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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/28336/2019

CAPH/95/2022 du 21.06.2022 sur JTPH/404/2021 ( OO ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.08.2022, rendu le 23.01.2023, REJETE, 4D_46/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28336/2019-CT CAPH/95/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 21 juin 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______ Genève, recourante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 21 octobre 2021 (JTPH/404/2021), comparant par Mes Pierre GABUS et Lucile BONAZ, avocats, boulevard des Tranchées 46, 1206 Genève, en l'étude desquels elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______ Genève , intimée, comparant en personne.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/404/2021 du 21 octobre 2021, le Tribunal des Prud'hommes (ci-après: le Tribunal) a déclaré irrecevable la conclusion en constatation de la COMMISSION PARITAIRE PROFESSIONNELLE B______ [ci-après : la B______] (chiffre 1 du dispositif), déclaré, pour le surplus, recevable la demande formée le 13 décembre 2019 par la B______ (ch. 2), condamné A______ SA à payer à la B______ la somme nette de 1'500 fr. (ch. 3), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B.            a. Par acte déposé le 19 novembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a recouru contre ce jugement concluant à son annulation, avec suite de frais judiciaires et dépens. Cela fait, elle conclut à ce que la Cour annule la décision du 16 mars 2018 rendue par la B______.

b. Dans sa réponse, la B______ conclut à ce que la Cour déclare le recours irrecevable, cas échéant le rejette, et confirme le jugement attaqué.

Elle a produit de nouvelles pièces à l'appui de sa réponse.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué en persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 25 février 2022.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. A______ SA, est une société ayant son siège à C______ (Genève) et dont le but est l'exploitation d'une entreprise de services dans le domaine de la voirie, notamment des prestations de balayage industriel, de maintenance des espaces publics et industriels, ainsi que toute activité analogue.

b. A______ SA est membre de l'association [patronale] D______ depuis le 1er avril 2012, étant précisé que cette dernière est partie à la Convention collective de travail pour le secteur du nettoyage en bâtiment pour la Suisse romande (ci-après: CCT Nettoyage).

c. A teneur de l'extrait du site Internet de A______ SA, celle-ci est "signataire de la CCT du secteur du nettoyage".

d. La B______ est, à teneur de ses statuts, une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse. Son siège est à Genève.

e. Une procédure prud'homale (n° C/1______/2018 CT – CCT) concernent neuf employés a opposé les parties suite au prononcé par la B______ le 3 novembre 2017 d'une amende de 3'000 fr. à l'encontre de A______ SA pour violations par cette dernière de la CCT Nettoyage. Lors de l'audience du 9 janvier 2018, les parties ont mis fin au litige qui les opposait par l'engagement pris par A______ SA de s'acquitter, dans un délai de 10 jours suivant réception de la facture, d'un montant de 1'500 fr. à titre de peine conventionnelle, ce que la B______ a accepté pour solde de tout compte.

f. Suite à des contrôles de terrain, la B______ a établi, les 23 janvier et 8 août 2017, deux rapports concernant deux autres employés de A______ SA, à savoir E______ et F______.

L'existence de plusieurs infractions supposées a été constatée, à savoir des contrats de travail non conformes à la CCT Nettoyage (pour E______ et F______), le non-respect du paiement du salaire (pour E______), le non-respect du paiement de la majoration due pour le travail du dimanche (pour F______), le non-respect du paiement des jours fériés (pour E______) et le non-respect du paiement des vacances (pour E______).

g. Par courriers adressés à A______ SA le 15 février 2017, respectivement le 6 septembre 2017, la B______ a sollicité la fourniture de différents documents contractuels concernant les employés contrôlés en vue de vérifier la conformité de la situation. A______ SA était également invitée à faire part de ses observations et à fournir tout renseignement qu'elle jugerait utile sur les points précités.

h. Les pièces requises ont été adressées par A______ SA à la B______ dans le courant du mois d'octobre 2017.

i. Par décision du 16 mars 2018, la B______ a infligé une peine conventionnelle totale de 4'500 fr. à A______ SA pour les situations concernant E______ et F______.

En substance, la B______ a retenu que A______ SA avait contrevenu à différentes prescriptions de la CCT Nettoyage concernant les employés contrôlés, à savoir l'existence de contrats de travail incomplets et/ou non conformes (2'000 fr.), le non-respect du paiement des heures contractuelles (1'000 fr.) et le paiement partiel de la majoration due pour le travail du dimanche (500 fr.), des jours fériés (500 fr.) et des vacances (500 fr.). A______ SA était par ailleurs mise en demeure de procéder rétroactivement aux réajustements nécessaires afin de se mettre en conformité avec la CCT Nettoyage en ce qui concernait l'ensemble du personnel et de régulariser les situations des deux employés concernés.

j. Par courrier du 13 avril 2018 adressé à la B______, A______ SA a sollicité la reconsidération de la décision du 16 mars 2018, respectivement son annulation.

Elle a invité la B______ à se référer à la contestation qu'elle adressait parallèlement à la CHAMBRE DES RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL (ci-après: CRCT). De cette contestation, il ressort que A______ SA, tout en refusant l'arbitrage de la CRCT, sollicitait auprès d'elle l'annulation de la peine conventionnelle infligée par la B______. Compte tenu de ses activités tant dans le domaine de la voirie que du nettoyage, elle n'était pas partie intégrante à la CCT Nettoyage et les dispositions de celle-ci n'étaient pas applicables au personnel occupé au domaine de la voirie. Les faits qui lui étaient reprochés avaient trait à deux rapports établis les 23 janvier 2017 et 8 août 2017 concernant E______ et F______. Or, si la première était occupée à des activités de nettoyage, les tâches attribuées au second ressortaient exclusivement au domaine de la voirie. Enfin, la B______ n'était pas habilitée à prononcer une amende conventionnelle. Partant, elle n'avait pas la légitimation active pour agir en justice en son propre nom.

k. Par courrier du 13 avril 2018, A______ SA s'est également adressée à la COMMISSION PROFESSIONNELLE PARITAIRE G______ (ci-après : la G______) en indiquant qu'elle contestait catégoriquement la peine conventionnelle qui lui avait été infligée par la B______ et sollicitait la possibilité de motiver son opposition si la G______ "venait à se déclarer compétente".

l. Par décision du 24 mai 2018, la CRCT s'est déclarée incompétente pour connaître du litige du fait que A______ SA avait indiqué ne pas accepter son arbitrage. Il n'y avait par ailleurs pas lieu de transmettre la cause à une quelconque autre autorité dès lors que A______ SA avait déjà saisi la G______.

m. Par courrier du 19 juin 2019, la B______ a invité A______ SA à s'acquitter de la peine conventionnelle de 4'500 fr., tout en lui faisant savoir qu'elle avait toujours la possibilité de contester cette peine auprès de la CRCT dans un délai de 30 jours dès réception.

n. Par courrier du 25 juin 2019 adressé à la B______, A______ SA a indiqué qu'elle ne donnerait pas suite à cette invitation dans la mesure où la B______ n'avait pas saisi la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice dans le délai de 30 jours pour s'opposer à la décision de la CRCT.

o. Par courrier du 13 août 2019 adressé à A______ SA, constatant qu'aucun paiement n'était intervenu et qu'elle n'avait reçu aucun justificatif concernant les rattrapages demandés, la B______ a indiqué qu'elle allait recouvrer en justice le montant de la peine conventionnelle.

p. Par demande du 14 août 2019 adressée à la CRCT, la B______ a notamment conclu au paiement par A______ SA de la peine conventionnelle de 4'500 fr. et à ce que celle-ci lui fournisse l'ensemble des justificatifs des rattrapages.

q. Une audience de conciliation a eu lieu le 3 octobre 2019 auprès de la CRCT, sans succès, et une autorisation de procéder a été délivrée à la B______.

r. Par demande simplifiée du 13 décembre 2019 adressée au Tribunal, la B______ a conclu à ce que le Tribunal constate que l'activité de voirie exercée par A______ SA relevait de la CCT Nettoyage, constate que la peine conventionnelle du 16 mars 2018 avait été prononcée à juste titre, tant dans son principe que dans son montant et condamne A______ SA à lui payer la somme nette de 4'500 fr. et à lui transmettre l'ensemble des justificatifs des rattrapages.

s. Dans sa réponse, A______ SA a conclu, principalement, à ce que le Tribunal déclare irrecevable l'action en paiement formée par la B______, subsidiairement la rejette, et, cela fait, annule la peine conventionnelle du 16 mars 2018, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Préalablement, elle a conclu à l'apport de l'entier de la cause n° C/1______/2017 CT – CCT.

t. Par courrier du 9 septembre 2020 adressé à la B______, A______ SA lui a transmis les justificatifs de la mise en conformité des situations notamment de E______ et F______, tout en précisant que ce dernier avait quitté la Suisse sans laisser d'adresse et qu'il n'avait pas été possible de procéder aux rectifications requises.

u. Par courrier du 5 mars 2021 adressé au Tribunal, la B______ a indiqué que nonobstant la réception de divers justificatifs de rattrapages dans le cadre du présent litige concernant les situations de E______ et F______, le même type de violations, voire de nouvelles, avaient été constatées dans le courant des années 2019 et 2020, raison pour laquelle elle maintenait l'intégralité des conclusions initialement déposées dans sa requête du 14 août 2019.

v. Par courrier du 28 mai 2021, A______ SA a adressé au Tribunal les justificatifs de paiement en faveur de E______ et F______. Il ressort des relevés bancaires produits que A______ SA a effectué, le 30 juin et le 30 septembre 2020 (et non le 8 février 2021 contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal) deux paiements, l'un de 2'752 fr. 60 (et non de 2'020 fr. 60 contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal) en faveur de la première et l'autre de 70 fr. 55 en faveur du second.

w. Le Tribunal a entendu les parties lors des audiences des 19 mai 2020, 22 septembre 2020 et 14 juin 2021.

La B______ a notamment déclaré que, si A______ SA avait effectivement procédé aux mises en conformité requises, elle l'avait fait tardivement. Dès lors, la B______ persistait dans ses conclusions.

A______ SA a relevé que, selon elle, l'accord intervenu le 9 janvier 2018 dans la cause C/1______/2017 CT – CCT couvrait également les faits objet de la présente procédure.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience du 14 juin 2021 lors de laquelle les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.

x. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que A______ SA était soumise à la CCT Nettoyage et que le litige opposant les parties se rapportait au bien-fondé de la peine conventionnelle découlant de ladite CCT. Dès lors, le Tribunal était compétent, tant à raison de la matière que du lieu, pour juger du litige. La B______ était compétente en matière de poursuite des peines conventionnelles, de sorte qu'elle disposait de la légitimation active. A______ SA s'était exécutée tardivement dans la régularisation des situations des deux employés en cause, puisqu'elle n'avait produit qu'en mai 2021 les justificatifs des paiements, eux-mêmes effectués tardivement, soit au mois de février 2021, alors qu'elle prétendait avoir régularisé la situation en juillet 2020 déjà. De son côté, la B______ n'avait saisi la CRCT qu'en août 2019 après avoir infligé la peine conventionnelle en mars 2018 pour des infractions constatées en février 2017 agissant également tardivement. Le Tribunal a ainsi considéré, dans ces circonstances, que la peine conventionnelle de 4'500 fr. était disproportionnée et l'a ramenée à 1'500 fr.

EN DROIT

1.             1.1 La décision attaquée est une décision finale de première instance rendue dans le cadre d'un litige portant sur une valeur litigieuse inférieure à 10'000 fr. au dernier état des conclusions de première instance (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Partant, seule la voie du recours est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise, le recours est recevable (art. 130, 131 et 321 CPC).

1.3 La cause est soumise à la procédure simplifiée (art. 243 al. 1 CPC).

1.4 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_282/2019 du 4 novembre 2019 consid. 2.1).

1.5 A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

En l'espèce, les pièces produites par l'intimée à l'appui de son mémoire de réponse sont irrecevables.

2.             La recourante conteste la recevabilité de la demande de l'intimée.

Elle reproche au Tribunal de s'être déclaré compétent à raison de la matière pour connaître de l'action en paiement formée par l'intimée. Elle conteste l'applicabilité de la CCT Nettoyage à ses employés occupés exclusivement au domaine de la voirie et soutient que le Tribunal aurait omis de statuer sur cette question. Elle relève que l'intimée n'avait plus d'intérêt digne de protection à obtenir une décision puisque la situation des deux employés concernés avait été régularisée. Elle prétend que la transaction judiciaire du 9 janvier 2018 comprenait toutes les irrégularités constatées jusqu'à cette date, et donc également celles ayant mené à la présente procédure, de sorte que le litige faisait l'objet d'une décision entrée en force. En outre, elle soutient que, dans ces circonstances, le fait pour l'intimée de persister dans ses conclusions constituait un abus de droit. Elle fait enfin grief au Tribunal d'avoir retenu que l'intimée disposait de la capacité d'être partie et d'ester en justice.

2.1 Le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité (art. 59 al. 1 CPC). Il faut notamment que le tribunal soit compétent à raison de la matière et du lieu (art. 59 al. 2 let. b CPC), que le demandeur ou le requérant ait un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC), que le litige ne fasse pas l'objet d'une décision entrée en force (art. 59 al. 2 let. e CPC) et que les parties aient la capacité d'être partie et d'ester en justice (art. 59 al. 2 let. c CPC).

2.1.1 Selon l'art. 2 al. 1 CCT Nettoyage, celle-ci s'applique aux entreprises qui exercent une activité régulière ou occasionnelle dans les cantons de Genève, de Vaud, de Fribourg, de Neuchâtel, du Valais, du Jura et du Jura bernois, indépendamment de leur siège social, et qui offrent des prestations à titre principal ou accessoire dans le domaine du nettoyage, de la propreté et de l'hygiène et de la désinfection ainsi que les services annexes liés à l'utilisation et à l'entretien de tous types de locaux, bâtiments, installations et équipements ou moyens de transport. Le balayage mécanique de voirie à l'aide d'une balayeuse à moteur (thermique, électrique ou sur batterie) ressort de la catégorie N (annexe 5 CCT Nettoyage).

Les art. 2 al. 4 et 28 al. 4 CCT Nettoyage prévoient l'institution d'une commission paritaire pour chacun des cantons concernés par le champ d'application de la CCT et celles-ci sont chargées de l'application de la CCT et des contrôles nécessaires. L'art. 28 al. 5 CCT Nettoyage prévoit également que les commissions paritaires cantonales peuvent en tout temps effectuer un contrôle d'application de la convention collective à la demande d'une des parties signataires. Toute infraction aux dispositions de la CCT Nettoyage peut être sanctionnée par une amende d'un montant de 5'000 fr. au plus par contrevenant, sans préjudice de la réparation des dommages éventuels (art. 28 al. 6 CCT Nettoyage).

2.1.2 A la requête de toutes les parties contractantes, l'autorité compétente peut, par une décision spéciale (décision d'extension), étendre le champ d'application d'une convention collective conclue par des associations aux employeurs et aux travailleurs qui appartiennent à la branche économique ou à la profession visée et ne sont pas liés par cette convention (art. 1 al. 1 de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail; ci-après : LECCT). La décision d'extension ne peut porter que sur les clauses qui lient les employeurs et travailleurs conformément aux art. 357 et 341 al. 1 CO ou qui obligent les employeurs et travailleurs envers la "communauté conventionnelle", conformément à l'art. 357b CO (art. 1 al. 2 LECCT). Pour savoir si une entreprise appartient à la branche économique ou à la profession visée par l'extension et entre, de ce fait, dans le champ d'application de la CCT étendue, il faut examiner de manière concrète l'activité généralement déployée par l'entreprise en cause. Les entreprises visées par la déclaration d'extension doivent offrir des biens ou des services de même nature que les entreprises qui sont soumises contractuellement à la CCT; il doit exister un rapport de concurrence directe entre ces entreprises (ATF 134 I 269 consid. 6.3.2; Subilia/Duc, Droit du travail – Eléments de droit suisse, 2010, n° 17 ad art. 356b CO).

Les clauses d'exécution commune s'appliquent également aux employeurs et travailleurs auxquels la convention est étendue (art. 4 al. 1 LECCT).

Le champ d'application de la CCT Nettoyage a été étendu par arrêté du Conseil fédéral du 13 février 2014, à compter du 1er avril 2014 jusqu'au 31 décembre 2018, puis prolongé le 14 mars 2018, jusqu'au 31 décembre 2022.

2.1.3 Selon l'art. 357b al. 1 CO, lorsqu'une convention collective de travail est conclue par des associations, celles-ci peuvent stipuler qu'elles auront le droit, en commun, d'en exiger l'observation de la part des employeurs et travailleurs liés par elle, en tant qu'il s'agit notamment des objets suivants : conclusion, objet et fin des contrats individuels de travail, seule une action en constatation étant admissible (let. a); contrôles, cautionnements et peines conventionnelles, en rapport avec les dispositions visées à la let. a (let. c).

2.1.4 En fonction de l'organisation judiciaire cantonale (art. 4 CPC), les litiges en matière d'exécution commune peuvent être de la compétence matérielle soit des tribunaux civils ordinaires, soit de tribunaux spécialisés (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd., 2019, p. 1096; Bruchez, in Dunand/Mahon, Commentaire du contrat de travail, 2013, n° 47 ad art. 357b CO).

Le canton de Genève a prévu la compétence de la Chambre des relations collectives de travail comme autorité de conciliation (art. 11 al. 4 LTPH). Sur le fond, l'art. 1 al. 1 let. e LTPH prévoit que le Tribunal des prud'hommes est compétent pour les litiges entre les parties à une convention collective de travail et un employeur ou un travailleur, au sens de l'art. 357b CO.

2.1.5 Le justiciable qui fait valoir une prétention doit démontrer qu'il a un intérêt digne de protection, soit un intérêt personnel et actuel à voir le juge statuer sur ses conclusions. Comme toute condition de recevabilité, cet intérêt doit exister non seulement lors de la litispendance, mais également au moment du jugement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3).

Lorsqu'elles sont prévues dans une convention collective de travail, les peines conventionnelles constituent des amendes infligées aux personnes liées par cette convention collective de travail et qui n'en respectent pas les dispositions. Les parties contractantes ont donc une prétention à l'encontre de l'employeur fautif en paiement d'une peine conventionnelle laquelle est indépendante des prétentions que le travailleur peut faire valoir en vertu de la convention collective. Les sanctions infligées par une commission paritaire chargée de l'application d'une convention collective de travail sont donc des clauses pénales au sens de l'art. 160 CO (Bruchez, op. cit., n° 36 ad art. 357b CO ; Dunand, L'exécution des peines conventionnelles notifiées par les commissions paritaires in Arbeit und Arbeitsrecht, Festschrift für Thomas Geiser zum 65. Geburtstag, 2017, p. 55 ss, 62s.).

2.1.6 La capacité d'être partie est subordonnée soit à la jouissance des droits civils, soit à la qualité de partie en vertu du droit fédéral (art. 66 CPC). L'exercice des droits civils confère la capacité d'ester en justice (art. 67 al. 1 CPC).

Dans les CCT prévoyant l'exécution commune de l'art. 357b CO, les parties contractantes instituent à cette fin un ou plusieurs organes communs à toutes les parties contractantes, couramment dénommés commissions paritaires professionnelles, et habilités à exercer les attributions communes. Ces organes sont en principe dépourvus de la personnalité juridique mais les tribunaux de plusieurs cantons leur reconnaissent néanmoins la capacité d'ester en justice. Selon la doctrine majoritaire, cette solution procédurale s'impose au regard du droit fédéral, en raison du fait que, dans le cas contraire, l'action judiciaire conjointe de toutes les parties à la convention collective, éventuellement nombreuses, selon le principe de la consorité nécessaire, présenterait des difficultés et des risques de blocage propres à paralyser l'exécution commune et, partant, à priver l'art. 357b CO de toute portée effective (Meier, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd., 2021, n. 3 ad art. 357b CO; Bruchez, op. cit., n° 45 ad art. 357b CO; Vischer/Albrecht, Der Arbeitsvertrag : Art. 356-360f OR, Zürcher Kommentar, Teilband V/2c, 2006, n. 17 à 19 ad art. 357a CO et n. 13 ad art. 357b CO; Streiff/Vonkaenel, Arbeitsvertrag, 6ème éd., 2006, n° 5 ad art. 357b CO). L'art. 356 al. 3 CO habilite expressément les parties contractantes, sans aucunement restreindre leur liberté, à régler dans la convention le contrôle et l'exécution des clauses concernant les rapports entre employeurs et travailleurs. Une convention collective de travail peut valablement prévoir la création d'associations pour l'exécution commune de l'art. 357b CO, et leur déléguer cette exécution. Lorsque tel est le cas, cette association dispose de la capacité d'ester en justice (ATF 134 III 541 consid. 4.2 in JdT 2009 I 57; Bruchez, op. cit., n° 45 ad art. 357b CO).

Pour des motifs pratiques, certains auteurs admettent également la capacité d'ester en justice des commissions paritaires dans les domaines relevant de l'exécution commune indépendamment de leur nature juridique, c'est-à-dire même si elles ne sont pas constituées en association (Bruchez, op. cit., n° 45 ad art. 357b CO; Vischer/Albrecht, Der Arbeitsvertrag : Art. 356-360f OR, Zürcher Kommentar, Teilband V/2c, 2006, n. 13 ad art. 357b CO). Sans se prononcer définitivement sur la question, le Tribunal fédéral a jugé dépourvu d'arbitraire une décision cantonale suivant cette opinion (arrêt du Tribunal fédéral 5A_877/2014 du 5 octobre 2015 consid. 3.3).

2.1.7 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Cette règle permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire. L'abus de droit doit être admis restrictivement, comme l'exprime l'adjectif "manifeste" utilisé dans le texte légal (ATF 143 III 279 consid. 3.1; 135 III 162 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_303/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.3).

2.2
2.2.1 En l'espèce, afin de déterminer si le Tribunal était compétent pour statuer sur le litige opposant les parties, il y a lieu de déterminer en amont si la CCT Nettoyage leur est applicable et, cas échéant, si elle comporte des dispositions d'exécution commune au sens de l'art. 357b CO.

La recourante est membre de [l'association patronale] D______, elle-même signataire de la CCT Nettoyage. En outre, elle admet elle-même sur son site Internet qu'elle est "signataire de la CCT du secteur du nettoyage", de sorte qu'elle déclare s'y soumettre. En tout état, compte tenu du fait que le champ d'application de la CCT Nettoyage a été étendu par le Conseil fédéral le 13 février 2014 à compter du 1er avril 2014 et, pour l’instant, jusqu'au 31 décembre 2022, la CCT Nettoyage s'applique à la recourante puisqu'elle est active dans la branche économique concernée. En effet, elle a pour but social l'exploitation d'une entreprise de services dans le domaine de la voirie, notamment des prestations de balayage industriel, de maintenance des espaces publics et industriels, ainsi que toute activité analogue. Cette activité, exercée sur le territoire genevois, correspond à la définition de l'art. 2 al. 1 CCT Nettoyage, ce d'autant plus que le balayage mécanique de voirie est expressément cité à l'annexe 5 de la CCT Nettoyage. Il faut en outre entendre par la définition prévue à l'art. 2 al. 1 CCT Nettoyage que toute entreprise occupée par une activité de nettoyage, tant sur le domaine privé que sur le domaine public, est concernée par la CCT Nettoyage, de sorte que le domaine de la voirie – domaine qui consiste principalement à nettoyer et maintenir des lieux publics – est compris dans cette définition. On ne voit enfin pas pour quelle raison un travailleur occupé par la recourante dans le domaine de la voirie ne pourrait pas bénéficier de la protection octroyée par la CCT Nettoyage aux travailleurs exerçant leur activité sur le domaine privé. Au contraire, il apparaît indispensable que l'Etat puisse garantir aux citoyens qu'il n'a pas recours à des employeurs traitant leurs travailleurs de manière moins favorable qu'une entreprise soumise contractuellement à la CCT Nettoyage. Il existe ainsi un rapport de concurrence direct entre la recourante et toute entreprise employant des personnes dans le domaine du nettoyage de lieux publics. Le Tribunal ayant, à juste titre, retenu que la CCT Nettoyage s'appliquait à la recourante, indépendamment du lieu d'exécution de la prestation, et y compris pour les employés occupés dans le domaine de la voirie, elle s'est prononcée sur cette question et n'a commis aucun déni de justice.

S'agissant de l'intimée, celle-ci est instituée par l'art. 28 al. 4 CCT Nettoyage et elle est chargée, par cette disposition, de faire appliquer la CCT Nettoyage et d'effectuer les contrôles nécessaires. L'article précité constitue ainsi une disposition d'exécution commune au sens de l'art. 357b CO. Contrairement aux conventions collectives de travail ayant fait l'objet de la jurisprudence susvisée, l'art. 28 al. 4 CCT Nettoyage ne précise pas la forme que doivent prendre les commissions paritaires. Ce n'est qu'à la lecture des statuts de l'intimée que l'on comprend qu'elle est constituée sous la forme d'une association, dont la validité n'est pas remise en cause par la recourante. Dans la mesure où la capacité d'ester en justice des commissions paritaires doit être admise dans les domaines de l'exécution commune – même si elles sont dépourvues de personnalité juridique – le fait que la CCT Nettoyage ne précise pas sous quelle forme l'intimée doit être constituée ne permet pas de conclure que celle-ci ne dispose pas de la capacité d'être partie et d'ester en justice.

Par conséquent, c'est à raison que le Tribunal a admis la capacité d'être partie et d'ester en justice de l'intimée. Autre est la question de la qualité pour agir, laquelle sera examinée plus bas (cf. consid. 3 infra).

Compte tenu de ce qui précède et du fait que la recourante a son siège à Genève, le Tribunal des prud'hommes s'est, à juste titre, déclaré compétent rationae loci et rationae materiae pour statuer sur le litige.

2.2.2 S'agissant de la question de l'intérêt digne de protection de l'intimée, il y a lieu de relever que la recourante a régularisé, aux mois de juin et septembre 2020, la situation des deux employés pour lesquels une peine conventionnelle lui a été infligée par l'intimée le 16 mars 2018. Les peines conventionnelles constituent cependant des clauses pénales indépendantes des prétentions que le travailleur peut faire valoir en vertu de la CCT Nettoyage, de sorte que la régularisation des situations permet à la recourante d'éviter une procédure intentée par le travailleur mais non d'échapper à la peine conventionnelle, laquelle a pour objectif de sanctionner la violation de la CCT Nettoyage commise par la recourante en tant que telle. Le fait que la recourante ait régularisé les situations sera pris en compte dans le cadre de la détermination du montant de la peine conventionnelle (cf. consid. 4.2 infra). On ne discerne dès lors aucun abus de droit dans le fait que l'intimée ait persisté dans sa conclusion tendant à la condamnation de la recourante au paiement de la peine conventionnelle prononcée le 16 mars 2018.

A la lumière de ce qui précède, l'intimée dispose toujours d'un intérêt personnel et actuel à la condamnation de la recourante au paiement de la peine conventionnelle, y compris après la régularisation des infractions commises.

2.3 Enfin, s'agissant de l'existence d'une décision entrée en force, il ressort du procès-verbal de la transaction judiciaire du 9 janvier 2018 que l'accord trouvé entre les parties portait sur la situation de neufs employés de la recourante, autres que ceux concernés dans les rapports des 23 janvier et 8 août 2017 ayant conduit au prononcé de la peine conventionnelle du 16 mars 2018. Par conséquent, il n'existe aucune décision entrée en force statuant sur le présent litige susceptible de rendre la demande de l'intimée irrecevable. On ne voit en outre pas en quoi ladite demande constituerait un abus de droit.

2.4 Par conséquent, l'ensemble de ces griefs sera rejeté.

3.             La recourante soutient que l'intimée ne disposait ni de la légitimation active ni de la compétence pour prononcer et recouvrer une peine conventionnelle, de sorte que le Tribunal aurait dû rejeter la demande de l'intimée.

3.1.1 La qualité pour agir – communément qualifiée de légitimation active – appartient en principe à celui qui peut faire valoir la prétention en tant que titulaire du droit litigieux, en son propre nom (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_335/2018 du 9 mai 2019 consid. 6.3.2.2). Il s'agit d'une condition de fond du droit exercé, dont le défaut conduit au rejet de l'action (ATF 130 III 417 consid. 3.1 et 3.4; 126 III 59 consid. 1a; 125 III 82 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2018 du 5 septembre 2019 consid. 3.1). En particulier, si l'action n'a pas été ouverte par tous les consorts matériels nécessaires (art. 70 al. 1 CPC), elle doit en principe être rejetée, faute de qualité pour agir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_282/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.3).

Selon l'art. 357b CO, les prétentions relevant de l'exécution commune appartiennent aux parties contractantes agissant en commun; celles-ci constituent donc des consorts nécessaires au sens de l'art. 70 CPC (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 1095; Bruchez, op. cit., n° 45 ad art. 357b CO). Dans ce cas, la commission paritaire n'est qu'un organe de la société simple que constituent les parties contractantes (art. 535 al. 1 CO) et ce sont donc en principe ces dernières, agissant comme consorts nécessaires, qui doivent être parties demanderesses à l'action en justice. La doctrine considère toutefois que, comme le législateur n'a pas défini le statut procédural des commissions paritaires, mais a reconnu la liberté d'organisation des parties contractantes (art. 357b al. 3 CO), il se justifie tout de même d'admettre la qualité pour agir de tels organes institués par les conventions collectives afin d'assurer le bon fonctionnement de l'exécution commune (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 1095; Bruchez, op. cit., n° 45 ad art. 357b CO; Vischer/Albrecht, Der Arbeitsvertrag : Art. 356-360f OR, Zürcher Kommentar, Teilband V/2c, 2006, n. 13 ad art. 357b CO).

3.1.2 La légitimation active de la commission paritaire se détermine en fonction des compétences que la convention collective de travail lui attribue (ATF 140 III 391 consid. 2 in JdT 2016 II 374; ATF 137 III 556 consid. 4.5 in JdT 2012 II 215).

Dans trois arrêts récents, le Tribunal fédéral a abordé la légitimation active des commissions paritaires pour le recouvrement des peines conventionnelles. Il a retenu que, lorsque la commission paritaire cantonale est instituée par la convention collective sous la forme d'une association à laquelle l'exécution commune est déléguée et qu'elle est autorisée à exercer ses compétences par la voie juridique, sa mission inclut la compétence d'entreprendre d'éventuelles actions judiciaires, sans qu'il soit nécessaire que cette compétence soit spécialement prévue dans les statuts (ATF 140 III 391 consid. 2.1 in JdT 2016 II 374; 134 III 541 consid. 5). Il a également relevé que l'on pouvait trouver dans une convention collective de travail des clauses selon lesquelles une commission professionnelle paritaire avait (aussi) le droit de poursuivre en justice en son nom propre une peine conventionnelle. Dans ce cas précis, la convention collective de travail concernée ne prévoyait toutefois pas clairement que la commission paritaire était autorisée à procéder par la voie judiciaire pour recouvrer les peines conventionnelles en son nom propre mais elle faisait expressément référence à l'art. 357b CO, stipulait que la peine conventionnelle devait être versée à la commission paritaire et précisait que celle-ci pouvait utiliser le montant et de quelle manière (ATF 137 III 556 consid. 4.1, 4.4 et 4.5.2).

La doctrine relève que, pour que l'organe de contrôle ait le droit d'agir en justice de manière autonome, il faut une base juridique suffisante dans la convention collective de travail (Koller, Die arbeitsrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahr 2011, RJB 149/2013 p. 726; Geiser/Häfliger, Le point sur le droit du travail, 2012, RSJ 108/2012 p. 354). En effet, cette dernière est d'abord placée sous la sauvegarde des associations professionnelles et c'est au premier chef à celles-ci d'intervenir pour que chaque employeur ou employé soumis respecte la convention collective de travail (Subilia/Duc, op. cit., n° 1 ad art. 357a CO).

3.1.2 L'art. 2 al. 4 dernière phrase CCT Nettoyage prévoit que les employeurs assujettis appliquent sans restriction la convention collective, sous peine des sanctions établies par la commission paritaire qui organise le contrôle de son application. L'art. 28 al. 2 CCT Nettoyage prévoit qu'une commission paritaire romande est constituée. Cette commission peut examiner et décider de toute question relative à l'interprétation de la CCT Nettoyage. Elle est instance de recours contre les décisions des commissions paritaires cantonales. En vertu de l'art. 28 al. 4 CCT Nettoyage, il est en outre institué une commission paritaire pour chacun des cantons concernés par le champ d'application de la CCT Nettoyage. Les commissions paritaires sont chargées de l'application de celle-ci et des contrôles nécessaires. Les commissions paritaires peuvent mandater une fiduciaire pour procéder aux contrôles des dispositions de la CCT Nettoyage. Selon l'art. 28 al. 5 CCT Nettoyage, les commissions paritaires cantonales peuvent en tout temps effectuer un contrôle d'application de la convention collective à la demande d'une des parties signataires. L'employeur est tenu de fournir tous les documents et les informations utiles à la commission paritaire. Il doit aussi accorder à la commission paritaire en tout temps, l'accès au lieu de travail et aux locaux administratifs. A teneur de l'art. 28 al. 6 CCT Nettoyage, toute infraction aux dispositions de la convention peut être sanctionnée par une amende d'un montant de 5'000 fr. au plus par contrevenant, sans préjudice de la réparation des dommages éventuels. Ce montant peut être porté à 20'000 fr. en cas de récidive ou de violation grave des dispositions de la convention. La Commission paritaire peut déroger à ce montant si le préjudice subi est supérieur à ce dernier. Le montant des amendes est versé sur le compte du fonds paritaire. Selon l'art. 30 al. 4 CCT Nettoyage, l'utilisation des fonds paritaires est de la compétence de la commission professionnelle paritaire et servira notamment au contrôle de l'application de la CCT Nettoyage. L'art. 30 al. 5 CCT Nettoyage stipule que les parties établissent un règlement pour l'utilisation des fonds.

3.1.3 Des dispositions d'une convention collective de travail qui règlent les droits et les obligations réciproques des parties doivent être interprétées selon les principes d'interprétation en matière contractuelle (ATF 127 III 318 consid. 2a in JdT 2001 I 381). Est par conséquent décisive en premier lieu la réelle et commune intention des parties et, en second lieu, lorsque la volonté des parties n'a pas pu être déterminée, l'interprétation des déclarations des parties d'après le principe de la confiance (ATF 138 III 659 consid. 4.2.1 in JdT 2013 II 400). A cet égard, on doit se baser sur le texte des déclarations, non pas prises isolément, mais interprétées à la lumière de leur signification concrète (ATF 138 III 659 consid. 4.2.1 in JdT 2013 II 400; 123 III 165 consid. 3a in JdT 1998 I 2). Est ensuite déterminant le but de la réglementation poursuivi par le déclarant, tel qu'il pouvait et devait de bonne foi être compris par le destinataire de la déclaration (ATF 140 III 391 consid. 2.3 in JdT 2016 II 374; 138 III 659 consid. 4.2.1 in JdT 2013 II 400; 132 III 24 consid. 4).

3.2 En l'espèce, comme relevé plus haut (cf. consid. 2.2.1 supra), la CCT Nettoyage ne précise pas sous quelle forme juridique les commissions paritaires doivent être constituées. L'intimée est constituée en la forme d'une association, dont la qualité pour agir a été reconnue pour les compétences que lui délègue la convention collective de travail. Il y a dès lors lieu d'examiner si les parties contractantes ont prévu, dans la CCT Nettoyage, d'attribuer à l'intimée la compétence pour infliger les amendes, pour réclamer leur paiement, ainsi que pour faire valoir la prétention en justice.

Il ressort des art. 2 al. 4 et 28 al. 4 CCT Nettoyage que l'intimée est chargée de l'application de la CCT Nettoyage et des contrôles nécessaires. Elle peut également mandater une fiduciaire pour procéder aux contrôles. L'art. 28 al. 6 CCT Nettoyage prévoit, quant à elle, que toute infraction à la CCT Nettoyage doit être sanctionnée. On comprend à la lecture de l'art. 2 al. 4 et de l'art. 28 al. 6, 3ème phrase CCT Nettoyage, que les commissions paritaires sont habilitées à infliger des amendes puisqu'elles peuvent déroger au plafond de 5'000 fr. en cas de violation grave de la CCT Nettoyage. Par ailleurs, force est de constater que seules les commissions paritaires cantonales sont compétentes à cet égard, la commission paritaire romande étant une instance de recours. Ainsi, contrairement à ce que prétend la recourante, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que l'intimée était compétente pour prononcer une amende suite aux rapports faisant état des violations à la CCT Nettoyage commises par la recourante.

S'agissant de la question du recouvrement des amendes et de l'usage de la voie judiciaire à cette fin, la CCT Nettoyage est totalement silencieuse à ce propos. Dès lors que la volonté concordante des parties contractantes à la CCT Nettoyage, qui ne sont pas les parties à la présente procédure, ne peut être établie, les dispositions de la CCT Nettoyage doivent être interprétées selon le principe de la confiance. En d'autres termes, il y a lieu de déterminer si la CCT Nettoyage constitue une base légale suffisante pour que l'intimée ait le droit d'agir en justice de manière autonome pour recouvrer les amendes qu'elle prononce et si la recourante pouvait et devait, de bonne foi, le comprendre ainsi.

Bien que la CCT Nettoyage stipule que l'amende doit être versée sur le compte du fonds paritaire (art. 28 al. 6 dernière phrase CCT Nettoyage), lequel est de la compétence de la "commission professionnelle paritaire" (art. 30 al. 4 CCT Nettoyage), la CCT Nettoyage ne précise pas de quelle commission paritaire (romande ou cantonale) il s'agit. Dans la mesure où les fonds servent notamment au contrôle de l'application de la CCT Nettoyage, il apparaît que ce sont les commissions paritaires cantonales qui sont concernées. Le fait d'être autorisé à infliger les amendes, de percevoir les fonds et de les utiliser permet d'admettre que, malgré la lacune de la CCT Nettoyage sur cette question de recouvrement, l'art. 28 al. 6 CCT pouvait et devait être compris, de bonne foi, par la recourante comme accordant la compétence à l'intimée pour entreprendre les démarches de recouvrement des amendes, y compris de procéder, cas échéant, par la voie judiciaire. Le fait qu'aucune disposition de la CCT Nettoyage ne fasse référence expressément à l'art. 357b CO n'y change rien puisque c'est davantage le contenu des clauses de la CCT Nettoyage qui est pertinent plutôt que la référence à la base légale.

Cette interprétation est corroborée par le but de la réglementation, tel qu'il pouvait être compris de bonne foi par les parties à la CCT Nettoyage. Il y a lieu d'admettre qu'en créant des commissions paritaires, lesdites parties leur ont transféré la compétence non seulement de prononcer les amendes mais également de les recouvrer. On ne saurait au demeurant considérer qu'elles ont voulu entreprendre elles-mêmes les procédures judiciaires y relatives. Il faut déduire de tout ce qui précède que la légitimation active de l'intimée doit être admise.

Ces griefs seront également rejetés.

4.             La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte son absence d'intention dans le cadre des violations constatées par l'intimée et considère que le montant de 1'500 fr. auquel elle a été condamnée par le Tribunal est encore disproportionné.

4.1
4.1.1 La convention collective de travail étant un contrat de droit privé, les parties peuvent agir en cas d'inexécution des dispositions obligationnelles conventionnelles ou légales, selon les voies ordinaires (art. 97ss CO).

Ainsi, les peines conventionnelles constituent des amendes infligées aux personnes liées par une convention collective de travail et qui n'en respectent pas les dispositions. Elles relèvent purement du droit privé et non du droit pénal puisque les organes de la convention n'ont aucun caractère public. Les montants ainsi payés reviennent directement dans les caisses des commissions paritaires. (Dunand, L'exécution des peines conventionnelles notifiées par les commissions paritaires, in Arbeit und Arbeitsrecht, 2017, p. 62).

Les sanctions infligées par une commission paritaire chargée de l'application d'une convention collective de travail sont des clauses pénales au sens de l'art. 160 CO, que le juge doit réduire si elles sont exagérées (cf. art. 163 CO). Pour déterminer l'éventuel caractère excessif d'une peine, il faut, selon le Tribunal fédéral, tenir compte de la gravité de la violation contractuelle et de la faute, ainsi que du but tendant à empêcher, par une peine efficace, de futures violations du contrat (ATF 116 II 302 consid. 3 et 4; Dunand, op. cit., p. 63, Bruchez, op. cit., n° 36 ad art. 357b CO).

4.1.2 La clause pénale est soumise aux dispositions des art. 160 ss CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_466/2012 du 12 novembre 2012 consid. 6.1). En vertu de l'art. 160 al. 1 CO, lorsqu'une peine a été stipulée en vue de l'inexécution ou de l'exécution imparfaite du contrat, le créancier ne peut, sauf convention contraire, demander que l'exécution de la peine convenue. Selon l'art. 163 al. 1 CO, les parties fixent librement la peine conventionnelle. En application de l'art. 163 al. 3 CO, le juge doit réduire le montant de la peine conventionnelle dont la quotité est excessive (ATF 133 III 43 consid. 3.3). Dans l'application de l'art. 163 al. 3 CO, et donc dans l'usage de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC) de la réduction des peines conventionnelles excessives, le juge doit observer une certaine réserve. Une intervention du juge dans le contrat ne se justifie que si le montant de la peine fixée est si élevé qu'il dépasse toute mesure raisonnable, au point de ne plus être compatible avec le droit et l'équité. Pour juger du caractère excessif de la peine conventionnelle, il ne faut pas raisonner abstraitement, mais, au contraire, prendre en considération toutes les circonstances concrètes de l'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 4A_468/2016 du 6 février 2017 consid. 6.1).

Le Tribunal fédéral dans l'arrêt 4A_468/2016 précité rendu en matière de droit du travail relatif à une clause de non-concurrence frappée d'une clause pénale a considéré, pour examiner si le montant fixé était exagéré, qu'il fallait tenir compte notamment de la nature et de la durée du contrat, de la gravité de la faute et de la violation contractuelle, de la situation économique des parties, singulièrement de celle du débiteur.

4.1.3 A teneur de l'art. 28 al. 6 CCT Nettoyage, toute infraction aux dispositions de la convention peut être sanctionnée par une amende d'un montant de 5'000 fr. au plus par contrevenant, sans préjudice de la réparation des dommages éventuels.

4.2 En l'espèce, contrairement à ce que prétend la recourante, il n'y a pas lieu de prendre en compte, dans les critères de fixation de l'amende, des principes généraux de droit pénal. Partant, le fait qu'elle n'ait pas agi intentionnellement, au sens du droit pénal, n'est pas pertinent, seul le degré de la faute (la nature, la gravité, la fréquence et la durée des manquements reprochés et l'attitude de la recourante face aux injonctions et avertissements) entrant en considération. Alors que la non-conformité lors de l'établissement d'un contrat de travail constitue un manquement de gravité moyenne, voire légère, le paiement partiel des heures contractuelles, du salaire afférent aux vacances et des majorations pour les heures accomplies le dimanche et les jours fériés sont des manquements graves de la part de la recourante. De même, il y a lieu de relever que la recourante a difficilement collaboré avec l'intimée, qui a dû requérir à plusieurs reprises les justificatifs des employés concernés avant qu’elle y donne suite. Il y a également lieu de retenir que les cas des deux employés ayant donné lieu à la présente procédure ne sont pas des cas isolés, puisque la recourante a fait l’objet d’une autre procédure (cf. C.e EN FAIT) qui concernait neuf autres salariés.

En revanche, le fait que la recourante ait régularisé la situation des deux employés doit conduire à une réduction de l'amende fixée par l'intimée, à l'instar de ce qu'a retenu le Tribunal. A cet égard, il apparaît que la régularisation a eu lieu durant les mois de juin et de septembre 2020, comme l’a indiqué la recourante, et non en février 2021 comme l'a retenu à tort le Tribunal.

La Cour considère ainsi que le montant de l'amende, réduite à 1'500 fr. par le Tribunal, n'est, de loin, pas disproportionné et doit être confirmé. En effet, ce montant se situe dans le cadre des sommes prévues à l'art. 28 al. 6 CCT Nettoyage, et est en adéquation avec le but visé, à savoir assurer la clarté des droits et obligations des parties au contrat de travail et assurer aux travailleurs un salaire minimal suffisant et équitable. Il tient également compte de la gravité des violations contractuelles, mais aussi de la régularisation des situations des deux travailleurs concernés. En outre, bien que la situation économique de la recourante ne ressorte pas des faits retenus par les premiers juges, elle n'allègue pas qu'elle ne serait pas en mesure de payer l'amende ou qu'elle serait mise en difficulté de ce fait. Enfin, une amende de 1'500 fr. apparaît adéquate pour dissuader la recourante de commettre de futures violations à la CCT Nettoyage.

Compte tenu de ce qui précède, ces griefs étant également rejetés, le recours est infondé et le jugement entrepris sera entièrement confirmé.

5.             Le recours est exempt de frais judiciaires compte tenu de la valeur litigieuse (art. 114 let. c et 116 CPC, art. 19 al. 3 let. c LaCC) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe CT :


A la forme
:

Déclare recevable le recours interjeté le 19 novembre 2021 par A______ SA contre le jugement JTPH/404/2021 rendu le 21 octobre 2021 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/28336/2019 – CT.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Monsieur Pierre-Alain L'HÔTE, juge employeur; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.