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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/789/2017

ACJC/926/2022 du 07.07.2022 sur JTBL/191/2021 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : OBLF.14; CO.269a
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/789/2017 ACJC/926/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 7 JUILLET 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ (GE), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 15 mars 2021, comparant par Me Alexandre BÖHLER, avocat, rue des Battoirs 7, case postale 284, 1211 Genève 4, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

 

et

 

B______ SA, ayant son siège ______, à Zurich, intimée, comparant par
Me Jacques BERTA, avocat, rue Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/191/2021 du 15 mars 2021, reçu par les parties le 16 mars 2021, le Tribunal des baux et loyers a fixé à 13'536 fr., charges non comprises, dès le 1er avril 2017, le loyer annuel de l'appartement de 5,5 pièces loué par A______ au 9ème étage de l'immeuble sis 5, chemin 1______ au C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2), et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié le 29 avril 2021 à la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut principalement à ce que la Cour dise que la majoration de loyer du 9 décembre 2016 relative au bail la liant à B______ SA est injustifiée.

b. Dans sa réponse du 31 mai 2021, B______ SA conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 5 août 2021 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SA est propriétaire de l'immeuble sis 3, chemin 1______ au C______, comprenant les allées 1-3-5-7 pour un total de cent nonante-sept appartements. Les allées 3 et 5 sont composées chacune de trente-sept appartements ainsi que des duplex. Les allées 1 et 7 comprennent chacune cinquante-trois appartements ainsi que des duplex. Les duplex représentent dix-sept appartements. Ainsi, l'immeuble propriété de B______ SA comporte un total de 197 appartements. La surface totale des appartements des allées 3 et 5 s'élève à 6158 m², soit 3079 m² par allée.

b. Par contrat du 7 août 1985, D______ a pris à bail un appartement de 5,5 pièces de 97 m² au 9ème étage de l'allée numéro 5. Le bail a débuté le 1er octobre 1985 et pouvait être résilié trois mois avant les échéances des 31 mars au 30 septembre de chaque année. Le loyer de D______ s'élevait en dernier lieu à 10'260 fr. par an, charges non comprises.

Par avenant du 11 juin 2012, l'appartement a été mis au seul nom de A______, ex-épouse de D______.

A______ a équipé la cuisine de son appartement des appareils électroménagers suivants : réfrigérateur, congélateur, cuisinière et lave-vaisselle.

c. Par courrier du 27 mars 2014, la régie représentant la bailleresse a informé A______ du fait que celle-ci allait entreprendre des travaux de rénovation dans l'immeuble concerné, qui devaient débuter à la mi-janvier 2015 et durer jusqu'à fin 2017.

d. Le 4 juillet 2014, la direction des autorisations de construire a délivré à la bailleresse une autorisation de construire portant sur la rénovation des colonnes et des alimentations sanitaires, soit le changement des appareils sanitaires et des mobiliers de cuisine. Les loyers des cent nonante-sept appartements (huit cent cinquante-trois pièces) ne devaient pas excéder après travaux 2'499'250 fr. l'an, pendant une durée de cinq ans à dater de la remise en location après la fin des travaux.

e. La bailleresse a effectué les travaux suivants :

Dans les logements: la réfection complète des cuisines (meubles et appareils ménagers, revêtements de sols, murs et plafonds), des salles de bains et des WC (appareils sanitaires, revêtements de sols, murs et plafonds), remplacement des colonnes et alimentations sanitaires, assainissement des ventilations et le remplacement du tableau électrique dans les appartements.

Dans les locaux communs : la réadaptation des installations sanitaires, l'installation d'un système de récupération thermique derrière et de la ventilation posée en toiture (pompes à chaleur) et le remplacement de la chaufferie (en lieu et place du raccordement au réseau E______ prévu initialement).

f. Les travaux dans l'appartement de A______ ont eu lieu du 13 juillet au 28 août 2015.

g. Il ressort de l'attestation globale de conformité selon l'article 7 LCI que les travaux des appartements des allées 3 et 5 étaient terminés au mois de décembre 2015.

h. Le décompte final établi par la bailleresse le 20 avril 2016 laisse apparaître pour l'allée n° 3 un coût total du chantier de 3'291'581 fr. La bailleresse a retiré de ce montant les honoraires de F______ SA (85'000 fr.), les dédommagements accordés aux locataires (33'259 fr. 50), et les bouquets de chantiers (1'494 fr. 70), soit un total de 3'171'326 fr. 80.

i. Au 1er octobre 2016, l'état locatif mensuel des allées n° 3 et 5 s'élevait à 65'706 fr., charges comprises.

j. Par avis de majoration de loyer du 9 décembre 2016, la bailleresse a déclaré porter le loyer annuel de A______ de 10'260 fr. à 13'536 fr., charges non comprises, dès le 1er avril 2017. L'avis était motivé comme suit :

« Ajustement taux de référence de 1,75% du 02.06.2015 à 1,75% du 02.09.2016 CHF 0.00 / Compensation renchérissement de 157.5 pt au 31.05.2015 à 157.2 pt au 30.10.2016 CHF -0.65 / augmentation générale des coûts du 31.12.2015 compensée jusqu'au 31.12.2015

Travaux à plus-value selon l'article 269 a) CO + autorisation DU du 04.07.2014 n° APA 2______/1. Appartement : remplacement : cuisine/salle de bains/WC/conduite sanitaire et ventilation/portes palières (améliorations phoniques et sécuritaires) / tableau électrique (augmentation de l'ampérage) : installation : électroménagers dans la cuisine/raccordement pour lave-linge (eau + électricité)/compteur d'eau chaude et froide. Immeuble : remplacement de la chaufferie + pose de PAC 274.00 ».

k. La hausse de loyer a été contestée le 16 janvier 2017 par la locataire devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers.

l. Non conciliée le 19 mars 2018, l'affaire a été portée devant le tribunal des baux et loyers le 30 avril 2018 par la B______ SA, laquelle a conclu à la fixation du loyer annuel de l'appartement concerné à 13'536 fr., charges non comprises, dès le 1er avril 2017, et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

A l'appui de ses conclusions, B______ SA a allégué que le montant total des travaux des allées 3 et 5 s'élevait à 6'758'314 fr. 16 comprenant les travaux énergétiques et le surcoût lié à la rénovation de la chaufferie (en 187'416 fr. 45). Sur ce montant, 228'560 fr. 75 correspondaient au surcoût des travaux, générés par les améliorations énergétiques, lequel pouvait être répercuté à 100% sur les loyers, le solde des travaux, en 6'529'723 fr. 41, devant se voir appliquer un pourcentage de plus-value de 50%. La bailleresse a également retenu une durée moyenne de l'amortissement de vingt-cinq ans. Elle a allégué que les travaux diligentés avaient entraînée avait amené les améliorations suivantes :

Dans les cuisines : changement de l'agencement et installation d'un plan de travail en granit, d'un nouveau frigo, d'une plaque en vitrocéramique, d'un four, d'une hotte et d'un lave-vaisselle, appareils à faible consommation énergétique, alors qu'auparavant les cuisines étaient uniquement agencées avec un frigo;

Dans les salles de bains : installation de raccordement pour le lave-linge, inexistante auparavant;

Sur le système de chauffage : installation d'une pompe à chaleur devant entraîner une diminution des frais de chauffage;

Dans l'entrée : remplacement des portes palières par de nouvelles portes « coupe-feu », équipées de trois points d'ancrage, améliorant la sécurité des locataires et l'isolation phonique;

Augmentation des ampérages des tableaux électriques;

Installation de compteurs d'eau chaude et froide pour chaque appartement, permettant aux locataires de ne payer que leur propre consommation;

Remplacement de la chaufferie à gaz.

m. A______ a répondu par écritures du 15 juin 2018 et a conclu, principalement à la nullité de la majoration du 9 décembre 2016.

Les travaux avaient uniquement servi à maintenir la substance de la chose louée dans un état conforme à l'usage convenu et n'avaient engendré aucune plus-value. Elle s'est en particulier plainte des éléments suivants :

Dans la cuisine : la locataire disposait déjà d'un raccordement pour le lave-vaisselle. Les appareils électroménagers installés étaient d'une qualité moindre par rapport à ce qu'elle possédait auparavant, la surface du plan de travail était devenue insuffisante, les meubles étaient plus petits et des espaces de rangement manquaient. Le nouveau carrelage était de moins bonne qualité que l'ancien.

Dans la salle de bains : la locataire disposait déjà de raccordement pour le lave-linge, le nouveau lavabo était plus petit que l'ancien et placé trop bas, la nouvelle baignoire, plus petite, était surélevé par rapport à l'ancienne rendant la sortie moins aisée.

Dans les toilettes : la disposition du mobilier avait été mal pensée, l'abattant était de mauvaise qualité.

La nouvelle porte palière, coupe-feu, comportait dorénavant une poignée du côté extérieur et ne présentait pas une amélioration matière d'isolation acoustique.

La pompe à chaleur installée n'était plus en service.

n. Le Tribunal a entendu les parties et plusieurs témoins.

A______, G______ et H______, deux autres locataires de l'immeuble, également parties à des procédures de hausse de loyer contre B______ SA, ont expliqué qu'avant les travaux litigieux et depuis leur arrivée dans l'immeuble, il n'y avait pas eu de travaux dans l'immeuble, à l'exception de l'installation du double vitrage et des travaux qu'ils avaient pu solliciter dans leurs appartements respectifs. Avant les travaux, l'immeuble était vétuste tout comme les installations de la cuisine et la tuyauterie, laquelle était problématique. De manière générale, ils considéraient que les travaux ne leur avaient rien apporté si ce n'est de remettre en état des installations vétustes. L'électroménager installé n'avait fait que remplacer celui qu'ils avaient jusqu'alors, tout en étant de moins bonne qualité. La modification de l'ampérage avait entraîné l'impossibilité d'utiliser certains appareils qui fonctionnaient auparavant.

I______, architecte responsable du chantier, a expliqué que la facturation avait été faite par allée depuis le début, de sorte que les entreprises facturaient séparément, sauf si ce n'était pas possible, comme par exemple pour le chauffage. Dans ce cas, ils avaient procédé à un calcul au prorata en fonction du nombre d'appartements que chaque allée comportait. Les duplex avaient été comptabilisés séparément, car ils étaient raccordés de façon indépendante, que ce soit pour la ventilation, chauffage, sanitaire etc. Quelques factures avaient été émises avant le début des travaux, soit en automne 2013, car elles correspondaient au rafraîchissement des appartements qu'ils entendaient proposer pour des relogements.

Avant les travaux litigieux, les cuisines et salles de bains étaient d'origine.

S'agissant des cuisines, la plus-value pour les locataires consistait à avoir une cuisine neuve, équipée en électroménager par le propriétaire, avec l'entretien à la charge du propriétaire. L'installation du plan de travail en granit constituait également une plus-value car celui-ci était plus facile à entretenir. Les volumes des armoires de rangement étaient identiques à ceux qui préexistaient. Ils avaient ajouté une hotte de ventilation à circuit fermé, un lave-vaisselle et des prises électriques au-dessus du plan de travail et l'éclairage. Auparavant les cuisinières appartenaient aux locataires. S'ils possédaient une cuisinière ou un four particulier (induction pyrolyse) avant les travaux, ils pouvaient demander d'en avoir de nouveaux identiques, sans frais. Ceux qui ne possédaient pas un tel équipement mais souhaitaient en avoir après travaux ont aussi pu le demander, moyennant paiement d'un prix avantageux puisqu'ils profitaient du montage et du prix inférieur au marché. Durant le chantier, quelques plaintes avaient été formulées en relation avec des dysfonctionnements de l'électroménager, ce qui n'était pas anormal.

Concernant les salles de bains, la plus-value consistait principalement dans le fait que les faïences allaient désormais jusqu'en haut du mur, ce qui n'était pas le cas avant, même s'il ne pouvait pas exclure que ce fut déjà le cas pour certains appartements, et dans le fait qu'ils avaient ajouté à la place des bidets un raccordement pour lave-linge. Les locataires en ayant fait la demande avaient pu garder leur bidet. Les lavabos installés aux toilettes et dans les salles de bains étaient plus petits que les précédents. Les salles de bains avaient été refaites en raison du très mauvais état du système des conduites. Les ventilations avaient également été nettoyées. Ce n'était pas des travaux d'entretien mais des travaux de réparation. Ils avaient changé tout le mode de ventilation de l'immeuble et le système était plus performant, économique et écologique.

Certains locataires possédaient déjà dans leurs appartements des raccordements pour le lave-linge et pour le lave-vaisselle. La propriétaire souhaitait toutefois que cela soit fait de manière professionnelle et unifiée.

La pompe à chaleur venait en complément du chauffage à gaz en place dans l'immeuble, lequel avait également été changé pendant les travaux. Depuis 2010, ils avaient l'obligation d'utiliser des énergies renouvelables mais dans le cas présent, il n'était pas possible d'avoir uniquement la pompe à chaleur de sorte qu'ils avaient conservé les chaudières à gaz en plus de la pompe à chaleur. Lorsqu'ils avaient mis cette dernière en service, ils avaient reçu une plainte au sujet du bruit qu'elle produisait. Ils avaient fait les correctifs nécessaires de sorte qu'elle fonctionnait de nouveau. En principe le système actuel devait avoir un impact positif pour les locataires sur le prix des charges.

L'ampérage avait été augmenté dans les appartements, raison pour laquelle certains appareils ménagers anciens présentant de légers défauts d'isolement pouvaient dorénavant faire sauter les disjoncteurs, car le nouveau système était plus sensible pour des questions de sécurité.

Dans le cadre des travaux, il leur avait été demandé de mettre des portes palières respectant les normes anti-incendie en vigueur à la date de l'autorisation de construire.

J______, cheffe de groupe au sein de la régie en charge de l'immeuble, a indiqué qu'il n'y avait jamais eu de travaux de ce type dans l'immeuble avant les travaux concernés et que tout était d'origine avant travaux. Les locataires avaient dû se débarrasser de leurs appareils électroménagers en vue des travaux. Avant les travaux, les cuisinières appartenaient aux locataires, il n'y avait pas de lave-vaisselle ni de hotte, mais juste un système d'aspiration. Le frigo était fourni. Après les travaux, le frigo, la cuisinière, lave-vaisselle et la hotte étaient fournis par la propriétaire. Les espaces de rangement étaient similaires à ceux qu'il y avait avant. Le plan de travail faisait dorénavant un bloc avec la cuisinière alors qu'auparavant il était séparé puisque les cuisinières étaient individuelles. Il n'y avait eu que très peu de pannes et dysfonctionnements du nouvel électroménager. Des raccordements pour le lave-linge avaient également été rajoutés dans les salles de bains. Le problème de la pompe à chaleur avait pu être réglé.

K______, habitant au 16ème étage de l'allée n° 3 depuis décembre 2003, entendu comme témoin, a expliqué que les travaux avaient engendré une plus-value esthétique des salles de bains, WC et cuisines mais pas du tout fonctionnelle car ils avaient été très mal pensés. Ainsi, le plan de cuisine était tout petit. Les armoires de la cuisine étaient également trop petites et il avait dû se débarrasser d'une partie de sa batterie de cuisine car elle ne rentrait plus dans celles-ci. Il appréciait son nouveau lave-vaisselle. Dans les salles de bains les éviers étaient petits et la baignoire était trop haute, ce qui pouvait être compliqué pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. Les matériaux étaient néanmoins jolis et de bonne qualité. Le seuil de la porte palière était très haut et les personnes trébuchaient régulièrement dessus. S'agissant de la pompe à chaleur installée sur le toit, elle avait été stoppée dès qu'il s'était plaint du bruit infernal qu'elle causait. La machine avait été remise en marche, même s'il estimait que le problème n'était pas réglé car le bruit continuait à le réveiller.

L______, fils de la locataire, a indiqué que le mobilier installé dans la cuisine était mieux que l'ancien, datant des années 70/80. Quant aux installations, elles étaient de qualité identique aux précédentes dans la mesure où sa mère possédait déjà un frigo et une cuisinière vitrocéramique. Quant aux salles de bains et toilettes, les travaux n'avaient ni amélioré ni péjoré leur confort. La locataire possédait déjà une machine à laver le linge avant les travaux.

o. A réception des dernières écritures des parties déposées les 7 et 14 décembre 2020 par lesquelles celles-ci ont persistés dans leurs conclusions, le Tribunal a gardé la cause à juger.


EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 91 al. 1 CPC); si la durée de prestations périodiques est indéterminée, le montant annuel est multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC). La valeur litigieuse correspond à la différence entre l'augmentation proposée et le montant accepté par le locataire par mois, annualisée et capitalisée sur vingt ans (arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2011 du 2 novembre 2011 consid. 1).

En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges non comprises, s'élève à 10'260 fr. L'augmentation notifiée porterait le loyer annuel du logement, à 13'536 fr. En prenant en compte la différence soit 3'277 fr., la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr. (3'277 fr. x 20 = 65'640 fr.), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable à la forme sous réserve de ce qui sera relevé au considérant 2.2 ci-après.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des baux à loyer d'habitations et de locaux commerciaux en ce qui concerne la consignation du loyer, la protection contre les loyers abusifs, la protection contre les congés ou la prolongation du bail. La maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2. Le Tribunal a retenu que l'installation d'une pompe à chaleur entrait dans la définition des travaux apportant des améliorations énergétiques au sens de l'art. 14 al. 2 OBLF de sorte que leur coût, en 94'696 fr. pour les allées n° 3 et 5, devait entièrement être considéré comme une plus-value. Les travaux ayant porté sur le remplacement de l'agencement des cuisines (notamment mise en place d'un plan de travail en granit, installation de l'électroménager soit hotte de ventilation à circuit fermé, cuisinière et lavevaisselle), dont l'entretien était dorénavant à la charge de la bailleresse, la pose de faïences jusqu'en haut des murs s'agissant des salles de bains, l'installation de raccordements pour lave-linge à la place du bidet, le remplacement de toute la ventilation de l'immeuble par un système plus performant, économique et écologique, de même que l'installation de nouvelles portes palières, équipées de trois points d'ancrage, contribuant à améliorer la sécurité des locataires, devaient être qualifiés d'importantes réparations au sens de l'article 14 al. 1 in fine OBLF et justifiaient la prise en compte d'une plus-value à hauteur de 50%. Sur cette base, la hausse de loyer admissible était de 3'304 fr. 70 par an, soit un loyer théorique de 13'564 fr. 70 par an. La hausse notifiée à l'appelante portant sur un montant inférieur, soit 13'556 fr. par an, devait dès lors être admise.

L'appelante fait valoir que les travaux effectués par l'intimée sont uniquement des travaux d'entretien qui ne justifient pas de plus-value. Le lavabo de la salle de bains était plus petit que le précédent, de même que la baignoire, qui avait été surélevée. L'abattant des WC était de mauvaise qualité et le porte-papier de toilette posé de manière peu pratique. L'électroménager de la cuisine était de piètre qualité, le plan de travail plus petit qu'avant et l'espace manquait. L'appelante avait déjà un raccordement pour les lave-vaisselles et lave-linge avant les travaux. L'installation de nouvelles portes consistait tout au plus en une mesure visant à supprimer un défaut.

2.1 Selon l'art. 269a let. b CO, les loyers ne sont en règle générale pas abusifs s'ils sont justifiés par des hausses de coûts, ou par des prestations supplémentaires du bailleur ou, par des frais causés par d'importantes réparations.

D'après l'art. 14 al. 1 OBLF, sont réputés prestations supplémentaires au sens de l'art. 269a let. b CO les investissements qui aboutissent à des améliorations créant des plus-values, l'agrandissement de la chose louée ainsi que les prestations accessoires supplémentaires. En règle générale, les frais causés par d'importantes réparations sont considérés, à raison de 50 à 70%, comme des investissements créant des plus-values.

L'art. 14 al. 2 OBLF précise que sont aussi réputées, prestations supplémentaires, diverses améliorations énergétiques telles que les mesures destinées à réduire les pertes énergétiques de l'enveloppe du bâtiment, visant à une utilisation rationnelle de l'énergie, à réduire les émissions des installations techniques, à utiliser les énergies renouvelables ou encore le remplacement d'appareils ménagers à forte consommation d'énergie par des appareils à faible consommation.

L'art. 14 al. 3 OBLF prévoit qu'est considérée comme prestation supplémentaire uniquement la part des coûts d'investissement qui excède les coûts de rétablissement ou de maintien de l'état initial de la chose louée.

Finalement, selon l'art. 14 al. 4 OBLF, les hausses de loyer fondées sur des investissements créant des plus-values et sur des améliorations énergétiques sont réputées non abusives lorsqu'elles ne servent qu'à couvrir équitablement les frais d'intérêts, d'amortissement et d'entretien résultant de l'investissement. Aussi, seul le surcoût des travaux générés par ces améliorations énergétiques peut être considéré en totalité (100%) comme des améliorations à plus-value (art. 14 al. 3 OBLF). Le solde, c'est-à-dire le montant correspondant aux travaux de rétablissement ou de maintien de l'état initial de la chose louée sera considéré, selon les circonstances, comme de purs travaux d'entretien ou comme de grandes réparations (LACHAT/ GROBET THORENS/ RUBLI/ STASTNY, Le bail à loyer, p. 610).

Constituent des améliorations créant des plus-values, assimilables à des prestations supplémentaires du bailleur selon l'art. 269a let. b CO, les travaux et installations nouvelles qui accroissent la valeur de la chose louée, en améliorent la qualité ou l'adaptent au goût du jour. Elles procurent en général un meilleur confort au locataire. Elles doivent être distinguées des simples travaux d'entretien qui ne font que maintenir l'état des locaux et prévenir leur dégradation (ACJC/785/2013 du 24 juin 2013, consid. 5.6.2; LACHAT/ GROBET THORENS/ RUBLI/ STASTNY, op. cit., p. 603).

Constituent de telles améliorations : la création d'un chauffage central, d'un ascenseur; l'installation d'un frigo, d'une machine à laver, d'un compteur d'eau chaude, d'un compteur individuel de chauffage, d'une antenne collective de télévision ou le raccordement au réseau câblé; l'amélioration de l'isolation phonique ou thermique (LACHAT/ GROBET THORENS/ RUBLI/ STASTNY, op. cit., p. 603).

Lorsque le bailleur entreprend d'importantes réparations, la distinction est souvent difficile à opérer entre travaux d'entretien courant couverts par le loyer actuel et travaux créant des plus-values justifiant une hausse de loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_6/2021 du 28 juin 2021 consid. 3). En procédant à des travaux d'entretien, autrement dit à des réparations, le bailleur maintient la chose louée dans un état conforme à l'usage convenu (art. 256 al. 1 CO). Il ne fournit aucune prestation supplémentaire par rapport à celles prévues au début du bail. Il ne fait que remédier à un défaut ou à l'usure normale de la chose louée (LACHAT/ GROBET THORENS/ RUBLI/ STASTNY, op. cit., p. 347). L'entretien suppose notamment le maintien de la substance de la chose, du bon fonctionnement des appareils, de l'approvisionnement en eau, énergie et chauffage. Le bailleur est tenu, le cas échéant, d'effectuer des travaux de réparation; il doit également éviter que la chose ne soit endommagée (ACJC/1151/2015 du 28 septembre 2015 consid. 5.2).

En règle générale, lorsque de gros travaux sont entrepris dans l'immeuble, ils constituent à la fois des améliorations créant des plus-values et des mesures d'entretien. La règle de l'art. 14 al. 1 OBLF a un but de simplification pour éviter d'avoir à déterminer la part exacte des travaux à plus-value; la règle vise aussi à encourager ou du moins à ne pas décourager le bailleur d'entreprendre des travaux plus importants que nécessaires, ce dont les locataires bénéficient également (arrêts du Tribunal fédéral 4A_6/2021 précité, ibid.; 4A_102/2012 du 30 mai 2012, consid. 2.4; 4A_495/2010 du 20 janvier 2011 consid. 4.1; 4A_470/2009 du 18 février 2010 consid. 2.3).

En règle générale, les frais causés par d'importantes réparations sont considérés, à raison de 50 à 70%, comme des investissements créant des plus-values (art. 14 al. 1 OBLF).

Que les frais causés par d'importantes réparations constituent, à raison de 50 à 70%, des investissements à plus-value n'est qu'une présomption; l'art. 14 al. 1 OBLF indique expressément que cette fourchette ne vaut qu'en règle générale. Il s'agit donc d'une présomption qui peut être renversée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_6/2021 précité, ibid.; 4A_102/2012 du 30 mai 2012 consid. 2.4).

Il n'en demeure pas moins que le but de la règle contenue à l'art. 14 al. 1 OBLF, qui est à la fois de simplifier l'établissement des faits et d'encourager les travaux de rénovation, ne doit pas être perdu de vue. Il ne saurait être question d'ignorer purement et simplement la présomption et de s'efforcer à tout prix de parvenir à une détermination concrète de la part à plus-value. La jurisprudence a déjà précisé que la détermination concrète doit intervenir lorsqu'il est aisé de distinguer la part qui donne lieu à plus-value (ATF 118 II 415 du 14 septembre 1992 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_6/2021 précité, ibid.; 4C.149/1997du 27 janvier 1998 consid. 2a). Cependant, s'il est aisé de distinguer la part des travaux correspondant à des rénovations de celle concernant des réparations, la règle de l'art. 14 al. 1 OBLF n'est pas applicable (LACHAT/ GROBET THORENS/ RUBLI/ STASTNY, op. cit., p. 607).

Lorsque le bailleur ne tente pas de distinguer concrètement les investissements à plus-value et les frais d'entretien (différés), le juge est en droit d'appliquer la règle simplificatrice de l'art. 14 al. 1 2ème phrase OBLF (arrêts du Tribunal fédéral 4A_6/2021 précité, ibid.; 4A_636/2012 du 2 avril 2013 consid. 2.5).

2.2 En l'espèce, l'appelante ne conteste pas de manière motivée que l'installation d'une pompe à chaleur, qui entre dans la définition de travaux apportant des améliorations énergétiques au sens de l'art. 14 al. 2 OBLF, justifie la prise en compte d'une plus-value.

Dans la mesure où elle n'indique pas de manière chiffrée en quoi le fait de ne pas comptabiliser de plus-value pour les autres travaux effectués dans la cuisine et la salle de bains, pour les travaux de ventilation et pour ceux relatifs aux portes palières modifierait la solution du litige, la recevabilité de l'appel est douteuse.

Cette question peut cependant rester ouverte car les critiques de l'appelante sur ce point sont infondées.

Les travaux précités doivent, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, être qualifiés d'importantes réparations au sens de l'art. 14 al. 1 OBLF.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, ils dépassent le cadre de simples travaux d'entretien.

En ce qui concerne la cuisine, de nouveaux équipements, qui n'existaient pas au moment de la conclusion du bail, ont été posés, à savoir un plan de travail en granit, une hotte, une cuisinière avec un four et un lave-vaisselle, alors que seul un frigo existait initialement. Le fait que l'appelante avait déjà installé elle-même certains appareils électroménagers n'est pas déterminant. Il n'est pas non plus établi que l'équipement posé par la bailleresse est de moindre qualité que celui de l'appelante ou qu'il est affecté de défauts comme le prétend l'appelante. En effet, les seuls témoins qui ont partiellement confirmé les allégations de cette dernière à cet égard sont tous parties à d'autres procédures contre la même intimée de sorte que leurs déclarations doivent être appréciées avec réserve. Le fils de l'appelante a quant à lui, relevé que le nouveau mobilier était plus moderne que l'ancien et que les nouveaux équipements étaient de qualité identique aux anciens.

A cela s'ajoute que l'entretien de ces appareils sera à l'avenir à la charge de l'intimée, ce qui peut être considéré comme une plus-value.

Dans les salles de bains, un revêtement en faïence, qui n'existait pas jusque-là, a été posé, de manière à recouvrir tous les murs, ce qui dépasse le cadre du simple entretien. Il en va de même de l'ajout d'un raccordement pour lave-linge. A cet égard il n'est pas établi que l'appelante avait déjà fait installer un raccordement, ni que celui-ci répondait aux normes de sécurité, ce qui est contesté par l'intimée.

La ventilation de l'immeuble a entièrement été remplacée par un système plus performant, écologique et économique, ce qui est constitutif de plus-value.

Les allégations de l'appelante selon lesquelles les portes-palières existantes étaient défectueuses avant les travaux ne sont quant à elles établies. L'appelante n'avait d'ailleurs formé aucune réclamation sur ce point par le passé. Aucun élément concret du dossier ne permet de retenir que les changements des portes visaient à réparer un défaut. Il apparaît au contraire que les nouvelles portes palières améliorent la sécurité des locataires puisqu'elles sont équipées de trois points d'ancrage.

D'une manière générale, l'importance de travaux effectués est également attestée par le fait que leur coût, à savoir plus de 3'171'000 fr. pour la seule allée 3, a été conséquent par comparaison avec l'état locatif mensuel avant travaux, lequel était de 65'706 fr. charges comprises pour les allées 3 et 5.

Compte tenu de ce qui précède, en fixant à 50% du coût des travaux le montant à prendre en compte au titre de plus-value, ce qui est situé dans la fourchette basse prévue par l'art. 14 al. 1 OBLF, le Tribunal a suffisamment tenu compte du fait qu'une partie des travaux effectués constituait de l'entretien de l'immeuble.

Le jugement querellé sera par conséquent confirmé.

2.3 la question du pourcentage de travaux à plus-value retenu par le tribunal ou le mode de calcul de la plus-value admissible n'ayant pas été contestés par l'appelante, ils seront donc confirmés.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 29 avril 2021 par A______ contre le jugement JTBL/191/2021 rendu le 15 mars 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/789/2017.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Stéphane PENET, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.