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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2162/2020

ATAS/77/2023 du 08.02.2023 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2162/2020 ATAS/77/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 février 2023

4ème Chambre

 

En la cause

CAISSE DE PENSION DE SCANIA SCHWEIZ AG, sise Steinackerstrasse 57, KLOTEN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andreas Matthias GNÄDINGER

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimés

Madame A______, domiciliée à MEYRIN

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1962, est titulaire d'un CFC d'employée de bureau acquis en 1984. De 1984 à 1999, l'assurée a travaillé comme employée de bureau auprès de concessionnaires/garages-automobiles. De 1999 à 2002, elle a tenu un commerce de tabac-journaux comme indépendante. De 2002 à 2005, elle a à nouveau travaillé comme employée de bureau auprès d'un concessionnaire/garage-automobiles. Son salaire s’est élevé à CHF 4'950.- par mois, versé treize fois par an, depuis le 1er avril 2004, soit CHF 64'350.- par an.

b. En date du 17 mai 2005, l'assurée a déposé une demande de prestations AI pour adulte auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l’intimé). Les atteintes invoquées étaient une hernie discale et une spondylodèse depuis 1995, une fibromyalgie depuis 2004 et une dépression de 1992 à 1999. L'assurée a demandé une orientation professionnelle, un reclassement dans une nouvelle profession ou une rééducation dans la même profession.

c. Selon rapport médical du 20 mai 2005 établi par le docteur A______, spécialiste FMH en médecine interne, à l'attention de l’assureur perte de gain en cas de maladie, les diagnostics retenus étaient un état dépressif aigu, des lombalgies chroniques, une fibromyalgie et des cervico-lombalgies chroniques. Le pronostic demeurait réservé et la capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle.

d. Dans un rapport médical du 14 juin 2005, le docteur B______, spécialiste FMH en neurochirurgie, a retenu les diagnostics de hernie discale L5-S1, opérée le 18 juillet 1995, d’instabilité lombaire et de sciatique opérée le 14 janvier 2000, et de récidive lombosciatique en octobre 2004 après une période d'accalmie. Ce médecin indiquait que l’incapacité de travail avait été totale du 18 octobre 2004 jusqu'au 29 novembre 2004, puis de 50 % dès cette date jusqu’au le 29 novembre 2004, nulle dès le 23 décembre 2004, puis à nouveau entière, dès le 14 février 2005, étant précisé que, « sauf erreur », c’était désormais le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie qui établissait les certificats d’incapacité de travail. Le Dr B______ a encore précisé que la situation s’aggravait et était devenue progressivement incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle même à temps partiel, notamment du fait des douleurs lombaires chroniques sévères. À son avis, l’incapacité de travail de 100 % était définitive et pleinement justifiée.

e. Sur demande de l’OAI, le Dr C______ a rempli un rapport médical le 9 avril 2006. Il y a indiqué avoir vu l’assurée le 22 février 2005 « pour une unique consultation ». Il a retenu, comme diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail, une fibromyalgie et un état dépressif, existant depuis 2005. Comme diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, il a fait état d’une hernie discale et d’une spondylodèse. Depuis 2004, il y avait eu une apparition de douleurs diffuses touchant les genoux, les coudes, les épaules et les mains notamment, non accompagnées de tuméfaction. Sous l’angle rhumatologique, l'activité habituelle était encore exigible sans diminution de rendement.

f. Dans un rapport du 25 septembre 2006, le Dr B______ a relevé que l'état de santé était resté stationnaire depuis le 14 février 2005, les diagnostics demeurant inchangés. La capacité de travail, décrite comme nulle en tant qu'employée de bureau, n’était pas évaluée dans une activité adaptée. Un retour au travail n’était pas envisageable, même ultérieurement, en raison de la lombosciatalgie chronifiée.

g. Dans un avis du 10 janvier 2007, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne auprès du service médical régional AI (ci-après: le SMR), a proposé la mise en œuvre d'une expertise auprès du centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (ci-après: le COMAI), afin de s'assurer des atteintes à la santé de l'assurée et des possibles limitations fonctionnelles sur le plan somatique et/ou psychique. Le Dr D______ relevait notamment que le Dr B______ attestait d’une capacité de travail nulle dans toute profession, sans qu’aucun élément convaincant ne soit présenté à cet égard.

h. En date du 11 mai 2007, le COMAI a rendu son rapport d’expertise, rédigé par les docteurs E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et F______, spécialiste FMH en rhumatologie, ainsi que Monsieur G______, neuropsychologue FSP. Les experts ont retenu un syndrome vertébral sévère séquellaire à deux interventions chirurgicales comme diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail. Au titre de diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, figuraient une gonarthrose droite, une fibromyalgie, un status après ablation des quatre ménisques, un status après recentrage de la rotule gauche, une personnalité borderline et un épisode dépressif avec symptômes somatiques d'intensité légère à moyenne. L'activité d’employée de bureau exercée jusqu'à présent était exigible à raison de 4 heures par jour sur le plan somatique, et de 100 % sur le plan psychique, sans diminution de rendement. L'incapacité de travail d'au moins 20 % existait depuis 1995. Depuis 2005, l'incapacité de travail était totale. Enfin, d'autres activités n’étaient pas exigibles de la part de l'assurée et des mesures de réadaptation professionnelle n’étaient pas nécessaires, dès lors qu'elle pouvait travailler à 50 % dans son activité d'employée de bureau.

i. Par pli du 3 juillet 2007, le SMR a demandé au COMAI quel était le code diagnostic de la CIM-10 pour un syndrome sévère séquellaire à deux interventions chirurgicales, pourquoi au point B2 du rapport, les experts avaient retenu, contrairement à leur précédente conclusion, une incapacité totale de travail sur le plan psychique, pourquoi, en page 22 du rapport, était retenue une incapacité de travail totale sur le plan somatique, en contradiction avec leurs précédentes conclusions (capacité de travail de 50 %), ainsi que des précisions sur l’évolution de la capacité de travail depuis le début de l'atteinte à la santé dans la profession antérieure et dans une profession adaptée.

j. Le COMAI a répondu au SMR le 24 août 2007. Le syndrome sévère séquellaire à deux interventions chirurgicales concernait l'ensemble des diagnostics ayant une influence sur la capacité de travail. La capacité de travail était bien entière sous l’angle psychique. Le COMAI a encore précisé, quant à l’évolution de la capacité de travail depuis 2005 : « il a été mentionné une incapacité de travail de 100 % sur le plan somatique, elle était subjective pour l'assurée et objective pour le médecin traitant. Le rhumatologue estime qu'il n'a pas les documents qui lui permettent d'avoir une appréciation rétroactive pertinente ».

k. Dans un avis du 10 septembre 2007, le SMR a relevé que l'état clinique de l'assurée ne s'était pas aggravé entre l'examen du Dr C______ en 2005 et celui du Dr F______ en 2007. Il s'agissait donc d'une appréciation différente d'une situation identique. Selon le médecin du SMR, l'incapacité de travail était entière du 18 octobre 2004 au 28 novembre 2004, de 50 % du 29 novembre 2004 au 22 décembre 2004, et nulle dès le 23 décembre 2004. Dès cette date, l'activité d'employée de bureau était exigible.

l. En date du 17 septembre 2007, l'OAI a notifié à l'assurée un projet de décision, lui niant le droit à des mesures de reclassement, au motif que sa capacité de travail, tant sur le plan somatique que psychique, était entière depuis le 23 décembre 2004.

m. L'assurée a contesté, par pli du 17 octobre 2007, le projet de décision précité. Selon elle, il était en contradiction avec les conclusions du Dr F______, qui retenait une capacité de travail de 50% dans une activité assise avec possibilité de changer fréquemment de position et sans port de charges. De plus, ce médecin n'avait pas tenu compte de la médication lourde qu'elle devrait prendre pour pouvoir travailler, soit une prise quotidienne importante de Tramal avec pour conséquence une perte de concentration bien connue. L'expertise avait été effectuée alors qu'elle n'exerçait pas d'activité professionnelle et qu'elle pouvait ménager tant ses efforts physiques au minimum que sa prise de médicaments au strict nécessaire. L'assurée concluait à un complément d'expertise auprès du Dr F______ sur ce point. Elle estimait que sa capacité de travail était nulle, de sorte qu'une rente entière devait lui être octroyée.

n. Par avis du 1er novembre 2007, le Dr B______ a indiqué que suite à un nouvel examen de la situation lombaire effectué le 16 octobre 2007, l'assurée présentait un rétrécissement du segment canalaire L3-L4, au-dessus du segment qui avait été fixé sept ans auparavant. Devant la sévérité des douleurs au niveau du membre inférieur gauche, un élargissement chirurgical du canal avec restabilisation du segment sus-jacent devait être effectué d'ici au début de l'année 2008. Vu la sévérité des lésions et des douleurs, la capacité de travail de l'assurée était nulle.

o. Selon avis médical du SMR du 14 novembre 2007, au vu des divergences sur le plan rhumatologique, il était proposé la mise en œuvre d'une expertise auprès du docteur H______, spécialiste FMH en rhumatologie. L'expert devait se prononcer sur l'état de santé actuel de l'assurée, sur sa médication et sur les avis précédents, notamment ceux des Drs C______ et F______.

p. L'assurée a subi une intervention importante au niveau de son rachis lombaire (laminectomie L3-L4 avec fixation L3-L4 et AMO de L4-S1) le 11 janvier 2008.

q. Dans un rapport du 15 avril 2008, le Dr B______ a indiqué que l'état de santé était stationnaire, les diagnostics demeurant inchangés. La capacité de travail était nulle comme employée de bureau.

r. Le 23 juin 2008, le Dr H______ a rendu son rapport d'expertise, retenant comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail, un syndrome poly-insertionnel douloureux récurrent (fibromyalgie), un syndrome de fatigue chronique, des gonalgies récurrentes (gonarthrose bi-compartimentale externe droite et status post-arthrotomie et méniscectomie en 1975 à gauche et en 1976 à droite et arthroscopie droite en 2006), et des lombo-pygialgies récurrentes sans signe radiculaire irritatif ou déficitaire (status post-cure de hernie discale L5-S1 en 1995, status post-spondylodèse L4-S1 en 2000 et status post-laminectomie L3-L4, fixation L3-L4 et AMO L4-S1 en 2008). Les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail étaient un syndrome anxio-dépressif probable sous traitement antidépresseur depuis 1995, une hypothyroïdie substituée, un reflux gastro-œsophagien, une insuffisance cardiaque sur valvulopathie aortique et mitrale modérée anamnestique. Les limitations fonctionnelles retenues étaient le port de charges au-dessus de 3 kg, les montées et descentes répétitives de plans inclinés, ainsi que l’impossibilité d’alterner les positions assises ou debout.

Concernant la capacité de travail, le Dr H______ a indiqué successivement dans les conclusions de son rapport (p. 13) que la capacité de travail, dans l’activité antérieure de vendeuse indépendante dans un bureau de tabac, était estimée à 50 %, dès lors que l’assurée devait porter à plusieurs reprises de lourdes charges ; que dans sa dernière activité d'employée de bureau dans un garage, sa capacité était de 60 à 70 %, considérant qu'elle devait rester assise de manière prolongée devant un ordinateur ; que dans une activité adaptée, d'un point de vue médico-théorique, la capacité de travail était de 100 % dès juillet 2008, soit six mois après la dernière opération ; que depuis octobre 2004, l'assurée présentait une diminution de sa capacité de travail d’au moins 20 %, devenue totale depuis décembre 2004.

s. Par avis médical du 18 juillet 2008, le SMR, soit pour lui la doctoresse I______, a indiqué qu’eu égard aux conclusions du Dr H______, le rapport du SMR du 10 septembre 2007 était parfaitement valable avec, comme seul bémol, que dans le poste où l'assurée exerçait auparavant, la capacité de travail n'excédait pas 60 à 70%, mais dans toute activité d'employée de bureau adaptée, l'exigibilité était entière.

t. Le 6 octobre 2008, l'OAI a notifié à l'assurée une décision de refus de prestations, se fondant sur le rapport d'expertise du Dr H______ du 23 juin 2008 et sur l'avis SMR du 18 juillet 2008. Ainsi, la capacité de travail de l'assurée était entière dans un poste d'employée de bureau adapté à son atteinte à la santé. Le taux d'invalidité était de 14,3%, après comparaison des gains selon le calcul suivant :

-      revenu sans invalidité : CHF 64'350.- (salaire que l'assurée aurait touché sans atteinte à la santé)

-      revenu avec invalidité : CHF 55'171.- (salaire dans une activité adaptée selon l’ESS 2005, TA1, tous secteurs confondus, niveau 3, abattement de 10%)

soit une perte de gain de CHF 9'179.- et un degré d'invalidité de 14,3%.

B. a. Le 12 novembre 2008, l'assurée a recouru auprès du Tribunal des assurances sociales contre cette décision, et a produit un avis médical du Dr A______ du 10 novembre 2008. Selon ce médecin, le Dr C______ ne pouvait être considéré comme un expert impartial, puisqu'il n'avait vu la recourante qu'une fois brièvement en vue d'exclure une maladie rhumatismale inflammatoire, et non pour évaluer sa capacité de travail. De plus, l'assistante médicale du Dr C______ travaillait avec son mari et faisait la comptabilité du garage avec lequel l’assurée avait eu un grave conflit d'intérêt. En conclusion, le SMR avait par deux fois désavoué les deux experts qu'il avait lui-même mandatés. Au vu de ces éléments, l’assurée concluait à l'annulation de la décision querellée et à la constatation qu’elle présentait un degré d'invalidité supérieur à 20%, ce qui lui donnait droit à des mesures de reclassement.

b. Suite à la suspension de l’instruction et une rencontre entre les parties, l’OAI a proposé, dans un rapport de réadaptation professionnelle du 23 juin 2009, de mettre sur pied une rééducation dans la même profession (domaine administratif) accompagnée d'une adaptation du poste de travail, à l'aide de moyens auxiliaires, auprès de l'entreprise d'entraînement Ouistart (ci-après: EEO).

c. Le 23 septembre 2009, l'intimé a adressé à l’assurée une communication relative à l'octroi de moyens auxiliaires (adaptation du poste de travail). Le même jour, une seconde communication lui a été adressée concernant l'octroi de mesures professionnelles auprès d'EEO pour un réentraînement au travail dans la même profession du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2009.

d. La mesure auprès d’EEO a été interrompue, l’assurée ayant bien commencé son réentraînement le 5 octobre 2010, mais n'étant pas revenue le lendemain. Elle avait commencé un traitement ambulatoire auprès du Centre de thérapie brève pour trois à six semaines et doutait de ses capacités, à court terme, de pouvoir suivre une mesure auprès d’EEO dont l'environnement était trop proche de l'économie primaire pour être supporté pour le moment. Sur la base de ces éléments, l’OAI a proposé, dans son rapport de fin de mesure du 9 novembre 2009, de recourir, dans un premier temps, à un stage d'orientation auprès de la Fondation PRO avec pour objectifs, outre l'orientation, de permettre à l'assurée de reprendre pied dans la vie active et d'avoir un cadre aussi structurant que bienveillant. Si le stage s'avérait concluant au niveau des capacités de l'assurée à essayer un retour sur le marché primaire de l'emploi, une nouvelle participation auprès d’EEO pourrait être envisagée. L'assurée se disait prête à tenter la démarche au terme de son traitement ambulatoire.

e. Par communication du 16 mars 2010, l’OAI a octroyé à l'assurée une mesure professionnelle sous la forme d’un réentraînement au travail auprès de la Fondation PRO, du 12 avril au 9 juillet 2010.

f. Le 23 avril 2010, il a été mis fin aux mesures d'ordre professionnel. En effet, l’assurée ne s'était pas présentée le premier jour du stage auprès de la Fondation PRO et avait fait savoir qu'elle était en arrêt de travail pour une durée indéterminée. Elle avait expliqué avoir été prise de fortes douleurs et de crises de panique à l'idée de débuter le stage, ne se sentant pas prête pour une réadaptation. Le Dr A______ avait confirmé que l'assurée avait décompensé tant sur le plan physique que psychique à la simple expectation du prochain début du stage. Ainsi, selon l'OAI, l’assurée n'était pas apte à la réadaptation pour des raisons qui restaient à objectiver sur le plan médical.

g. Suite à la reprise de l’instruction de la cause, l’assurée a indiqué, dans son écriture du 30 juin 2010, être dans l'attente d'un rapport médical du Dr A______. Sur le plan psychologique, elle avait besoin de temps. Sur le plan physique, elle devrait prochainement subir une nouvelle intervention au dos, une vis étant sortie de son logement. Elle a conclu au renvoi de la cause à la fin de l'année, à la mise en œuvre d'une expertise et à l'octroi d'une rente AI à 50 %.

h. Le 20 juillet 2010, l’assurée a produit un avis médical du Dr A______ daté du même jour dont il ressortait que, depuis le mois d'octobre 2009, son état de santé psychique s'était progressivement détérioré, entre autres en raison des décès de son frère cadet et de sa mère. Il existait chez l’assurée un fond dépressif masqué que les événements précités étaient venus aggraver. Elle était actuellement suivie à la consultation psychiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG). Parallèlement, son état de santé physique s'était dégradé. L’assurée avait subi la pose d'une prothèse du genou droit en date du 15 juillet 2010. Concernant la colonne lombaire, l’assurée devait subir une nouvelle intervention pour enlever une des quatre vis qui s'était cassée en deux et qui générait des douleurs importantes à la mobilisation du rachis. L’intéressée restait très motivée pour reprendre une activité adaptée, mais n'était clairement pas en mesure de le faire pour plusieurs mois. Durant cette période, sa capacité de travail demeurait nulle. Selon le Dr A______, la problématique psychiatrique était beaucoup plus importante et elle était susceptible d'interférer sur sa capacité future de travailler. Ce n'était que tout récemment que l’assurée avait pu verbaliser ses difficultés psychiques et qu'elle avait souhaité un nouveau suivi psychiatrique au centre de thérapie brève (ci-après : CTB). L’assurée concluait à la mise en œuvre d'une expertise sur les plans psychique et physique et à l'octroi d'une rente d'invalidité.

i. Dans son écriture du 10 août 2010, l'intimé a relevé que la péjoration de l'état de santé psychique évoquée par l’assurée était une atteinte nouvelle, soit postérieure à la décision querellée du 6 octobre 2008.

j. Par arrêt du 1er décembre 2010, le Tribunal cantonal des assurances sociales (ATAS/1258/2010) a admis partiellement le recours, annulé la décision du 6 octobre 2008 et renvoyé le dossier à l’intimé pour mise en œuvre d’une nouvelle expertise pluridisciplinaire, soit psychiatrique, rhumatologique et neurochirurgicale. Les experts devraient se prononcer expressément sur les expertises du COMAI et du Dr H______ ainsi que sur les avis des médecins traitants, en précisant pourquoi ils avaient suivi l'un ou l'autre des avis, ou encore les avaient écartés. De plus, il était nécessaire, dès lors qu'un diagnostic de fibromyalgie avait été posé, que les critères jurisprudentiels relatifs à ce type d'atteinte soient expressément examinés par les experts. Enfin, il convenait que les experts se prononcent sur les éventuelles aggravations présentées par l’assurée, tant sur le plan somatique que psychiatrique, notamment eu égard à l'échec de la tentative de réentraînement.

C. a. L’assurée a subi une arthroplastie totale du genou le 12 janvier 2012.

b. Le 4 juin 2012, le docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a attesté que l’assurée se trouvait toujours en convalescence post-opératoire.

c. Le 3 octobre 2012, l’assurée a informé l’OAI que son médecin généraliste, le Dr A______, avait changé de spécialisation et l’avait adressée à la doctoresse K______, spécialiste en médecine interne FMH, médecine psychosociale et psychosomatique AMPP. D’autre part, le Dr B______ étant décédé le 21 juin dernier, le docteur L______, neurochirurgien FMH, avait repris son dossier médical.

d. Par rapport du 31 octobre 2012 relatif à une consultation de la veille, le Dr L______, a indiqué qu’au vu des différents examens pratiqués (scintigraphie et IRM), une pseudarthrose L3-L4 semblait se confirmer. Dans la mesure surtout où un déséquilibre rachidien important avec une projection de la ligne de plomb C7 avant des têtes fémorales était visible, il estimait qu’une nouvelle intervention visant à reprendre la fixation et à corriger la lordose était nécessaire à l’amélioration de la situation. Il s’agirait d’un geste chirurgical relativement lourd, de près de six heures, avec des pertes sanguines qui pouvaient être importantes.

e. Le 30 novembre 2012, la Dresse K______ a indiqué que les diagnostics avec effet sur la capacité de travail de sa patiente étaient un trouble dépressif majeur, épisode récurrent (F33.9), un trouble panique avec agoraphobie (F40.0), un trouble de la personnalité type borderline (F60.3), des lombosciatalgies chroniques, un status post-spondylodèse L4-S1 en 2000, un status post-laminectomie L3-L3, fixation L3-L4 et AMO L4-S1 en 2008, une pseudarthrose L3-L4 et un status post-prothèse totale du genou droit en 2012. Elle suivait l’assurée depuis le 7 août 2012 et ne l’avait vue qu’à deux reprises. Ses plaintes spontanées étaient avant tout des douleurs diffuses et des lombalgies très invalidantes pour lesquelles le Dr L______ préconisait une nouvelle intervention chirurgicale. Elle vivait actuellement une période d’instabilité affective difficile, se sentait mal et agressive, ses parents étant hospitalisés. Elle vivait repliée chez elle en compagnie de ses quatre chats, avait très peur des contacts sociaux, en dehors d’une amie d’enfance, et décrivait de très grandes angoisses devant l’éventualité d’un travail de groupe. Son anxiété rendait difficile l’intervention d’un suivi psychiatrique régulier dont elle aurait besoin. Une expertise psychiatrique détaillée était nécessaire. L’assurée était incapable de rester longtemps dans la même position et de porter des charges et rencontrait des difficultés de concentration. L’activité exercée n’était pas exigible et le rendement était décrit comme nul.

f. Le 29 avril 2013, le Dr L______ a procédé sur l’assurée à une ostéotomie soustractive par voie transpédiculaire L3 avec fixation postérolatérale D10-S1.

g. Par rapport du 18 août 2013, le Dr L______ a fait état des diagnostics suivants avec effet sur la capacité de travail : insuffisance mitrale et aortique, deux interventions pour prothèse droite (2010-2012), quatre interventions pour embolie depuis 2002. L’assurée était totalement incapable de travailler dans l’activité d’employée de bureau avec une dyspnée à l’effort, des difficultés à maintenir la posture et une médication importante. Une nouvelle évaluation se ferait à un an de la dernière opération, soit en avril 2014, mais il était peu probable que l’assurée puisse un jour reprendre une activité lucrative.

h. Selon un rapport établi le 3 septembre 2013 par le Dr J______, l’état de l’assurée était resté stationnaire avec « ptg [prothèse totale du genou droit] en place, sans complication, bonne mobilité, douleurs occasionnelles à l’effort ». Le dernier examen médical datait du 3 septembre 2013. Pour le genou droit, l’état était stationnaire depuis le 4 juin 2012. Les limitations fonctionnelles étaient : « f/e 125-5-0-accroupie ou à genoux possible, escaliers difficiles ». Il n’y avait pas de traitement en cours. La capacité de travail était limitée par les problèmes de dos de l’assurée (spondylodèse étendue le 29 avril 2013 Dr L______).

i. Le 15 janvier 2014, l’OAI a informé l’assurée de ce qu’il entendait mandater, de manière aléatoire, un centre d’expertise afin qu’il mette en œuvre une expertise pluridisciplinaire (rhumatologique, orthopédique, neurochirurgical, psychiatrique et médecine interne).

j. Le 25 juillet 2015, l’OAI a informé l’assurée que son mandat avait été attribué à la clinique Corela.

k. Désignée par la plateforme SuisseMED@P pour procéder à l’expertise, la clinique Corela a informé l’OAI, en date du 28 septembre 2015, qu’elle ne pouvait pas traiter son mandat, en raison d’un manque de ressources.

l. Le 8 octobre 2015, l’OAI a réitéré le mandat sur la plateforme SuisseMED@P.

m. Le 7 novembre 2015, le Dr L______ a indiqué à l’OAI que depuis son dernier rapport du 18 août 2013, la situation de l’assurée n’avait pas évolué favorablement en raison d’une pseudarthrose lombaire pour laquelle elle avait dû être réopérée le 13 juillet 2015. Elle ne pouvait plus assumer d’activité lui permettant de subvenir à ses besoins et devait toucher une rente complète.

n. Le 17 août 2017, le Dr J______ a rappelé qu’en ce qui concernait le genou droit de l’assurée, une prothèse totale du genou droit avait été posée le 12 janvier 2012, en remplacement d’une prothèse unicompartimentale mise en 2010. Depuis lors, la patiente se plaignait de douleurs irrégulières, parfois vives, ainsi que de blocages de ce genou. À la dernière consultation, le 15 août 2017, le genou était tout à fait calme, sans aucun signe inflammatoire, ni épanchement. La mobilité était de 130-0-0 avec une bonne stabilité ligamentaire. Les radiographies ne montraient aucun signe d’ostéolyse ou de descellement. En conclusion, les douleurs évoquées pouvaient bien être des phénomènes de surcharge liées aux phénomènes rachidiens majeurs (spondylodèse étendue).

o. Le 26 octobre 2017, l’OAI a informé l’assurée que suite à la réception de nouveaux renseignements médicaux, il allait supprimer le volet orthopédique du mandat d’expertise pluridisciplinaire.

p. Le 27 septembre 2018, le SMR a rappelé qu’une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée avait été retenue par les experts du COMAI de Nyon en 2007, en raison d’un syndrome vertébral sévère séquellaire de deux opérations au niveau du rachis lombaire (2000 et 2005). Comme autres atteintes à la santé sans impact sur la capacité de travail, un épisode de dépression d’intensité légère à moyenne et une gonarthrose bilatérale prédominante à droite avaient été retenus. Depuis 2007, l’assurée avait subi quatre interventions chirurgicales lourdes, en 2010 et 2012 au niveau du genou droit et en 2013 et 2015 au niveau du rachis lombaire. En outre, elle présentait d’autres comorbidités (asthme, diabète de type II non insulino-traité, valvulopathie aortique et mitrale et sténose carotidienne gauche de 80 %). L’état de santé de l’assurée ne s’était pas amélioré depuis le dépôt de la demande. En conséquence, la mise en place d’une deuxième expertise pluridisciplinaire afin de compléter l’instruction et conclure n’était pas nécessaire. Le SMR estimait qu’aucune capacité de travail n’était exigible depuis février 2005.

q. Par projet de décision du 27 novembre 2018, l’OAI a reconnu à l’assurée, dès le 1er février 2006, le droit à une rente entière d’invalidité, la considérant totalement incapable de travailler dans toute activité dès février 2005. Le taux d’incapacité de travail de 100 % se confondait avec le degré d’invalidité et ouvrait le droit à une rente à l’issue du délai d’attente, le 1er février 2006.

r. La caisse de pension de Scania Schweiz AG (ci-après : la caisse ou la recourante) a formé opposition au projet de décision de l’OAI. Le 1er décembre 2010, le Tribunal des assurances sociales avait renvoyé la cause à l’OAI pour nouvelle évaluation pluridisciplinaire. De 2010 à 2018, toutes les tentatives de l’OAI d’initier une expertise avaient échoué. Le 27 septembre 2018, il avait finalement proposé à l’assurée de supprimer le mandat d’expertise initial et de statuer sur la base de l’ensemble des documents recueillis dans le dossier. Ce procédé ne convainquait pas, surtout si on tenait compte du fait que l’OAI avait initialement constaté, en 2007, une incapacité de travail insuffisante et rejeté la demande de l’assurée. Les rapports au dossier n’étaient clairement pas suffisants pour prétendre à un degré d’invalidité de 100 %.

s. Le 13 novembre 2019, le SMR a estimé sur la base des documents médicaux au dossier que, comme l’indiquait le Dr A______, l’état de santé de l’assurée sur le plan somatique et psychiatrique s’était clairement aggravé dès octobre 2009, avec une incapacité totale depuis lors. La situation médicale n’avait fait que se détériorer depuis cette date avec l’apparition de nouvelles atteintes.

t. Par décision du 10 juin 2020, l’OAI est partiellement revenu sur les termes de son projet initial et a finalement reconnu à l’assurée le droit à une demi-rente sur la base d’un taux d’invalidité de 50 % dès le 1er février 2006 et a augmenté son droit à une rente entière d’invalidité, dès le 1er février 2008.

D. a. Le 14 juillet 2020, la caisse a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, reprenant en substance les griefs déjà évoqués dans sa contestation du projet de décision. La caisse ne comprenait pas comment une capacité de travail de 50 % dans toute activité du 2 février 2005 au 31 octobre 2007 et une capacité de travail nulle dès le 1er janvier 2007, date d’aggravation de l’état de santé, avaient pu être établies par l’OAI sans avoir effectué les expertises médicales nécessaires. Cela était d’autant plus incompréhensible que la chambre de céans avait déjà constaté en 2010 que les bases médicales n’étaient pas suffisantes pour justifier une invalidité au sens légal. À l’heure actuelle, la nature et l’intensité des plaintes ayant pu mener à une incapacité de travail n’étaient pas claire, tout comme le moment auquel elles seraient apparues. Il n’était pas non plus possible d’établir, à satisfaction de droit, quelles plaintes avaient causé une incapacité de travail, ni d’ailleurs à partir de quand. L’instance inférieure n’avait donc toujours pas accompli son obligation d’examiner l’état de fait conformément aux exigences légales applicables.

En conséquence, la recourante concluait à la mise à néant de la décision du 10 juin 2020 et au renvoi du dossier à l’OAI pour complément d’instruction.

b. Par réponse du 18 septembre 2020, l’intimé a conclu au rejet du recours. Malgré ses tentatives de mise en place de l’expertise ordonnée par la chambre de céans, la spécificité du dossier avait induit un délai d’attente disproportionné et insoutenable dans l’attribution du mandat d’expertise, de sorte qu’il avait dû prendre les mesures nécessaires pour rendre une décision. La mise en place d’une éventuelle expertise plus de dix ans après les faits pertinents revenant pour l’essentiel à une étude approfondie du dossier, cette tâche avait pu être confiée au SMR, afin de pouvoir rendre une décision quinze ans après le dépôt de la demande.

c. Par réplique du 19 novembre 2020, la caisse a persisté dans ses conclusions.

d. Par ordonnance d’expertise du 20 octobre 2021(ATAS/1063/2021), la chambre de céans a ordonné une expertise pluridisciplinaire de l’assurée en psychiatrie et psychothérapie, rhumatologie et neurochirurgie, qu’elle a confiée aux docteurs M______, N______ et O______.

e. Les rapports relatifs aux différents volets de l’expertise ainsi que l’appréciation multidisciplinaire consensuelle du cas ont été adressés au greffe au début du mois de juin 2022.

f. L’expert rhumatologue a considéré que, sous l’angle de sa spécialité, la capacité de travail était entière et l’avait toujours été (sous réserve des 3 mois ayant suivi la chirurgie de mise en place de la prothèse du genou droit), dans toute activité respectant les limitations fonctionnelles suivantes : pas de positions assise ou debout prolongées, pas de position agenouillée, pas de marche en terrain accidenté, pas de montée ni de descente d’échelles et d’échafaudages. Le Dr O______ a pour le surplus retenu les diagnostics de diabète non insulino-dépendant stabilisé, d’hypercholestérolémie stabilisée, d’asthme stabilisé, de fibromyalgie et de status post prothèse totale du genou droit stable. Du point de vue rhumatologique, aucun de ces diagnostics n’était considéré incapacitant.

g. Dans le cadre de la mise en œuvre du volet neurochirurgical, le Dr N______ a procédé à divers examens complémentaires, soit une IRM de la colonne lombaire, des radiographies EOS colonne totale, un scanner dorsolombaire et une ENMG des membres inférieurs. Il a retenu comme diagnostics une défaillance jonctionnelle proximale à une ancienne spondylodèse D10-S1 avec hypolordose lombaire à 35° pour une incidence pelvienne à 40° et une SVA positive à 76 mm, une ancienne fracture probablement de stress de la vertèbre L4 avec discret listhésis dans un contexte d'ostéotomie de cette vertèbre, une radiculopathie lombosacrée séquellaire/neuropathique à prédominance gauche, un syndrome du dos rebelle à la chirurgie (failed back surgery syndrom - FBSS), une hernie de la paroi latérale gauche abdominale post-chirurgicale et un syndrome vertébral sur troubles dégénératifs, iatrogènes et posturaux. Le degré de ces pathologies oscillait entre moyen et grave, avec un impact sur le quotidien, tant au niveau professionnel que personnel. La situation s’était visiblement dégradée dès 2004, sans qu’il ne soit possible de l’apprécier sur la base de constats objectifs avant novembre 2007. Au vu du dossier, le spécialiste a néanmoins estimé que, dès octobre 2004, il avait existé, dans l’activité habituelle, une incapacité de travail de l’ordre de 75 %. Celle-ci était devenue totale à partir de l’opération du 11 janvier 2008.

Dans une activité assise, avec possibilité de changer fréquemment de position et sans port de charge, l’incapacité de travail était évaluée entre 50 % et 75 % (en fonction de l’intensité des douleurs), d’octobre 2004 à décembre 2007, puis à 75 % dès l’opération de janvier 2008.

h. Sous l’angle psychiatrique, le Dr M______ a retenu les diagnostics d’agoraphobie avec trouble panique (F40.01) qualifié de sévère, de dépendance au tabac (F17.2), de trouble dépressif récurrent en rémission (F33.4), de syndrome de dépendance à l’alcool (F10.20) en phase d’abstinence. Il a également relevé une fragilité de la personnalité se manifestant par une accentuation de certains traits problématiques de la personnalité (Z73.1), sans toutefois que le seuil clinique d’un véritable trouble de la personnalité ne soit atteint. Les troubles étaient présents depuis au moins 30 ans pour les plus récents. L’état psychique s’était aggravé entre 2009 et 2011 avant de se stabiliser par la suite, au prix d’un repli social majeur. L’assurée continuait cependant à prendre un traitement antidépresseur à visée également anxiolytique, dont elle bénéficiait déjà depuis plus de 20 ans.

Les traits problématiques de l’expertisée (impulsivité, dépendance, difficulté dans la gestion des relations), peu dommageables au quotidien au vu de son repli social limitaient vraisemblablement les perspectives de réadaptation dans le cadre d’un retour sur le marché du travail. Dans ces circonstances et du point de vue psychiatrique uniquement, la capacité de travail était considérée nulle dans une activité d’employée de bureau et d’au maximum 50 % dans une activité adaptée.

i. Les experts ont finalement procédé à l’appréciation consensuelle et pluridisciplinaire du cas. Ils ont considéré que les limitations fonctionnelles d’ordre physique (douleurs et limitations de la mobilité) et d’ordre psychique (comportement d’évitement, anxiété anticipatoire, diminution des capacités adaptatives) se renforçaient mutuellement. En prenant en compte toutes les atteintes, la capacité de travail dans l’activité habituelle était de 25 % entre octobre 2004 et décembre 2007, puis nulle dès janvier 2008. Dans une activité adaptée aux différentes limitations fonctionnelles, elle s’élevait à 20 % depuis janvier 2008.

j. Par courrier du 28 juin 2022, l’intimé a souscrit aux conclusions des experts. Il a produit un avis du SMR du 16 juin 2022 les considérant bien fondées et établies conformément aux règles de l’art, après mise en œuvre des examens cliniques pertinents et analyse en profondeur de la situation.

k. Le 23 juin 2022, la recourante a également adressé ses conclusions après expertise à la chambre de céans. En substance, elle a reconnu la valeur probante de l’expertise et admis ses conclusions à partir de janvier 2008. Pour ce qui était d’octobre 2004 à décembre 2007, il ressortait en revanche du volet neurochirurgical de l’expertise (p. 6) qu’il était difficile d’évaluer la situation médicale, à défaut de résultats objectifs pour cette période. En l’absence de tels éléments, l’évaluation de la capacité de travail par l’expert en neurochirurgie était spéculative jusqu’à l’aggravation, attestée et objectivée, de l’état de santé de l’assurée, dès l’opération de janvier 2008. Avant cela, aucune atteinte importante à la santé ayant des conséquences sur la capacité de travail n’était établie au niveau de preuve requis de la vraisemblance prépondérante. Partant, du point de vue neurochirurgical aucune incapacité de travail ne pouvait être reconnue entre le 22 décembre 2004 (fin de l’incapacité de travail couverte par le certificat du 14 juin 2005 du Dr B______) et janvier 2008. Une rente pouvait ainsi uniquement être versée à partir de janvier 2009, correspondant à la fin du délai d’attente d’une année depuis la détérioration déterminante de l’état de santé. La recourante a finalement requis que l’intimé soit condamné au paiement de tous les dépens, y compris les frais d’expertise.

l. Par pli du 7 septembre 2022, l’intimé a maintenu que les conclusions du Dr N______ relatives à la capacité de travail de l’assurée d’octobre 2004 à décembre 2007 devaient se voir reconnaître pleine valeur probante, ce notamment au vu du contenu du rapport médical du Dr B______ du 1er novembre 2007 dont la recourante faisait totalement abstraction et qui attestait d’une aggravation antérieure objective de la situation lombaire.

m. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les modifications de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 21 mars 2003 (4ème révision), du 6 octobre 2006 (5ème révision) et du 18 mars 2011 (révision 6a), entrées en vigueur le 1er janvier 2004, respectivement, le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2012, entraînent la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'assurance-invalidité. Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b; ATF 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

En l'espèce, la décision litigieuse du 10 juin 2020 est postérieure à l'entrée en vigueur des modifications de la LAI suscitées. Par conséquent, du point de vue matériel, le droit éventuel à des prestations d'invalidité doit être examiné au regard des modifications de la LAI consécutives aux 4ème, 5ème et 6ème révisions de cette loi, dans la mesure de leur pertinence (ATF 130 V 445 et les références ; voir également ATF 130 V 329).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.             Le litige porte sur le droit de l’assurée à une rente d'invalidité suite à sa demande du 17 mai 2005.

5.             D'après l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération.

Ce moment doit être déterminé objectivement, d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF 126 V 5 consid. 2b et 157 consid. 3a; ATF 118 V 79 consid. 3a et les références).

5.1 En ce qui concerne la rente d'invalidité, la survenance du cas d’assurance correspond, en règle générale, à l’ouverture du droit à la rente. Sous l’empire de l'art. 29 aLAI (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007), la naissance du droit à la rente était réglée de manière différente selon que l’on avait affaire à une invalidité dite permanente ou à une longue maladie. Ainsi, en cas d’invalidité permanente, le droit à la rente naissait à partir du moment où l'assuré avait présenté une incapacité de gain durable de 40% au moins (art. 29 al. 1 let. a aLAI), et en cas de longue maladie, lorsqu’il avait présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40% au moins pendant une année sans interruption notable (art. 29 al. 1 let. b aLAI). Lors de la 5ème révision de l’AI, cette distinction a été abandonnée étant donné qu’en raison de la jurisprudence très sévère du Tribunal fédéral des assurances sociales, il n’y avait que très peu de cas d’invalidité permanente en pratique (VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et de l’assurance-invalidité (AI), 2011, n° 2021, p. 534). Ainsi, depuis le 1er janvier 2008, le délai de carence d’une année s’applique désormais à tous les cas (art. 28 al. 1 let. b LAI).

5.1.1 Selon les directives émises par l'Office fédéral des assurances sociales, une invalidité dite permanente (art. 29 al. 1 let. a aLAI) était admise si l’atteinte à la santé, en grande partie stabilisée, présentait un caractère essentiellement irréversible. Une atteinte à la santé présentait un caractère de stabilité lorsque le processus pathologique originel avait perdu son caractère aigu ou lorsque l’on pouvait prévoir que, selon toute vraisemblance, l’état de santé ne pouvait à l’avenir ni s’améliorer ni s’aggraver. L’irréversibilité d’une atteinte à la santé était réalisée lorsque la maladie ou l’accident avait laissé des séquelles permanentes qui, en l’état de la science, ne pouvaient pas être atténuées ou supprimées par un traitement médical. Le cas d’assurance était réputé survenu dès l’instant où l’on pouvait admettre que l’invalidité était permanente, et non pas de manière rétroactive au moment de la première manifestation de la maladie (Directives concernant les rentes de l'assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale – DR – état au 1er janvier 2007 - ch. 2008 à 2012).

5.1.2 A l’occasion d’un arrêt de principe du 10 décembre 1971 (ATF 97 V 244 C. 2), le Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA) a fait la synthèse de sa jurisprudence antérieure. Celle-ci a très tôt posé les critères permettant de distinguer les cas relevant de la variante a de ceux réglés par la variante b de l’article 29 al. 1 LAI (ainsi que par les autres variantes « longue maladie » introduites par le Tribunal fédéral des assurances, sous l’empire de l’ancien art. 29 LAI).

Tout d’abord, la notion d’invalidité permanente présupposait l’existence d’un état de santé physique ou mental suffisamment stabilisé pour laisser prévoir que l’incapacité de gain s’étendrait vraisemblablement à toute la période normale d’activité et que la capacité de gain ne pourrait pas être rétablie entièrement ou dans une mesure notable par des mesures de réadaptation (v. p. ex. ATFA 1962 pp. 246, 353 et 357 ; RCC 1963 pp. 225 et 367 ; ATFA 1963 pp. 279, 290, 295 ; RCC 1964 p. 394).

Puis le TFA a précisé la notion de « stabilisé », en y faisant entrer le concept d’irréversibilité. Il a ainsi exposé que l’invalidité permanente n’était donnée que si l’on pouvait admettre avec une vraisemblance prédominante l’existence d’une atteinte à la santé en bonne partie stabilisée, ne conduisant pas inéluctablement au décès, essentiellement irréversible et de nature à diminuer probablement la capacité de gain d’une manière durable et dans une mesure suffisante pour ouvrir droit à une rente malgré d’éventuelles mesures de réadaptation. Le TFA a expliqué que seule était visée la stabilité de l’état de santé physique ou mental ; qu’il fallait, dans ce domaine, se fonder sur le pronostic du médecin ; que l’exigence de la stabilité ne se rapportait pas aux répercussions économiques de l’atteinte constatée ; qu’un état largement stabilisé ne pouvait être réputé permanent que lorsqu’on pouvait admettre qu’il était essentiellement irréversible ; que la condition de permanence requise ne concernait que la période d’activité déterminante pour l’application de la LAI ; que, par conséquent, s’agissant de personnes âgées, il suffisait qu’un état de santé en bonne partie stabilisé fût irréversible jusqu’à la fin de cette période pour que l’on puisse admettre l’application de la variante 1 de l’article 29 al. 1 LAI (v. ATFA 1964 pp. 108 et 173 ; 1965 pp. 130, 270, 278 ; RCC 1965 pp. 333 et 431 ; RCC 1966 p. 258).

Enfin, dans un troisième temps, le TFA a évoqué, à de nombreuses reprises, l’importance des deux critères de stabilité et d’irréversibilité dégagés par la jurisprudence. Il a alors insisté sur le fait que la condition première, pour que l’on puisse parler d’invalidité permanente, est l’existence d’un état en bonne partie stabilisé (largement stabilisé, dans les arrêts les plus récents) ; que la notion d’irréversibilité a été introduite parce qu’il est très rare de rencontrer, dans la réalité quotidienne, des états absolument stables ; que ce critère accessoire est destiné à délimiter objectivement les cas d’invalidité permanente de ceux d’incapacité de gain de longue durée, seule pouvant être réputée permanente une atteinte, suffisamment stabilisée, essentiellement irréversible ; que si, exceptionnellement, l’état peut être réputé absolument stable, le critère de l’irréversibilité est pratiquement sans intérêt, cette condition étant en général remplie dans une semblable hypothèse ; qu’en revanche, en présence d’une atteinte relativement stabilisée seulement, il faut se montrer d’autant plus exigeant, pour admettre le caractère irréversible requis, que l’état de santé est moins nettement stabilisé. Le TFA a encore rappelé que les notions de stabilité et d’irréversibilité doivent être définies d’une manière purement médicale et ne concernent donc que l’état de santé. Il a toutefois admis que, s’il est établi qu’un assuré, présentant des séquelles stables et irréversibles, reprendra dans un proche avenir une activité excluant l’octroi d’une rente (à cause du phénomène de l’accoutumance à une amputation, par exemple) le droit à la rente ne saurait naître en application de la variante a de l’article 29 al. 1 LAI (v. ATFA 1966 p. 122 ; RCC 1968 p. 438 ; RCC 1970 pp. 121 et 289 ; RO 96 V 134 ; RCC 1971 pp. 365, 432 et 437).

En synthèse, comme le TFA l’a confirmé dans un arrêt ultérieur, il y a incapacité de gain permanente lorsque l’atteinte à la santé est largement stabilisée et essentiellement irréversible et qu’elle est probablement de nature à réduire la capacité de gain de l’assuré avec effet permanent dans une mesure qui justifie l’octroi d’une rente de l’assurance-invalidité (ATF 111 V 21 consid. 2b; RCC 1989 p. 282 consid. 1).

5.1.3 Il y a interruption notable de l’incapacité de travail au sens de l’art. 28, al. 1, let. b, LAI lorsque l’assuré a été entièrement apte au travail pendant 30 jours consécutifs (art. 29ter du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité, RAI - RS 831.201).

En vertu de l’art. 28 al. 1 aLAI (28 al. 2 LAI), l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

6.             Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

6.1 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

6.2 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

6.3 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 14  V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

7.             Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

7.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

7.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

7.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

7.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

9.             En l’occurrence, la chambre de céans a constaté à deux reprises, soit par arrêt du 1er décembre 2010 (ATAS/1258/2010) puis par ordonnance d’expertise du 20 octobre 2021 (ATAS/1063/2021), que l’instruction médicale menée jusqu’alors par l’intimé ne permettait pas de se déterminer à satisfaction de droit sur l’évolution de l’état de santé et de la capacité de travail de l’assurée depuis 2004. Afin de combler cette lacune, elle a finalement ordonné la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire en rhumatologie, psychiatrie et neurochirurgie, qu’elle a confiée conjointement aux Drs O______, M______ et N______. Les rapports des différents experts et leur appréciation consensuelle du cas ayant été versés à la procédure en juin 2022, c’est la valeur probante de cette expertise qu’il convient tout d’abord d’examiner.

9.1 De prime abord, l’expertise remplit tous les réquisits formels pour se voir reconnaître pleine valeur probante. Elle a été rendue à l'issue d'investigations comprenant une analyse de l’ensemble du dossier administratif, des entretiens approfondis avec l’assurée, ainsi que plusieurs examens médicaux complémentaires (notamment sous l’angle neurochirurgical). Chaque expert a présenté une anamnèse détaillée, consigné les déclarations de l’assurée ainsi que ses propres observations et discuté des diagnostics retenus au préalable. Concernant les troubles psychiques, l’expertise est structurée de manière à intégrer tous les indicateurs permettant une administration des preuves conforme à la jurisprudence. Enfin, les conclusions consensuelles qui y figurent, émises au terme d’échanges entre les experts, sont claires, soigneusement motivées et globalement convaincantes.

9.2 Seule est d’ailleurs remise en cause l’évaluation de la capacité de travail de 2004 à début 2008, à laquelle la recourante reproche d’être fondée essentiellement sur un raisonnement spéculatif de l’expert en neurochirurgie. Selon elle, à défaut de constats objectifs, aucune atteinte à la santé ayant des conséquences sur la capacité de travail ne serait établie au niveau de preuve requis de la vraisemblance prépondérante au-delà du 22 décembre 2004 (fin de l’incapacité de travail couverte par le certificat du 14 juin 2005 du Dr B______) et ce jusqu’à l’opération du 11 janvier 2008. Dès lors, toujours selon l’appréciation de la recourante, l’expertise ne saurait se voir reconnaître une quelconque valeur probante pour cette période. Faute d’autres éléments convaincants au dossier, il ne serait pas possible d’établir une quelconque incapacité de travail avant janvier 2008.

9.3 La chambre de céans ne saurait suivre ce raisonnement. Elle rappelle que le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante se distingue de celui de la preuve stricte en ce qu’il est atteint lorsque les faits auxquels il se rapporte apparaissent comme les plus probables. Autrement dit, la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (cf. ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Cette nuance est d’autant plus pertinente dans la présente procédure au vu notamment de l’ancienneté des faits pertinents (18 ans s’étant écoulés depuis le dépôt de la demande initiale), du décès du neurochirurgien traitant de l’époque et des manquements initiaux de l’intimé dans la mise en œuvre de son devoir d’instruction. Ces facteurs génèrent nécessairement une certaine incertitude, dont l’assurée n’est aucunement responsable, qu’il appartient précisément aux experts de clarifier, dans la mesure du possible, afin d’établir le déroulement le plus probable des faits, dans ces circonstances imparfaites.

9.3.1 À cet égard, le Dr N______ reconnait lui-même que la période de 2004 à fin 2007 « est d’appréciation difficile du point de vue neurochirurgical car les constats objectifs par le Dr B______ vis-à-vis de cette aggravation de l’état de santé manquent » (p. 8 du volet neurochirurgical de l’expertise). L’expert estime néanmoins que, dans une activité adaptée (assise, avec possibilité de changements de position, sans port de charge), les atteintes à la colonne vertébrale ont dû, à cette époque, générer une incapacité de travail de l’ordre de « 50 à 75 % en fonction de l’intensité des douleurs, sans qu’il soit possible d’être plus précis rétroactivement » (p. 9 et 10 du volet neurochirurgical de l’expertise). Au final, il considère qu’en moyenne, elle « a dû être de l’ordre de 75 % ».

Si cette estimation n’atteint pas un niveau de certitude permettant de la rapprocher d’une preuve stricte, on ne saurait pour autant lui ôter toute valeur probante. Elle émane en effet d’une appréciation par un spécialiste reconnu qui a abouti à cette conclusion sur la base des pièces médicales au dossier et de son expérience et qui en a tiré le résultat le plus probable (résultant notamment de la locution verbale « a dû » et non pas « a pu »).

9.3.2 En particulier, cette appréciation ne contredit pas les certificats médicaux du Dr B______, dont la recourante fait une lecture erronée. En effet, il est inexact d’indiquer que le neurochirurgien traitant n’aurait retenu, dans son rapport du 14 juin 2005, « aucune incapacité de travail dès le 23 décembre 2004 ». Au contraire, le document médical auquel il est fait référence (pièce 10 int.) décrit une situation devenue progressivement incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle, même à temps partiel, et une incapacité de travail de 100 %, « définitive et pleinement justifiée ». Certes, dans la page précédente du rapport, il est indiqué que l’incapacité de travail était totale du 18 octobre 2004 jusqu'au 29 novembre 2004, puis de 50 % dès cette date jusqu’au le 29 novembre 2004 et nulle dès le 23 décembre 2004. Le neurochirurgien a cependant précisé immédiatement que, « sauf erreur », le Dr C______ avait attesté d’une incapacité totale de travailler depuis le 14 février 2005. De fait, il ressort du dossier que l’incapacité totale était effectivement attestée régulièrement par le Dr A______ (et non pas le Dr C______) depuis le 2 février 2005 (et non pas le 14 février 2005 - pièce 11 int.). Malgré ces imprécisions, le rapport du 14 juin 2015 ne peut raisonnablement être interprété comme réfutant toute incapacité de travail du fait des douleurs dorsales au-delà du 23 décembre 2004, cette date correspondant au final uniquement au moment à partir duquel les certificats d’incapacité ont cessé d’être rédigés par le Dr B______, mais l’ont été par le médecin traitant, probablement pour des questions de commodité et de fréquence de rendez-vous. Cela n’empêche pas que le Dr B______ a attesté personnellement, dans son rapport du 14 juin 2005, d’une aggravation irrémédiable de l’état de santé de l’assurée justifiant pleinement, selon lui, une incapacité de travail définitive. Tout au plus ressort-il de ce document qu’il n’y avait pas d’incapacité de travail attestée du 23 décembre 2004 au 2 février 2005.

Cette lecture est d’ailleurs corroborée par le rapport suivant du Dr B______, daté du 25 septembre 2006, qui décrivait un état stationnaire depuis le 14 février 2005 (probablement à nouveau le 2 février 2005) et une capacité de travail qui demeurait nulle en tant qu'employée de bureau (sans indication quant à une éventuelle capacité dans une activité adaptée). Un retour au travail y était d’ailleurs considéré comme inenvisageable, spécifiquement en raison de la lombosciatalgie chronifiée.

Enfin, le 1er novembre 2007, le Dr B______ a indiqué que suite à un nouvel examen de la situation lombaire effectué le 16 octobre 2007, l'assurée présentait désormais un rétrécissement du segment canalaire L3-L4, au-dessus du segment qui avait été fixé sept ans auparavant. Devant la sévérité des douleurs au niveau du membre inférieur gauche, un élargissement chirurgical du canal avec restabilisation du segment sus-jacent était prévu d'ici le début de l'année 2008. Vu la gravité des lésions et des douleurs, la capacité de travail de l'assurée était à nouveau décrite comme nulle.

Contrairement à ce que soutient la recourante, l’interprétation la plus convaincante des certificats successifs du neurologue traitant conduit à admettre qu’il a considéré la capacité de travail de l’assurée comme nulle, de manière ininterrompue, à partir du 2 février 2005, ce que l’expert judiciaire en neurologie a dûment pris en compte.

9.3.3 Indépendamment des constatations du Dr B______, il sied de souligner que l’expertise du COMAI de 2007 fait état d’un syndrome vertébral sévère séquellaire aux deux interventions chirurgicales subies en 1995 et 2000, ayant une incidence progressive sur l’exercice de l’activité habituelle depuis 1995 déjà. En 2005, l’incapacité se serait ainsi élevée, dans l’activité habituelle (aucune activité adaptée n’étant exigible selon les experts), à 50 % ou 100 %, selon les passages de l’expertise, contradictoires entre eux. Bien que peu convaincante à divers égards, au vu de ses multiples contradictions et lacunes (cf. ATAS/1258/2010), cette expertise constitue néanmoins un indice supplémentaire du fait que la situation lombaire de l’assurée avait bel et bien une incidence importante sur sa capacité de travail en 2004 déjà et que les conclusions des experts judiciaires à cet égard ne sont dès lors pas dénuées de fondements.

9.3.4 Enfin, le Dr H______, qui est également intervenu en tant qu’expert et a examiné personnellement l’assurée en mai 2008 a pour sa part considéré que dans sa dernière activité d'employée de bureau dans un garage, sa capacité était de 60 à 70%, précisant qu'elle devait rester assise de manière prolongée devant un ordinateur. Dans une activité adaptée, d'un point de vue médico-théorique, sa capacité de travail était de 100% dès juillet 2008, soit six mois après la dernière opération. Depuis octobre 2004, l'assurée présentait une diminution de sa capacité de travail de manière progressive devenue totale depuis décembre 2004 (pièce 68, p. 13 int.). À nouveau, ces constatations sont peu limpides et ne sont pas suffisamment convaincantes pour se voir reconnaître pleine valeur probante (ce d’autant moins qu’il eut semblé plus pertinent, au vu du dossier, de solliciter, à l’époque, une expertise complémentaire en neurochirurgie). Elles constituent néanmoins un indice supplémentaire qu’il existait bien une incapacité de travail durable dès octobre 2004.

9.3.5 Au final, sous réserve du Dr C______ (qui n’a examiné l’assurée qu’à une seule reprise), tous les médecins traitants et experts consultés à l’époque des faits s’accordent donc sur l’existence d’une incapacité de travail durable d’octobre 2004 à janvier 2008 déjà (sous réserve de la période du 23 décembre 2004 au 2 février 2005 qui sera examinée ci-après), et divergent essentiellement sur l’ampleur de celle-ci. C’est d’ailleurs précisément au vu de l’importance des divergences (et contradictions) sur ce point et des faiblesses des argumentaires respectifs des différents médecins précités qu’une expertise judiciaire a été ordonnée. Il appartenait ainsi aux experts judiciaires, dans le cadre de leur mission, de se pencher sur ces multiples rapports et expertises (tous imparfaits et insatisfaisants en terme de valeur probante) et d’en tirer les conclusions les plus vraisemblables.

9.3.6 Force est de constater que c’est ce qu’ils ont fait, de manière convaincante au vu des circonstances. En effet, au vu des éléments qui viennent d’être rappelés et notamment des explications données par le Dr N______, une incapacité de travail moyenne de l’assurée de l’ordre de 75 % dans toute activité jusqu’à l’opération du 11 janvier 2008 doit être considérée comme hautement vraisemblable, aucune autre conclusion n’apparaissant comme plus probable. Il est en outre illusoire d’espérer qu’une quelconque autre mesure d’instruction pourrait aboutir à un résultat plus certain en raison notamment de l’écoulement du temps.

9.3.7 La chambre de céans souligne finalement, à toutes fins utiles, que c’est sciemment qu’elle a écarté les différents avis du SMR dans son appréciation, aucune valeur probante ne pouvant leur être octroyée au vu des contradictions flagrantes qu’ils comportent. Il est en particulier étonnant que l’appréciation de la capacité de travail par le SMR ait varié du tout au tout entre l’évaluation du 18 juillet 2008 (aboutissant à une capacité de travail entière dans toute activité d'employée de bureau adaptée) et celle du 27 septembre 2018 (concluant à une incapacité totale depuis février 2005), sans qu’aucun examen médical justifiant un tel revirement n’ait été effectué dans l’intervalle. Elle a ensuite à nouveau été revue le 30 septembre 2019 (incapacité totale depuis octobre 2009, partielle et peu claire auparavant), suite aux observations de la recourante. Enfin, le 16 juin 2022, le SMR a finalement appuyé les conclusions de l’expertise judiciaire quant à la capacité de travail. Faute d’explications convaincantes relativement à ces revirements, ceux-ci semblent avoir un caractère purement opportuniste, ne permettant guère de les considérer comme convaincants.

9.4 Partant, l’expertise est probante, tant pour ce qui est de la période d’octobre 2004 à janvier 2008 que pour la période postérieure. Ainsi, d’octobre 2004 à janvier 2008, il y a lieu de considérer que l’incapacité de travail moyenne était de 75 %, tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. De février 2008 à juin 2010, elle était nulle dans l’activité habituelle et continuait à s’élever à 75 % dans une activité adaptée. Enfin, depuis juillet 2010, suite à l’aggravation de l’état de santé psychiatrique, l’incapacité de travail (toujours nulle dans l’activité habituelle) s’élève désormais à 80 % dans une activité adaptée tant aux limitations fonctionnelles physiques que psychiques, lesquelles se renforcent réciproquement (cf. appréciation multidisciplinaire consensuelle des experts judiciaires du 25 mai 2022).

9.5 La chambre de céans relève cependant qu’au vu de l’évolution du tableau clinique, le cas d’assurance ne saurait être qualifié d’« invalidité dite permanente » au sens restrictif admis par la jurisprudence du TFA relative à l’art. 29 al. 1 let. a aLAI en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 (cf. VALTERIO, op. cit.). Il constitue une « longue maladie » au sens de l’art. 29 al. 1 let. b aLAI. Dès lors, le droit à la rente prend naissance uniquement lorsque l’assurée a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40 % au moins, pendant une année, sans interruption notable, soit de plus de 30 jours (art. 28 al. 1 let. b LAI et art. 29ter RAI).

Or, aucun médecin traitant n’atteste d’une incapacité du 23 décembre 2004 au 1er février 2005 (cf. pièces 7 et 11 int.), période durant laquelle l’assurée semblait au contraire, au degré de la vraisemblance prépondérante, apte à travailler à 100 % (cf. pièces 7 et 10 int.). Si ce constat ne remet pas en cause l’incapacité de travail explicitement décrite comme « moyenne » par les experts, il met cependant en évidence une interruption notable de dite incapacité, faisant démarrer un nouveau délai d’attente d’une année, venant à échéance le 1er février 2006, date de début du droit à la rente.

10.         Partant, la décision de l’intimé du 10 juin 2020 est annulée et une incapacité de travail moyenne de 75 % est reconnue à l’assurée, dans toute activité, du 2 février 2005 jusqu’à fin décembre 2007. Dès janvier 2008, elle a été de 100 % dans l’activité habituelle et toujours de 75 % dans une activité adaptée. Le taux d’invalidité de l’assurée se confondant avec celui de l’incapacité de travail qui s’est toujours élevé à 75 % au minimum, depuis le 1er février 2006 (fin du délai de carence), l’assurée a droit à une rente entière dès cette date.

11.          

11.1 Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

11.2 En l’espèce, la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire avait été ordonnée à l’intimé par arrêt l’ATAS/1258/2010 du 1er décembre 2010, de sorte que sa nécessité n’était pas litigieuse. Une telle expertise n’a jamais été mise en œuvre par l’intimé, qui a rendu sa décision sans instruction complémentaire sérieuse. Certes, ce manquement résulte de raisons indépendantes de sa volonté, - l’expertise n’ayant pas pu être mise en œuvre, faute notamment de désignation d’un centre d’expertise par le système de la plateforme MED@P entre le 12 septembre 2013 et le 30 avril 2018 -, il n’en demeure pas moins qu’il a contraint la chambre de céans à se substituer à l’intimé dans l’exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par voie judiciaire. Dans ces circonstances, il se justifie pleinement que les frais d’expertise, qui s’élèvent à CHF 25'824.40 soient mis à la charge de l’intimé, qui aurait de toute manière dû les assumer directement si elle avait donné suite à l’ATAS/1258/2010. Dans la mesure où Helsana a déjà payé une partie du montant, l’intimé sera condamné à lui rembourser cette partie, soit CHF 767.90, correspondant à la facture du 24 février 2022 du docteur P______, mandaté par le Dr N______, expert, dans le cadre de l’expertise.

12.         De jurisprudence constante, les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause devant une juridiction de première instance n'ont en principe pas droit à une indemnité de dépens pour toutes les branches de l’assurance sociale fédérale, sauf en cas de recours téméraire ou interjeté à la légère par l'assuré ou lorsque, en raison de la complexité du litige, on ne saurait attendre d'une caisse qu'elle se passe des services d'un avocat indépendant (ATF 126 V 143 consid. 4b). Cette règle est également applicable lors qu’une institution de prévoyance professionnelle recourt contre une décision de l’OAI (ATF 134 II 117 consid. 7 ; Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales éd. par Anne-Sylvie DUPONT / Margit MOSER-SZELESS, 2018, n. 100 ad art. 61).

Les conditions justifiant une dérogation à la règle n’étant pas réalisées dans le cas d'espèce, la recourante ne peut se voir allouer une indemnité de dépens.

13.         Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 10 juin 2020.

4.        Dit que Madame A______ a droit, dès le 1er février 2006, à une rente entière d’invalidité.

5.        Met les frais de l’expertise judiciaire de CHF 25'056.50, selon les factures des 15 février 2022 de Dianalabs de CHF 220.20, 25 février 2022 de l’Hôpital de la Tour de CHF 1'540.70, 25 mai 2022 du Dr O______, expert, de CHF 8'750.35, 2 juin 2022 du Dr M______, expert, de CHF 5'175,- et 8 juin 2022 du Dr N______, expert, de CHF 9'370.25 à la charge de l’intimé.

6.        Condamne l’intimé à rembourser directement à Helsana LAMal CHF 767.90 correspondant à la facture du 24 février 2022 du Dr P______, mandaté par le Dr N______ dans le cadre de l’expertise.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le