Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2787/2021

ATAS/242/2023 du 04.04.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2787/2021 ATAS/242/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 avril 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée au PETIT-LANCY, représentée par APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1966, originaire du Cameroun et naturalisée suisse. Elle est divorcée, et s’est remariée en 2000. Elle est mère d'une fille née en 1986. Après son arrivée en Suisse en 1999, elle a travaillé dans des entreprises de nettoyage, puis a obtenu un diplôme d'auxiliaire de santé. Le 17 septembre 2005, elle a été engagée à 80% en tant qu'aide-soignante dans un établissement médico-social (ci-après : EMS). Depuis le 1er juillet 2011, elle était engagée à raison de 28 heures par semaine, correspondant à 70%, selon le contrat de travail du 30 juin 2011, annulant et remplaçant celui du 26 juillet 2006.

b. À partir du 20 juillet 2015, l'assurée a présenté des incapacités de travail à des taux variables. Depuis le 3 décembre 2015, une incapacité de travail de 50% du 70% est attestée. L'assurée, connue pour une affection HIV (human immunodeficiency viruses) depuis la fin des années 90, traitée par trithérapie, se plaignait de douleurs lombaires avec irradiation au membre inférieur droit et de douleurs ostéo-articulaires migrantes, ainsi que de céphalées, de vertiges, de troubles du sommeil et une fatigue généralisée, sans qu'un substrat organique objectif n'ait pu être mis en évidence. Le diagnostic de syndrome douloureux chronique ou syndrome fibromyalgique a été posé au vu des douleurs diffuses. À cela s'ajoutait un état dépressif lié aux douleurs.

B. a. En janvier 2016, l'assurée a requis des prestations de l'assurance-invalidité, indiquant souffrir de douleurs de plus en plus fortes et fréquentes dans les membres inférieurs et supérieurs, ainsi qu'au dos.

b. Selon la note d'activation de dossier de l'office cantonal de
l'assurance-invalidité (ci-après : OAI) du 20 mars 2018, le service médical régional de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : SMR) a considéré que l'assurée présentait une incapacité de travail totale et définitive dans son activité d'aide-soignante et une capacité de travail de 70% dans une activité légère sédentaire, avec possibilité de changement de positions, sans port de charges et de positions de porte à faux du rachis depuis juillet 2015.

c. L'assurée a résilié son contrat de travail pour le 31 décembre 2018 en raison de ses douleurs.

d. Début 2019, elle a commencé des stages de réinsertion à 30%, d'abord comme aide-vendeuse, stage qui a dû être interrompu en raison d'une leishmaniose viscérale avec hospitalisation. Puis, elle a commencé un stage comme
aide-animatrice en juin 2019. Selon la note de l'OAI du 11 septembre 2019, elle effectuait ce stage toujours à 30%.

e. Selon le rapport du 27 octobre 2019 du docteur B______ du service de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), ce médecin avait vu l'assurée à une seule reprise pour un consilium ponctuel en raison de douleurs diffuses, à la demande de la doctoresse C______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitante. L'assurée se plaignait de douleurs diffuses jour et nuit au niveau des pieds, du rachis, de la nuque, des épaules et des membres supérieurs, ainsi que de crises de migraines, particulièrement invalidantes, et peu soulagées par les traitements médicamenteux. Le tableau polyalgique était accompagné de troubles de la concentration, de mémorisation, d'une humeur fluctuante, de fatigue intense et de troubles de la digestion. À l'examen clinique, elle était manifestement algique et se déplaçait lentement et prudemment, malgré une mobilité ostéo-articulaire conservée et l'absence d'amyotrophie. Il y avait 14 sur 18 points de fibromyalgie. Les diagnostics étaient notamment des dorso-lombalgies chroniques communes, un syndrome douloureux chronique ou syndrome fibromyalgique et un syndrome dépressif non traité. Aucun des diagnostics ne justifiait un arrêt de travail de longue durée en lui seul, mais pris ensemble, le taux d'activité était probablement réduit de l'ordre de 50%.

f. Le 31 octobre 2019, l'OAI a imparti à l'assurée un délai au 18 novembre 2019 pour atteindre dans son stage le taux d'activité de 70% exigible selon le SMR, sous peine de refus de toute prestation de manière temporaire ou définitive.

g. Selon le rapport du 3 mars 2020 du docteur D______, psychiatre-psychothérapeute FMH, l'assurée souffrait d'un syndrome douloureux somatoforme persistant et d'une fibromyalgie. Elle travaillait actuellement comme animatrice à 50%, activité dans laquelle elle était très investie. Après une journée de travail, elle se sentait épuisée et les douleurs musculaires s'aggravaient. L'ambiance familiale était harmonieuse. Depuis six mois, sa capacité de travail était de 50%. Les limitations fonctionnelles étaient liées au sentiment de douleurs et à la fatigue permanente, à un épuisement physique et une démotivation psychologique. Depuis octobre 2019, une certaine amélioration de l'humeur, de l'irritabilité et de la motivation était observée. L'assurée semblait par ailleurs être compliante au traitement prescrit.

h. Le stage d'aide-animatrice a dû être interrompu le 17 mars 2020, l'assurée ayant été considérée comme personne à risque de contracter le Covid-19.

i. En mars et mai 2020, l'assurée a été soumise à une expertise multidisciplinaire au Centre d'expertises médicales (ci-après: CEMed) par les docteurs E______, rhumatologue FMH, F______, médecin praticien, et G______, psychiatre-psychothérapeute FMH. Dans leur évaluation consensuelle du 11 juin 2020, les experts ont émis les diagnostics de probable syndrome douloureux somatoforme persistant, sans influence sur la capacité de travail, de céphalées de tension et fatigue pouvant être la conséquence des effets secondaires des traitements médicamenteux, syndrome douloureux chronique et rachialgies chroniques en partie en relation avec des troubles statiques du rachis sous forme d'une scoliose dorso-lombaire. L'assurée présentait des limitations fonctionnelles pour les environnements trop bruyants, les travaux lourds, les positions penchées en avant et les transferts de personnes. La capacité de travail était nulle en tant qu'aide-soignante. Dans une activité adaptée, elle était de 100% avec une diminution du rendement de 20% en raison de la fatigue, des troubles du sommeil et de la concentration, ainsi des traitements médicamenteux. Il n'y avait pas d'aspects liés à la personnalité pouvant avoir une incidence sur la capacité de travail. Les ressources étaient en bonne partie exploitables. Il n'y avait pas d'exagération des symptômes ni d'autres phénomènes similaires, sauf au niveau de la fatigue qui ne pouvait être constatée le jour de l'expertise. La description des activités quotidiennes était congruente aux plaintes.

j. Le 9 juillet 2020, l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI) a octroyé à l'assurée un placement à l'essai dans un EMS du 1er juillet au 30 septembre 2020.

k. Selon le rapport du 3 novembre 2020 de la division de réadaptation professionnelle de l'OAI, le reclassement en tant qu'animatrice en EMS avait abouti. Il y est par ailleurs mentionné que l'assurée avait repris le 1er mai 2020 la mesure d'orientation, d'abord à 20% avec le but d'augmenter le taux d'activité à 70%. Toutefois, elle n'était pas parvenue à effectuer une activité à plus de 50%. Néanmoins, elle s'était toujours montrée déterminée dans ses projets et les employeurs des divers stages avaient apprécié son sérieux, son amabilité et son travail. La problématique rencontrée lors des mesures était qu'elle n'avait pas pu atteindre le taux de 70% établi par le SMR.

l. Le 22 octobre 2020, l'OAI a déterminé la perte de gain de l'assurée à 42,97% dans l'exercice d'une activité relevant de la rubrique santé humaine et action sociale de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) 2018 dans une activité simple et répétitive à 80%, en admettant un abattement des salaires statistiques de 10% en raison des limitations fonctionnelles. Compte tenu du statut mixte, le degré d'invalidité était de 30,08% pour la part active de 70%.

m. Selon l'enquête économique sur le ménage réalisée le 14 décembre 2020, il n'y avait aucun empêchement dans le ménage, en prenant en considération l'aide apportée par l'époux de l'assurée. Celle-ci a par ailleurs déclaré à l'enquêtrice qu'elle aurait travaillé à 70% sans atteinte à la santé.

n. Le 5 novembre 2020, l'OAI a déterminé le degré d'invalidité de l'assurée à 30%, en application du droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018.

o. Le 18 décembre 2020, l'OAI a informé l'assurée qu'il avait l'intention de lui refuser le droit à une rente, le degré d'invalidité étant insuffisant.

C. a. Le 1er février 2021, l'assurée s'est opposée à ce projet de décision, par l'intermédiaire de son conseil, en contestant le statut mixte et le salaire sans invalidité retenu, ainsi que la valeur probante de l'expertise. Elle a sollicité l'octroi d'une demi-rente au moins.

b. Le 26 février 2021, la Dresse C______ a informé le mandataire de l'assurée qu'elle la suivait depuis septembre 2004 pour une infection HIV et qu'elle s'était plainte dès la première consultation de douleurs ostéo-articulaires se manifestant par une contracture parascapulaire gauche, des lombosciatalgies droites, des douleurs pyramidales et coccygiennes, ainsi que du moyen fessier droit et des épaules, une fatigue et des insomnies liées aux douleurs. Entre 2004 et 2014, seize des vingt-cinq consultations avaient été motivées par ces douleurs. En 2004, la Dresse C______ l'avait par ailleurs adressée à la doctoresse H______, rhumatologue FMH, en raison des lombosciatalgies droites. En 2008, une fissure du coccyx avait été suspectée suite à une chute. La Dresse C______ lui avait proposé plusieurs fois des arrêts de travail, mais l'assurée les avait refusés. Des douleurs ostéo-articulaires avaient nécessité un premier arrêt de travail du 6 au 25 novembre 2012. À partir de 2011, l'assurée avait réduit son temps de travail à 70% à cause des douleurs, afin de pouvoir continuer à travailler, mais sans en parler à son médecin. Elle s'investissait beaucoup dans son travail. Son état s'était fortement péjoré suite à une chute en date du 29 août 2014, ce qui n'était pas mentionné par les experts, alors que cela ressortait du rapport de février 2016 de la Dresse C______. L'assurée s'était aussi plainte fréquemment de troubles de la mémoire. Toutefois, des tests neurocognitifs n'avaient pas été pratiqués. À cela s'ajoutaient une fatigabilité en relation avec les douleurs, des insomnies perturbant sa concentration et des céphalées depuis 2014. Lors de sa consultation du 5 janvier 2015, la médecin traitante avait constaté 13 sur 18 points de fibromyalgie et, lors de la consultation du 5 avril 2016, 12 points. Le diagnostic de syndrome douloureux chronique semblait identique à celui de fibromyalgie. En raison des lombosciatalgies de longue date, aggravées par les accidents et le syndrome de fibromyalgie et la thymie dépressive réactionnelle, l'assurée n'était pas capable de travailler dans une activité adaptée à plus de 50%, soit 20 heures par semaine.

c. Dans son avis médical du 8 avril 2021, le docteur I______ du SMR a considéré que les constats de la Dresse C______ restaient superposables à ceux des experts et que seule son appréciation était différente, laquelle ne semblait au demeurant pas être fondée sur une estimation médico-théorique de la capacité de travail. Partant, les conclusions de l'expertise restaient valables.

d. Le 16 juin 2021, l'ancien employeur de l'assurée a informé l'OAI que celle-ci aurait réalisé en 2020 un salaire annuel de CHF 55'416.- à 70%, ainsi que perçu des indemnités de week-end pour un montant de CHF 2'980.-.

e. Le 22 juin 2021, l'OAI a recalculé la perte de gain et l'a déterminée à 46,53% dans l'exercice d'une activité lucrative. Le degré d'invalidité pour la part active de 70% était de 32,57%.

f. Par décision du 23 juin 2021, l'OAI a confirmé son projet de décision. Concernant le statut, il a relevé qu'il ressortait du rapport de l'employeur du 29 janvier 2016 que l'assurée avait travaillé comme aide-soignante à 70% depuis le 1er octobre 2005. Elle avait également indiqué à l'enquêtrice qu'elle aurait poursuivi son travail à ce taux. Quant au revenu sans invalidité, il avait été rectifié. Toutefois, le degré d'invalidité était toujours inférieur à 40%.

D. a. Par acte du 26 août 2021, l'assurée a recouru contre cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et à l'octroi d'un trois-quarts de rente d'invalidité dès le 1er juin 2016, sous suite de dépens. Elle a contesté qu'il ressortait du rapport de l'employeur qu'elle avait travaillé à 70% dès le début du contrat. Au contraire, ce rapport mentionnait la date du 1er juillet 2011 pour ce taux d'activité. Elle avait d'ailleurs indiqué à son assurance perte de gain qu'elle ne travaillait qu'à 70% en raison d'une « certaine pathologie dont le 80% de ceux qui en souffrent sont déjà à l'AI ». Cela était aussi confirmé par sa médecin traitante. Quant à sa déclaration à l'enquêtrice à ce sujet, on ignorait la formulation précise de la question. La recourante avait vraisemblablement compris que l'enquêtrice se référait aux dernières atteintes datant de 2015 et ayant mené aux arrêts de travail quelques mois plus tard. Rien n'indiquait qu'elle aurait diminué son temps de travail par choix pour se ménager du temps libre et que sa situation financière le permettait. Partant, il devait être admis qu'elle aurait travaillé à 100% sans atteinte à la santé.

La recourante a également contesté la valeur probante de l'expertise et a soutenu qu'il fallait se fonder sur les appréciations de la Dresse C______ qui avait établi de manière constante sa capacité de travail à 50%. Selon le calcul de la recourante, la perte de gain s'établissait ainsi à 60,33%.

b. À l'appui de ses dires, la recourante a produit notamment le formulaire individuel de demande pour ressortissant hors UE/AELE signé le 8 octobre 2004 pour le renouvellement d'un permis dans une activité d'aide-soignante à raison de 40 heures par semaine, ainsi que les conditions d'engagement datées du 7 septembre 2005 chez son dernier employeur concernant un travail d'aide-soignante à 80%. Elle a également transmis une attestation de la Dresse H______ certifiant avoir vu la recourante aux dates des 21 juillet 2005 et 14 novembre 2013 en raison de lombalgies communes accompagnées d'une périarthropathie de la hanche.

c. Dans sa réponse du 21 septembre 2021, l'intimé a conclu au rejet du recours, en persistant à considérer que la recourante aurait travaillé à 70% sans atteinte à la santé. Elle n'avait notamment pas démontré avoir cherché un emploi au taux supérieur à 70%. L'expertise avait par ailleurs une pleine valeur probante. L'intimé a enfin maintenu son calcul de la perte de gain.

d. Dans sa réplique du 14 octobre 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle a allégué avoir travaillé auparavant à 100%. Elle avait diminué son taux d’activité à 80% en octobre 2005 en raison de douleurs
ostéo-articulaires. Toujours pour des raisons médicales, elle avait réduit son taux d'activité à 70% en juin 2011. Bien portante, elle aurait continué à travailler à 100%, sa fille née en 1986 ne justifiant plus un travail à temps partiel. Par ailleurs, son époux était au bénéfice d'une rente d'invalidité, de sorte que les revenus du couple étaient modestes. Concernant le calcul de sa perte de gain, il y avait lieu de se fonder sur les salaires statistiques pour le salaire de valide et non sur le salaire concrètement perçu, dès lors qu'elle avait rencontré des difficultés professionnelles en raison de la dégradation progressive de son état de santé et réalisé de ce fait un salaire inférieur à celui qu'elle aurait pu gagner en étant en bonne santé. La recourante a en outre contesté les conclusions de l'enquête économique sur le ménage quant à ses empêchements et l'exigibilité retenue pour son époux. Celui-ci percevait une rente d'invalidité en raison d'atteintes physiques, si bien qu'il n'était pas crédible de lui imputer une exigibilité de 50% pour l'entretien du logement.

e. Dans son avis médical du 4 novembre 2021, le SMR a considéré que le rapport de la Dresse H______ du 23 septembre 2021 n'apportait aucun élément nouveau propre à modifier ses conclusions antérieures, étant précisé que la lombalgie commune était une pathologie fréquente et qu'au moins une personne sur deux aura un épisode de lumbago aigu au cours de sa vie. Cela ne présageait en rien l'apparition de douleurs chroniques.

f. Dans sa duplique du 9 novembre 2021, l'intimé a maintenu ses conclusions. Les experts n'avaient admis une incapacité de travail que depuis 2015. Partant, il ne pouvait être admis que la recourante avait diminué son temps de travail pour des raisons de santé en 2011 déjà. Par ailleurs, si le formulaire de l'Office cantonal de la population et des migration (OCPM) indiquait une durée hebdomadaire de 40 heures, il s'agissait vraisemblablement de la durée de travail normale d'une aide-soignante et non de la durée contractuelle. L'intimé a enfin considéré que l'enquête économique sur le ménage revêtait une pleine valeur probante.

g. Dès le 14 mars 2022, la recourante a été engagée à la J______ comme auxiliaire dans la fonction d'assistante socio-éducative à 60 % pour deux mois au salaire de CHF 3'148.30 par mois et un 13ème salaire pro rata temporis. Ce contrat a été ensuite prolongé jusqu'au 28 février 2023. Dès le 1er janvier 2023, le taux d'occupation a été réduit à 50 % et le salaire fixé à 2'649.85 par mois avec un 13ème salaire pro rata temporis.

h. Le 28 mars 2022, l'EMS K______SA a informé la chambre de céans que la recourante avait travaillé du 1er octobre 2005 au 31 juillet 2006 à 80%, du 1er août 2006 au 30 juin 2011 à 60% et dès le 1er juillet 2011 à 70%.

i. Par ordonnance du 6 mai 2022, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise judiciaire et l'a confiée au docteur L______, psychiatre-psychothérapeute FMH.

j. Dans son rapport d'expertise du 6 juillet 2022, l'expert a retenu le diagnostic de dysthymie, tout en précisant n'avoir pas retenu un syndrome douloureux somatoforme persistant, dans la mesure où la recourante présentait une fibromyalgie, diagnostic qui faisait partie des affections rhumatologiques dont l'appréciation ne relevait pas de sa compétence. La capacité de travail était de 50%, sans diminution de rendement, depuis octobre 2019.

k. Dans son avis du 2 août 2022, la doctoresse M______ du SMR s'est ralliée aux conclusions de l'expertise.

l. Par écritures du 9 août 2022, l'intimé a également admis les conclusions d'expertise. Cependant, dans la mesure où la recourante avait bénéficié d'indemnités journalières, il a conclu au renvoi du dossier pour le calcul des prestations.

m. Par écritures du 10 novembre 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions et a souligné que, lors de son engagement à l'EMS K______, elle souffrait déjà de troubles statiques et d'une périarthrite de la hanche droite, raison pour laquelle elle avait limité son taux de travail à 80%. Son état de santé s'étant dégradé dans une plus ample mesure par la suite, elle avait dû réduire le taux d'activité à 60% dès le 1er août 2006. En raison de problèmes économiques, elle a par la suite augmenté ce taux à 70 % dès le 1er juillet 2011. Toutefois, en bonne santé, elle aurait travaillé à 100%.

n. Le 5 décembre 2022, l'intimé a maintenu ses conclusions, en relevant en particulier que la recourante avait déclaré dans le cadre de l'enquête sur le ménage qu'elle aurait continué à travailler à 70% en bonne santé.

o. Le 20 février 2023, la recourante a informé la chambre de céans avoir bénéficié d'indemnités de chômage dès le 1er octobre 2020 et avoir été placée par l'assurance-chômage auprès de l'EMS J______ du 10 août 2021 au 13 mars 2022 au taux de 50% dans une fonction correspondant à la classe 10 avec un salaire annuel de CHF 68'113.-. Puis, elle avait été engagée dans le même établissement pour trois mois, au maximum 10 mois, à 60% pour remplacer l'une de ses collègues. Par la suite, le contrat a été prolongé à plusieurs reprises. Vu le temps limité, elle l'avait accepté. Dès le 1er janvier 2023, le contrat a été prolongé jusqu'au 28 février 2023 au taux de 50% avec un salaire de CHF 31'798.- par an, hors 13ème salaire.

p. Le 22 mars 2023, la recourante a informé la chambre de céans qu'elle avait été indemnisée par l'assurance-chômage pendant qu'elle avait travaillé à l'EMS J______ du 10 août 2021 au 13 mars 2022.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

6.             Est litigieux en l'occurrence le droit à une rente de la recourante.

7.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

8.             En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

9.             Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.  Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.  Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.  Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

10.          

10.1. En l'occurrence, la recourante a fait l'objet d'une expertise judiciaire par le Dr L______. Celui-ci pose sur le plan psychique le diagnostic de dysthymie. À ce diagnostic s'ajoutent des problèmes somatiques, à savoir une infection HIV sous traitement continu, des troubles statiques de la colonne et une fibromyalgie. L'expert ne retient pas le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant en l'absence d'un conflit émotionnel ou de facteurs psycho-sociaux à l'origine de ce syndrome. Les atteintes et leurs traitements (opioïdes et trithérapie) sont connus pour diminuer l'énergie disponible (fatigabilité accrue, en particulier due aux troubles du sommeil en raison des douleurs), voire de favoriser des troubles cognitifs, des douleurs et la dépression. Dans une appréciation globale, l'expert judiciaire conclut que l'ensemble des pathologies provoque une incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée. Certes, la recourante travaille depuis mars 2022 à 60%, à la demande de la hiérarchie. Toutefois, ce taux dépasse probablement ses capacités et pourrait provoquer une décompensation s'il devait se prolonger. La baisse de rendement retenue par les experts du CEMed tient uniquement compte de la fatigue, des troubles du sommeil et de la concentration, ainsi que des traitements. Ce taux doit être majoré en raison de la composante dépressive qui n'est pas négligeable. Quant au début de l'incapacité de travail, l'expert judiciaire la fixe à octobre 2019, date du rapport du Prof. B______ qui a pris en compte l'ensemble de l'état clinique pour la première fois. Auparavant, les taux d'activité étaient variables. Au printemps 2019, la situation s'était aggravée temporairement par la survenance d'une grave atteinte auto-immune consécutive à une parasitose avec hospitalisation et incapacité de travail temporaire.

Dans l'anamnèse, l'expert judiciaire mentionne que les douleurs sont présentes de longue date et qu'elles se sont aggravées après deux chutes en 2008 et 2014. À partir de 2014-2015, l'état physique a provoqué un trouble de l'humeur et a diminué sa motivation. Les traitements prescrits depuis six à sept ans, y compris les opioïdes, soulagent certes les douleurs, mais ne les suppriment pas totalement.

10.2. L'expertise judiciaire remplit les réquisits de la jurisprudence en la matière, si bien qu'il convient de lui accorder une pleine valeur probante, sous réserve de ce qui suit. Elle a été en effet établie en connaissance du dossier médical intégral, prend en considération les plaintes de la recourante, repose sur un examen clinique approfondi et contient des conclusions motivées. Au demeurant, l'intimé s'y rallie.

Cela étant, la chambre de céans ne juge pas nécessaire d'examiner la capacité de travail exigible sur la base des critères jurisprudentiels susmentionnés,

10.3. En ce qui concerne le début de l'incapacité de travail, la chambre de céans n'est cependant pas convaincue par la date déterminée par l'expert judiciaire.

En effet, le docteur N______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, émet le diagnostic de probable fibromyalgie déjà dans son rapport du 25 août 2015 et la recourante dépose sa demande de prestations en janvier 2016. Dans son rapport du 31 mai 2016, ce médecin ajoute à ce diagnostic celui d'un état dépressif, tout en précisant que les douleurs ont commencé en 2012. Dans son rapport médical du 6 février 2016, la Dresse C______, déclare que les douleurs sont devenues incapacitantes suite à une chute sur le dos en 2014. La capacité de travail dans l'activité habituelle ne dépasse pas 50% du 70%. Dans une activité adaptée, elle est de 50%. La doctoresse O______, neurologue FMH, évalue la capacité de travail à 30% dans l'activité habituelle et à 70% dans une activité adaptée, dans ses rapports du 16 juin 2016 et du 20 septembre 2016, en retenant les diagnostics de céphalées, vertiges, lombalgies d'origine peu claires, HIV traité depuis 1999 et probable fibromyalgie. Par ailleurs, dans son avis du 20 mars 2018, le SMR considère que l'assurée présente une incapacité de travail totale et définitive dans son activité d'aide-soignante et une capacité de travail de 70% dans une activité légère sédentaire, avec possibilité de changement de positions, sans port de charges et positions de porte-à-faux du rachis depuis juillet 2015.

Or, depuis cette date, la situation médicale n'a guère changé, raison pour laquelle il n'y a pas de raison de retenir une incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée seulement à partir d'octobre 2019, alors même que la Dresse C______ retient une telle incapacité déjà dans son rapport du 6 février 2016, tout en faisant état d'une aggravation en 2014. Par conséquent, il sied de se fonder sur la date retenue par le SMR dans son avis du 20 mars 2018, soit juillet 2015, pour le début de l'incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée.

11.         Avant de calculer le degré d'invalidité, il sied de déterminer le statut de la recourante.

11.1. Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

11.2. En l'espèce, selon l'employeur de la recourante, celle-ci était engagée du 1er octobre 2005 au 31 juillet 2006 à 80%, du 1er août 2006 au 30 juin 2011 à 60% et dès le 1er juillet 2011 à 70%. Dans son rapport du 26 février 2021, la Dresse C______ atteste qu'elle suit la recourante depuis 2004 pour l'infection HIV et que celle-ci se plaignait dès la première consultation de douleurs ostéo-articulaires. Entre 2004 et 2014, seize des vingt-cinq consultations étaient motivées par les douleurs se manifestant par une contracture parascapulaire gauche, des lombosciatalgies droites, des douleurs pyramidales et coccygiennes, ainsi que du moyen fessier droit et des épaules, une fatigue et des insomnies liées aux douleurs. En 2004, elle a adressé la recourante à la Dresse H______ en raison des lombosciatalgies droites.

Par ailleurs, en 2005, lorsque la recourante a été engagée comme aide-soignante, sa fille avait 19 ans et n'avait donc plus besoin de la présence de sa mère. Cependant, elle était probablement encore en formation (elle est infirmière en psychiatrie ; cf. expertise judiciaire p. 5) et devait être entretenue par sa mère. Il est également à supposer que le mari de la recourante, qui était menuisier-ébéniste avant de bénéficier d'une rente d'invalidité depuis 2018 (expertise judiciaire op. cit.), n'avait pas de revenus très importants lui permettant d'entretenir sa femme et la fille de celle-ci.

Cela étant, la chambre de céans tient pour hautement vraisemblable que la recourante a travaillé seulement à 80%, lors de son engagement comme
aide-soignante en 2005, en raison des nombreuses douleurs, étant précisé que le métier d'aide-soignante constitue une activité lourde, et qu'elle aurait donc exercé une activité lucrative à 100% si elle n'avait pas été atteinte dans sa santé.

Par la suite, son mari est devenu invalide. Partant, il est à supposer qu'elle aurait continué à travailler à 100% en bonne santé, toujours pour des raisons financières.

Certes, elle a déclaré dans le cadre de l'enquête économique sur le ménage qu'elle aurait continué à travailler à 70% sans atteintes à la santé. Toutefois, comme le relève le mandataire de la recourante, on ignore comment la question a été posée et si la recourante l'a bien comprise. Cette seule déclaration ne permet ainsi pas d'admettre qu'elle aurait travaillé à un taux d'occupation réduit en bonne santé.

Quant au fait que la recourante n'a pas fait de recherches d'emploi pour trouver une activité à 100%, cela tient au fait que son état de santé ne lui permettait pas de travailler à plein temps, indépendamment de sa volonté.

Par conséquent, il sied de retenir un statut d'active à 100%.

12.         Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

13.         En l'occurrence, l'année déterminante pour la comparaison de salaire est en principe 2016, dans la mesure où la recourante est incapable de travailler dans sa profession habituelle depuis juillet 2015, comme exposé ci-dessus. Mais comme la réadaptation n'a pris fin qu'en 2020, il se justifie de prendre cette année pour la comparaison des salaires. Ce n'est qu'en 2022 que la recourante a été engagée dans l'activité dans laquelle elle a été adaptée. Auparavant, elle a été indemnisée par l'assurance-chômage, même si elle était placée du 10 août 2021 au 13 mars 2022 au taux de 50 % à l'EMS de Vessy.

13.1 En se fondant sur les salaires statistiques ressortant du tableau TA1 de l'ESS 2018 dans le domaine de la santé humaine et l'action sociale au niveau 1, le salaire d'invalide est de CHF 61'986.-, après adaptation à la durée normale de travail de 41,7 heures en 2020 et à l'indexation des salaires à cette année. Ainsi, à 50%, ce salaire s'établit à CHF 30'978.-. Il n'y a pas lieu de tenir compte d'un abattement des salaires statistiques en raison des limitations fonctionnelles, dans la mesure où il en est déjà tenu compte dans le taux de capacité de travail retenu.

Quant au salaire sans invalidité, il aurait été de CHF 55'416.- en 2020 à 70%, salaire auquel s'ajoutent des indemnités de week-end pour un montant de CHF 2'980.-. À 100%, son salaire de valide correspond à CHF 83'423.-, arrondi.

Cela étant, la perte de gain est de 62%, ce qui ouvre le droit à un trois-quarts de rente.

13.2 Selon la recourante, il faut se fonder sur le salaire statistique de l'ensemble des activités du niveau 1 pour les femmes selon l'ESS 2018, à savoir un salaire de CHF 55'725.-, ce qui correspond à CHF 27'862,50 à 50%. Cependant, ce montant comparé au salaire de valide à 100% de CHF 83'423.- en 2020, la perte de gain ne serait que de 66,6% et ne donnerait pas droit à une rente supérieure. Partant, la question des savoir s'il faut se fonder sur les revenus statistiques dans le domaine de la santé humaine et l'action sociale ou sur ceux de toutes les activités confondues, peut rester ouverte.

13.3 Dès mars 2022, la recourante a réalisé à la J______ un salaire annuel de CHF 33'175.45 durant la période du 14 mars au 31 décembre 2022, selon le certificat de salaire de 2022. Cependant, dans la mesure où l'objet du litige est limité par la date de la décision du 23 juin 2021, il y a lieu de renvoyer la cause à l'intimé pour une éventuelle révision du droit à la rente à partir de mars 2022.

14.         La recourante étant invalide depuis juillet 2015 comme relevé ci-dessus et ayant déposé sa demande en janvier 2016, le droit à la rente est né en juillet 2016. Toutefois, selon l'art. 29 al. 2 LAI, le droit ne prend pas naissance tant que l’assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l’art. 22 LAI.

15.         Par conséquent, la décision sera annulée et la recourante mise au bénéfice d'un trois-quarts de rente à partir de juillet 2016, sauf durant les périodes où elle a perçu des indemnités journalières de l'intimé. La cause sera par conséquent renvoyée à l'intimé pour le calcul des prestations dues, ainsi que pour la révision éventuelle du droit à la rente dès mars 2022.

16.         La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation aux dépens, à la charge de l'intimé.

17.         Vu l'issue de la cause, l'intimé sera condamné au paiement d'un émolument de justice de CHF 200.-.

 

******

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision du 23 juin 2021.

4.        Met la recourante au bénéfice d'un trois-quarts de rente dès juillet 2016, sauf durant les périodes où elle a perçu des indemnités journalières de l'intimé.

5.        Renvoie la cause à l'intimé pour le calcul des prestations dues et pour une éventuelle révision de la rente dès mars 2022.

6.        Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de participation aux dépens.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le