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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/770/2022

ATAS/281/2023 du 27.04.2023 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/770/2022 ATAS/281/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 avril 2023

5ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise à LE LIGNON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jean-Charles LOPEZ

recourante

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1, sise rue de Saint-Jean 98, GENÈVE

et

Monsieur B______, à LES ACACIAS

intimée

 

 

appelé en cause


EN FAIT

A. a. La société A______ SA (ci-après : la société où la recourante) est une société de droit suisse incorporée dans le canton de Genève depuis sa fondation le ______ 2001. Sa raison de commerce était C______ SA jusqu’au ______ 2020.

b. Le but de la société est la fourniture de service dans le domaine de l'informatique (création et/ou implémentation et maintenance), en particulier dans le domaine bancaire.

c. Par contrat intitulé « independant contractor agreement » du 16 février 2016, la société s’est attaché les services de Monsieur B______, informaticien domicilié à la rue E______ à Genève (ci-après : le prestataire). Le chiffre 14.1 de ce contrat prévoit qu’il est, en principe, conclu pour une période allant du 22 février au 5 août 2016 inclus. Les tâches dévolues au prestataire consistaient, en particulier, en la mise en correspondance (« mappage ») de données et à la programmation informatique nécessaire y relative.

d. À l’occasion d’un contrôle de la société en mai 2019, la caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée) a découvert que le prestataire avait reçu un montant total de CHF 76'913.48 par le biais de neuf versements portant la mention « external consulting fees » durant les mois d’avril à août 2016.

e. Sur requête de la caisse, le réviseur de l’époque de la société, soit D______ SA, a précisé, par courriel du 31 juillet 2019, que la seule pièce dont disposait la société en lien avec le prestataire était le contrat susmentionné.

B. a. Dans deux décisions, datées du 20 août 2019, la caisse a réclamé à la société, d’une part, le paiement d’un montant de CHF 13'033.90, correspondant au paiement des cotisations sociales (employeur et employé) relatives à la rétribution touchée par le prestataire et, d’autre part, une somme de CHF 1'895.95 au titre des intérêts moratoires.

b. Par courrier du 19 septembre 2019, la société a fait opposition à cette décision en ce qui concernait le montant demandé, en lien avec la qualification du prestataire en tant que salarié et non d’indépendant. En substance, elle considérait que c’était à tort que cette seconde qualification n’avait pas été retenue ; il en résultait que les cotisations sociales et les intérêts moratoires liés devaient être payés, non par elle, mais par le prestataire de service indépendant.

c. Par décision sur opposition du 3 février 2022, reçue le 8 février 2022 par la société, la caisse a maintenu sa décision du 20 août 2019. Elle a en outre transmis celle-ci au prestataire.

C. a. Par mémoire du 9 mars 2022, la société a recouru contre la décision sur opposition du 3 février 2022 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en concluant à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens. Elle a de plus requis, à titre préalable, l’audition de M. B______ en tant que témoin.

b. Par courrier du 5 avril 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a demandé que M. B______ soit appelé en cause.

c. Par mémoire du 4 mai 2022, la recourante a répliqué en persistant dans ses conclusions.

d. Par courrier du 27 mai 2022, l’intimée a dupliqué en maintenant sa position.

e. Par ordonnance du 21 décembre 2022, le prestataire a été appelé en cause par la chambre de céans et un délai lui a été fixé, au 10 février 2023, pour se déterminer.

f. Par courrier posté le 7 mars 2023, l'appelé en cause a transmis à la chambre de céans une copie de son contrat ainsi que des factures qui avaient été payées par la société, mentionnant qu’il n’avait rien de plus à ajouter.

g. Par observations complémentaires du 30 mars 2023, la recourante s’est déterminée sur les pièces transmises par l'appelé en cause, en faisant valoir que ce dernier émettait les factures à l’égard de la recourante et encaissait le prix de celles-ci, ce dont il fallait déduire qu’il supportait exclusivement le risque économique. Dès lors, son activité devait être qualifiée d’indépendante, et la recourante persistait dans ses conclusions.

h. Par observations complémentaires du même jour, l’intimée a fait valoir que l’intitulé et le contenu du certificat de travail communiqué par l’appelé en cause constituaient des indices supplémentaires en faveur d’une activité dépendante, tout en rappelant que l’activité de l’appelé en cause était exercée à plein temps pendant la période concernée et ne concernait, apparemment, qu’un seul client de la recourante en sous-traitance. Dès lors, son activité devait être qualifiée de dépendante, et l’intimée persistait dans ses conclusions.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

j. Les autres faits seront exposés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Selon l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l'assuré ou du recourant (« der Beschwerde führende Dritte ») au moment du dépôt du recours.

La recourante ayant son siège dans le canton de Genève, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.             S’agissant en particulier de la conclusion de la recourante visant à ce que la chambre de céans statue à nouveau en admission de son opposition, elle est sujette à caution puisqu’une autorité judiciaire de recours ne peut pas admettre une opposition, acte juridique dont l’effet consiste à contraindre l’autorité concernée à un nouvel examen de sa décision initiale (cf. ATF 133 V 50 consid. 4.2.2). À la lecture de la motivation du mémoire de recours (cf. ATF 147 V 369 consid. 4.2.1), on comprend toutefois que la recourante souhaite, en réalité, que la chambre de céans rejette les prétentions pécuniaires de l’intimée à son encontre. Une telle conclusion est recevable.

Le délai de recours de trente jours (cf. art. 60 al. 1 LPGA) courait jusqu’au 10 mars 2022. Déposé dans ce délai et dans les formes prévues par la loi (cf. art. 61 let. b LPGA et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

3.             L’objet du litige est constitué par l’obligation de la recourante de payer des cotisations sociales à l’intimée, en lien avec l’activité réalisée par le prestataire. Plus spécifiquement, les parties sont en désaccord sur la qualification de l’activité du prestataire comme dépendante ou indépendante.

3.1 La recourante soutient que le contrat du 16 février 2016 exprime clairement qu’il s’agit d’un contrat de mandat. Tel est en particulier le cas de ses chiffres 4, 5, 6, 7, 8 et 9 à 12. Quant à l’art. 19, il limite, certes, la liberté économique du prestataire, mais uniquement en lien avec les clients et les « prospects » de la société. Par ailleurs, le prestataire bénéficiait d’une très grande marge de manœuvre dans la gestion de ses tâches en faveur des clients de la recourante. Le seul fait qu’il n’assumait pas de risque économique en lien avec la réalisation de ses missions ne suffit donc pas à qualifier son activité de dépendante. Il faut en conclure que le prestataire a exercé une activité indépendante.

3.2 Selon l’intimée, le fait que le prestataire ait uniquement travaillé pour la société pendant les mois litigieux tend clairement vers une qualification de son activité comme dépendante. Cela vaut d’autant plus, qu’il devait apparaitre comme une ressource de la recourante auprès de ses clients et qu’il était soumis à une clause de non-concurrence. La volonté des parties de désigner le contrat comme contrat de mandat ou l’absence de rapport de subordination au sens du droit civil entre les parties ne sont en revanche pas déterminantes. Il faut donc retenir que le prestataire a exercé une activité dépendante.

4.             Selon l’art. 4 al. 1 LAVS, les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante et indépendante.

Selon l’art. 5 al. 1 LAVS (dans sa teneur à l’époque des faits), une cotisation de 4.2 % est perçue sur le revenu provenant d’une activité dépendante. Selon l’art. 13 LAVS (dans sa teneur à l’époque des faits), les cotisations d’employeurs de personnes visées à l’art. 5 LAVS s’élèvent à 4.2 % du total des salaires déterminants versés à des personnes tenues de payer des cotisations. Quant à l’art. 8 al. 1 LAVS (dans sa teneur à l’époque des faits), il prévoit qu’une cotisation de 7,8 % est perçue sur le revenu provenant d’une activité indépendante.

Selon l’art. 14 al. 1 LAVS, les cotisations perçues sur le revenu provenant de l’exercice d’une activité dépendante sont retenues lors de chaque paie. Elles doivent être versées périodiquement par l’employeur en même temps que sa propre cotisation. Seul l’employeur est débiteur immédiat des cotisations sociales (ATF 147 V 174 consid. 6.1 et 6.3 ; ATF 139 V 50 consid. 4.2.1).

Selon l’art. 39 al. 1 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), si une caisse de compensation a connaissance du fait qu’une personne soumise à l’obligation de payer des cotisations n’a pas payé celles-ci ou n’en a payé que pour un montant inférieur à celui qui était dû, elle doit réclamer le paiement des cotisations dues, si lieu est par voie de décision.

Selon l’art. 41bis al. 1 let. b RAVS, les personnes tenues de payer des cotisations sur les cotisations arriérées réclamées pour des années antérieures, dès le 1er janvier qui suit la fin de l’année civile pour laquelle les cotisations sont dues, doivent également payer des intérêts moratoires.

5.             En droit social, ce sont les circonstances économiques qui sont déterminantes pour savoir si l'on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée. D'une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail du point de vue de l'économie de l'entreprise (1), et qui ne supporte pas le risque financier encouru par l'entrepreneur (2) ; ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes applicables schématiquement, il faut examiner l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, et, lorsque certaines circonstances penchent vers une activité dépendante et d'autres vers une activité indépendante, regarder quels sont les éléments qui prédominent (ATF 146 V 139 consid. 3.1 ; ATF 144 V 111 consid. 4.2 ; ATF 123 V 161 consid. 1 ; ATF 122 V 169 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.2 ; 9C_423/2021 du 1er avril 2022 consid. 6.1). La qualification civile de la relation entre un prestataire de service et autrui peut constituer un indice quant à la catégorisation d'un travail en droit social, mais elle n'est pas déterminante (ATF 146 V 139 consid. 3.1 ; ATF 122 V 169 consid. 6a/aa). La qualification d'une activité lucrative comme dépendante ou indépendante est une question de droit qui se base sur les circonstances de fait propres à une cause (ATF 146 V 139 consid. 2.2 ; ATF 144 V 111 consid. 3).

5.1 S'agissant du critère de la dépendance organisationnelle, il comporte un aspect formel, soit le degré d'intégration dans une entreprise tierce, et un aspect matériel, soit l'intensité du contrôle du travail par un tiers ; ce second critère doit être défini comme en droit civil, à savoir en tant que pouvoir de donner des directives à autrui, le seul fait qu'une personne doive accomplir son travail avec diligence et rendre compte à autrui ne suffisant pas (ATF 146 V 139 consid. 6.2.1 et 6.2.2). Les principaux éléments qui permettent d’établir un tel lien de dépendance organisationnelle sont le droit de l'employeur de donner des instructions, l'obligation de l'employé d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée, et le fait qu'il s'agisse d'une collaboration régulière, autrement dit que l'employé soit régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur ; à l’inverse, la possibilité pour un prestataire de service d'organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu'il exerce une activité indépendante (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.3 ; 8C_38/2019 du 12 août 2020 consid. 3.2).

5.2 S’agissant du critère du risque entrepreneurial, il doit être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d'évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l'entreprise, soit un risque économique qui va au-delà de la seule fin de l'activité lucrative en cause (ATF 122 V 169 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.4 ; 9C_213/2016 du 17 octobre 2016 consid. 3.4 ; 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.4). Constituent notamment des indices révélant l'existence d'un tel risque le fait que la personne concernée opère des investissements importants, subisse les pertes, supporte le risque d'encaissement et de ducroire, assume les frais généraux, agisse en son propre nom et pour son propre compte, se procure elle-même les mandats, occupe du personnel, ou encore utilise ses propres locaux commerciaux (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.4 ; 9C_213/2016 du 17 octobre 2016 consid. 3.4 ; 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.4 ; 9C_624/2011 du 25 septembre 2012 consid. 2.2). L’importance du critère du risque entrepreneurial dépend toutefois de la nature de l’activité en cause, et en particulier de savoir si elle peut, de par sa nature, impliquer un tel risque dans une mesure importante (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.4 ; 9C_213/2016 du 17 octobre 2016 consid. 3.4 ; 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.4 ; voir également : ATF 146 V 139 consid. 6.2 [cas du curateur indépendant]).

6.             En l’occurrence, le cœur de la règlementation des relations juridiques entre la recourante et son prestataire est constitué par le contrat intitulé « independant contractor agreement » conclu le 16 février 2016.

6.1 S’agissant préalablement de la nature des services devant être réalisés par le prestataire, il s’agit de services informatiques qui peuvent, par nature, être réalisés soit par une personne seule, soit au moyen d’une organisation collective du travail. On ne se trouve donc pas dans un cas où le critère du risque entrepreneurial doit être relégué à l’arrière-plan.

Eu égard aux multiples références faites dans le contrat à sa désignation comme contrat de mandat et à l’absence de prise en charge des cotisations sociales par la recourante, elles sont sans effet sur la qualification juridique de la relation de service (tout comme en droit civil : arrêts du Tribunal fédéral 4A_500/2018 du 11 avril 2019 consid. 4.1 ; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 5).

6.2  

6.2.1 En ce qui concerne, en premier lieu, les modalités d’indemnisation de l’activité réalisée par le prestataire, le contrat stipule, à son chiffre 2, premier alinéa, un paiement fixe par jour. Ce type de paiement est possible tant pour un salarié que pour un indépendant, de sorte qu’il ne constitue pas un indice en faveur de l’une ou l’autre de ces qualifications.

En revanche, le chiffre 2, second alinéa du contrat, stipule une exclusion de la rémunération des heures supplémentaires, précision sans utilité s’agissant de l’indemnisation d’un indépendant payé à la journée. Dans la mesure où elle est conforme au droit, cette précision peut toutefois être utile dans le cadre de la fixation du cadre d’un travail salarié. Cet élément penche donc en faveur d’une qualification de l’activité comme dépendante, sous l’angle du critère de la dépendance organisationnelle.

6.2.2 S’agissant ensuite de la prestation de service devant être réalisée par le prestataire, le chiffre 5 du contrat, intitulé « independant contractor status », stipule que celui-ci doit suivre les instructions de la recourante, et, en particulier, réaliser ses services au lieu désigné par celle-ci. Il s’agit là typiquement de clauses relevant d’une relation de travail, et plus particulièrement du pouvoir de l’employeur de donner des directives au sens de l’art. 321d de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220), notion qui ne se confond pas avec celle de lien de subordination. En outre, ce chiffre stipule que les tâches couvertes par le contrat doivent être réalisées en personne par le prestataire (cf. également les chiffres 6 et surtout 22 du contrat), ce qui est typique d’un contrat de travail (cf. art. 321 CO), alors que le mandataire peut, en revanche, avoir en principe recours à des substituts et/ou à des auxiliaires (cf. ATF 112 II 347 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_512/2019 du 12 novembre 2020 consid. 3.2). Le chiffre 5 du contrat stipule également que le prestataire doit apparaitre comme une ressource de la société lorsqu’il traite avec des tiers. Cet élément est caractéristique d’une relation dépendante puisqu’il a pour conséquence que la prestation effectuée par le prestataire apparait comme étant celle de la société, et non comme un service indépendant (en ce sens : arrêts du Tribunal fédéral 2C_575/2020 du 30 mai 2022 [destiné à la publication aux ATF] consid. 6.3 ; 4A_592/2016, du 16 mars 2017 consid. 2.1 : « le travailleur renonce à participer au marché comme entrepreneur assumant le risque économique et abandonne à un tiers l'exploitation de sa prestation, en contrepartie d'un revenu assuré »). Ces éléments penchent donc fortement vers une qualification de l’activité du prestataire comme dépendante, sous l’angle, tant du critère de la dépendance organisationnelle, que celui du risque entrepreneurial.

6.2.3 En troisième lieu, les règles d’indemnisation contre les dommages du chiffre 13 du contrat, se retrouvent tant dans un contrat de travail (cf. art. 321e CO), que dans un contrat de mandat (cf. art. 398 al. 1 et 2 CO). Malgré une formulation quelque peu ambiguë, cette règle contractuelle semble toutefois prévoir que le prestataire n’est pas seulement civilement responsable des conséquences d’une éventuelle violation de ses obligations envers la société, mais également d’une violation d’obligations envers des tiers lorsque ladite violation a un impact sur la société, et ce y compris lorsqu’elle a été commise par ses employés ou ses substituts. Bien que cette précision ait une portée limitée, vu le chiffre 22 du contrat, elle penche plutôt dans le sens d’une qualification de l’activité du prestataire comme indépendante, sous l’angle du critère du risque entrepreneurial.

6.2.4 En quatrième lieu, s’agissant des règles sur la fin du contrat, celui-ci prévoit une clause de résiliation écrite à son chiffre 14.2. Une telle clause a une fonction probatoire dans un contrat de travail (cf. ATF 128 III 212 consid. 2b/aa) ; en revanche, elle fait peu de sens dans un contrat de mandat puisque celui-ci peut impérativement être résilié en tout temps, sans motif particulier (cf. art. 404 al. 1 CO ; ATF 115 II 464 consid. 2a et 2a/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_542/2020 du 3 mars 2021 consid. 3.3.1). Cet élément penche donc vers une qualification de l’activité du prestataire comme dépendante, sous l’angle du critère de la dépendance organisationnelle.

6.2.5 En cinquième lieu, la règle de confidentialité prévue au chiffre 17 du contrat, existe tant dans un contrat de travail (cf. art. 321a al. 4 CO) que dans un contrat de mandat (cf. ATF 135 III 597 consid. 3.3). Cet élément n’a donc pas d’impact sur la qualification de l’activité du prestataire.

6.2.6 En sixième lieu, la règle sur le transfert des droits de propriété intellectuelle prévue au chiffre 18 du contrat, correspond, en substance, aux principes de l’art. 332 CO et, s’agissant des logiciels, de l’art. 17 de la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992 (Loi sur le droit d’auteur, LDA - RS 231.1). Cette stipulation contractuelle fait d’ailleurs expressément référence à l’art. 332 CO et utilise les termes « employee » et « employer ». Ladite stipulation va d’ailleurs plus loin que la règle standard de l’art. 332 al. 1 CO, car elle prévoit que la société a le droit d’acquérir les inventions réalisées par le prestataire de service durant son temps de travail (soit in casu, pendant les jours où il travaille selon le chiffre 2 du contrat) ou réalisées en dehors de ce temps de travail pour autant qu’elles se rapportent au domaine bancaire. Il s’agit là d’une restriction significative à la liberté économique d’un prestataire de service qui n’apparait que difficilement concevable hors du cadre d’un contrat de travail.

Cet élément penche donc fortement vers une qualification de l’activité du prestataire comme dépendante, sous l’angle du critère du risque entrepreneurial, dès lors que l’exploitation financière des droits de propriété intellectuelle résultant de l’activité de service du prestataire, est réservée à la société.

6.2.7 Eu égard, en dernier lieu, à la clause de non-concurrence stipulée au chiffre 19 du contrat de travail, elle exclut, pour la durée du contrat et douze mois après la fin de celui-ci, toute activité au service d’un concurrent de la société et toute activité commerciale avec des clients de celle-ci, avec lesquels le prestataire aurait été en contact. Elle exclut également que le prestataire puisse solliciter ou recruter des employés de la société pendant la durée du contrat et au cours des douze mois suivant la fin de celui-ci. Une telle clause est contraire aux principes de liberté économique et de libre-concurrence qui constituent des piliers de l’ordre économique suisse tels que prévus par le constituant (cf. art. 27, 94 et 96 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]). Le législateur fédéral a d’ailleurs prévu un encadrement strict de ce type de stipulations contractuelles aux art. 340 ss CO pour les employés. Une clause de prohibition de concurrence n'est ainsi valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d'avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d'affaires de l'employeur, et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer à celui-ci un préjudice sensible (art. 340 al. 2 CO ; cf. également : ATF 138 III 67 consid. 2.2.1). Une telle clause doit en outre préciser par écrit son champ d'application géographique, temporel et matériel, sous peine de nullité (ATF 145 III 365 consid. 3.2). Indépendamment de savoir si le chiffre 19 du contrat est valable sur le plan civil, il apparait que si la portée d’une telle restriction à la liberté économique est déjà questionnable s’agissant d’un employé, elle n’est que difficilement compatible avec l’activité d’un prestataire indépendant, sauf à vider de son sens la notion d’indépendance. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs déjà eu l’occasion de préciser qu’une interdiction de concurrence de nature à mettre en péril l’existence économique de l’entreprise était proscrite par l’art. 27 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) (en ce sens : ATF 143 III 480 consid. 5.4 ; ATF 123 III 337 consid. 5). Par ailleurs, autant le fait d’interdire à un employé de débaucher ses collègues pendant la durée de son emploi au service de son employeur est conforme au droit (art. 321a al. 1 CO ; ATF 138 III 67 consid. 2.3.5), autant le fait qu’un ancien employé engage un de ses anciens collègues dans le cadre de la création d’une entreprise, après la fin de ses rapports de travail ne peut constituer, ni une violation de son obligation de fidélité, ni une violation de son interdiction de faire concurrence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2014 du 17 décembre 2014 consid. 3.1 ; CAPH/29/2020 du 5 février 2020 consid. 5.3). Si une telle clause peut déjà être problématique s’agissant d’un employé, elle apparait particulièrement atypique dans le cas d’une relation sans subordination comme celle entre un indépendant (le prestataire) et son client (la société).

Ce dernier élément penche en conséquence fortement vers une qualification de l’activité du prestataire comme dépendante, sous l’angle du critère de la dépendance organisationnelle.

6.3 Dans l’ensemble, les stipulations contractuelles liant la recourante au prestataire révèlent que la liberté d’action de celui-ci est substantiellement encadrée sur le plan organisationnel et que le risque entrepreneurial pris par ce dernier est limité. D’un point de vue économique, la relation de service entre le prestataire et la société est, de manière clairement prépondérante, une relation dépendante au sens des art. 4 ss LAVS, peu importe que le premier ait disposé d’une marge de manœuvre dans son organisation personnelle. Une telle liberté est d’ailleurs usuellement octroyée aux travailleurs des plateformes numériques, sans que cela remette en cause la qualification de leur activité comme activité dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_575/2020 du 30 mai 2022 [destiné à la publication aux ATF] consid. 6).

6.4 Les observations complémentaires communiquées par la recourante en date du 30 mars 2023 n’amènent rien de plus que les éléments qui ont été déjà examinés supra.

6.5 S’agissant des observations de l’intimée, datées du 30 mars 2023, il convient d’examiner la pièce nouvellement transmise par le prestataire, en annexe de son courrier du 7 mars 2023, soit le « Work certificate » (certificat de travail, traduction libre) établi par la recourante en date du 16 mars 2017, en faveur du prestataire et qui indique que ce dernier a été «  employed by the C______ from 22/02/2016 to 05/08/2016 as Technical Consultant », soit employé C______ du 22/02/2016 au 05/08/2016 en tant que technicien consultant » et qu’il « leaves us free of any obligations towards C______, except those pertaining to confidentiality of work performed as well as to company-confidential information obtained during his employment » soit qu’il nous quitte libre de tout engagement envers C______ à l’exception de ceux qui se rapportent à la confidentialité sur le travail fourni ainsi que les informations confidentielles concernant la société et obtenues durant son emploi (traduction libre).

Ce document appuie la thèse de l’activité dépendante, dès lors que le certificat de travail est typiquement un document délivré par un employeur à son employé et qu’il n’est pas usuel qu’une société délivre un tel document à un prestataire indépendant. Il s’agirait, tout au plus, dans un cas de ce genre, d’une lettre de recommandation dont on ne voit pas pour quelle raison elle rappellerait la fonction exercée par le consultant au sein de la société, la description de ses devoirs et responsabilités envers la société ainsi que le fait que le consultant quitterait la société libre de tout engagement en dehors des faits couverts par le devoir de confidentialité.

À titre superfétatoire, la chambre de céans observe que les termes utilisés, dans la langue originale, soit « employed » et « employment » peuvent être traduits par un employé ou un salarié (employed) et un emploi, un emploi salarié ou un travail (employment). Il ne s’agit nullement d’une prestation indépendante, qui serait traduite par « consultant » et « consultant services », soit un conseiller prestant des activités de conseil.

7.             En conclusion, c’est à juste titre que l’intimée a qualifié la relation de service entre le prestataire et la recourante d’activité dépendante et qu’elle a, en conséquence, requis de celle-ci le paiement de cotisations AVS employés et employeurs. Il en va de même des cotisations sociales liées (AI, APG, AC, AF et Amat), le fait que celles-ci soient dues en cas de rémunération d’une activité dépendante n’étant d’ailleurs, en tant que tel, pas contesté par la recourante.

8.             Par appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans considère que M. B______ s’est exprimé après avoir été appelé en cause. Son audition n’est, dès lors, pas nécessaire.

9.             Mal fondé, le recours doit être rejeté et la décision sur opposition du 3 février 2022, laquelle renvoie elle-même à la décision du 20 août 2019, confirmée.

10.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le