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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/13190/2020

CAPH/90/2022 du 14.06.2022 sur JTPH/358/2021 ( OO ) , REFORME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13190/2020-5 CAPH/90/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 14 juin 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 28 septembre 2021 (JTPH/358/2021), comparant par
Me Thierry STICHER, avocat, boulevard Georges-Favon 14, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______, intimée, comparant par Me Nicole DOURNOW, avocate, rue Pictet-de-Rochemont 27, 1207 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/358/2021 rendu le 28 septembre 2021, le Tribunal des prud'hommes a déclaré recevable la demande formée le 25 février 2021 par A______ contre B______ (ch. 1er du dispositif), renoncé à entendre C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______, en qualité de témoins (ch. 2), débouté A______ de ses conclusions (ch. 3), invité B______ à transmettre à [la caisse de compensation] L______ le formulaire intitulé "demande d’allocations familiales" dûment complété et signé dans un délai de dix jours à compter de la réception des informations utiles à fournir par A______, en l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 4 et 5), dit qu’il ne serait pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié à la Chambre d'appel des prud'hommes le 21 octobre 2021, A______ appelle de ce jugement, qu'elle a reçu le 29 septembre 2021. Elle conclut à l'annulation des chiffres 2, 3 et 7 du dispositif de ce jugement, à l'audition des témoins C______, D______, E______, F______, G______, H______, et I______, à la condamnation de B______ de lui verser les sommes de 23'335 fr. net, avec intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2019 à titre d'indemnité pour licenciement abusif et 14'418 fr. 34 net, plus TVA, avec intérêts à 5% l'an dès le 5 août 2019, à titre d'honoraires, à la condamnation de cette dernière à procéder à la correction du certificat de travail ainsi qu'au versement de l'ensemble des frais de la procédure.

Elle produit une pièce nouvelle, consistant en un rapport d'évaluation établi le 27 mai 2019.

b. Dans son écriture de réponse et d'appel joint du 8 novembre 2021, B______ conclut au rejet de l'appel formé par A______ et au complètement du point 4 du jugement par la fixation à cette dernière d'un délai péremptoire de dix jours pour lui remettre les informations utiles au dépôt d'une demande d'allocations familiales.

Elle s'oppose à la production de la pièce nouvelle par l'appelante.

c. A______ conclut au rejet de l'appel joint formé par B______. Elle a produit des pièces nouvelles, toutes postérieures au prononcé du jugement entrepris.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ est une fondation de droit suisse dont le but est la prise en soins médico-psycho-sociale des personnes ______ ; son siège est à Genève.

b. A______ a travaillé pour B______ en qualité de responsable de communication du 4 mars au 31 décembre 2019.

c. En été 2019, les parties se sont opposées sur la question de la rémunération du travail supplémentaire effectué par A______. Cette dernière allègue avoir fourni ce travail supplémentaire par le biais de sa société M______ SARL et avoir facturé ses honoraires au nom de sa société. B______ soutient s'être acquittée du salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées par son employée. Les parties ont également discuté d'une modification du contrat de travail, B______ ayant proposé un avenant au contrat de travail le 19 septembre 2019, que A______ a refusé.

d. Le 5 août 2019, M______ SARL, société dont A______ était l'unique associée gérante, a adressé à B______ un relevé du temps consacré au développement des partenariats entreprises et gestion de projet, mentionnant un total de 55,5 heures.

Le 17 septembre 2019, M______ SARL a émis une facture d'un montant de 14'418 fr. 34, correspondant à 59,5 heures au taux horaire de 225 fr.

Par courrier adressé à B______ le 25 octobre 2019, A______ a réclamé le paiement de la note d'honoraires de 14'418 fr. 34 facturée par M______ SARL.

Elle a mis B______ en demeure de s'acquitter de la note d'honoraires de M______ SARL d'ici au 6 décembre 2019.

e. Le 19 novembre 2019, B______ a résilié les rapports de travail la liant à A______ avec effet au 31 décembre 2019.

f. A______ s'est opposé à son licenciement par courrier du 5 décembre 2019.

g. Le 14 janvier 2020, B______ a établi un certificat de travail en faveur de A______, lequel contient une description de l'activité fournie par cette dernière ainsi que l'appréciation de l'employeur exprimée comme suit : "Madame A______ a donné satisfaction à B______".

D. a. Par demande déposée au Tribunal des prud'hommes à l'encontre de B______ le 8 décembre 2020 après échec de la conciliation requise le 25 juin 2020, A______ a réclamé le versement d'un montant total de 59'448 fr. 84, correspondant à 23'335 fr. net avec intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2019 à titre d'indemnité pour licenciement abusif, 14'418 fr. 34 net, plus TVA, avec intérêts à 5% l'an dès le 5 août 2019 à titre d'honoraires de M______ SARL, 4'230 fr. 60 brut avec intérêts à 5% l'an dès l31 décembre 2019 à titre d'heures supplémentaires, 11'529 fr. 15 brut avec intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2019 à titre d'indemnité pour jours de vacances non pris en nature et 5'935 fr. 75 net avec intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2019 à titre de remboursement des frais d'avocat. Elle a en outre requis la délivrance d'un certificat de travail rectifié, expurgé de la mention portant sur l'activité consistant à développer des partenariats et comportant la mention "pleine et entière satisfaction", ainsi que la signature du formulaire intitulé "demande d'allocations familiales" établi par le L______.

A l'appui de ses prétentions en versement d'une indemnité pour licenciement abusif et en rectification du certificat de travail, elle a notamment allégué que ses prestations de travail ont donné pleinement satisfaction à son employeur, à ses collègues et aux intervenants externes à B______ (chiffres 13 à 19 de sa demande). A l'appui de ces allégués, elle a notamment sollicité l'audition des témoins C______ et D______, toutes deux anciennes assistantes sociales de B______, F______, infirmière anciennement employée de B______, E______, HR Management Officer, N______ & CIE SA, G______, Manager auprès de N______ & CIE SA, H______, Event Coordinator à O______, I______, chargée de projet marketing chez P______ SA, Dre J______, directrice du Centre B______/Q______ et Dre K______, médecin au Centre B______/R______, par appréciation anticipée des preuves.

Elle reproche notamment à B______ de l'avoir licenciée parce qu'elle avait refusé la modification de son contrat de travail et réclamé le paiement de sa note d'honoraires.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu à l'irrecevabilité de la conclusion en paiement de 14'418 fr. 34 et au rejet de la demande pour le surplus.

Elle soutient que A______ n'est pas légitimée à faire valoir en justice les prétentions de la société M______ SARL en paiement de 14'418 fr. 34.

Elle considère pour le surplus que la résiliation des rapports de travail n'est pas abusive, arguant notamment de ce qu'elle avait décrit les difficultés et exposé ses reproches en lien avec la prestation de travail fournir au fil des rapports de travail, détaillé la gestion désastreuse des horaires de travail, les échanges concernant le taux d'activité et sa flexibilité et mis en évidence le manque de fiabilité des données enregistrées par son employée.

Elle a contesté les allégués 13 à 19 de la demande.

c. Le Tribunal des prud'hommes a entendu les parties et procédé à l'audition des témoins S______, T______, U______, V______, W______ et X______.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal des prud'hommes a considéré que les témoignages recueillis, les pièces au dossier et les déclarations des parties lui avaient permis de se forger une conviction dont l'audition de témoins supplémentaires ne saurait altérer l'assise. Il a donc renoncé à l'audition des témoins C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______ par appréciation anticipée des preuves.

Il a débouté A______ de ses conclusions en versement d'une indemnité pour licenciement abusif, en retenant que la volonté de B______ de licencier son employée était antérieure au courrier que cette dernière lui a adressé le 25 octobre 2019 puisque la question du licenciement avait été évoquée lors de séances des 8, 21 et 23 octobre 2019. La résiliation des rapports de travail ne pouvait ainsi être consécutive à la réclamation liée au paiement des honoraires facturés par sa société. Le Tribunal a laissé ouverte la question de savoir si les prétentions formulées découlaient du contrat de travail et si elles étaient formulées de bonne foi. Il a considéré que l'employée avait échoué à faire apparaître comme fictif le motif invoqué par l'employeur tiré de l'insatisfaction de la prestation de travail.

Il a rejeté les prétentions en rectification du certificat de travail au motif que l'employée n'avait pas apporté d'éléments factuels susceptibles de justifier la modification du certificat de travail.

Il a rejeté les prétentions en versement de la somme de 14'418 fr. 34 réclamée au titre d'honoraires, au motif que A______ n'avait pas allégué ni démontré être titulaire de cette créance d'honoraires, facturées par sa société M______ SARL.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision finale rendue par le Tribunal des prud'hommes dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des conclusions de la demande en paiement, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 et 308 al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55, 59 et 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC).

2.             Devant la Chambre d'appel, l'appelante produit de nouvelles pièces et l'intimée prend de nouvelles conclusions.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel de moyens de preuve déjà existants lors de la fin des débats principaux de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente (arrêts du Tribunal fédéral 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.2; 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, les pièces produites par l'appelante à l'appui de sa réponse à l'appel joint sont recevables en ce qu'elles sont postérieures au prononcé du jugement entrepris.

En revanche, sa pièce n° 62 produite à l'appui de son appel n'est pas recevable, puisque, établie en mai 2019, elle aurait pu être déposée en première instance et que l'appelante n'a pas indiqué pour quels motifs elle aurait été empêchée de le faire.

Les nouvelles conclusions formulées par l'intimée dans le cadre de son appel joint sont également irrecevables, dans la mesure où elles n'ont pas été soumises aux premiers juges.

3.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir refusé l'audition des témoins C______, D______, E______, F______, G______, H______ et I______, et d'avoir ainsi violé son droit à la preuve et son droit d'être entendue.

3.1.1 Le droit d'être entendu comprend pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influencer la décision (notamment ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que procédant de manière non-arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Le refus d'une mesure probatoire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert à laquelle le juge a procédé est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3).

Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 CPC). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

3.1.2 Le contrat de travail conclu pour une duree indeterminee peut etre resilie par chacune des parties (art. 335 al. 1 CO). Le droit de chaque cocontractant de mettre unilateralement fin au contrat est cependant limite par les dispositions sur le conge abusif (ATF 135 III 53 consid. 2.3 ; 131 III 535 consid. 4.1 ; 127 III 86 consid. 2a).

La preuve du caractere abusif du conge incombe a la partie a laquelle celui-ci est signifie (art. 8 CC ; ATF 130 III 699 consid. 4.1 ; arret du Tribunal federal 4A_240/2017 du 14 fevrier 2018 consid. 3). Cependant, la preuve ayant souvent pour objet des elements subjectifs, le juge peut presumer en fait l’existence d’un conge abusif lorsque l’employe parvient a presenter des indices suffisants pour faire apparaitre comme fictif le motif avance par l’employeur, et le motif abusif plus plausible. Cette presomption de fait n’a cependant pas pour effet de renverser le fardeau de la preuve. La partie demanderesse doit alleguer et offrir un commencement de preuve d’un motif abusif de conge. De son cote, l’employeur ne saurait alors demeurer inactif ; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves a l'appui de ses propres allegations quant au motif du conge (ATF
130 III 699 consid. 4.1 ; arret du Tribunal federal 4A_437/2015 du 4 decembre 2015 consid. 2.2.5 ; Dunand, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 17 ad art. 336 CO, p. 661).

3.1.3 Le travailleur peut demander en tout temps à l'employeur un certificat portant sur la nature et la durée des rapports de travail, ainsi que sur la qualité de son travail et sa conduite; on parle de certificat de travail complet ou qualifié (art. 330a al. 1 CO).

Le travailleur a droit à un certificat portant des informations complètes. Le certificat peut et même doit contenir des faits et appréciations défavorables, pour autant que ces éléments soient fondés et pertinents (arrêts du Tribunal fédéral 4A_11712007 et 4A_12712007 du 13 septembre 2007 consid. 7.1; Wyler/Heinzer, op. cit., p.525s). Le choix de la formulation appartient en principe à l'employeur. Conformément au principe de la bonne foi, la liberté de rédaction reconnue à celui-ci trouve ses limites dans l'interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, voire constitutifs de fautes d'orthographe ou de grammaire. Le certificat doit contenir la description précise et détaillée des activités exercées et des fonctions occupées dans l'entreprise, les dates de début et de fin de l'engagement, l'appréciation de la qualité du travail effectué ainsi que de l'attitude du travailleur. L'expression "il a travaillé à notre satisfaction" suffit à qualifier les prestations d'un travailleur ordinaire et seul celui qui a fourni des prestations au-dessus de la moyenne pouvait exiger l'expression "à notre entière satisfaction" (arrêt du Tribunal fédéral 4A_127/2007 du 13 septembre 2007 consid. 7.1). S'il n'est pas satisfait du certificat de travail reçu, parce que celui-ci est lacunaire, inexact ou qu'il contient des indications trompeuses ou ambiguës, le travailleur peut en demander la modification, par le biais d'une action en rectification (ATF 129 III 177 consid. 3.3). Il appartient au travailleur de prouver les faits justifiant l'établissement d'un certificat de travail différent de celui qui lui a été remis. L'employeur devra collaborer à l'instruction de la cause, en motivant les faits qui fondent son appréciation négative. S'il refuse de le faire ou ne parvient pas à justifier sa position, le juge pourra considérer que la demande de rectification est fondée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_270/2014 du 18 décembre 2014 consid. 3.2.1; 4A_117/2007 du 13 septembre 2007 consid. 7.1).

3.2 En l'espèce, l'appelante a allégué avoir effectué sa prestation de travail à l'entière satisfaction de B______ et a offert de prouver ce fait par l'audition de différents témoins. Ces faits sont pertinents s'agissant tant des prétentions en versement d'une indemnité pour licenciement abusif que de celles en rectification du certificat de travail, puisque le motif de licenciement invoqué par l'intimée consiste dans son insatisfaction des prestations de travail de l'appelante et que le litige opposant les parties sur la formulation du certificat de travail concerne également l'appréciation du travail fourni par l'appelante.

Le Tribunal a, à juste titre, considéré que l'appréciation de la qualité de la prestation de travail de l'appelante par des intervenants externes n'était pas pertinente, puisque seule l'appréciation de l'employeur entre en ligne de compte pour déterminer si le motif invoqué par ce dernier pour justifier le licenciement prononcé est fictif et si la formulation du certificat de travail est conforme à la réalité. Il ne pouvait en revanche refuser d'entendre les témoignages d'anciens collaborateurs de l'intimée et rejeter les prétentions de l'appelante en lui reprochant de n'avoir pas apporté suffisamment d'éléments pour démontrer que l'insatisfaction de la qualité de son travail par l'intimée était un motif fictif de licenciement. Il ne pouvait en particulier exclure le caractère abusif du licenciement en procédant à une appréciation anticipée des preuves au motif que la décision de l'intimée de rompre le contrat de travail était postérieur à l'envoi de la facture d'honoraires par l'appelante, dès lors qu'un différend semble déjà avoir opposé les parties lors des discussions menées en lien avec la modification du contrat de travail en septembre 2019. De même, le Tribunal ne pouvait débouter l'appelante de ses prétentions en rectification du certificat de travail en lui reprochant de n'avoir pas apporté les éléments factuels à l'appui de sa prétention alors que l'audition des témoins qu'elle avait sollicitée à cet égard lui a été refusée.

Le Tribunal a ainsi violé le droit d'être entendue de l'appelante, ainsi que son droit à la preuve en rejetant ses prétentions en versement d'une indemnité pour licenciement abusif et en rectification du certificat de travail au motif qu'elle n'était pas parvenue à démontrer que le motif de licenciement invoqué par l'intimée était fictif et que sa demande de modification du certificat de travail était fondée.

Il convient en conséquence d'annuler le jugement entrepris en tant qu'il a rejeté les prétentions de l'appelante en versement d'une indemnité pour licenciement abusif et en rectification du certificat de travail et de renvoyer la cause au Tribunal des prud'hommes afin qu'il procède à l'audition des témoins C______ et D______, assistantes sociales anciennement employées de l'intimée, F______, infirmière anciennement employée de l'intimée, et les Dres J______ et K______, médecins aux Centres B______/Q______ et B______/R______, et rende une nouvelle décision.

4. L'appelante reproche par ailleurs au Tribunal des prud'hommes d'avoir rejeté ses prétentions en versement des honoraires de 14'418 fr. 34 net, plus TVA, avec 5% l'an dès le 5 août 2019.

4.1.1 La légitimation active ou passive dans un procès civil relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice et son absence entraîne le rejet de la demande (ATF 128 III 50 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 4A_145/2016 du 19 juillet 2016 consid. 4.1). Elle s'examine d'office et librement, dans la limite des faits allégués et établis lorsque le litige est soumis à la maxime des débats (ATF 130 III 550 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_217/2017 du 4 août 2017 consid. 3.4.1).

4.1.2 Lorsqu'une personne fonde une personne morale, notamment une société anonyme, il faut en principe considérer qu'il y a deux sujets de droit distincts avec des patrimoines séparés: la personne physique d'une part et la société anonyme d'autre part. Toutefois, dans des circonstances particulières, un tiers peut être tenu des engagements d'un débiteur avec lequel il forme une identité économique. En effet, selon le principe de la transparence, on ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de l'actif d'une personne morale appartient soit directement, soit par personnes interposées, à une même personne, physique ou morale; malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas deux entités indépendantes, la personne morale étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit admettre que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre; ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit, notamment en détournant la loi, en violant un contrat ou en portant une atteinte illicite aux intérêts d'un tiers (art. 2 al. 2 CC; ATF 144 III 541 S. 541 consid., 8.3.1).

L'application du principe de la transparence suppose donc, premièrement, qu'il y ait identité de personnes, conformément à la réalité économique, ou en tout cas la domination économique d'un sujet de droit sur l'autre; il faut deuxièmement que la dualité soit invoquée de manière abusive, c'est-à-dire pour en tirer un avantage injustifié; tel est le cas si la dualité des sujets n'est invoquée qu'aux fins de se soustraire abusivement à l'exécution forcée (ATF 144 III 541 consid. 8.3.2).

4.2 C'est en l'espèce à juste titre que les premiers juges ont rejeté les prétentions de l'appelante en versement des honoraires facturés par la société M______ SARL. L'appelante n'est en effet pas titulaire de la créance qu'elle fait valoir à ce titre et elle n'est pas légitimée à procéder en justice au nom d'un tiers.

Elle ne saurait pour le surplus être suivie lorsqu'elle se prévaut du principe de transparence pour prétendre à ce que les deux entités juridiques soient traitées comme une seule unité, dès lors que le principe de transparence ne trouve application que lorsque la dualité des entités juridiques est invoquée de manière abusive, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Le jugement sera en conséquence confirmé en tant qu'il a débouté l'appelante de ses prétentions en paiement de 14'418 fr. 34, TVA en sus, avec intérêts à 5% l'an dès le 5 août 2019 au titre d'honoraires facturés par M______ SARL.

5. L'appelante n'a, pour le surplus, pas remis en cause le jugement querellé en tant qu'elle a été déboutée de ses prétentions en versement des sommes de 4'230 fr. 60, 11'529 fr. 15 et 5'935 fr. 75, toutes trois avec intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2019, au titre d'indemnités pour heures supplémentaires, jours de vacances non pris en nature et remboursement de frais d'avocat.

Le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué sera donc également confirmé dans la mesure où ces prétentions ont été rejetées.

6. La procédure est gratuite (art. 71 RTFMC). Il n'est pas alloué de dépens d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :


À la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPH/358/2021 rendu le 28 septembre 2021 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/13190/2020-5.

Au fond :

Annule les chiffres 2, 3 en tant qu'il a rejeté les prétentions de A______ en paiement de 23'335 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2019 au titre d'indemnité pour licenciement abusif et en rectification du certificat de travail, ainsi que le chiffre 7 du dispositif du jugement entrepris.

Renvoie la cause au Tribunal des prud'hommes pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Monsieur
Michael RUDERMANN, juge employeur; Madame Shirin HATAM, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.