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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4362/2021

ATAS/577/2022 du 23.06.2022 ( LCA )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4362/2021 ATAS/577/2022

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

 

Ordonnance d’expertise du 23 juin 2022

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Audrey PION

 

demandeur

 

contre

B______, sise ______ [ZH], comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Patrick MOSER

 

défenderesse

 


 

EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1965 à H______ en France (ci-après : l’assuré ou le demandeur) est un résident genevois qui a travaillé pour la société I______ SA (ci-après : l’employeur), sise à J______ dans le canton de Genève, depuis le 1er juin 2008.

b. En date du 19 décembre 2019, l’employeur a conclu avec B______ (ci-après : l’assurance ou la défenderesse) un contrat d’assurance perte de gain collective avec effet au 1er janvier 2020. Ce contrat stipule en particulier une prise en charge de 90% du salaire assuré cas de maladie pendant 670 jours après un délai d’attente de 60 jours. Il renvoie à des conditions générales d’assurance (ci-après : les CGA) de l’assurance dans leur version d’octobre 2018.

c. En 2021, le salaire mensuel de l’assuré soumis à cotisation sociale s’élevait à CHF 35'258.45 par mois (hors 13ème salaire et bonus).

d. Le contrat de travail de l’assuré a été résilié pour le 31 juillet 2021 par courrier du 22 janvier 2021. Celui-ci a libéré l’assuré de son obligation de travailler depuis cette date.

e. À ce jour, l’assuré n’a pas requis auprès de l’assurance en passage en assurance perte de gain individuelle.

B. a. En date du 21 juin 2021, C______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin-traitante de l’assuré a attesté que celui-ci était totalement incapable de travailler pour cause de maladie depuis cette date et jusqu’au 7 juillet 2021 inclus. Cet arrêt de travail a été prolongé deux fois jusqu’au 31 août 2021 inclus.

b. Sur requête de l’assurance, l’assuré s’est rendu en date du 16 août 2021 chez un médecin-conseil de cette dernière, D______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour un examen.

c. En date du 23 août 2021, E______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a repris le cas en succédant à la Dresse C______, et a prolongé l’arrêt de travail de l’assuré jusqu’au 30 septembre 2021 inclus. Cet arrêt a été prolongé deux fois jusqu’au 30 novembre 2021 inclus.

d. En date du 26 aout 2021, l’assuré a, sur requête du Dr D______, réalisé une « évaluation neuropsychologique » auprès de Madame F______, psychologue spécialisée FSP en neuropsychologie. Celle-ci a réalisé divers tests. Elle a conclu à une efficience cognitive globale préservée chez l’assuré, mais à l’existence d’un sévère ralentissement dans sa vitesse de traitement de l’information en lien avec d’importantes fluctuations de ses capacités d’attention et des difficultés d’allocation de ressources, partiellement compensées par les capacités intrinsèques de l’assuré. La psychologue F______ a estimé que ces résultats n’étaient pas causés par un manque d’effort de l’assuré mais potentiellement par son état thymique et/ou de ses difficultés alléguées de sommeil.

e. En date du 2 septembre 2021, le Dr D______ a rendu un « rapport d’expertise ». Après une analyse des plaintes de l’assuré et de son anamnèse, et la réalisation d’un examen clinique, le Dr D______ a retenu que l’assuré ne souffrait d’aucun trouble psychiatrique. Il a en particulier écarté l’existence d’un « trouble de l’adaptation » (code F43.2 de la dixième version de la Classification Statistique Internationale des Maladies et des Problèmes de Santé Connexes [ci-après : CIM 10]) ou d’un trouble dépressif caractérisé (chapitre F32 CIM 10). De son point de vue, l’assuré souffrait authentiquement. Cependant, cette souffrance n’était pas liée à un trouble psychiatrique mais constituait une réaction non-pathologique à son licenciement, perçu comme injuste, à son inquiétude liée à ses recherches d’emploi. Le Dr D______ a par ailleurs noté qu’il apparaissait incohérent que l’assuré soit en incapacité totale de travail selon ses médecins-traitants mais se dise prêt à reprendre un travail dès que possible et réalise des recherches en ce sens. Il suggérait encore le réexamen du traitement antidépressif suivi par l’assuré.

f. Par courrier du 7 décembre 2021, l’assurance a considéré que l’assuré était entièrement capable de travailler et a précisé qu’elle considérait que le dossier était clos, soit qu’elle refusait de prester.

g. En date du 14 septembre 2021, le Dr E______ s’est déterminé sur le contenu du rapport du Dr D______. Il a contesté les conclusions auxquelles est parvenu ce dernier et a pour sa part retenu les diagnostics de « trouble anxieux, sans précision » (code F41.9 CIM 10) et « d’insomnie non-organique » (code F51.0 CIM 10). Selon lui, ces diagnostics justifiaient un arrêt de travail complet vu les symptômes de ces troubles sur les capacités nécessaires pour exercer un emploi de cadre supérieur du type de celui exercé jusqu’alors par l’assuré. Le Dr E______ a encore reproché au Dr D______ des manques méthodologiques dans la réalisation de son rapport.

h. Par courrier du 21 septembre 2021, l’assuré s’est déterminé sur le contenu du rapport du Dr D______. De son opinion, celui-ci contenait de nombreuses contradictions/erreurs/imprécisions, qui justifiaient que l’assurance s’en écarte et lui verse des indemnités-journalières.

i. Par rapport complémentaire du 6 octobre 2021, le Dr D______ s’est déterminé sur les critiques du Dr E______, ainsi que les critiques complémentaires de l’assuré soulevées dans une lettre du 21 septembre 2021. Il a en particulier contesté les diagnostics retenus par ce dernier. S’agissant du diagnostic de trouble anxieux sans précision, il a soutenu que celui-ci n’était pas convaincant car pas suffisamment étayé et menant à assimiler une anxiété non-pathologique face à une situation stressante à un trouble psychique d’anxiété, lequel suppose une absence de cause extérieure spécifique. S’agissant du diagnostic d’insomnie non-organique, il supposait qu’une cause organique soit exclue, ce qui n’était pas le cas au moment de sa propre évaluation de l’état de santé de l’assuré. Il suggérait toutefois des examens complémentaires en ce sens. En ce qui concernait les manques méthodologiques allégués, il les contestait fermement et en détail. Le Dr D______ a encore précisé que son évaluation n’était valable qu’à la mi-août 2021 et qu’il ne disposait pas des éléments pour se prononcer sur la période antérieure d’incapacité de travail de l’assuré.

j. Par observations complémentaires du 19 novembre 2021, le Dr E______ s’est déterminé sur le rapport complémentaire du Dr D______. Il a confirmé son diagnostic de trouble anxieux, sans précision et a diagnostiqué un nouveau trouble, à savoir un « épisode dépressif moyen » (code F32.1 CIM 10). S’agissant du diagnostic d’insomnie non-organique, il ne pouvait de son opinion être rejeté du seul fait qu’une cause organique n’ait pas encore été formellement exclue. Vu la forte présomption d’origine psychiatrique des insomnies de l’assuré, il convenait de retenir l’existe d’un trouble psychiatrique du sommeil jusqu’à preuve du contraire. En ce qui concernait les incohérences relevées par le Dr D______, elles auraient résulté d’une confusion temporelle, l’assuré n’étant plus capable de réaliser des recherches d’emploi depuis plusieurs mois à l’automne 2021.

k. En date du 3 décembre 2021, le Dr E______ s’est encore déterminé sur le contenu du rapport de la psychologue F______ qu’il avait entretemps reçu. À la même date, il a prolongé l’arrêt de travail de l’assuré jusqu’au 10 janvier 2022 inclus, mais a retenu que l’assuré était capable de travailler à 50% depuis le 1er décembre 2021.

l. En date du 9 décembre 2021, la Dresse C______ a rédigé un court rapport par lequel elle critiquait la position de l’assurance consistant à rejeter toute incapacité de travail de l’assuré. Au vu des symptômes de celui-ci, elle maintenait son opinion selon laquelle l’assuré était incapable de travailler, tout en suggérant le recours a une troisième opinion vu les nombreux points de divergences entre les deux psychiatres ayant examiné l’assuré.

m. L’arrêt de travail à 50% de l’assuré a été prolongé jusqu’au 31 janvier 2022 par le Dr E______. Depuis cette date, l’assuré est considéré comme étant entièrement capable de travailler. Il s’est inscrit « au chômage », soit auprès de l’Office régional de placement.

C. a. Par mémoire du 29 décembre 2021, l’assuré a introduit auprès de la chambre de céans une demande à l’encontre de l’assurance en concluant principalement au paiement d’indemnités pour un montant total de CHF 235’498.50, sous suite de frais et dépens. Il a de plus requis l’audition de plusieurs témoins au titre de ses offres de preuve.

b. Par courrier du 28 janvier 2022, le demandeur a requis la tenue d’une audience de débats.

c. L’assurance a répondu par mémoire du 16 mars 2022 en concluant au déboutement complet du demandeur. Elle a en outre produit la police d’assurance et les conditions générales d’assurance réclamées par celui-ci.

d. Le demandeur s’est détermine sur les allégués de la défenderesse par mémoire du 6 mai 2022. La défenderesse a déposé des observations spontanées sur ces déterminations par mémoire du 20 mai 2022.

e. Une audience de débats d’instructions et de débats principaux s’est tenue en date du 13 juin 2022 en présence du demandeur. Dans ce cadre, le demandeur a été interrogé sur les faits de la cause. Il a en outre requis la mise en œuvre d’une expertise judiciaire portant en particulier sur la question de sa capacité de travail sur la période du 21 juin 2021 au 31 janvier 2022.

f. En date du , la chambre de céans a rendu une ordonnance de preuve par laquelle elle ordonne une expertise judiciaire.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Selon l’art. 31 CPC, le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou celui du lieu où la prestation caractéristique doit être exécutée est compétent pour statuer sur les actions découlant d’un contrat, étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

Selon l’art. 18 CPC, sauf disposition contraire de la loi, soit lorsque la loi prévoit un for impératif, le tribunal saisi est compétent lorsque le défendeur procède sans faire de réserve sur la compétence.

En l’espèce, la défenderesse a son siège dans le canton de Zurich. Dans son mémoire de réponse du 16 mars 2022, la défenderesse n’a cependant pas contesté la compétence de la chambre de céans mais a discuté du litige au fond sans réserve, de sorte qu’une prorogation de fort tacite doit être admise (ATF
123 III 35 consid. 3b ; en ce sens également : ATF 143 III 578 consid. 3.2.2.1 ; ATF 143 III 462 consid. 2.3).

La compétence de la chambre de céans à raison du lieu doit en conséquence également être admise.

3.             Les litiges que les cantons ont décidé de soumettre à une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/306/2022 du 31 mars 2022 consid. 3 ; ATAS/199/2022 du 4 mars 2022 consid. 2), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC, ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l'art. 59 CPC. Elle donc recevable dans son entièreté.

4.             Il convient en premier lieu d’examiner s’il apparait adéquat d’ordonner une expertise judicaire dans le cadre de la présente procédure.

4.1 Selon l’art. 183 al. 1 CPC, un tribunal civil peut, à la demande d’une partie ou d’office, demander une expertise à un ou plusieurs experts. Il entend préalablement les parties. Il s’agit d’une décision d’instruction qui peut être prise par le seul juge instructeur (ATF 147 III 582 consid. 4.4).

Une expertise porte sur des faits (arrêt du Tribunal fédéral 4A_37/2019 du 30 avril 2019 consid. 4.5.3) qui sont débattus entre les parties, même si le juge n’est pas tenu par les allégations et déterminations des parties, lorsque la maxime inquisitoire sociale est applicable (ATF 142 III 402 consid. 2.1 ; ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une expertise privée ne constitue pas un moyen de preuve, mais un simple allégué de partie ; celui doit toutefois être contestés de manière motivées par la partie qui considère une telle expertise comme non-concluante (ATF 141 III 433 consid. 2.5.3 et 2.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_410/2021, du 13 décembre 2021 consid. 3.2).

4.2  

4.2.1 En l’espèce, le paragraphe B.1.1 des CGA prévoit que la défenderesse verse les indemnités journalières prévues dans la police « principale » d’assurance en cas d’incapacité de travail due à une maladie. La couverture d’assurance est limitée aux salariés de l’employeur et prend fin lorsqu’une personne perd cette qualité. En effet, selon le §B.5.2 des CGA :

« Pour chaque personne assurée, la couverture d’assurance cesse au moment où elle quitte le cercle des personnes assurées ».

La notion d’incapacité de travail est définie plus en détail par le §D2 des CGA. Selon cette stipulation contractuelle :

« Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé d’elle, si cette perte résulte d’une maladie. »

Après une incapacité de travail de 6 mois, l’activité raisonnablement exigible peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité.

Dans le cas d’une incapacité de travail ininterrompue d’une durée supérieure à une année (365 jours), seuls sont pris en considération pour déterminer le degré d’incapacité de travail les effets de l’atteinte à la santé sur l’incapacité de travail qui ne sont pas objectivement surmontables. Pour la constatation de ces effets, un diagnostic reconnu doit avoir été posé et un traitement médical adéquat appliqué. »

Ces règles se rapprochent fortement du régime prévu par l’art. 6 LPGA, tout en rajoutant (cf. troisième phrase) une règle qui se rapporte usuellement à la capacité de gain (cf. art. 7 al. 2 LPGA) et dont la portée semble ambigüe en matière d’incapacité de travail puisque l’assuré est alors toujours rattaché à un emploi particulier, mais qui ne trouve de toute façon a priori pas application dans le cas d’espèce.

Au vu des stipulations ci-dessus, il apparait que le droit potentiel du demandeur envers la défenderesse à des indemnités journalières dépend en particulier des points suivants :

(1)   L’existence d’une ou plusieurs trouble(s) à la santé chez l’assuré, ainsi que leur nature et leur gravité ;

(2)   Les limitations fonctionnelles qui résultent de ces éventuelles atteintes à la santé ;

(3)   La date à laquelle ces limitations ont le cas échéant pris naissance et la date à laquelle elles ont le cas échéant pris fin en tout ou en partie.

4.3 Le demandeur a requis la mise en œuvre d’une expertise judicaire portant sur l’existence d’éventuels troubles psychiatriques à sa santé des conséquences de ceux-ci sur sa capacité de travail. Il s’agit là de questions de faits qui apparaissent essentielles pour la résolution du litige opposant les parties. Ces questions sont donc susceptibles de fait l’objet d’une telle expertise pour autant que les preuves déjà disponibles à la procédure ne permettent pas déjà d’y répondre.

Les parties ont produit à la procédure différentes expertises privées, et en particuliers deux expertises de médecins spécialistes FMH en psychiatrie et psychothérapie. Conformément à la jurisprudence fédérale, ces expertises doivent être qualifiées d’allégués de partie.

À l’examen des expertises privées produites par les parties, il n’apparait pas que l’un des rapports en cause apparaisse si contradictoire ou insuffisamment motivé, au point qu’il soit nécessaire de l’écarter au profit de celui de son confrère. En ce qui concerne en particulier le reproche porté à l’encontre du Dr D______ de ne pas avoir contacté le Dr E______ au cours de la conception de son rapport, cela se justifie par le fait que le ce dernier n’avait pas encore rencontré le demandeur à cette époque. On ne voit en effet pas pourquoi il serait pertinent de contacter un futur médecin traitant pour lui demander des informations sur son futur patient. À l’opposé, on ne peut pas dire que la motivation par le Dr E______ de son diagnostic de de « trouble anxieux, sans précision » (code F41.9 CIM 10) serait à ce point succinct qu’il décrédibiliserait les conclusions auxquelles ce médecin spécialiste est parvenu. Par ailleurs, le cœur des critiques que s’adressent réciproquement les experts privés se rapporte à la substance de leurs diagnostics médicaux, et la chambre de céans ne dispose donc pas des connaissances nécessaires pour trancher.

En présence de deux expertises privées qui se contredisent sans que l’une apparaisse clairement plus convaincante que l’autre, il n’est pas possible pour la chambre de céans d’affirmer ou d’infirmer l’existence d’une incapacité de travail. Dès lors que cette question est essentielle pour la résolution du litige et que le demandeur requiert la mise en œuvre d’une expertise judiciaire, il y a lieu d’ordonner une telle expertise.

5.             Il convient ensuite de déterminer concrètement les objets sur lesquels devra porter l’expertise, au vu des éléments listés au considérant 4.2.1, ainsi que la personne de l’expert à l’aune des qualités exigées de ce dernier en l’espèce pour répondre auxdites questions.

5.1 Les expertises privées produites par les parties s’opposent sur des éléments essentiels. Elles s’accordent toutefois sur le fait que les troubles dont souffre potentiellement l’assuré relèvent principalement de la psychiatrie.

À la lecture du rapport initial du Dr D______ (pièce 6 demandeur), des observations initiales du Dr E______ (pièce 9 demandeur), des observations complémentaires du Dr D______ (pièce 12 demandeur), des observations complémentaires du Dr E______ (pièces 14 et 17 demandeur) et du rapport de la Dresse C______ (pièce 7 demandeur), il apparait que les éléments médicaux concrètement discutés sont en particulier ceux-ci :

-       L’existence d’un trouble psychiatrique chez l’assuré, et en particulier d’un des troubles suivants :

épisodes dépressifs (chapitre F32 CIM 10) ;

autres troubles anxieux (chapitre F41 CIM 10) ;

réaction à un facteur de stress sévère, et troubles de l'adaptation (chapitre F43 CIM 10) ;

insomnie non organique (code 51.0 CIM 10).

-       Les limitations fonctionnelles éventuelles résultant de ces potentielles atteintes à la santé ;

-       La date à laquelle ces limitations fonctionnelles sont survenues.

En ce qui concerne la question de l’incapacité de travail de l’assuré stricto sensu, il s’agit d’une question de droit, et non une question de fait (en ce sens : ATF
143 V 418 consid. 6 ; ATF 141 V 281 consid. 5). Comme il est d’usage dans la pratique en matière de droit social, il apparait néanmoins pertinent de requérir l’opinion de l’expert sur la capacité ou l’incapacité de travail de l’assuré dans son ancienne profession et domaine d’activité, ainsi que dans une autre profession et d’un autre domaine d’activité, à l’aune des éventuelles limitations fonctionnelles de l’assuré.

5.2 La réponse aux questions susmentionnées nécessite la désignation d’un médecin spécialiste en psychiatrie.

Le docteur G______ est un médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie exerçant à K______ [GE]. Il dispose donc des qualifications professionnelles requises tout n’ayant aucun lien avec les parties. Sa nomination en tant qu’expert judiciaire indépendant apparait donc appropriée.

6.             L’expertise du Dr G______ devra répondre aux exigences formelles et matérielles suivantes.

6.1 En ce qui concerne le plan formel, le Tribunal fédéral a précisé dans un arrêt de principe que les experts nommés doivent établir le rapport d’expertise sous leur responsabilité directe, ce qui implique qu’ils réalisent personnellement les éléments fondamentaux constitutifs de l'expertise comme la prise de connaissance du dossier, l'analyse de celui-ci, l'examen de l'expertisé, l'appréciation du cas et la conception des conclusions de l’expertise; l'assistance d'auxiliaires chargés d'effectuer des tâches secondaires comme des analyses techniques, des recherches ou des contrôles est toutefois possible, en revanche s’il apparaissait à l’expert que des investigations non-prévues par son mandat étaient nécessaires, il devrait prendre contact avec la chambre de céans (cf. art. 186 CPC). Le nom de tout auxiliaire participant à l’expertise et dont l'appréciation peut influencer les conclusions de celle-ci doit être mentionné dans le rapport d’expertise et même annoncé aux parties dès que sa personne est certaine (en ce sens : ATF 146 V 9 consid. 4.2.3).

6.2 Sur le plan matériel, le rapport d’expertise devra être complet, se baser sur tous les éléments disponibles et notamment l’anamnèse et les déclarations de l’assuré, et mener à des réponses aux questions, respectivement à des conclusions claires et motivées (en ce sens : ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020, du 15 avril 2021 consid. 2.4). L’expert devra notamment préciser dans quelle mesure ses conclusions se basent sur des examens nouvellement réalisés dans le cadre de l’expertise ou sur des examens antérieurs (en ce sens : ATF 137 V 210 consid. 6.3.4).

7.             La question du règlement des frais de l’expertise sera réglée avec la décision finale.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I.                   Ordonne une expertise médicale psychiatrique et la confie au docteur G______, FMH psychiatrie et psychothérapie, ______ [GE].

II.                Dit que la mission de l’expert sera la suivante :

A.               Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.                 Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée.

C.                 Procéder à un examen personnel de la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner tout autre examen utile.

D.                Établir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivantes :

1.                 Quelle est l’anamnèse ?

2.                 Quelles sont les plaintes de la personne expertisée ?

3.                 Diagnostic

3.1 Quels sont les diagnostics psychiatriques ?

3.2. En particulier, l’assuré souffre-t-il :

-       D’un trouble relevant de la catégorie « épisodes dépressifs » (chapitre F32 CIM 10) ;

-       D’un trouble relevant de la catégorie « autres troubles anxieux » (chapitre F41 CIM 10) ;

-       D’un trouble relevant de la catégorie « réaction à un facteur de stress sévère, et troubles de l'adaptation » (chapitre F43 CIM 10) ;

-       D’une insomnie non organique (code 51.0 CIM 10).

3.3. Depuis quelle date les diagnostics précités existent-ils ?

3.4. Quelle est la gravité médicale de chaque trouble à la santé constaté ?

4.                  Quel est le pronostic du ou des trouble(s) à la santé diagnostiqué(s) ?

5.                  Limitations fonctionnelles

5.1 Quelles sont les limitations fonctionnelles de la personne expertisée en lien avec chaque diagnostic posé ?

5.1.1 En particulier, le traitement suivi par l’expertisé a-t-il des effets secondaires ? Si oui, lesquels ? Ont-ils un impact sur les capacités fonctionnelles de l’assuré ?

5.1.2 Depuis quand les limitations fonctionnelles sont-elles présentes ?

5.1.3 Ces limitations fonctionnelles ont-elles pris fin ? Si oui, à quel moment ?

5.2 Au vu des limitations fonctionnelles éventuelles retenues au chiffre 5.1, veuillez apprécier la capacité de travail de la personne expertisée depuis le 21 juin 2021, cela en tenant compte d’une éventuelle diminution de rendement en lien avec les limitations fonctionnelles :

5.2.1 Dans son activité habituelle de cadre supérieur d’une entreprise multinationale ?

5.2.2 Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues ; si celle-ci est nulle ou partielle, veuillez en préciser les motifs.

6.                 Traitement

6.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

6.2 Peut-on attendre de la poursuite du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée ?

7.                 Appréciation des rapports médicaux du dossier

7.1 Êtes-vous d’accord avec les observations du Dr D______ des 26 août et 6 octobre 2021 ? Si oui/non, pourquoi ?

7.2 Êtes-vous d’accord avec les observations du Dr E______ des 14 septembre, 19 octobre et 3 décembre 2021 ? Si oui/non, pourquoi ?


 

8.                  Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

 

III.             Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

IV.             Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le ______