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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3603/2020

ATAS/63/2023 du 02.02.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3603/2020 ATAS/63/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 février 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, représentée par APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1969 et de nationalité kosovare, est arrivée en Suisse en juillet 2002. Elle a exercé la profession de couturière, à un taux de 100 %, chez B______ SA, depuis février 2004.

b. À partir du 19 octobre 2015, l’assurée s’est retrouvée en incapacité de travail totale, pour cause de maladie, suite à des douleurs dans le dos et la jambe droite. L’assureur-accidents de son employeur, à savoir Mutuel assurances SA (ci-après : MUTUEL), a mandaté, en date du 18 février 2016, la Clinique Corela afin d’établir un rapport d’expertise qui a été effectué par le docteur C______, rhumatologue. Ce dernier a rendu un rapport d’expertise de l’appareil locomoteur daté du 8 avril 2016.

c. En substance, l’expert C______ a constaté la présence de quatre critères de Waddell sur cinq, en faveur d’une non-organicité, en dépit des douleurs décrites par l’expertisée, et a conclu qu’il existait une majoration nette des symptômes et qu’aucun diagnostic médicalement attesté ne pouvait être émis, en l’absence de critères diagnostics significatifs, en lien avec le reste de l’examen clinique. Aucune limitation fonctionnelle significative n’a été retenue et l’expert a conclu, dans son rapport, qu’il n’existait aucune incapacité de travail en lien avec les examens effectués.

d. En date du 1er juillet 2016, l’assurée a déposé une demande de prestations invalidité auprès de l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), en indiquant, comme troubles de la santé, des douleurs au dos et à la jambe droite. Elle précisait être suivie par la doctoresse D______, généraliste, le docteur E______, spécialiste en rhumatologie FMH, le docteur F______, médecin auprès du service de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et le docteur G______, neurologue.

e. Questionné par l’OAI, l’employeur de l’assuré a confirmé, dans un formulaire daté du 9 août 2016, que l’assurée avait commencé son travail de couturière en date du 24 mars 2005 et que son dernier jour de travail effectif avait été le 19 octobre 2015, en raison de sa maladie. L’employeur ajoutait ne plus recevoir d’indemnités journalières de la part de l’assurance-accidents MUTUEL depuis le 21 mars 2016, ne pouvoir continuer à payer le salaire de l’assurée et être obligé de la licencier si les indemnités journalières n’étaient plus versées par MUTUEL. En date du 24 août 2016, B______ SA a informé l’assurée de son licenciement, avec effet au 30 novembre 2016.

f. Dans son rapport d’évaluation IP du 4 octobre 2016, la gestionnaire de l’OAI a résumé le contexte du dépôt de la demande de prestation invalidité mentionnant que, pendant tout l’entretien avec l’assurée, cette dernière s’était levée, puis assise, puis relevée, décrivant des douleurs intenses au bas du dos et de la fesse droite avec des irradiations dans la jambe droite jusqu’au mollet ; elle était suivie à la clinique Beauséjour et prenait des médicaments contre les douleurs, à savoir du Lyrica 600 mg par jour, ces dernières étant d’une telle intensité qu’elles l’empêchaient de se projeter dans l’avenir.

g. Dans une note de travail postérieure, datant du 12 mai 2017, la même gestionnaire a indiqué que l’assurée s’était inscrite au chômage au mois de novembre 2016 mais qu’elle n’avait pas perçu d’indemnités car elle était en arrêt maladie. Elle était actuellement suivie par une psychiatre, la doctoresse H______, et disait vouloir se soigner et reprendre à 50 % dès qu’elle pourrait aller mieux, recherchant un poste où elle pourrait alterner les positions assise et debout.

h. Plusieurs médecins traitants consultés par l’assurée ont été invités par l’OAI à rendre des rapports médicaux.

i. La Dresse H______, psychiatre, a déclaré dans son rapport médical du 27 septembre 2017 que les causes de l’incapacité de travail étaient (classification CIM-10) une lombosciatalgie droite, chronique, non radiculaire, depuis octobre 2015 ainsi qu’un trouble anxieux et dépressif mixte, F 41.2, depuis 2016. Le traitement ambulatoire avait commencé en janvier 2017 et les derniers contrôles avaient eu lieu en septembre 2017. Selon le médecin traitant, l’assurée n’avait pas d’antécédent psychiatrique connu et elle présentait, au début du suivi en janvier 2017, un ralentissement psychomoteur marqué, un sentiment de désespoir, une thymie triste, des idées noires mais pas d’idées suicidaires. Des ruminations anxieuses étaient très présentes et elle souffrait également d’un trouble du sommeil. L’assurée se plaignait d’oublis et son attention et sa concentration étaient altérées, mais elle ne présentait pas de symptômes psychotiques. Un traitement médicamenteux de Duloxétine avait débuté en mars 2017, tout d’abord à raison de 30 mg par jour puis augmenté à raison de 90 mg par jour, ce qui avait amélioré la symptomatologie anxiodépressive, mais n’avait pas eu d’effet sur les douleurs. La psychiatre mentionnait encore que les restrictions psychiques étaient étroitement liées au vécu somatique et douloureux, les douleurs non soulagées provoquaient une baisse de la thymie avec anxiété, désespoir et impossibilité de se projeter dans l’avenir, même proche ; depuis le mois d’octobre 2015, les douleurs n’avaient pas été soulagées durablement, malgré les différentes approches et traitements. La psychiatre concluait à une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle de couturière.

j. Dans son rapport médical intermédiaire du 13 novembre 2017, le docteur I______, généraliste, a indiqué que l’état de santé de l’assurée était resté stationnaire depuis le mois d’octobre 2015 et qu’il n’y avait pas de changement dans les diagnostics. Les plaintes de la patiente étaient inchangées, on observait une raideur lombaire et des douleurs diffuses sacro-iliaques plus une dysesthésie du membre inférieur droit. Il n’y avait pas de syndrome neurologique déficitaire et le pronostic était actuellement réservé quant à une évolution favorable. Le dernier examen médical datait du 15 novembre 2017. Les limitations fonctionnelles étaient la flexion lombaire difficile, en raison d’une raideur algique, des lombalgies lors de positions stationnaires, telles que la station assise, au-delà de trente minutes. Le médecin traitant considérait que la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle en tant que couturière et pouvait être de 50 à 70 % dans une autre activité adaptée, telle qu’un travail avec changements de position.

k. Par note de travail datée du 13 juillet 2018, après discussion avec la doctoresse J______, du service médical régional (ci-après : SMR) de l’OAI, le gestionnaire du cas a mentionné que comme le Dr I______, le SMR considérait que l’assurée avait une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle, depuis le 19 octobre 2015, et une capacité de travail d’au moins 50 %, dans une activité adaptée, dès l’été 2016.

l. Par note du 17 juillet 2018, le statut de l’assurée a été défini comme statut actif pour une assurée travaillant, depuis 2005, à plein temps.

m. À l’issue d’un entretien de réadaptation professionnelle du 27 août 2018, le dossier a été discuté avec l’assurée et cette dernière a été informée qu’en l’état, l’OAI considérait qu’elle disposait d’une capacité de travail d’au moins 50 % dans une activité adaptée.

n. Une mesure lui a été fixée, par courrier du 14 novembre 2018, sous la forme d’une entrée en stage, le lundi 26 novembre 2018, auprès des établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI).

o. Les EPI ont rendu un rapport de stage du 12 mars 2019 ; il était mentionné que l’assurée travaillait essentiellement en alternant les positions assise et debout, toutes les dix à vingt minutes et interrompait parfois ses activités pour récupérer. Le tonus était faible, tout comme le rythme de travail. Le niveau de résistance et d’endurance était inférieur aux attentes du premier marché de l’emploi, y compris dans les tâches simples et répétitives. La mesure s’était déroulée à mi-temps et l’état de santé actuel de l’assurée n’avait pas permis d’augmenter le taux de présence. Il était mentionné qu’au niveau des capacités d’apprentissage, l’assurée était plutôt à l’aise dans les travaux demandant des aptitudes manuelles et apprenait principalement dans les situations pratiques proches de son domaine de compétence. Son manque de confiance en ses capacités à réintégrer le marché de l’emploi et son état émotionnel fragilisé constituaient des freins à son employabilité. Après six semaines de stage à l’atelier de production industrielle légère, aucune cible professionnelle réaliste n’avait pu être identifiée ; en effet, malgré un engagement sans faille, la résistance de l’assurée diminuait dans la durée et son tonus se réduisait, notamment en deuxième partie de la demi-journée, ce qui entraînait une baisse du rythme de travail. L’assurée présentait de bonnes aptitudes manuelles pour le montage simple, mais cette activité mono-tâche et ses limitations ne lui permettaient pas d’avoir l’autonomie et la polyvalence requises pour un emploi de ce type dans l’économie ordinaire, ce qui amenait à la conclusion que l’assurée n’était actuellement pas en mesure de travailler dans un premier marché de l’emploi et que le stage pouvait donc se terminer.

p. Par avis du 15 août 2019, le conseiller de l’OAI a interpellé le SMR sur la question de la capacité de travail de l’assurée en relation avec les observations faites aux EPI, notamment l’alternance et la fréquence des positions, la faiblesse du tonus et enfin, le fait que la mesure avait été effectuée à mi-temps. Le SMR a répondu que l’échec des mesures ne permettait pas de remettre en question une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée, comme indiqué par le même service en date du 13 juillet 2018, en se basant sur le rapport médical du Dr I______ du 13 novembre 2017. Il convenait donc de retenir une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée.

B. a. Par projet de décision du 30 août 2019, l’OAI a informé l’assurée qu’elle aurait droit à une demi-rente, basée sur un degré d’invalidité de 54 %, dès le 1er janvier 2017 vu le dépôt de la demande de prestations au mois de juillet 2016. L’OAI s’était fondé sur l’avis du SMR, selon lequel la capacité de travail de l’assurée était de 50 % depuis le mois de juillet 2016, et avait pris en compte un revenu annuel brut sans invalidité de CHF 52'950.- et un revenu annuel brut, avec invalidité, de CHF 24'533.-, pour aboutir à une perte de gain de CHF 28'417.-, ce qui représentait 54 %.

b. Par courrier du 30 septembre 2019, le mandataire de l’OAI s’est opposé au projet de décision, niant la capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée. Selon l’opposante, le stage réalisé aux EPI avait démontré qu’elle n’était pas en mesure de travailler dans le premier marché de l’emploi. De surcroît, s’agissant du revenu avant invalidité, l’OAI n’avait pas pris en compte un bonus annuel sous forme de la moitié d’un 13ème salaire, suivi d’augmentations régulières chaque année. Dès lors, le véritable revenu annuel brut avant invalidité qui devait être pris en compte était plus élevé que celui retenu par l’OAI.

c. Par courrier du 1er octobre 2019, l’OAI a octroyé à l’assurée une mesure sous la forme d’une orientation professionnelle.

d. Par courrier du 4 novembre 2019, le mandataire de l’assurée a transmis à l’OAI une copie du courrier que le docteur K______, chirurgien orthopédique FMH, avait adressé, le 6 septembre 2019, à son confrère, le Dr I______, informant ce dernier que l’assurée souffrait d’un problème dans le pied droit, qui se superposait à des lombalgies chroniques ; ledit problème consistait en un hallux valgus avec une composante de rigidus associée à une cure du deuxième orteil en griffe enraidi.

e. Par avis médical du 5 février 2020, le SMR a considéré qu’il était nécessaire d’adresser un questionnaire spécialisé au Dr K______, ainsi qu’un questionnaire intermédiaire au Dr I______.

f. Par certificat médical du 10 février 2020, adressé à l’OAI, le Dr K______ a précisé qu’il n’avait vu qu’une seule fois la patiente, en date du 6 septembre 2019, et se référait, pour le surplus, à son courrier du 6 septembre 2019 adressé au Dr I______.

g. En date du 19 juin 2020, le Dr I______ a envoyé à l’OAI un rapport médical intermédiaire indiquant que l’état de santé de l’assurée était stationnaire, depuis le début de la prise en charge en novembre 2015 et que le diagnostic était toujours resté le même. Les deux dernières consultations étaient datées, respectivement, du 29 avril et du 3 juin 2020. Les restrictions et limitations de santé qui découlaient de l’atteinte étaient la limitation du port de charges à environ 5 kg, des difficultés pour se pencher en avant occasionnant une gêne pour s’habiller et se doucher, une position debout fixe difficilement supportable au bout d’environ quinze minutes, en raison de douleurs diffuses dans la jambe droite et un sommeil très perturbé par cette symptomatologie algique. La reprise d’une activité professionnelle semblait difficile compte tenu de la symptomatologie inchangée. L’assurée prenait régulièrement un traitement antalgique ainsi que des antidépresseurs sous forme de Duloxetine 60 mg.

h. Était joint au rapport du Dr I______ du 19 juin 2020 un bilan multidisciplinaire – Promidos, daté du 18 février 2020 et signé par le docteur L______ médecin adjoint aux HUG pour la consultation Promidos. Selon ce dernier, le diagnostic sur le plan somatique était celui de lombosciatalgies droites, non radiculaires, mais, sur le plan psychique, la patiente présentait une thymie triste et des affects émoussés, ainsi que des ruminations anxieuses en lien avec l’évolution incertaine et peu favorable de ses douleurs qui semblaient néanmoins en diminution, suite à l’instauration du traitement d’antidépresseurs. Le Dr L______ recommandait une prise en charge ergothérapeutique – psychiatrique qui pouvait se dérouler, soit à domicile, soit auprès d’un ergothérapeute indépendant, en lien avec la psychiatre traitante, la Dresse H______.

i. Par avis médical du 9 juillet 2020, le SMR de l’OAI, sous la plume de la doctoresse M______, a résumé les appréciations données par les différents médecins traitants soit le Dr K______, le Dr I______, le Dr L______ et la Dresse H______. Sur le plan somatique, les lombosciatalgies chroniques étaient des lombalgies communes, stationnaires depuis 2015, qui ne s’accompagnaient pas d’un déficit moteur ou sensitif. À l’anamnèse, l’assurée pouvait effectuer des promenades et quelques activités ménagères, même si elles étaient diminuées en comparaison avec la période avant l’atteinte ; elle ressentait du plaisir en présence de sa famille et de ses petits-enfants et était suivie, tous les deux mois, par sa psychiatre traitante, cette périodicité semblant aller à l’encontre d’une atteinte sévère. Le SMR ne pouvait suivre l’avis du Dr I______, qui retenait une capacité de travail nulle, alors qu’il évaluait cette dernière à 50 - 70 % en 2017 et qu’il estimait que l’état de santé de l’assurée, sur le plan physique, était stable depuis quatre ans. Dès lors, le SMR était d’avis que les rapports médicaux n’amenaient pas de nouvel élément objectif permettant de revoir sa position et confirmait que l’ancienne profession n’était plus exigible, mais que dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles d’épargne du rachis lombaire, la capacité de travail exigible était de 50 % et la situation stabilisée depuis au moins 2017.

j. En se fondant sur l’avis de son SMR, l’OAI a notifié une décision du 7 octobre 2020, confirmant le projet de décision et octroyant, dès le 1er janvier 2017, une demi-rente d’invalidité, fondée sur un degré d’invalidité de 54 %.

C. a. Par acte de son mandataire, posté le 9 novembre 2020, l’assurée a recouru contre la décision du 7 octobre 2020 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Elle contestait disposer d’une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée, dès le mois de juillet 2016, tel que retenu par l’intimé et estimait que l’appréciation du SMR n’était basée sur aucun élément concret du dossier et était même en contradiction avec les conclusions du stage réalisé aux EPI par l’assurée. Il n’avait pas été tenu compte de la diminution de rendement de 30 à 50 % observée lors du stage en entreprise, puisque le taux d’abattement retenu par l’OAI était seulement de 10 %, en raison du taux d’activité et des années de service. De surcroît, les limitations fonctionnelles, que ce soit sous l’angle somatique ou psychique, n’avaient pas été prises en compte. L’assurée concluait à l’annulation de la décision querellée.

b. Par acte de son mandataire daté du 10 décembre 2020, l’assurée a complété son recours en reprenant les faits, en critiquant l’appréciation du SMR, ainsi que la comparaison des revenus et a considéré que l’intimé avait mal instruit son dossier, raison pour laquelle il n’avait retenu qu’un degré d’invalidité de 54 %, sans tenir compte, notamment, des limitations psychiques de l’assurée.

c. Par réponse du 13 janvier 2021, l’OAI a précisé que, de son point de vue, le Dr I______ avait confirmé que la situation de la recourante était stabilisée depuis l’été 2016, raison pour laquelle une capacité de travail de 50 % avait été retenue, des juin 2016. Les conclusions du SMR quant à l’appréciation de la capacité résiduelle de travail de la recourante, soit 50 %, ne prêtaient pas le flanc à la critique. Quant à l’appréciation des EPI, l’OAI rappelait la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant les informations recueillies au cours d’un stage d’observation qui ne supplantaient pas l’avis dûment motivé d’un médecin. S’agissant du revenu sans invalidité, l’OAI s’était fondé sur les chiffres communiqués par l’employeur de la recourante. Il concluait au rejet du recours.

d. Par réplique du 5 mars 2021, la recourante a persisté intégralement dans ses arguments et conclusions, rappelant les limitations fonctionnelles somatiques auxquelles étaient venues se superposer les limitations fonctionnelles psychiques de la recourante. Cette dernière joignait, en annexe, un e-mail daté du 14 mars 2021 et rédigé par le Dr I______, qui confirmait qu’il n’avait tenu compte, en 2017, que des limitations fonctionnelles somatiques. Or, ces dernières étaient actuellement superposables à l’impact psychologique de la situation difficile à vivre pour la patiente, raison pour laquelle le médecin traitant avait réévalué l’incapacité de travail dans son rapport de 2020. Il ajoutait que la psychiatre traitante de la recourante, la Dresse H______, qui assurait un suivi de soutien psychologique auprès de cette dernière, partageait son avis.

e. Par duplique du 30 mars 2021, l’OAI a maintenu intégralement ses conclusions fondées sur un avis médical du SMR du 29 mars 2021, qui était joint en annexe. Le SMR prenait acte de l’appréciation du Dr I______ quant à « l’impact psychologique » tout en relevant que d’éventuelles limitations fonctionnelles psychiatriques n’étaient pas décrites, qu’il n’y avait pas de diagnostic psychiatrique, ni de status psychiatrique. Par ailleurs, le fait que l’assurée ne soit suivie que tous les mois, voire tous les deux mois, par son psychiatre traitant, était un signe qu’il ne s’agissait pas d’une atteinte sévère.

f. Par courrier du 18 novembre 2021, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention de confier une mission d’expertise bi-disciplinaire aux docteurs N______, spécialiste FMH en rhumatologie, et O______, spécialiste FMH en psychothérapie.

g. Les parties n’ont pas fait valoir de motif de récusation à l’encontre des experts proposés.

h. Par courrier du 8 juin 2022, la chambre de céans a communiqué aux parties un projet de mission d’expertise bi-disciplinaire. L’OAI n’a pas fait de remarque sur ce projet et le mandataire de la recourante a fait plusieurs remarques, dont la chambre de céans a partiellement tenu compte.

i. Dans son rapport d’expertise rhumatologique du 22 décembre 2022, le Dr N______ a résumé l’ensemble des éléments médicaux sur lesquels il s’est fondé puis a procédé à une anamnèse familiale, sociale et professionnelle détaillée. Il a résumé les plaintes de l’assurée, notamment quant aux douleurs toujours ressenties au bas du dos et dans la jambe droite. À l’issue de l’examen clinique, il a conclu à la présence de lombalgies chroniques communes sans corrélation radio-clinique apparues en 2012 environ. Il a relevé que les troubles rhumatologiques pris isolément, ou en combinaison, étaient de gravité faible, dès lors qu’il s’agissait de pathologies bégnines fréquentes dans la population générale et dans la tranche d’âge de la personne expertisée. Selon l’expert, il était fréquent de souffrir simultanément de ce genre de pathologie bénigne à son âge, étant précisé que l’état de santé s’était objectivement amélioré et que la mobilité lombaire avait progressé depuis juin 2016. Les limitations fonctionnelles de l’expertisée étaient d’éviter le port de charges de plus de 5 kg et les mouvements en position penchée en avant, ce qui était compatible avec le diagnostic de lombalgies communes. En outre, elle pouvait participer aux tâches ménagères légères de son ménage de cinq personnes, dont un enfant en bas âge, prendre des vacances avec des trajets en avion, nager en piscine et dans la mer, se promener avec des pauses et gérer ses factures. S’agissant de la capacité de travail, les lombalgies communes contre-indiquaient l’activité habituelle, depuis leur date d’apparition en octobre 2015. Dès lors que les limitations fonctionnelles n’étaient pas compatibles avec son activité habituelle, l’expert considérait que la capacité de travail de l’expertisée, dans son activité habituelle, était nulle depuis le 19 octobre 2015. En revanche, l’expert estimait que la recourante était capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles pour autant que celle-ci respecte les points suivants : éviter le port de charges de plus de 5 kg, éviter la position penchée en avant, en arrière, et les rotations du tronc. Éviter la position assise, prolongée de plus d’une heure, la position statique debout, la position debout pour plus d’une heure de suite. Le traitement actuel de Palexia contre-indiquait les activités nécessitant une attention soutenue - avec exposition à un risque de blessures - et la conduite de véhicules. Selon l’expert, toutes les activités qui respectaient ces limitations fonctionnelles étaient possibles mais le taux initial ne devait pas dépasser 60 %. En admettant que la recourante parvienne à surmonter les facteurs psychosociaux qui représentaient un frein à la mise en place et à l’efficacité des mesures thérapeutiques appropriées, on pouvait s’attendre du point de vue médico-théorique à une amélioration suffisante pour pouvoir porter le taux horaire à 80 %, dans un délai de six mois. S’agissant de la diminution de rendement, les changements de position pouvaient, selon le type de poste occupé, provoquer une baisse de rendement de 10 %. Enfin, l’expert estimait que la capacité de travail de la recourante était restée stable à environ 60 % horaire et 90 % de rendement depuis le mois de juin 2016.

j. Dans son rapport d’expertise du 28 décembre 2022, l’expert psychiatrique O______ a effectué l’anamnèse personnelle et professionnelle de la recourante avant de lui demander de décrire une journée-type de sa vie quotidienne. Cette dernière a exposé qu’elle s’endormait souvent avec difficulté ; son sommeil était parfois perturbé à cause des douleurs et dans ce contexte, elle ne se sentait pas reposée le matin. Elle se réveillait entre 8h30 et 9h00 et faisait des étirements antalgiques avant de se lever. Elle prenait son petit-déjeuner, nettoyait un peu l’appartement, avec l’aide de sa belle-fille qui vivait avec elle et qui n’avait pas d’activité professionnelle ; c’était cette dernière qui faisait les courses lourdes, passait l’aspirateur et assurait le repassage. Ensemble, la recourante et sa belle-fille préparaient les repas et faisaient les lessives ; l’expertisée s’occupait également des tâches administratives et passait beaucoup de temps sur son Smartphone à regarder des émissions de télévision ou à communiquer avec sa famille au Kosovo. Elle décrivait son réseau social en Suisse comme très restreint et faisait, presque chaque jour, une marche dans un parc public à proximité de son domicile. Elle décrivait une perte de plaisir pour les activités quotidiennes mais appréciait toujours de voir sa famille et ses petits-enfants, avec lesquels elle était régulièrement en contact. Une fois par semaine, elle se rendait à P______, lieu d’accueil, de soins et d’activités destiné à des personnes adultes vivant avec des troubles psychiques, où elle faisait de l’ergothérapie et de la relaxation en groupe, ce qu’elle appréciait car elle pouvait ainsi échanger avec d’autres personnes en souffrance. Sur le plan de ses habitudes, elle prenait régulièrement le traitement prescrit, soit le Palexia, analgésique opioïde, ainsi qu’un antidépresseur, le Cymbalta. Elle fumait environ 20 cigarettes par jour, soit le double de sa consommation à l’époque où elle travaillait. À l’issue de son entretien avec la recourante, l’expert psychiatre a posé un diagnostic (CIM-11) de trouble anxieux et dépressif mixte (6A73), également retenu par la Dresse H______, ainsi qu’un diagnostic additionnel de facteurs psychologiques ou comportementaux agissant sur des troubles ou des maladies classés ailleurs (6E40), ayant tous deux une répercussion sur la capacité de travail. Le trouble somatoforme a été écarté car le tableau n’était pas complètement typique et on ne retrouvait pas, dans le cas de l’expertisée, la notion de multiples symptômes qui peut varier au cours du temps, ni d’utilisation clairement excessive des services de santé par exemple. Au niveau de la capacité de travail, l’expert psychiatre a considéré que la gravité du trouble anxieux et dépressif mixte était actuellement moyenne et qu’il s’agissait du diagnostic principal qui était apparu en 2016. En se fondant sur les dires de l’expertisée et sur les rapports de la Dresse H______, l’expert considérait que l’état psychique de la recourante s’était progressivement amélioré entre juin 2016 et maintenant. Selon lui, les atteintes diagnostiquées limitaient faiblement les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien sur un plan psychiatrique. Il relevait toutefois quelques difficultés de concentration et des affects négatifs. en lien avec le vécu douloureux. Hormis ces troubles de la concentration et les affects négatifs, il n’y avait pas de limitations fonctionnelles en lien avec les diagnostics posés. Sa capacité de travail, d’un point de vue strictement psychiatrique, était évaluée à 50 % entre octobre 2016 et fin 2019. L’état clinique s’était progressivement amélioré si bien que, depuis 2020, il ne subsistait qu’une incapacité de travail de 30 %, non inclus une baisse de rendement estimée à 20 %. Ainsi, sur le plan psychiatrique, la recourante était capable d’exercer son activité lucrative habituelle à 70 %, sans tenir compte de la baisse de rendement de l’ordre de 20 %.

k. Au niveau de l’appréciation consensuelle, les experts ont estimé que le taux global de capacité de travail était évalué à 50 % dès octobre 2015 et jusqu’à fin 2019 et que, depuis le début de l’année 2020, l’état clinique psychiatrique s’était amélioré et l’incapacité de travail sur le plan psychiatrique n’était plus que de 30 %, y inclus une baisse de rendement. Sur le plan rhumatologique, la longue période d’incapacité de travail ne permettait initialement qu’un taux horaire de 60 %, avec, selon le type de poste occupé, une baisse de rendement de 10 %. D’un point de vue consensuel, rhumatologique et psychiatrique, le taux global médico- théorique était de 50 % depuis octobre 2015, après quoi, à condition d’écarter les obstacles psychosociaux, ce taux restait initialement à 50 % dès le 1er janvier 2023 et augmentait à 70 %, dès le 1er juillet 2023.

l. Appelé à se déterminer sur les deux rapports d’expertise, l’OAI s’est rallié intégralement à ces derniers, par courrier du 25 janvier 2023, considérant que les experts confirmaient les conclusions tant du SMR que de son office, soit que la recourante ne pouvait plus exercer son activité habituelle, mais présentait une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée. L’OAI maintenait intégralement ses conclusions telles qu’elles figuraient dans ses précédentes écritures. Était joint un avis médical du SMR de l’intimé, daté du 24 janvier 2023, qui résumait les conclusions des deux expertises et s’y ralliait en considérant les expertises judiciaires comme convaincantes.

m. La recourante ne s’est pas exprimée dans le délai octroyé par la chambre de céans.

n. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

o. Les autres faits seront, en tant que de besoin, repris dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

4.        Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.        Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI du 7 octobre 2020, et notamment sur la fixation de la capacité de travail de l’assurée, à un taux de 50 %, depuis le mois de juillet 2016.

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assurée sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assurée a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assurée aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.         

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assurée pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

9.        Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

10.    Des traits de personnalité signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

11.     

11.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

11.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

11.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le fait qu'une expertise psychiatrique n'a pas été établie selon les nouveaux standards - ou n'en suit pas exactement la structure - ne suffit cependant pas pour lui dénier d'emblée toute valeur probante. En pareille hypothèse, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en œuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8 ; ATF 137 V 210 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2. et 9C_109/2018 du 15 juin 2018 consid. 5.1).

11.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

11.5 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4). 

11.6 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier, n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

11.7 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

11.8 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

11.9 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

11.10 Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 531/04 du 11 juillet 2005, consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_462/2009 du 2 décembre 2009 consid. 2.4). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (ATF 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17 ; ATF 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

12.    En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

13.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

14.    Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

15.    En l’espèce, l’OAI s’est fondé, pour prendre la décision querellée, sur l’appréciation médicale de son SMR selon lequel la capacité de travail de la recourante, dans une activité adaptée, est de 50 % depuis juillet 2016. Dans le cadre de la comparaison des revenus avec et sans invalidité, l’intimé a pris en compte un taux d’abattement de 10 % au motif que, hormis le taux d’activité et les années de service, il n’y avait pas d’autres éléments déterminants dans ce contexte qui justifiaient une réduction supplémentaire du taux retenu.

De son côté, la recourante considère que la décision querellée ne tient pas suffisamment compte des limitations psychiques de cette dernière, et notamment des constatations faites sur les limitations de la recourante, lors du stage aux EPI. De surcroît, elle reproche à l’intimé de n’avoir pas tenu compte de la baisse de rendement dans le calcul du salaire avec invalidité et de n’avoir retenu qu’un abattement de 10 % alors qu’il aurait dû tenir compte d’un taux d’abattement plus élevé.

15.1 Les rapports d’expertise rhumatologique et psychiatrique correspondent en tous points aux exigences en la matière. Ils ont été établis en parfaite connaissance du dossier médical, dont la lecture a été complétée par un entretien d’une durée de deux heures avec l’expert rhumatologue et d’une durée d’une heure trente avec l’expert psychiatre, ce dernier ayant complété les informations recueillies par un entretien téléphonique de trente minutes avec la psychiatre traitante de la recourante. Les rapports contiennent, en outre, une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle très fouillée, et les experts ont tenu compte des plaintes de la recourante et ont rapporté leurs observations de manière détaillée à la suite d’un entretien approfondi. Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés et la capacité de gain de la recourante a été correctement analysée à la lumière des indicateurs développés par la jurisprudence. L’expert rhumatologue a exposé de manière détaillée et convaincante les raisons pour lesquelles il s’écartait de l’avis de l’expert C______ du 8 avril 2016 ainsi que les raisons pour lesquelles il était d’accord avec les appréciations médicales des Drs L______ et I______. L’expert psychiatre a également expliqué de manière convaincante pour quelles raisons il s’écartait du taux d’incapacité de travail retenu par la Dresse H______. Les conclusions sont elles aussi claires et motivées, de même que l’appréciation consensuelle opérée par les deux experts.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère que les rapports d’expertise présentent une pleine valeur probante et que les conclusions des experts, selon lesquelles la recourante dispose depuis octobre 2015 d’une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles - étant précisé que ce taux inclut la baisse de rendement - doivent être retenues.

15.2 S’agissant des obstacles psychosociaux décrits par les experts, ils ne peuvent être reconnus comme des facteurs d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

15.3 En ce qui concerne les allégations de la recourante concernant la prise en compte des observations professionnelles faites lors du stage aux EPI, elles ne sauraient primer sur les conclusions des experts médicaux, étant rappelé que le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.

15.4 Dès lors que la demande de prestations a été déposée en juillet 2016, la rente ne peut être versée qu’à compter du mois de janvier 2017, en application de l’article 29 al. 1 LAI (demande tardive).

15.5 S’agissant du taux d’abattement de 10 % contesté par la recourante, cette dernière allègue que seules des activités légères restent possible et que les limitations fonctionnelles sont nombreuses, tant sur le plan somatique que psychique. Or, les limitations fonctionnelles somatiques ont été clairement décrites par l’expert rhumatologue soit, éviter le port de charges de plus de 5 kg, éviter la position penchée en avant en arrière, et les rotations du tronc. Éviter la position assise, prolongé de plus d’une heure, la position statique debout, la position debout pour plus d’une heure de suite. Selon l’expert, toutes les activités qui respectent ces limitations fonctionnelles sont possibles, mais le taux initial ne devrait pas dépasser 60 %. Quant aux limitations fonctionnelles psychiques, soit les troubles de la concentration et les affects négatifs, ils n’impactent que faiblement les activités de la recourante, selon l’expert psychiatre.

Compte tenu des appréciations des experts, la recourante ne démontre pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’il existe d’autres éléments objectifs qui seraient de nature à augmenter le taux d’abattement de 10 % retenu par l’intimé.

15.6 Ni le taux d’activité, ni les montants retenus au niveau de la comparaison des revenus avec et sans invalidité n’ont fait l’objet de critiques de la part de la recourante ; ils sont par ailleurs établis sur la base du dossier de l’intimé.

On rappellera que l’intimé s’est fondé sur les ESS 2014, tableau TA1 réévalué après indexation selon l’indice suisse nominal des salaires (ISS), pour aboutir à un salaire annuel indexé de CHF 54'517.-.

Le temps de travail raisonnablement exigible retenu de 50 % correspond à l’appréciation des experts et, après réduction supplémentaire de 10 % (abattement), conduit à un salaire annuel brut avec invalidité de CHF 24'533.-.

Comparé au revenu annuel brut avant l’invalidité, soit en 2015, de CHF 52'500.-, réévalué à CHF 52'950.- (2016), après indexation selon l’ISS, on aboutit à une perte de gain de CHF 28'417.- qui correspond à un taux d’invalidité de 53.67 arrondi à 54 % (28'417 x 100 / par 52'950).

À toutes fins utiles, il convient de constater, une fois le calcul effectué, que les contestations de la recourante concernant le taux d’abattement n’ont pas d’impact sur la fixation de la rente ; en effet, même si l’on appliquait un taux d’abattement de 20 % - injustifié dans le cas présent - on ne parviendrait qu’à un taux d’invalidité de 58.8 % arrondi à 59 % ; or, ce taux est inférieur à 60 % et ne permet pas d’obtenir plus qu’une demi-rente.

16. Compte tenu de ce qui précède, la décision querellée ne prête pas le flanc à la critique et la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

17. Reste à examiner la question des coûts de l'expertise qui peuvent être mis à la charge de l'assureur social (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

En l'espèce, au vu du résultat des expertises judiciaires, rien ne permet de considérer que l'autorité administrative a diligenté une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées. Dès lors, les frais des expertises judiciaires seront laissés à la charge de l’État.

18. Pour le surplus, la recourante, qui succombe, sera condamnée au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le