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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3255/2021

ATAS/136/2023 du 01.03.2023 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3255/2021 ATAS/136/2023

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 1er mars 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, CHÂTELAINE, représentée par Swiss Claims Network SA

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1973, est une ressortissante ouzbèke résidant à Genève depuis le mois d’avril 2004.

b. Du 1er juin 2006 au 15 septembre 2011, l’assurée a été mariée à Monsieur B______, ressortissant suisse né en ______ 1963. Celui-ci est décédé en septembre 2014.

c. L’assurée est mariée à Monsieur C______, ressortissant ouzbèke né en ______ 1989, dont elle vit séparée par jugement ARTPI 1______ du Tribunal civil du canton de Genève, depuis le 1er juillet 2020.

d. L’assurée est mère de deux filles nées en ______ 2004 et en ______2013. Le premier enfant a pour père M. B______, et le second M. C______.

e. Lors de son arrivée en Suisse, l’assurée travaillait dans un cirque en tant que danseuse et dresseuse. Elle a ensuite travaillé notamment comme aide de cuisine à plein temps du 1er septembre 2015 au 31 juillet 2016, au service de la société D______ sise à Lancy. En échange de ce travail, elle recevait un salaire annuel de CHF 44'291.- (CHF 3'407.- versé treize fois l’an). La société D______ a été déclarée en faillite le 21 juin 2021 et a été radiée le 28 mars 2022.

f. L’assurée a également travaillé comme employée de pressing à plein temps pour la société E______, également sise à Lancy, du 9 octobre 2017 au 28 novembre 2017. En échange de ce travail, elle recevait un salaire annuel de CHF 44'980.- (CHF 3'460.- versé treize fois l’an). Ce second contrat a été résilié par l’employeur en raison de la maladie de l’intéressée.

B. a. L’assurée souffre de douleurs chroniques dans le bas du dos. Celles-ci sont apparues suite à l’accouchement de son premier enfant en 2004.

b. Dans un compte rendu du 17 novembre 2016, le docteur F______, spécialiste en radiologie, a procédé à une IRM de la région lombo-sacrée. Il en a conclu que l’assurée souffrait d’une légère discopathie aux 4ème et 5ème vertèbres lombaires et 1ère fausse-vertèbre sacrale, avec dessiccation discale minime débord discal circonférentiel sans sténose du canal spinal central ou des foramens. Il relevait également l’existence des signes d’une surcharge facettaire sur la 5ème vertèbre lombaire et 1ère fausse-vertèbre sacrale à droite.

c. Dans un rapport du 23 décembre 2016, les docteurs G______, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine interne générale, et H______, médecin interne, travaillant tous deux au service de rhumatologie des Hôpitaux universitaire de Genève (ci-après : HUG), ont diagnostiqué la présence chez l’assurée de lombalgies chroniques avec syndrome lombovertébral, ainsi que de potentiels troubles anxieux. Ils ont prescrit des séances de physiothérapie, en attente d’une décision sur la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire, et ont recommandé que l’intéressée soit examinée par un psychiatre.

C. a. En date du 11 octobre 2017, l’assurée a déposé une demande de mesures professionnelles et/ou de rente d’invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l'intimé) en mentionnant qu’elle souffrait depuis des années de lombalgies.

b. Dans un rapport du 1er novembre 2017 destiné à l’OAI, le docteur I______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitant de l’assurée, a précisé qu’il suivait celle-ci depuis 2006. Elle souffrait de lombalgies mécaniques chroniques ainsi que d’un état dépressif. L’intéressée était capable de travailler à 100% (la capacité de travail fluctuant entre 50 et 100% selon le Dr I______), mais devait éviter le travail prolongé en position statique.

c. En avril 2018, l’assurée a tenté de réaliser deux stages, dont un en tant que vendeuse de take away, dans le cadre des mesures professionnelles de l’assurance-invalidité. Ces activités étaient adaptées à ses limitations fonctionnelles. Ces stages ont cependant dû être rapidement interrompus en raison des douleurs ressenties par l’intéressée.

d. Une radiographie de la colonne vertébrale a été réalisée aux HUG le 2 juillet 2018. Les docteurs J______, spécialiste FMH en radiologie, et K______, médecin interne, ont relevé un listel marginal non fusionné antéro-supérieur à la 6ème vertèbre cervicale, une discrète discopathie aux 4ème et 5ème vertèbres lombaires et une anomalie de transition de la charnière lombo-sacrée de type Catellvi Ib. Ils n’ont en revanche pas détecté de tassement vertébral. L’alignement vertébral était en outre conservé.

e. Dans un rapport du 4 octobre 2018, les docteurs G______ et L______, médecin interne travaillant aux service de rhumatologie des HUG, ont informé le Dr I______ que l’assurée serait prise en charge pendant deux mois au sein d’un programme (ProMIDos) avec plan de traitement comportant des aspects de physiothérapie, de psychomotricité, d’ergothérapie et de psychiatrie. À cette occasion, il a été relevé que l’assurée souffrait d’une importante détresse psychologique et qu’elle identifiait un lien entre ses douleurs et son moral. Elle était notamment sujette à un sentiment de culpabilité lié au fait qu’elle ne travaillait pas en raison de ses douleurs, et faisait l’objet d’un important isolement social.

f. Dans un rapport du 21 janvier 2019, les docteurs G______ et M______, médecin interne travaillant au service de rhumatologie des HUG, ont relevé que l’assurée souffrait toujours de lombalgies communes chroniques à la fin du programme de traitement susmentionné. L’objectif de gestion et prévention des crises douloureuses n’avait pas été atteint. Le moral de l’assurée s’était toutefois amélioré, en particulier en lien avec sa participation aux groupes de parole. Les Drs G______ et M______ ont mentionné la présence de fortes limitations dans l’ensemble des capacités fonctionnelles, lesquelles rendaient difficile une reprise professionnelle.

g. Dans un rapport du 20 février 2019, le docteur N______, spécialiste FMH en neurologie, a noté qu’une IRM avait été réalisée le 14 février 2019. Sur la base de celle-ci, ainsi que d’un examen neurologique et electroneuromyographique, il a conclu à l’existence d’une hernie discale relativement importante sur les 5ème et 6ème vertèbre cérébrales, ainsi qu’à une contracture para-cervicale et du trapèze droit avec une limitation des mouvements de la nuque, mais sans atteinte déficitaire sensiticomotrice. Il existait également des signes en faveur d’une radiculopathie cervicale. Il recommandait une infiltration sous scopie.

h. Dans un rapport du 28 février 2019, le docteur O______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant de l’assurée, a relevé que l’assurée souffrait d’un syndrome douloureux somatoforme persistant (code F45.4 de la 10ème édition de la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes de 2008 [ci-après : CIM-10]), ainsi que d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques (code F33.2 CIM-10). Sa pensée était figée sur sa douleur. Elle était limitée dans la majeure partie de ses activités quotidiennes et souffrait d’isolement social. L’intéressée était totalement incapable de travailler dans toute activité. Elle avait débuté le 13 mars 2018 un traitement à base de fluoxétine. Sa situation s’était néanmoins péjorée depuis le mois de février 2019 malgré l’accompagnement rhumatologique et psychiatrique dont elle bénéficiait.

i. Dans un rapport du 21 juin 2019 destiné à l’OAI, les Drs G______ et M______ ont relevé que l’assurée souffrait d’un syndrome lombo-vertébral fluctuant avec des épisodes aigus répétés. Ses cervico-brachialgies avaient en revanche subi une nette amélioration et n’étaient pas associées à un trouble neurologique. Lors d’un épisode aigu de ses lombalgies, elle ne pouvait rester en position stationnaire debout plus de dix minutes, en position stationnaire assise plus de vingt minutes, et sa capacité de marche était limitée à quinze minutes ; elle était en outre gênée dans le port de charges de plus de 5 kg. Sa capacité de travail était limitée en conséquence, y compris dans une activité adaptée.

j. Dans un rapport du 20 septembre 2019 destiné à l’OAI, le Dr O______ a relevé que l’évolution de la symptomatologie dépressive de l’assurée était fonction de l’intensité de ses douleurs. La capacité de pensée de celle-ci était figée sur la douleur. Le Dr O______ a à nouveau attesté que sa capacité de travail était nulle dans toute activité.

k. Sur demande de l’OAI, les docteurs P______, spécialiste en médecine interne générale, Q______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, R______, spécialiste en rhumatologie, et S______, spécialiste FMH en neurologie, de la Clinique romande de réadaptation, ont rendu un rapport d’expertise pluridisciplinaire daté du 8 mars 2021. Selon leurs conclusions consensuelles, l’assurée souffrait d’une atteinte d'autres disques intervertébraux (lombalgies communes) (code M51 CIM-10) par dysbalance musculaire avec hyperlordose lombaire sévère et importante hypotonie de la sangle abdominale, d’un syndrome cervico-brachial sur sa 6ème vertèbre cervicale (code M53.1 CIM-10) avec une hernie discale médiane aux 5ème et 6ème vertèbres cervicales, d’un trouble somatoforme indéterminé (code F45.9 CIM-10) et d’un trouble anxieux et dépressif mixte (état anxiodépressif réactionnel) (code F41.2 CIM-10). En revanche, elle ne souffrait pas d’un trouble dépressif (code F32 et F33 CIM-10), ni d’un trouble neurologique. Sur cette base, les experts ont retenu que les limitations fonctionnelles de l’intéressée étaient l’absence de port de charge et de position statique prolongée, ainsi que la nécessité de bénéficier d’un entourage de travail compréhensif et rassurant. Les experts ont attesté qu’elle était capable de travailler dans son ancienne activité d’aide de cuisine avec un rendement diminué de 20%, et entièrement capable de travailler dans une activité respectant ses limitations fonctionnelles. Ils plaidaient en faveur d’un retour à l’emploi avec poursuite d’un suivi par un psychiatre ainsi que d’une kinésithérapie active.

l. Dans un avis du 1er avril 2021, la doctoresse T______, spécialiste FMH en médecine interne générale travaillant pour le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), a considéré qu’il convenait de suivre les conclusions de l’expertise pluridisciplinaire du 8 mars 2021.

D. a. Par projet de décision daté du 31 mai 2021, l’OAI a annoncé à l’assurée qu’il comptait lui octroyer une rente d’invalidité entière pour la période du 1er novembre 2018 au 30 avril 2021, sur la base d’un degré d’invalidité de 100%. À partir du mois de février 2021, l’OAI considérait que sa capacité de travail était en revanche entière dans une activité adaptée et que son degré d’invalidité n’était plus que de 5%, ce qui mènerait à la fin de sa rente au 30 avril 2021. Toute nouvelle mesure professionnelle était par ailleurs refusée, y compris une mesure d’orientation professionnelle, vu le large éventail d’activités accessibles à l’assurée à l’aune de ses limitations fonctionnelles.

b. Dans un courrier du 14 juin 2021, le Dr I______ a contesté les conclusions de l’expertise pluridisciplinaire du 8 mars 2021 en précisant que si les recommandations faites dans le rapport y relatif étaient théoriquement correctes, elles s’étaient montrées inapplicables en pratique. Selon lui, l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité.

c. L’assurée s’est déterminée sur le projet de décision de l’OAI dans un courrier daté du 25 juin 2021 en lui demandant de réexaminer son évaluation.

d. Dans un rapport du 29 juin 2021, le Dr G______ s’est déterminé sur l’expertise pluridisciplinaire du 8 mars 2021. Il a relevé que le diagnostic de lombalgies communes était correct, mais que le fait de retenir une hyperlordose lombaire était surprenant et menait à douter des connaissances de l’expert rhumatologue. S’agissant des troubles psychiques retenus, ils étaient en contradiction tant avec l’historique médical de l’assurée qu’avec les constations du rapport d’expertise pluridisciplinaire lui-même dont il ressortait une focalisation de l’intéressée sur ses douleurs lombaires. Enfin, la conclusion d’une capacité de travail entière reposait sur des assertions qui avaient été démenties par les faits puisque l’assurée avait fait l’objet d’un suivi pendant plusieurs années par des spécialistes et que cela n’avait pas permis d’aboutir à une réduction de ses limitations fonctionnelles, lesquelles avaient un fort impact sur celle-ci, y compris dans la réalisation de tâches ménagères simples.

e. Par décision datée du 26 août 2021, l’OAI a accordé une rente d’invalidité entière à l’assurée limitée à la période du 1er novembre 2018 au 30 avril 2021 en reprenant la motivation développée dans son projet de décision.

E. a. Par courrier du 23 septembre 2021, l’assurée a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en concluant à sa mise au bénéfice de prestations de l’assurance-invalidité également pour la période postérieure au 30 avril 2021.

b. Par courrier daté du 22 octobre 2021, l’OAI a répondu en concluant au rejet du recours.

Au vu du rapport du Dr G______ et de l’avis du 21 octobre 2021 de la doctoresse J______, spécialiste en médecine interne générale travaillant pour le SMR, l’intimé a toutefois modifié sa motivation en ce sens qu’il considérait désormais que la capacité de travail de la recourante était nulle dans l’ensemble de ses activités antérieures. L’OAI maintenait toutefois son appréciation selon laquelle une capacité de travail entière était exigible dans une activité sans port de charges, sans position statique prolongée et avec un employeur et des travails de collègues compréhensifs, rassurants et émotionnellement proches.

c. Dans un rapport du 14 décembre 2021, le Dr O______ s’est déterminé sur l’expertise pluridisciplinaire du 8 mars 2021 en contestant ses conclusions s’agissant des limitations fonctionnelles de la recourante. Celles-ci étaient si importantes aucune résistance à l’effort psychique, diminution des capacités cognitives et relationnelles que sa capacité de travail dans une activité adaptée était probablement inférieure à 20%, et ce sans rendement.

d. La recourante a répliqué par courrier du 19 janvier 2022 en concluant à l’octroi d’une rente d’invalidité entière et, subsidiairement, à la mise en œuvre d’une nouvelle expertise pluridisciplinaire.

e. L’intimé a dupliqué par courrier du 14 février 2022 en maintenant sa position sur la base d’un avis SMR de la Dresse J______ du 10 février 2022.

f. Par courrier du 14 décembre 2022, la chambre de céans a informé les parties qu’elle comptait ordonner une expertise judiciaire psychiatrique et a proposé les noms de deux co-experts ainsi qu’un projet de mission d’expertise.

g. Après avoir pris note des observations des parties, la chambre de céans a proposé, par courrier du 20 janvier 2023, que la mission d’expertise soit confiée au docteur, psychiatre et psychothérapeute, ce à quoi les parties ne se sont pas opposées.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Selon l’art. 69 al. 1 let. a LAI, les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du domicile de l’office concerné.

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi a priori établie.

2.             Interjeté dans les formes prévues par la loi (art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) et dans le délai de recours de trente jours (art. 60 LPGA), le recours est a priori recevable.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’assurance-invalidité, et singulièrement sur son degré d’invalidité.

4.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 148 V 21 consid. 5.3 ; ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; ATF 144 V 210 consid. 4.3.1).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront appliquées et citées dans leur ancienne teneur.

5.             En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Selon l’art. 17 al. 1 LAI, l’assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée. Selon la jurisprudence, une mesure de reclassement implique que le degré d’invalidité de l’assuré soit d’au moins 20% environ (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; ATF 130 V 488 consid. 4.2).

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

7.             Pour évaluer un droit à une prestation sociale dépendant de l’état médical d’un assuré, il faut pouvoir se fonder sur des opinions médicales probantes (ATF 134 V 231 consid. 5.1).

7.1 Il n’existe pas de règles systématiques absolues en matière d’appréciation de rapport médicaux, le principe général restant l’appréciation libre de ceux-ci par le juge (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). Ainsi, la force probante d’un rapport d’expertise dépend en premier lieu du contenu de celui-ci, à savoir s’il est complet (au regard du /des trouble(s) médical/aux potentiel(s) de l’assuré), s'il se base sur l'anamnèse, les « plaintes » de l'assuré et tous les autres éléments factuels disponibles, s'il est clair dans son appréciation de la situation médicale et si le ou les résultat(s) auquel il parvient est/sont motivé(s) (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2).

7.2 Selon la jurisprudence fédérale, il est possible de distinguer trois types d’expertises médicales : les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité judiciaire sur la base de l’art. 61 let. c LPGA et du droit cantonal (expertise judiciaire), les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité sociale sur la base de l’art. 44 LPGA (expertise administrative) et les rapports médicaux requis par une assurance sociale auprès de médecins qui lui sont subordonnés, ou réalisés par un médecin sur commande de l’assuré (expertise de partie). Le seul fait qu’un médecin soit régulièrement mandaté par une assurance sociale pour réaliser des expertises n’est pas de nature à affecter son impartialité selon le Tribunal fédéral (ATF 148 V 225 consid. 3.5 ; ATF 137 V 210 consid. 1.3.3).

S’il est évident que la force probante d’une expertise judiciaire est complète (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa), le juge doit également accorder pleine valeur probante aux expertises administratives pour autant que celles-ci ne contiennent pas de contradiction et qu'aucun autre élément fondé ne remette en cause leur pertinence (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et 2.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2). En revanche, une expertise commandée par une partie ou réalisée par un médecin interne à une assurance dispose certes d’une certaine force probante, mais celle-ci est clairement inférieure à celle réalisée par un médecin indépendant (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et 3b/ee), en ce sens qu’un tel rapport médical peut avant tout permettre de remettre en doute une expertise administrative ou judiciaire (ATF 125 V 351 consid. 3c). Ainsi, lorsqu'une décision administrative sociale ne s'appuie que sur l'avis d'un médecin interne à l'assureur social et qu'il existe des doutes, même minimes, sur la pertinence de l'appréciation de ce médecin, il y a lieu de mettre en œuvre une expertise administrative ou une expertise judiciaire (ATF 145 V 97 consid. 8.5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_526/2021 du 3 octobre 2022 consid. 2.2).

7.3 Dans le cadre d’un rapport d’expertise pluridisciplinaire, l'existence d'en résumé consensuel des sous-expertises est recommandé mais pas indispensable ; chaque « sous-expertise » faisant partie d'une expertise pluridisciplinaire, y compris l'appréciation d'ensemble, peut être analysée pour elle-même en tant qu'élément de preuve en cas d'incohérence entre une ou plusieurs sous-expertise(s) et le résumé d'ensemble lorsque celui-ci a été réalisé par un seul des experts (ATF 143 V 124 consid. 2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_54/2021 du 10 juin 2021 consid. 2.2).

8.             En l’occurrence, l’expertise pluridisciplinaire du 8 mars 2021 a été réalisée sur mandat de l’intimé. Elle doit donc être qualifiée d’expertise administrative.

Il convient d’examiner si cette expertise n’est pas contradictoire ou remise sérieusement en doute par d’autres opinions médicales.

S’agissant de l’aspect psychiatrique, le Dr Q______ a retenu que la recourante souffrait d’un trouble somatoforme indéterminé (code F45.9 CIM-10) et d’un trouble anxieux et dépressif mixte (état anxiodépressif réactionnel) (code F41.2 CIM-10). Ceux-ci n’entrainaient pas de limitations fonctionnelles.

D’emblée, il faut faire remarquer que selon le registre des professions médicales fédéral, les connaissances linguistiques du Dr Q______ sont limitées à l’allemand, en tout cas pour ce qui est du domaine professionnel (cf. https://www.medregom.admin.ch/medreg/person/185916 ; consulté pour la dernière fois le 21 novembre 2022). Cela apparait problématique, vu l’importance de l’entretien personnel dans la réalisation d’une expertise psychiatrique (cf. ATF 127 I 54 consid. 2f ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1307/2018 du 17 septembre 2019 consid. 1.3.1 ; 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1).

Quoiqu’il en soit, le rapport du Dr Q______ souffre de plusieurs vices. En premier lieu, l’expert écarte le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant (code F45.4 CIM-10), retenu par le psychiatre traitant, au seul motif que la recourante ne serait pas centrée sur ses douleurs (bien qu’il précise constater un vécu émotionnellement surinvesti de ses douleurs par celle-ci). Dans son rapport du 14 décembre 2021, le Dr O______ affirme au contraire que les douleurs de l’intéressée sont au centre de ses troubles à la santé. Cet élément ressort par ailleurs également du rapport du Dr O______ du 20 septembre 2019, ainsi que du rapport des Drs G______ et L______ du 4 octobre 2018. En conséquence, le rejet du diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant, en dépit du sentiment de détresse de la recourante non expliqué entièrement par un processus physiologique et survenant dans un contexte de conflits émotionnels et de problèmes psycho-sociaux importants reconnus, aurait nécessité une motivation plus détaillée de la part de l’expert pour que cette opinion médicale puisse apparaitre plus convaincante que l’opinion convergente et constante des médecins traitants, et ainsi prévaloir sur celle-ci.

En second lieu, le Dr Q______ affirme que la croyance qu’il impute à l’intéressée serait entretenue par ses médecins, lesquels l’écarteraient d’un retour au travail auquel elle pourrait pourtant parvenir avec un effort de volonté et de personnalité (cf. pièce 89 intimé, p. 10 et 12). Or, comme le souligne le Dr G______, cette assomption ne correspond pas aux faits. Il ressort au contraire des pièces produites à la procédure que tant l’OAI que le service de rhumatologie des HUG ont axé l’accompagnement de la recourante sur un retour en activité, mais que ces tentatives n’ont pas été couronnées de succès. Dans le cadre du programme ProMIDos auquel a participé l’intéressée, le service de rhumatologie des HUG a notamment entrepris de renforcer sa confiance et son adaptation à la douleur, avec un succès uniquement modéré (cf. pièce 49 intimé, p. 194).

En outre, l’expert, tout en affirmant que l’intéressée ne souffre d’aucune limitation fonctionnelle sur le plan psychique et que sa réintégration sur le marché du travail ne dépend que d’un effort de volonté de sa part ainsi que d’un arrêt par ses médecins du renforcement de ses fausses croyances de souffrir d’une atteinte somatique, retient que le pronostic d’une reprise du travail est mauvais (cf. pièce 89 intimé, p. 10) et qu’une réintégration professionnelle nécessitera des collègues de travail très compréhensifs, rassurant et émotionnellement proches, ce qui apparait contradictoire, en tout cas en l'absence d’une explication plus soutenue.

Enfin, on ne peut qu’être étonné que l’expert se limite à retenir un trouble anxieux et dépressif mixte, lequel est un trouble psychique mineur, alors qu’il relève que la recourante est sujette à un traitement médicamenteux avec antidépresseur en doses complètes, mais que celui-ci n’a que peu d’impact sur les chutes de l’humeur dépressive, sans autres précisions. Sur ce point également, une motivation plus développée aurait été nécessaire.

Les éléments qui précèdent remettent en cause la force probante de l’analyse du Dr Q______, de sorte que la chambre de céans ne saurait se baser sur le rapport de celui-ci pour statuer sur les droits potentiels de la recourante.

En conséquence, il s’impose d’ordonner une expertise judiciaire.

9.             Il convient encore de définir l’objet de cette expertise et l’identité de l’expert judiciaire.

Au vu de l’historique médical de l’intéressée, il apparaît que ses troubles éventuels à la santé, et les éventuelles limitations fonctionnelles qui en résultent, sont de nature psychiatrique. Il convient donc d’ordonner une expertise psychiatrique.

Il s’ensuit que la réponse aux questions médicales qui se posent dans le cas d’espèce nécessite la désignation d’un médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

En conséquence, la désignation en tant qu’expert judiciaire du Dr V______, psychiatre et psychothérapeute, apparaît adéquate.

10.         Le rapport d’expertise du Dr V______ devra répondre aux exigences formelles et matérielles qui ressortent de la loi et de la jurisprudence.

10.1 En ce qui concerne le plan formel, le Tribunal fédéral a précisé dans un arrêt de principe que les experts nommés doivent établir le rapport d'expertise sous leur responsabilité directe, ce qui implique qu'ils réalisent personnellement les éléments fondamentaux constitutifs de l'expertise comme la prise de connaissance du dossier, l'analyse de celui-ci, l'examen de l'expertisé, l'appréciation du cas et la conception des conclusions de l'expertise ; l'assistance d'auxiliaires chargés d'effectuer des tâches secondaires comme des analyses techniques, des recherches ou des contrôles est toutefois possible, en revanche si les experts venaient à avoir besoin de l'assistance d'un autre expert spécialiste, ils devraient contacter la chambre de céans (ATF 146 V 9 consid. 4.2.1 et 4.2.2). Le nom de tout auxiliaire participant à l'expertise et dont l'appréciation peut influencer les conclusions de celle-ci doit être mentionné dans le rapport d'expertise et même annoncé aux parties dès que sa personne est certaine ; tel n'est en revanche pas le cas s'agissant des auxiliaires dont l'opinion n'a pas d'importance sur le résultat de l'expertise, comme par exemple les personnes effectuant uniquement des analyses de documents ou d'échantillons médicaux (ATF 146 V 9 consid. 4.2.3).

Depuis le 1er janvier 2022, l'art. 44 al. 6 LPGA, précisé par les art. 7k et 7l de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), prévoit que, sauf avis contraire de l'assuré, les entretiens entre l'assuré et l'expert font l'objet d'enregistrements sonores. Cette disposition ne trouve toutefois application qu'aux expertises administratives, et pas aux expertises judiciaires régies par l'art. 61 LPGA en lien avec le droit de procédure cantonal (ATAS/206/2022 du 9 mars 2022 consid. 7.1).

10.2 Sur le plan matériel, le rapport d'expertise devra respecter les exigences détaillées au considérant 7.1, soit en particulier se baser sur tous les éléments disponibles et notamment l'anamnèse et les déclarations de l'assurée, et inclure des conclusions claires et motivées. Les experts devront préciser dans quelle mesure leurs conclusions se basent sur des examens nouvellement réalisés dans le cadre de l'expertise ou sur des examens antérieurs (ATF 137 V 210 consid. 6.3.4).

L’expert devra mentionner et motiver quels diagnostics médicaux il retient (1) et quelles sont les limitations fonctionnelles qui en découlent (2). Sur cette base, il devra en outre donner son opinion quant à la capacité de travail de la recourante tant dans ses anciennes activités de repasseuse et d’aide de cuisine, que dans un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles, pour autant qu’un tel emploi existe sur le marché du travail théorique (marché équilibré du travail) (3).

10.3 Les éventuels diagnostics devront être basés sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM-11 ou la CIM-10.

Si l’expert psychiatre retient l’existence d’un trouble psychiatrique, il devra procéder à une analyse de la capacité de gain de la recourante selon la procédure d’évaluation structurée mise en place par le Tribunal fédéral (ATF 143 V 418 consid. 4.3 et 4.4 ; ATF 141 V 281 consid. 7.1 et 7.2 ; voir également : ATF 145 V 215 consid. 5.3.3). En principe, seul un trouble psychique grave est susceptible d’entrainer une incapacité de gain ; le cas échéant, il reviendra donc à l’expert de motiver de manière détaillée en quoi il existe des éléments qui permettent de conclure à une incapacité de travail de l’assurée en présence d’un trouble psychique de gravité inférieure (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 ; ATF 143 V 40 consid. 4.5.2).

Les indicateurs de la procédure structurée normative sont les suivants :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence.

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour ce diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 : arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3). Dans ce cadre, une coopération de l'assuré en vue de son intégration sur le marché du travail malgré son trouble est un indicateur important du caractère invalidant ou non dudit trouble : un échec de son intégration malgré sa coopération optimale est un indice important du caractère invalidant de l'atteinte à la santé de l'assuré, alors qu'une absence de coopération est un indice fort d'absence d'incapacité de gain (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Toute atteinte psychique à la santé différente de celle faisant l’objet de la procédure d’évaluation structurée de la capacité de travail et ayant un impact sur les ressources/capacités de l’assuré doit être prise en compte, y compris lorsqu’elle n’est pas invalidante en tant que telle (ATF 143 V 418 consid. 4.3.1.3 [réformant sur ce point l’ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3] ; voir également : arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social ; il faut cependant toujours veiller ne pas indemniser par ce biais une situation sans lien avec l'impact de l'atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). À l’inverse, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêts du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3 ; 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés par l’assuré, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2). Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours, en ce sens qu’il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie) (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation ; un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

11.         La question de l’entité débitrice des frais de l’expertise sera réglée avec la décision finale.

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise psychiatrique de Madame A______ et commet à cette fin le docteur V______, psychiatre et psychothérapeute, ______, 1225 Chêne-Bourg.

II. Dit que la mission de l’expert sera la suivante :

A.  Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.  Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, ainsi que des autres intervenants (experts, médecin-conseil du SMR).

C.  Examiner et entendre la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d’autres examens, en particulier un examen neuropsychologique.

D.  Établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.        Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.        Plaintes de la personne expertisée

3.        Status clinique et constatations objectives

4.        Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Préciser quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.5 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5.        Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic, respectivement dans quelle mesure les troubles diagnostiqués limitent-ils les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant les limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée)

5.1.1 Préciser si possible la date d’apparition de ces limitations

5.2 Les plaintes de l’assurée sont-elles objectivées ?

6.        Traitement

6.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

6.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

6.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?

6.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

6.5 En cas de dépendance à des substances psychoactives, une abstinence est-elle exigible ?

6.6 Quelle est la compliance de la personne expertisée au traitement médical et médicamenteux ? Confirmer la compliance médicamenteuse avec un dosage sanguin.

7.        Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

 

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8.        Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

9.        Cohérence

9.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou existe-il des atypies ?

9.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

9.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autres termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

9.4 Quels sont les niveaux d’activités sociales et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

9.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

10.    Capacité de travail

Sur la base des réponses aux questions précédentes, analyser la capacité de travail de l’assurée en indiquant son taux et l’évolution de celui-ci pour chaque diagnostic :

10.1 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

10.1.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

10.1.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite / nulle ?

10.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

10.2.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

10.2.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adapté ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

10.2.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

10.3 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

10.4 Quel est votre pronostic quant à la reprise d’une activité lucrative ?

11.    Appréciation d'avis médicaux du dossier

11.1 Êtes-vous d’accord avec les avis du docteur G______ du 21 juin 2019 et 29 juin 2021 ? Si non, pourquoi ?

11.2 Êtes-vous d'accord avec les avis du docteur O______ du 28 février 2019, 20 septembre 2019 et 14 décembre 2021 ? Si non, pourquoi ?

11.3 Êtes-vous d’accord avec les rapports d’expertise des docteurs Q______ et R______ du 8 mars 2021 ? Si non, pourquoi ?

12.    Quel est le pronostic ?

13.    Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles à votre avis envisageables ?

14.    Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

III. Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans dans un délai de quatre mois courant dès la réception de la présente ordonnance.

IV. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le