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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/18807/2020

CAPH/87/2022 du 07.06.2022 sur OTPH/988/2021 ( OS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18807/2020-3 CAPH/87/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 7 juin 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______[GE], recourante contre une ordonnance d'instruction OTPH/988/2021 rendue par le Tribunal des prud'hommes le 21 mai 2021, comparant par Me Jean-Charles LOPEZ, avocat, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par Me David AUBERT, avocat, rue Saint-Léger 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           a. B______ a été engagé en qualité de chauffeur d'autocar de tourisme de juillet 2016 à novembre 2017 par C______ SA.

b. Ce contrat a été résilié et repris à compter du 1er décembre 2017 par A______ SA, une société proche de C______ SA qui exploite des services en commun avec celle-ci.

c. Un salaire mensuel brut de 4'875 fr. par mois, versé treize fois l'an, a été convenu entre les parties dès le 1er décembre 2017.

L'art. 4.1 du contrat de travail prévoyait une "durée du travail selon les ordonnances fédérales", soit une moyenne de 45 heures hebdomadaires, réparties selon un horaire irrégulier, en fonction de la demande de la clientèle, étant précisé que "les imprévus et les heures supplémentaires font partie du métier de conducteur professionnel de personnes".

d.a. Dans le cadre de l'organisation et du contrôle de l'activité de ses chauffeurs, A______ SA établit informatiquement un document intitulé "détail conducteur", issu des données enregistrées par le tachygraphe des autocars conduits par le collaborateur, sur la base duquel elle calcule le temps de travail et sa rémunération. Ce document est censé refléter le temps de "conduite" (véhicule engagé dans la circulation), le temps de "travail" (véhicule actif mais à l'arrêt), le temps de "disponibilité" (conducteur à disposition des clients) et le temps de "repos/pause" (temps de conduite interdite).

d.b. En parallèle, l'employé remplit à la main une fiche récapitulative mensuelle des heures supplémentaires en introduisant les données suivantes par jour de travail : début et fin de l'activité du matin, début et fin de l'activité de l'après-midi, repas de midi, repas du soir, nuit, heures supplémentaires.

e. A______ SA a résilié le contrat de travail de B______ le 16 avril pour le 30 juin 2019.

B.            a. Par requête en conciliation déposée le 14 septembre 2020 et demande introduite le 23 novembre 2020 devant le Tribunal des prud'hommes (ci-après le Tribunal), B______ a assigné A______ SA en paiement de 20'143 fr., plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er septembre 2018, dont 19'197 fr. à titre de salaire pour 534 heures supplémentaires effectuées entre décembre 2017 et juin 2019.

En substance, l'employé a reproché à son employeur de n'avoir considéré comme heures à rémunérer que le temps de "conduite" et le temps de "travail" documenté par le tachygraphe et non pas également les temps de "disponibilité" et de "repos/pause" lorsqu'il était en réalité travaillé. Les décomptes fondés sur le document "détails conducteurs" n'étaient donc pas compatibles avec ceux établis par le chauffeur mensuellement. En outre, du 9 avril au 5 mai 2019, les données enregistrées par le tachygraphe étaient incomplètes en raison d'une carte défectueuse, ce qui n'avait pas permis d'établir le document "détails conducteur" et les heures travaillées n'auraient pas été correctement décomptées durant cette période. Il estimait qu'un calcul correct de ses heures réelles de travail lui donnait droit aux montants réclamés.

A titre préalable, B______ demandait la production notamment par son employeur (i) des récapitulatifs mensuels remplis par lui-même (cf. supra A.d.b), (ii) des tickets du tachygraphe pour la période du 9 avril au 5 mai 2019 (cf. supra A.d.a) et (iii + iv) des "billets collectifs" émis par l'employeur pour chaque mission du collaborateur au service de clients – soit l'équivalent d'un ordre de mission détaillant le planning des prestations attendues du collaborateur au cours de l'excursion – afin de prouver l'existence des heures supplémentaires alléguées. Il ne détenait en effet pas ces documents pour l'intégralité des rapports de travail.

Toujours préalablement, B______ concluait à ce qu'il soit ordonné à son ancien employeur de "procéder à l'inscription des données disponibles sur la durée [de son] travail dans son système informatique, puis d'en transmettre le résultat (i. e. le document "détail conducteur" complété) tant à l'autorité judiciaire qu'à [lui-même]".

b. Dans sa réponse du 22 janvier 2021, A______ SA a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Sur le fond, elle a expliqué que le décompte des heures de travail rémunérées dans l'entreprise s'effectuait essentiellement au moyen du tachygraphe. Il reprenait le chiffre figurant dans la colonne "temps salaire" du relevé du tachygraphe, lequel correspondait à l'addition des heures dévolues "au travail, à la conduite et aux absences affectées au travail (atelier, bureau, etc.)". B______ avait toujours considéré que le décompte du "temps salaire" n'était pas le reflet du travail accompli, alors qu'il était conforme aux dispositions de l'ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules automobiles (OTR 1) et faisait foi, puisque l'art. 14 OTR 1 prévoyait que "pendant son activité professionnelle, le conducteur doit maintenir le tachygraphe continuellement en fonction aussi longtemps qu'il se trouve dans le véhicule ou à proximité, et s'en servir de telle manière que la durée de la conduite, des autres travaux, de la disponibilité et des pauses soit clairement indiquée". Une bonne utilisation du tachygraphe permettait ainsi de déterminer le temps de "conduite" (art. 5 OTR 1), de "travail" (art. 6 OTR 1), de temps de "disponibilité" (art. 7 OTR 1) et le temps de "repos journalier" (art. 9 OTR 1), ce dernier n'étant pas considéré comme du temps de travail rémunéré car le chauffeur disposait de son temps et n'était pas à disposition. Les tachygraphes des véhicules de A______ SA étaient fiables et régulièrement contrôlés par une entreprise agréée. Si les relevés des tachygraphes des véhicules utilisés par B______ ne répertoriaient pas correctement les heures réellement effectuées, cela ne pouvait découler que d'une mauvaise manipulation par l'intéressé qui devait indiquer à l'appareil dans quelle catégorie de temps il se trouvait pendant l'utilisation du véhicule. En l'occurrence, B______ fondait essentiellement sa demande sur le fait qu'il incorporait dans ses heures de travail le temps de "repos" qui ne générait toutefois pas de rémunération. En outre, B______ réclamait 132 h 52 pour la semaine 42 de 2018 alors qu'il était en vacances et voyageait en Italie avec des amis dans un véhicule de A______.

c. Au cours de l'audience du 22 avril 2021, le Tribunal a entendu les parties ainsi que plusieurs témoins, soit des chauffeurs professionnels, ayant travaillé pour A______ SA ou travaillant chez d'autres employeurs de la branche, et des membres de l'encadrement de A______ SA.

Il ressort en substance des déclarations des parties que le litige porte essentiellement sur le fait de savoir si le temps de "repos" mentionné sur les décomptes du tachygraphe doit être considéré comme du temps de travail, l'employé estimant avoir été à disposition des clients pendant ces périodes (p. ex. attendre des clients à l'aéroport alors que leur avion a du retard, rester dans l'autocar lors d'un arrêt sur une aire d'autoroute pour le cas où un client revient chercher un objet dans le véhicule). En revanche, les horaires mentionnés par les décomptes du tachygraphe n'étaient pas contestés.

B______ et les chauffeurs entendus en qualité de témoins ont déclaré que dans d'autres entreprises de transport que A______ SA, de telles périodes de "repos", consistant en réalité à être à disposition du client, étaient rémunérées; la rémunération commençait dès la prise en main du véhicule et ne s'interrompait qu'à sa restitution au retour de l'excursion, nettoyé et le plein effectué. L'un des cadres de l'entreprise A______ SA a déclaré que le chauffeur pouvait se trouver en situation de "repos" au cours d'une excursion pour peu qu'il ne soit pas à disposition du client; il lui appartenait alors d'enclencher les positions "repos" ou "disponibilité" en fonction de la situation; le temps de "repos" n'était pas considéré comme du temps de travail rémunéré au contraire du temps de "disponibilité". Un autre cadre de A______ SA a déclaré que si le chauffeur pouvait rentrer chez lui au cours de la journée, il devait enclencher la position "repos"; en revanche, s'il se trouvait en déplacement avec les clients et devait rester sur place, il devait enclencher la position "disponibilité".

A l'issue de l'audience, B______ a maintenu ses réquisitions en production de titres. A______ SA a déclaré que les pièces requises étaient disponibles, mais archivées, et que leur production était compliquée, raison pour laquelle elle s'y opposait. Les décomptes de tachygraphe produits étaient suffisants pour l'issue du litige.

Le Tribunal a ordonné une suite d'audience devant se tenir le 31 mai 2021.

d. Il a adressé aux parties le 26 avril 2021 une convocation pour le 31 mai 2021, mentionnant sous "objet de l'audience" : "débats au sens des articles 245 et suivants CPC, étant précisé que l'attention des parties est attirée sur le fait qu'à défaut de décision contraire du Tribunal les plaidoiries finales auront lieu immédiatement après l'administration des preuves", et sous "remarques" : "ci-joint les convocations des témoins A. et P. pour transmission, vu leur domicile à l'étranger".

e. B______ a adressé le 30 avril 2021 un courrier au Tribunal afin de compléter le procès-verbal avec des explications qu'il avait données mais qui n'y figuraient pas. Il soulignait ainsi l'importance d'ordonner à A______ SA la production des "billets collectifs" pour connaître l'activité déployée au service du client et déterminer si le temps indiqué comme "repos" devait en réalité être considéré comme en "disponibilité". Il relevait à cet égard que lors d'excursions durant toute une journée, voire plusieurs jours, avec de nombreux déplacements, s'il avait enclenché les positions "disponibilité" et "repos" selon la réalité de son activité, il n'aurait plus respecté les normes en matière de temps de repos obligatoire et de temps maximal quotidien d'activité, raison pour laquelle il avait enclenché la position "repos" pour des périodes de "disponibilité" en réalité. Les "billets collectifs", confrontés aux "détails conducteurs" issus du tachygraphe permettraient de prouver l'existence de ces périodes de "repos" à requalifier en "disponibilité".

f. Le Tribunal a communiqué ce courrier à la partie adverse par pli du 12 mai 2021.

g. Le président du Tribunal a rendu le 21 mai 2021 une ordonnance d'instruction OTPH/988/2021 annulant l'audience du 31 mai 2022 et impartissant un délai au 28 juin 2021 à A______ SA pour produire, notamment, les récapitulatifs mensuels remplis à la main par B______, les tickets du tachygraphe ("VDO") pour la période du 9 avril au 5 mai 2019, les "billets collectifs" pour 22 jours en décembre 2017, 21 jours en janvier, 19 jours en février, 19 jours en mars, 11 jours en avril, 3 jours en août, 3 jours en septembre et 1 jours en décembre 2018, le décompte de vacances de B______ pour l’année 2017 et les tableaux "détails conducteur" complétés avec la durée du travail de B______ pour toute la durée des rapports de travail.

Le Tribunal a motivé la production des pièces requises par leur pertinence pour l'issue du litige dans la mesure où, si le tachygraphe était en position "repos" dans le but de satisfaire les règles l'OTR 1 mais qu'en réalité B______ se trouvait à la disposition des clients, il devrait être déterminé qu'elle était son occupation pendant ces phases de repos.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties le 21 mai 2021 et reçue par A______ SA le 25 mai 2021.

C.           a. Par acte expédié le 4 juin 2021 au greffe de la Chambre d'appel des prud'hommes (ci-après la Chambre), A______ SA a formé un recours contre cette ordonnance, concluant principalement à son annulation et subsidiairement à son annulation et au renvoi au Tribunal pour statuer dans le sens des considérants.

Sur la recevabilité du recours, A______ SA a allégué subir un dommage difficilement réparable découlant de la divulgation de secrets d'affaires par la production des pièces requises puisqu'elles comportaient le nom et toutes les données de ses clients ainsi les services fournis, pouvant être utilisés à des fins commerciales. En outre, certaines pièces demandées couvraient l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise et devraient faire l'objet d'extractions. Finalement, la réunion de pièces anciennes et archivées représentait une tâche considérable et coûteuse dans une période déjà compliquée par la situation sanitaire liée au COVID-19 (une semaine de travail pour plusieurs collaborateurs). Si le travailleur avait conservé les pièces qu'il avait lui-même remplies et les décomptes de tachygraphe qu'il pouvait imprimer, il n'aurait pas eu besoin d'en demander la production.

Sur le fond, A______ SA contestait l'adéquation du moyen de preuve ordonné car l'objet de la preuve tel que circonscrit par les déclarations des parties à l'audience se limitait à la qualification du temps de "repos" en temps de "disponibilité" sur les décomptes du tachygraphe. En outre, il appartenait au travailleur de conserver les moyens de preuve permettant d'établir son droit dès lors qu'il était tenu de remplir chaque moi un tableau de ses horaires. Elle se fondait pour cela sur les arrêts de la Chambre des prud'hommes CAPH/19/2020 du 24 janvier 2020 et du Tribunal fédéral 4A_428/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.1.1.

Finalement, la recourante reprochait au Tribunal d'avoir adopté une attitude contraire aux règles de la bonne foi en renonçant, à tout le moins de manière implicite, à ordonner la production des pièces requises à l'issue de l'audience du 22 avril 2021, comme permettait de le comprendre la teneur de la convocation à l'audience du 31 mai 2021, puis en l'ordonnant sur la base du seul courrier du 30 avril 2021 de l'intimé, sans laisser la possibilité à la recourante de se déterminer préalablement.

b. Dans sa réponse au recours du 18 juin 2021, B______ a conclu au rejet du recours. Il a contesté l'existence d'un préjudice difficilement réparable au détriment de la recourante découlant de l'administration de la preuve requise, notamment d'un travail considérable engendré par la réunion et la production des pièces ou de la divulgation d'un secret d'affaires, les pièces pouvant être caviardées. Les pièces à produire, notamment les "billets collectifs", étaient un moyen de preuve adéquat de faits pertinents et contestés, soit la nature de l'activité déployée durant les périodes qualifiées de "repos" dans les "détails conducteur". Finalement, il contestait que le Tribunal avait donné la moindre assurance aux parties à l'issue de l'audience du 22 avril 2021 sur la suite de la procédure; même si cela avait été le cas, les offres de preuve peuvent être modifiée en tout temps.

c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Chambre du 7 juillet 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Formé par écrit dans le délai de dix jours dès la réception de la décision entreprise et motivé, le recours est formellement recevable (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

2.             2.1 L'intimé ne conclut pas à l'irrecevabilité du recours mais examine dans ses griefs la question du préjudice difficilement réparable au détriment de la recourante des moyens de preuve ordonnés.

Les conditions de recevabilité des demandes et requêtes s'examine d'office (art. 59 al. 1 et 60 CPC), de sorte que l'absence de conclusion de l'intimé à cet égard ne s'oppose pas à l'examen de la recevabilité du recours au regard de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

2.2 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

On retiendra l’existence d’un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d’affaires sont révélés ou qu’il y a atteinte à des droits absolus à l’instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (Jeandin, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 22a et 22b ad art. 319 CPC).

La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF qui exclut la prise en compte d’un préjudice factuel ou économique. Ainsi, l’art. 319 let. b ch. 2 CPC ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra toutefois se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d’ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d’instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s’agit de se prémunir contre le risque d’un prolongement du procès (ATF 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 73; 134 I 83 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_64/2014 du 17 juin 2014 consid. 1.4; Jeandin, op. cit., n° 22 ad art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue ainsi pas un préjudice difficilement réparable (Bastons Bulletti, Petit commentaire CPC, 2021, n° 12 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n° 22a ad art. 319 CPC; Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).

Si une décision est susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF, elle peut a fortiori entraîner un préjudice difficilement réparable au sens de l’art. 319 let. b ch. 2 CPC (ATF 137 III 380 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_150/2014 du 6 mai 2014 consid. 3.2; Jeandin, op. cit., n° 22 ad art. 319 CPC). La jurisprudence développée par le Tribunal fédéral concernant la recevabilité de recours contre des décisions en matière de preuve en application de l'art. 93 al. 1 let. a LTF est par conséquent applicable mutatis mutandis à l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

Selon cette jurisprudence, la décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 5A_964/2017 du 6 mars 2018 consid. 1; 4A_248/2014 consid. 1.2.3; 4A_339/2013 du 8 octobre 2013 consid. 2; 5A_315/2012 du 28 août 2012 consid. 1.2.1; sous l'art. 87 OJ, 4P.335/2006 du 27 février 2007 consid. 1.2.4 et les références). Dans des cas exceptionnels, il peut y avoir préjudice irréparable, par exemple lorsque le moyen de preuve refusé risque de disparaître, qu'une partie est astreinte, sous la menace de l'amende au sens de l'art. 292 CP de collaborer à l'administration de preuve, ou qu'une partie soit contrainte à produire des pièces susceptibles de porter atteinte à ses secrets d'affaires ou à ceux de tiers, sans que le tribunal n'ait pris des mesures aptes à les protéger conformément à l'art. 156 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 5A_964/2017 du 6 mars 2018 consid. 1; 4A_425/2014 du 11 septembre 2014 consid. 1.3.2; 4A_64/2011 du 1er septembre 2011 consid. 3.2 et 3.3; 5A_603/2009 du 26 octobre 2009 consid. 3.1; 4A_195/2010 du 8 juin 2010 consid. 1.1.1).

Les secrets d'affaires couvrent en général les données techniques, organisationnelles, commerciales et financières qui sont spécifiques à une entreprise, qui peuvent notamment avoir une incidence sur le résultat commercial et que l'entrepreneur veut garder secrètes (ATF 109 Ib 47 consid. 5c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2010 du 8 juin 2010 consid. 2.2; Chabloz, Copt, Petit commentaire CPC, 2020, n° 3 ad art. 156 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente critiquée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie, en lien avec la notion de "préjudice irréparable" de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF : ATF 141 III 80 consid. 1.2; 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Bastons Bulletti, Petit commentaire CPC, 2020, n° 10 ad art. 319 CPC).

2.3.1 En l'espèce, la recourante invoque la divulgation de secrets d'affaires, soit des données liées à la clientèle figurant sur les "billets collectifs".

Si de telles données appartiennent bien aux données commerciales couvertes par le secret des affaires tel que défini ci-dessus, et ne sauraient être divulguées sans autre précaution, la recourante n'explique pas le risque encouru en l'occurrence. En effet, la clientèle dont il est question est connue de l'intimé, tout comme le contenu des "billets collectifs" puisqu'il les a eus en mains et lui étaient destinés. Il n'y a donc pas de secret en cause dans la relation entre les parties. Cela étant, le cumul en un chargé de pièces de l'ensemble des missions effectuées par l'intimé sur plus d'un an et demi de rapports de travail représente une importante réunion de données qui se rapproche d'un fichier clientèle et n'est pas dénué de valeur commerciale sous cette forme. Il n'est toutefois pas allégué par la recourante que l'intimé exploiterait une entreprise concurrente ou travaillerait dans le service commercial d'une telle entreprise, si bien que ces données n'ont en réalité pas d'intérêt commercial pour lui, ni qu'il existerait un risque qu'il ne les diffuse auprès d'entreprises tierces. Un préjudice difficilement réparable sous la forme d'une divulgation de secrets d'affaires n'est donc pas rendu vraisemblable. En tout état, il pourrait être paré à ce risque par le caviardage dans la mesure utile des pièces produites, ce que propose l'intimé.

2.3.2 La recourante allègue également que la recherche des pièces requises implique un temps et un coût en main d'œuvre démesuré.

Un simple surcoût ne constitue pas un préjudice difficilement réparable conformément aux principes exposés ci-dessus. Dans la mesure où celui-ci devait se révéler très important et représenter une charge disproportionnée, la question d'un préjudice financier difficilement réparable pourrait se poser, puisqu'en matière prud'homale, il ne pourra être alloué de dépens (art. 95 al. 3 CPC; art. 22 al. 2 LACC) permettant d'indemniser les frais d'administration d'une preuve onéreuse en cas de gain du procès. En l'occurrence, la recourante allègue une semaine de travail pour plusieurs collaborateurs compte tenu de l'ancienneté et de l'archivage des données. Au-delà du fait qu'il ne s'agit là que d'une affirmation non étayée, une activité d'une telle ampleur apparaît improbable s'agissant de la recherche de documents de base pour calculer l'activité et la rémunération d'un collaborateur – qui n'est pas encore atteinte par la prescription – et devraient se trouver en grande partie dans son dossier. La période litigieuse est très limitée dans le temps et clairement déterminée, ce qui réduit d'autant la recherche de documents. Finalement, le présent litige couvant depuis avant la fin des rapports de travail, la recourante n'a certainement pas archivé les pièces pertinentes.

Il n'est ainsi pas rendu vraisemblable qu'un préjudice difficilement réparable d'ordre financier menace la recourante en cas d'administration de la preuve contestée.

2.3.3 Aucun préjudice difficilement réparable n'étant rendu vraisemblable, le recours devrait être déclaré irrecevable en application de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

En tout état, il doit être rejeté pour les motifs qui suivent.

3. 3.1.1 Toute partie a droit à ce que les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile soient administrés (art. 152 al. 1 CPC). La preuve doit porter sur des faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC).

Les parties et les tiers sont tenus de collaborer à l'administration des preuves (art. 160 al. 1 CPC).

3.1.2 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. Singulièrement, le droit d'être entendu comprend le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, présentées en temps utile et dans les formes prescrites (ATF 132 V 368 consid. 3.1 et 131 I 153 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_265/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2.1).

3.1.3 Conformément à l'art. 8 CC, il incombe au travailleur de prouver qu'il a effectué des heures supplémentaires, respectivement de prouver la quotité des heures dont il demande la rétribution (ATF 129 III 171 consid. 2.4 p. 176).

Lorsqu'il est établi que le salarié a effectué des heures supplémentaires dont il ne parvient pas à prouver le nombre avec exactitude, le juge peut en faire l'estimation par application analogique de l'art. 42 al. 2 CO. Une telle évaluation se fonde sur le pouvoir d'appréciation des preuves et relève de la constatation des faits. Ressortit en revanche au droit la question de savoir quel degré de preuve s'applique. Cela étant, la facilitation probatoire offerte par l'art. 42 al. 2 CO ne dispense nullement le travailleur de fournir au juge, dans la mesure raisonnablement exigible, tous les éléments constituant des indices du nombre d'heures supplémentaires accomplies. La conclusion selon laquelle les heures supplémentaires ont réellement été effectuées dans la mesure alléguée doit s'imposer au juge avec une certaine force (cf., entre autres, arrêts 4A_493/2019 du 19 mai 2020 consid. 5.3.1; 4A_285/2019 du 18 novembre 2019 consid. 6.2.3; 4A_338/2011 du 14 décembre 2011 consid. 2.2, in PJA 2012 282; 4A_543/2011 du 17 octobre 2011 consid. 3.1; ATF 128 III 271 consid. 2; 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471; 122 III 219 consid. 3).

Ni l'art. 46 LTr, ni l'OLT 1 ne prévoient un renversement du fardeau de la preuve. Dans des affaires concernant des chauffeurs, au regard des obligations de contrôle et d'enregistrement échéant à l'employeur (cf. art. 16 OTR 1), il n'est pas réaliste d'exiger du travailleur qu'il tienne lui-même un décompte exact de ses heures supplémentaires. Il n'en demeure pas moins qu'il peut établir, en particulier par témoins, si et dans quelle mesure approximative il a accompli des heures supplémentaires (arrêts du Tribunal fédéral 4A_428/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.1.1 4A_501/2013 du 31 mars 2014 consid. 6.3; 4C.146/2003 du 28 août 2003 consid. 5.2; sur la preuve testimoniale dans ce cas de figure, cf. aussi arrêt précité 4A_543/2011 consid. 3.1.3).

3.2.1 En l'espèce, compte tenu de la question litigieuse, qui consiste essentiellement à requalifier des heures inscrites dans le tachygraphe comme "repos" alors qu'elles correspondaient en réalité à des heures de "disponibilité", les moyens de preuve requis sont propres à établir les faits contestés. Il ressort de l'exemple de "billet collectif" produit (pièce 16 intimé) que la description de la mission y est suffisamment précise pour déterminer les prestations que le chauffeur était censé fournir et dans quelle tranche horaire. Le moyen de preuve requis est ainsi adéquat. Il n'est pas excessivement onéreux ou complexe à fournir, ainsi que cela été retenu plus haut. Il est destiné à prouver des faits pertinents pour l'issue du litige et contestés. L'intime dispose par conséquent d'un droit à faire administrer les preuves requises s'agissant de la production des "billets collectifs".

Les jurisprudences citées par la recourante pour s'y opposer (arrêts du Tribunal fédéral 4A_428/2019 – dont la teneur est reprise supra – et de la Chambre des prud'hommes CAPH/19/2020) ne lui sont d'aucun secours car elles visent essentiellement la répartition du fardeau de la preuve de la quantité d'heures effectuées et non pas de la nature du travail effectué durant les heures de travail. Or, en l'occurrence, la quantité des heures documentées par le tachygraphe n'est pas contestée, et le litige porte uniquement la nature de l'activité déployée durant les heures enregistrées. Les seuls relevés du tachygraphe retranscrits dans le document "détails conducteurs" ne sont pas suffisants pour prouver la nature de l'activité déployée puisqu'il est allégué que le temps d'activité documenté par le tachygraphe a été sciemment décompté dans des catégories autres que celles de l'activité réellement déployée pour faire croire au respect du temps de repos obligatoires.

L'arrêt CAPH/19/2020 aborde certes également la qualification des heures répertoriées par le tachygraphe et reproche au travailleur de ne pas avoir expliqué en quoi la production des pièces requises (les décomptes du tachygraphe) permettrait de prouver l'activité réellement déployée durant les périodes litigieuses, alors que les moyens de preuve disponibles à la procédure renseignaient déjà suffisamment la Chambre sur les temps de "disponibilité", de "conduite" et de "travail", seuls litigieux. Or, en l'espèce, le litige porte sur la distinction du temps de "repos" et du temps de "disponibilité" et l'intimé explique en quoi les pièces requises, qui ne sont pas les relevés du tachygraphe, déjà connus pour la plupart en l'occurrence, mais des pièces complémentaires permettant d'établir la nature de l'activité déployée durant les heures enregistrées par le tachygraphe.

La recourante se limite de son côté à affirmer que le moyen de preuve n'est pas probant, sans toutefois expliquer sa position.

Il découle de ce qui précède que c'est avec raison que le Tribunal a ordonné l'administration de la preuve requise.

3.2.2 Concernant la production des récapitulatifs mensuels remplis manuscritement par l'intimé et remis à son employeur, ils sont également pertinents et adéquats puisqu'ils permettront de reconstituer le point de vue de l'employé sur la qualification et la quantité de l'activité déployée, confrontée aux "détails conducteurs" et aux "billets collectifs".

Contrairement à ce que soutient la recourante, ce n'est pas parce que le travailleur a établi ces documents et qu'il les a eus en sa possession qu'on ne pourrait plus en ordonner la production à l'employeur, au motif que le premier aurait dû les conserver. La jurisprudence du Tribunal fédéral citée à cet égard par la recourante conduit à retenir plutôt le contraire.

Le Tribunal pouvait par conséquent ordonner à la recourante de produire ces pièces.

3.2.3 S'agissant de la production des tickets du tachygraphe pour la période du 9 avril au 5 mai 2019, correspondant à une période de panne de l'ordinateur récoltant les données – non contestée par la recourante – aucun grief précis n'est articulé par la recourante, si bien qu'il y a lieu de valider la décision du Tribunal d'ordonner la production de cette preuve, adéquate et portant sur des faits contestés pertinents.

3.2.4 Finalement, le Tribunal a fait droit à la demande de l'intimé tendant à ce que la recourante procède à l'inscription des données disponibles sur la durée du travail de l'intimé dans son système informatique afin d'émettre de nouveaux "détails conducteurs" actualisés.

Les parties ne se sont pas particulièrement interrogées dans leurs écritures de recours sur cette réquisition de preuve spécifique, alors qu'il ne s'agit vraisemblablement pas d'une mesure probatoire. De la compréhension de la Chambre, l'intimé souhaitait, par cette réquisition, que la recourante établisse de nouveaux "détails conducteurs" une fois requalifiées les heures de "repos" en heures de "disponibilité", après production et examen des autres pièces requises. A ce titre, il ne s'agit pas, pour la recourante, de fournir une preuve, mais en réalité de se prononcer sur le résultat des probatoires, au même titre que l'intimé devra le faire, afin de reconstituer, cas échéant, le décompte des heures de "repos" et de "disponibilité", après examen des "billets collectifs" et des décomptes mensuels manuscrits établis par l'intimé.

Ainsi comprise, cette mesure n'a pas vraiment sa place dans une ordonnance d'instruction relevant de l'ordonnance de preuve. Elle est de surcroît prématurée et peu adéquate à la forme (une seule partie est invitée établir un nouveau décompte des heures de "repos" / "disponibilité"; le Tribunal demande à la recourante de modifier a posteriori des documents vraisemblablement constitutifs de titres).

Faute toutefois de grief particulier adressé par les parties, la Chambre ne modifiera par l'ordonnance sur ce point, laissant le soin au Tribunal de prendre les mesures qui lui sembleront adéquates au vu des considérations qui précèdent.

4. La recourante fait également grief aux premiers juges d'avoir adopté une conduite de la procédure contraire aux règles de la bonne foi. Le Tribunal avait ordonné la production des pièces sur la base du courrier du 30 avril 2021 de l'intimé, alors qu'il avait, à tout le moins implicitement, renoncé à administrer cette preuve à l'issue de l'audience du 22 avril 2021. De surcroît, il n'avait pas donné la possibilité à la recourante de s'exprimer sur le courrier du 30 avril 2021 avant d'ordonner la mesure.

4.1 Contrairement à ce que soutient la recourante, rien dans la procédure ne permet de retenir que les premiers juges auraient manifesté, même implicitement, qu'ils renonçaient à administrer les preuves requises par l'intimé à l'issue de l'audience du 22 avril 2021. Aucune mention au procès-verbal ne permet de le retenir. La convocation d'une audience le 26 avril pour le 31 mai 2021, déjà annoncée à l'audience du 22 avril, dans le but d'entendre le solde des témoins sollicités, n'excluait pas qu'une ordonnance de preuve soit émise dans l'intervalle en vue d'ordonner la production des pièces requises. Le Tribunal avait d'ailleurs annoncé que cette audience s'achèverait par les plaidoiries finales "à défaut de décision contraire" de sa part, ce qui signifiait que la clôture des probatoires et les plaidoiries finales étaient uniquement réservées et non définitivement ordonnées.

En l'absence de comportement contradictoire ou contraire aux règles de la bonne foi du Tribunal, il est inutile d'examiner les principes prévalant en la matière et les conséquences qu'il aurait fallu en tirer.

4.2 L'appelante allègue une violation de son droit d'être entendue lorsqu'elle relève que le Tribunal a rendu l'ordonnance entreprise immédiatement après avoir reçu le courrier du 30 avril 2021 de l'intimé et sans qu'elle en soit informée.

4.2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 135 I 279 consid. 2.3).

Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos ("droit de réplique"); peu importe que celle-ci contienne de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit propre à influer concrètement sur le jugement à rendre. En effet, il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce produite contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvellement versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent faire usage de leur droit de réplique (ATF 139 I 189 consid. 3.2; 139 II 489 consid. 3.3; 138 I 154 consid. 2.3 p. 157, 484 consid. 2.1 p. 485 s.; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197; arrêt 4A_29/2014 du 7 mai 2014 consid. 3, non publié in ATF 140 III 159).

Si le tribunal communique la prise de position pour information sans fixer de délai pour d'éventuelles observations, il doit surseoir à statuer afin de permettre à la partie adverse de déposer des observations spontanées et ne rendre sa décision qu'après écoulement d'un laps de temps suffisant pour admettre que la partie intéressée a renoncé à répliquer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_332/2011 du 21 novembre 2011, consid. 1). Un délai inférieur à dix jours ne suffit pas à garantir l'exercice du droit de répliquer de manière spontanée (arrêts du Tribunal fédéral 5D_81/2015 du 4 avril 2016 consid. 2.3.4, 5A_174/2016 du 25 mai 2016 consid. 3.2).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Ce droit n'est cependant pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (parmi d'autres ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; 141 V 495 consid. 2.2;127 V 431 consid. 3d/aa; arrêt du Tribunal fédéral 1C_229/2020 du 27 août 2020 consid. 2.1).

Par ailleurs, une violation du droit d'être entendu en instance inférieure est réparée, pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière, lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (parmi d'autres ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3; 135 I 279 consid. 2.6.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2017 du 15 janvier 2019 consid. 3.2).

L'appelant, respectivement le recourant, ne peut alors pas se contenter de se plaindre de cette violation, mais doit saisir l'opportunité d'obtenir réparation du vice devant l'autorité supérieure et exercer son droit d'être entendu, conformément au principe de bonne foi en procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3.3.2 non publié aux ATF 142 III 195; ACJC/1079/2017 du 31 août 2017 consid. 8.1.2; ACJC/429/2017 du 7 avril 2017 consid. 3.1.1; ACJC/1311/2011 du 17 octobre 2011 consid. 3.2; Bastons Bulletti, note relative à l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_485/2016 du 19 décembre 2016 in ZPO-CPC Online, Newsletter du 22 février 2017 et note relative à l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2015 précité in ZPO-CPC Online, Newsletter du 21 avril 2016).

4.2.2 En l'espèce, le Tribunal n'a pas respecté le droit d'être entendu de la recourante en prononçant l'ordonnance de preuve litigieuse le 21 mai 2021, sur le vu du courrier du 30 avril 2021 de l'intimé, communiqué à la partie adverse uniquement le 12 mai 2021, sans lui avoir laissé l'opportunité de réagir sous la forme d'une réplique spontanée dans un délai de dix jours.

Cela étant, il ressort de la procédure que les parties se sont exprimées lors de l'audience du 22 avril 2021 sur les réquisitions de preuve de l'intimé et ont fait valoir leurs arguments essentiels qui correspondent à ceux invoqués en recours (pertinence, adéquation et suffisance des pièces déjà produites; coût et difficulté pour réunir les pièces requises). En outre, la recourante a pu faire valoir l'intégralité de ses moyens devant l'autorité de recours, laquelle les a tous examinés, avec un pouvoir d'examen au moins équivalent à celui du premier juge, s'agissant d'argument de droits, non limités dans la voie du recours.

La violation du droit d'être entendue alléguée n'a par conséquent pas eu d'incidence et a en tous les cas été réparée. Il n'y a donc pas lieu d'annuler l'ordonnance entreprise pour ce motif.

5. En définitive, le recours est intégralement rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

6. Vu la valeur litigieuse, la procédure est gratuite (art. 114 let. c CPC).

Il n'est pas alloué de dépens en matière prud'homale (art. 22 al. 2 LACC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé le 4 juin 2021 contre l'ordonnance OTPH/988/2021 du 21 mai 2021 par A______ SA dans la cause C/18807/2020.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Agnès MINDER-JAEGER, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, aux conditions restrictives de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.