risque de prévention ne saurait être admis trop facilement, sous peine de compromettre le fonctionnement normal des tribunaux (ATF 144 I 159 consid. 4.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_998/2018 du 25 février 2019 consid. 6.2; 5A_98/2018 du 10 septembre 2018 consid. 4.2).

L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1, p. 609).

Des décisions ou des actes de procédure viciés, voire arbitraires, ne fondent pas en eux-mêmes une apparence objective de prévention (arrêts du Tribunal fédéral 5A_171/2015 précité et 4A_377/2014 du 25 novembre 2014 consid. 6.1). En raison de son activité, le juge est contraint de se prononcer sur des questions contestées et délicates; même si elles se révèlent par la suite erronées, des mesures inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent pas encore de le suspecter de parti pris. Même lorsqu'elles sont établies, des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par le juge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de partialité; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent justifier une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances corroborent à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 et les références). C'est aux juridictions de recours normalement compétentes qu'il appartient de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises; le juge de la récusation ne saurait donc examiner la conduite du procès à la façon d'une instance d'appel (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_998/2018 du 25 février 2019 consid. 6.2; 1B_545/2018 du 23 avril 2019 consid. 5.1; 5A_749/2015 du 27 novembre 2015 consid. 4.1).

La procédure de récusation n'a ainsi pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; 141 IV 178 consid. 3.2.3).

2.2.1 En l'espèce, la requête de récusation a été formée directement à l'audience, soit aussitôt. Elle est donc recevable.

2.2.2 En tant que le recourant critique le sort réservé à ses requêtes (refus de suspendre la procédure, d'interdire à un organe de représenter la partie adverse et d'interdire à l'avocat de la partie adverse de postuler) et ayant donné lieu aux ordonnances d'instruction litigieuses, il ressort de la jurisprudence précitée (cf. supra consid. 2.1) que des (éventuelles) erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un juge ne suffisent en principe pas à fonder objectivement la suspicion de partialité. Seules le peuvent des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, et pour autant que les circonstances dénotent que le magistrat est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Or, dans le cas d'espèce, le recourant se limite à critiquer l'absence de motivation des décisions prises par le Tribunal le 10 mai 2021, qui serait constitutive d'une grave violation (de ses droits procéduraux) sans que l'on discerne en quoi ces supposées lacunes seraient révélatrices d'un parti pris à son encontre, susceptibles de remettre en cause l'impartialité du Président du Tribunal. Le Tribunal, présidé par le même juge, avait du reste admis, lors de l'audience du 13 avril 2021, l'existence d'un conflit d'intérêts entre le précédent conseil de l'intimée et le recourant, ce qui corrobore l'absence de parti pris du Tribunal et de son Président à l'égard de ce dernier.

Il ne ressort pas non plus du dossier que le Président du Tribunal, visé par la requête de récusation, aurait pris seul les décisions litigieuses, sans consulter les deux autres membres du collège. Le procès-verbal de l'audience du 10 mai 2021 fait mention de trois suspensions d'audience, afin de permettre aux trois membres du Tribunal de délibérer sur les requêtes du recourant. Une première fois, le Tribunal s'est retiré pour délibérer sur les quatre incidents soulevés (double conflit d'intérêts, incompétence et suspension jusqu'à droit connu dans une autre procédure). Le fait que ce soit le Président qui, à la reprise, ait communiqué les décisions du collège, est parfaitement conforme à la pratique. On ne saurait y voir un quelconque motif de prévention.

Le recourant ayant fait valoir que les décisions prises étaient erronées et non motivées, le Tribunal s'est retiré une seconde fois, de sorte que la décision de maintenir les précédentes décisions a aussi été prise collégialement. Enfin, avant la requête de récusation, le Tribunal s'était encore réuni une troisième fois pour délibérer, ce qui montre que ce n'est pas le Président du Tribunal qui a pris seul les décisions.

Dans un nouveau moyen, le recourant fait valoir que l'échange avec la permanence juridique du Tribunal serait aussi un motif de récusation, dès lors que le collaborateur de cette permanence ne ferait pas partie de la composition du Tribunal. Or, il sera d'abord constaté que la consultation de la permanence juridique est mentionnée au procès-verbal de l'audience, de sorte que le recourant aurait pu soulever ce moyen aussitôt, ce qu'il n'a pas fait. Sa recevabilité est ainsi douteuse. En tout état de cause, le recourant n'explique pas en quoi cette consultation serait propre à faire douter de l'impartialité du Président du Tribunal.

Le fait que celui-ci ait indiqué, dans ses observations, que la demande de récusation était selon lui sans fondement et avait pour unique but de retarder la procédure, ne trahit pas non plus un parti pris à l'encontre du recourant, ce d'autant moins que la cause est soumise à la procédure simplifiée et est censée pouvoir être liquidée autant que possible lors de la première audience (art. 246 CPC).

Ainsi, en définitive, au vu ce qui précède, en l'absence de motif permettant de retenir que le juge visé par la requête de récusation s'est montré partial envers le recourant ou son conseil, une apparence de prévention ne peut être admise.

Enfin, le recourant étant partie à la procédure prud'homale, il ne saurait reprocher au Juge ayant statué sur la demande de récusation d'avoir fait référence dans son jugement aux décisions rendues dans la procédure, qui font partie du dossier. Le premier juge n'a ainsi pas violé le droit d'être entendu du recourant.

Le recours étant infondé, il doit être rejeté.

3. La procédure est gratuite (art. 71 RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4:

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 10 mars 2022 par A______ contre le jugement JTPH/49/2022 rendu le 25 février 2022 par le Tribunal des Prud'hommes dans la cause C/6338/2020-4.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.