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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3035/2021

ATAS/528/2022 du 07.06.2022 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3035/2021 ATAS/528/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 juin 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENEVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Claudio FEDELE

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, Service juridique, sise 12, rue des Gares, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A.      a. La société B______(ci-après : la société), avec siège à Carouge, a été inscrite au Registre du commerce le 17 juillet 2001 initialement sous la raison sociale C______, laquelle a été modifiée le 27 mars 2007.

b. Depuis cette dernière date, la société a eu son adresse chez Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), lequel était associé gérant avec pouvoir de signature individuelle aux côtés de Madame D______, associée sans pouvoir de signature.

c. La société était affiliée, en tant qu’employeuse, à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée).

d. La société a été dissoute par suite de faillite selon un jugement du tribunal de première instance prononcé le 1er décembre 2016. La procédure de faillite a été suspendue faute d’actifs par jugement du 11 mai 2017.

B.       a. Le 21 juillet 2017, la caisse a adressé à l’intéressé une demande de réparation de dommage, correspondant aux cotisations paritaires impayées par la société, aux frais d’administration, de sommation et de poursuite, ainsi qu’aux intérêts moratoires y relatifs pour les années 2011 et 2013 à 2015 d’un montant de CHF 49'311.25 (2011 : CHF 4'617.25 ; 2013 : CHF 9'096.70 ; 2014 : CHF 12'478.15 ; 2015 : CHF 23'119.15).

b. L’intéressé s’est opposé à cette décision le 22 août 2017. Il n’était pas responsable du dommage causé à la caisse. Il avait fait confiance à Monsieur E______, ancien ami et employé de la société en charge de l’administration et de la gestion (père de Mme D______), contre lequel il avait porté plainte pour abus de confiance et gestion déloyale, dans la mesure où il lui reprochait notamment de s’être approprié le montant des charges sociales perçues sur les salaires des autres employés de la société.

c. Par décision sur opposition du 10 août 2021, la caisse a rejeté cette dernière, en précisant que l’intéressé avait accepté de renoncer à la prescription jusqu’au 31 août 2021 et n’avait pas informé la caisse de l’avancée de la procédure pénale ouverte à la suite de sa plainte. La responsabilité de l’associé gérant était dans ce cas engagée quand bien même ce dernier aurait chargé l’un de ses employés de l’administration de la société qui aurait commis des infractions au préjudice de la société. En effet, l’associé gérant avait, de par la loi, le devoir de prélever les charges sociales sur les salaires des employés et de payer les cotisations paritaires à la caisse. Il lui incombait personnellement de s’en assurer en tant qu’organe de la société.

d. Le 11 août 2021, l’intéressé a demandé à la caisse de reconsidérer sa décision et lui a transmis une ordonnance pénale et de classement rendue contre l’ancien employé contre lequel il avait porté plainte. À teneur de cette ordonnance, il était notamment reproché à M. E______ de s’être approprié les charges sociales prélevées sur les salaires des autres employés de la société entre 2007 et 2015. Ces faits, contestés par le prévenu, avaient été néanmoins retenus par le Ministère public sans que l’ordonnance n’indique sur quel fondement ces faits étaient établis ni quelle qualification juridique ils revêtaient. Les nombreux actes reprochés au prévenu ont soit été classés telle que l’infraction d’abus de confiance en lien avec l’utilisation de la carte de crédit de l’entreprise et l’infraction de concurrence déloyale non établie, soit été - indistinctement - qualifiés d’abus de confiance, de gestion déloyale et d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale. Cette ordonnance a été frappée d’opposition par le prévenu, opposition finalement retirée par ce dernier avant l’audience de jugement.

e. Le 2 septembre 2021, l’intéressé a à nouveau demandé à la caisse de reconsidérer sa décision.

C.      a. Le 10 septembre 2021, l’intéressé a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) contre la décision sur opposition précitée en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation. Il expliquait que faute de connaissances et de formation en matière administrative et de gestion, il s’était attaché les services de M. E______ dès qu’il était devenu associé gérant de la société en 2007. Il pensait pouvoir lui faire une totale confiance. Il lui avait confié toutes tâches administratives dont celles relatives aux cotisations sociales. M. E______ disposait d’un accès complet aux comptes de la société. Le 19 octobre 2015, soit deux ans avant que le recourant ne reçoive la décision litigieuse, il avait porté plainte contre l’employé précité. Il convenait de tenir compte de la responsabilité dudit employé, seule personne ayant géré les affaires administratives de la société. Lui-même n’était pas responsable du dommage causé à la caisse.

b. Dans sa réponse du 28 septembre 2021, la caisse a conclu au rejet du recours. En sa qualité d’organe de la société, le recourant devait contrôler et surveiller que les cotisations paritaires étaient acquittées par son employé. Même si les infractions pénales retenues contre M. E______ devaient être retenues à l’issue de la procédure pénale, ses agissements ne pouvaient pas interrompre le lien de causalité entre la passivité du recourant dans la gestion de la société et le dommage subi par la caisse. À l’instar d’un homme de paille, l’associé qui ne participe pas à la gestion de la société ne peut pas se voir libérer de sa responsabilité d’organe. Le recourant n’avait pas été trompé par les agissements de son employé, lequel n’avait pas fait de faux bilans ni dissimulé ses actes, mais s’était désintéressé de la gestion de la société et ne s’était pas assuré que ses obligations de droit public étaient remplies.

c. Par réplique du 25 octobre 2021, le recourant a avisé la chambre de céans du fait que M. E______ avait retiré son opposition à l’ordonnance pénale précitée. Le recourant ajoutait qu’en sus de la confiance qu’il avait eu en son employé gérant, ce dernier le rassurait lorsqu’il posait des questions sur la société. Après avoir licencié cet employé indélicat avec effet immédiat, il avait découvert l’importance des factures impayées, dont certaines se trouvaient encore dans des enveloppes recommandées non ouvertes qui avaient été cachées. La société fiduciaire mandatée ne lui avait pas fait part de soupçons. Il n’avait donc pas commis de négligence grave.

d. La chambre de céans a sollicité les pièces du dossier notamment pour savoir si la caisse avait agi contre Mme D______ en tant qu’associée inscrite au Registre du commerce et le cas échéant appeler en cause cette dernière. La caisse a répondu qu’elle n’avait pas agi contre l’associée sans pouvoir de signature.

e. Le 16 mai 2022, le recourant a pris position sur la dernière écriture de la caisse et le 25 mai 2022, la caisse a fait des observations supplémentaires.

f. À la suite de l’échange des écritures, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.         

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 , 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

1.2 Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le litige porte sur le droit de l’intimée au paiement d’un montant de CHF 49'311.25 par le recourant à titre de réparation du dommage subi ensuite du non-paiement de cotisations sociales dues par la société à responsabilité limitée qui a fait faillite, dont le recourant était l’associé gérant avec signature individuelle.

Le recourant critique le principe même de sa responsabilité d’employeur en tant qu’associé gérant, le dommage ayant uniquement été causé, selon lui, par l’employé de la société auquel il avait donné son entière confiance et « tout pouvoir » de gestion et qui a été condamné pour gestion déloyale et abus de confiance.

3.        En vertu de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation, est tenu à réparation. Si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom. Les personnes qui sont organes formels et légaux d’une personne morale, notamment d’une société à responsabilité limitée, entrent en principe toujours en considération en tant que responsables subsidiaires aux conditions de l’art. 52 LAVS (cf. ATF 132 III 523 consid. 4.5 et 126 V 237 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1086/2009 du 15 juillet 2010 consid. 4.2). Cela dit, les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise ou lui incombe légalement. L’organe ne répond ainsi du dommage que s’il a violé intentionnellement ou par une négligence grave ses devoirs et qu'il existe un lien de causalité adéquate entre le manquement qui lui est imputable et le préjudice subi par la caisse de compensation (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

4.        L'art. 14 al. 1 LAVS (en corrélation avec les art. 34 ss RAVS [règlement du 31 octobre 1947 sur l'assurance-vieillesse et survivants ; RS 831.101]) prescrit que l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. Dans le domaine de l’assurance-chômage, une réglementation analogue est prévue par les art. 5 et 6 LACI (loi fédérale du 25 juin 1982 sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité; RS 837.0). L'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi. Celui qui néglige de l'accomplir enfreint par conséquent les prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS et doit réparer la totalité du dommage ainsi occasionné (ATF 137 V 51 consid. 3 et 132 III 523 consid. 4.4).

5.        L’art. 809 al. 1 CO (loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse [Livre cinquième: Droit des obligations]; RS 220) prévoit que les associés exercent collectivement la gestion de la société à responsabilité limitée. Les statuts peuvent régler la gestion de manière différente, notamment la désignation de gérants. Ces derniers sont compétents pour toutes les affaires qui ne sont pas attribuées à l’assemblée des associés par la loi ou les statuts (art. 810 al. 1 CO). Ils ont notamment pour attributions intransmissibles et inaliénables celles d’exercer la haute direction de la société et d’établir les instructions nécessaires, de fixer les principes de la comptabilité et du contrôle financier ainsi que le plan financier, pour autant que celui-ci soit nécessaire à la gestion de la société; ils doivent également exercer la surveillance sur les personnes chargées de parties de la gestion pour s’assurer notamment qu’elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données (art. 810 al. 2 ch. 1, 3 et 4 CO). Ces attributions imposent en particulier à l’associé gérant d’une société à responsabilité limitée de veiller, comme l’administrateur d’une société anonyme, à ce que les cotisations sociales soient régulièrement payées conformément à ce que prévoit l’art. 14 al. 1 LAVS, sans quoi sa responsabilité pour négligence grave est en principe engagée (cf. ATF 126 V 237 ; Mélanie FRETZ, La responsabilité selon l’art. 52 LAVS : une comparaison avec les art. 78 LPGA et 52 LPP, in : HAVE/REAS 3/2009 p. 242).

6. Si plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (art. 52 al. 2 phr. 2 LAVS). La responsabilité solidaire autorise la caisse de compensation à procéder contre l’ensemble ou seulement quelques-uns des auteurs du dommage, cas échéant contre un seul d’entre eux (ATF 134 V 306 consid. 3.1 et 114 V 213 consid. 3). Une limitation de la responsabilité en faveur d’un organe en raison de la faute tierce concomitante d’un responsable solidaire n’intervient que dans des situations exceptionnelles (SVR 2008 AHV n° 5 consid. 4.2.2).

7.        Dans sa décision sur opposition contestée, datée du 10 août 2021, l’intimée a exposé que la société n’avait pas rempli ses obligations légales à son égard. Elle a estimé qu’elle subissait dès lors un dommage à hauteur de CHF 49'311.25 au total, dans la mesure où la société précitée, en tant qu’employeuse, avait omis de s’acquitter des cotisations paritaires dues pour les années 2011 et 2013 à 2015. Après avoir constaté que le dommage subi ne pouvait être réparé par la société dont la faillite avait été suspendue faute d’actifs le 11 mai 2017, l’intimée a exigé du recourant en sa qualité d’associé gérant la réparation de la totalité du dommage. L’intimée a fait le choix de renoncer à agir contre l’associée qui ne détenait alors pas de pouvoir de signature, choix que la chambre de céans ne peut remettre en question dans le cadre de la présente procédure.

Le recourant, quant à lui, ne conteste pas que la société a omis de s’acquitter d’une part des cotisations paritaires dues pour lesdites années 2011 et 2013 à 2015 conformément au contrôle d’employeur et ne remet pas en cause le montant du dommage subi. Il fait en revanche valoir qu’il n’aurait commis aucune faute dans la gestion de l’entreprise, dès lors qu’il a fait entièrement confiance à l’employé auquel il avait confié la gestion administrative de la société, lequel a abusé des fonds de la société à son profit.

À titre liminaire, il convient de mentionner qu’à juste titre, le recourant ne fait pas valoir que le droit à la réparation serait prescrit. En effet, le droit à la réparation du dommage se prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage (art. 52 al. 3 LAVS dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020). Le dommage est réputé survenu dès que l’on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées pour des motifs juridiques ou de fait, que ce soit en raison de la péremption des cotisations (art. 16 al. 1 LAVS) ou de l’insolvabilité de l'employeur (ATF 136 V 268 consid. 2.6 et 134 V 257 consid 3.2).

Dans le cas d’espèce, la faillite ayant été suspendue faute d’actifs le 11 mai 2017, le dommage est ainsi survenu en mai 2017. En rendant sa décision de réparation du dommage à l’encontre du recourant, le 21 juillet 2017, puis en la confirmant le 10 août 2021, après avoir obtenu la renonciation du recourant à la prescription jusqu’à fin août 2021, l’intimée a respecté tant le délai de prescription relatif de deux ans (dès la connaissance du dommage) que le délai absolu de cinq ans de l’art. 52 al. 3 aLAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 ; ATF 141 V 487 consid. 2.2 et 136 V 268 consid. 2.6).

8.        Le recourant était un organe de la société et son associé gérant. Il disposait des pouvoirs et des responsabilités qui y étaient liés. Dans ce cadre, il avait le devoir de se renseigner périodiquement sur la marche des affaires et de prendre les mesures appropriées lorsqu'il avait connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société. Malgré son rôle d’associé gérant avec pouvoir de signature individuelle d’une société à responsabilité limitée, depuis 2007 et jusqu’à sa faillite en 2017, le recourant n’a pas veillé au paiement régulier des cotisations dues par cette société à la caisse de compensation intimée, contrairement aux obligations que lui imposaient les art. 14 al. 1 LAVS, 5 et 6 LACI et 810 al. 2 CO. Il ne peut donc s'exonérer de sa responsabilité, au motif qu'il ne participait pas à la gestion de cette société.

Sans remettre en doute l'explication du recourant quant à la confiance qu'il avait en son employé chargé de la gestion de la société, il y a lieu de relever que, dans la mesure de ses fonctions d'associé gérant découlant de la loi, il lui incombait de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires soient effectivement payées périodiquement à la caisse de compensation, au moyen du versement d'acomptes paritaires. Le fait qu'à aucun moment, le recourant ne se soit préoccupé de ses obligations légales, qu'il ait ainsi laissé la situation perdurer et s'aggraver jusqu'à un point de non-retour, suffit déjà, en l'espèce, pour constituer une négligence grave. Le fait que l’employé se serait montré rassurant ne pouvait pas conduire le recourant à omettre toute vérification entre 2007 et la faillite de la société en 2017, en particulier durant la période litigieuse, étant rappelé qu’il avait de par la loi pour attributions intransmissibles et inaliénables, notamment celle du contrôle financier et de surveiller les personnes chargées de parties de la gestion pour s’assurer notamment qu’elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données (art. 810 al. 2 ch. 1, 3 et 4 CO). Quant à la condamnation pénale de l’employé, il sera rappelé que selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales n'est pas lié par les constatations et l'appréciation du juge pénal quant à l'évaluation de la faute commise, mais tout au plus, à certaines conditions, par ses constatations de fait (cf. ATF 111 V 177 consid. 5a et les références). En toute hypothèse, le fait que le recourant ait à tort fait confiance à cet employé engage sa propre responsabilité. Le recourant doit se voir reprocher le fait d’avoir ignoré que les cotisations n’étaient que partiellement payées ou de s’en être accommodé en laissant la gestion de la société à son employé sans le surveiller.

L’on relèvera en outre qu’il apparaît au dossier que plusieurs contrôles de l’employeur ont été faits par la caisse au fil du temps et que la caisse adressait ses courriers à la société au nom du recourant, de sorte qu’en tant que gérant d’une si petite structure, le recourant ne pouvait pas se contenter d’ignorer les affaires administratives en s’en remettant uniquement à la gestion de l’un de ses employés. Il lui appartenait de s’informer de la suite desdits contrôles et du paiement des charges à tout le moins.

Une violation de la tâche de droit public assignée aux employeurs par les dispositions précitées implique la réparation du dommage qui en résulte (ATF 118 V 193 consid. 2a). La condition de l’illicéité est, de ce fait, donnée.

Le dommage subi et réclamé au recourant, correspondant à la perte de cotisations pour les années 2011 et 2013 à 2015 (et les frais y relatifs), est en lien de causalité avec la violation par le recourant des devoirs rappelés ci-avant au même titre que le comportement qu’il reproche à l’employé auquel il avait confié la gestion de la société. En effet, le recourant, en n’exécutant pas correctement sa charge d’associé gérant pour ce qui concerne les cotisations sociales en lien avec la période litigieuse, a contribué au dommage subi par l’intimée. Le lien de causalité entre la violation de ses obligations et le dommage subi par l’intimée est donné, indépendamment du comportement de son ex-employé et ami. Il faut rappeler que les exigences posées aux organes d’une personne morale sont élevées tant pour ce qui relève du devoir de veiller à la bonne marche des affaires et de porter une attention particulière au choix de la personne à laquelle ils confient la gestion des affaires importantes, aux instructions qu’ils lui donnent et à la surveillance des affaires ainsi déléguées. Ni le manque de compétence, ni le manque de curiosité ne constituent des motifs permettant d’atténuer la responsabilité de l’organe de la société (cf., Michel VALTERIO, Commentaire thématique, droit de l’assurance vieillesse et survivants (AVS) et de l’assurance-invalidité (AI) 2011, p. 656 et 657 N. 2428 et 2431).

Contrairement au reproche formulé par le recourant, en application des principes de la responsabilité solidaire exposés ci-avant, l’intimée avait le droit de ne rechercher que l’un des auteurs du dommage. Dans cette mesure, il lui était loisible de prétendre à l’entier de sa créance auprès du recourant.

Il n’appartenait pas à l’intimée de régler un conflit de nature civile, ni de se prononcer sur la responsabilité pénale de l’employé.

En conclusion, les conditions cumulatives de l’art. 52 LAVS étant réalisées, c’est à juste titre que l’intimée a retenu que le recourant, en sa qualité d’organe de la société ayant fait faillite, est tenu de rembourser le dommage subi, d'un montant total de CHF 49'311.25.

Par appréciation anticipée des preuves, il sera renoncé à toute audition, dans une procédure qui est par principe écrite, dans la mesure où, comme retenu ci-avant, les obligations du recourant ressortent de la loi et que sa responsabilité d’associé gérant ne lui permet pas de se retrancher derrière le comportement d’un employé auquel il a délégué des devoirs de gestion qui lui incombaient en premier lieu et dont il devait s’assurer du respect, en particulier s’agissant de devoirs de droit public.

9.        Si la responsabilité du recourant au sens de l’art. 52 LAVS doit être confirmée pour la période litigieuse, soit pour les années 2011, 2013 à 2015, comme exposé ci-dessus, il n’existe toutefois pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat (cf. consid. 8b ci-dessus ; ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020 consid. 14).

Partant, il y a lieu de déduire du dommage de l’intimée les cotisations impayées découlant de la LAMat, comme cette dernière l’a d’ailleurs indiqué dans la décision attaquée.

Eu égard à ce qui précède, le recours sera très partiellement admis, la décision litigieuse du 10 août 2021 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour nouveau calcul du dommage, en excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelle décision.

10.    Le recourant, représenté par un conseil, n'obtenant gain de cause, ni sur le principe de sa responsabilité, ni sur la majeure partie du dommage dont il est responsable, l'indemnité sera fixée à CHF 200.-. (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

11.    Pour le surplus, la procédure est gratuite.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet très partiellement, dans le sens des considérants.

3.        Renvoie la cause à l'intimée pour nouveau calcul du dommage excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelle décision.

4.        Rejette le recours pour le surplus et confirme donc la responsabilité du recourant pour les années 2011 et 2013 à 2015.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 200.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le

En 2011, sur une masse salariale de CHF 211'098.85, les cotisations et frais s’élevaient à CHF 31'236.35 et la société n’avait payé que CHF 26'580.45, la taxe CO2 à déduire étant de CHF 38.65. En 2013, sur une masse salariale de CHF 190'963.-, les cotisations et frais s’élevaient à CHF 29'540.20 et la société n’avait payé que CHF 20'402.65, la taxe CO2 à déduire étant de CHF 40.85. En 2014, sur une masse salariale de CHF 294'571.-, les cotisations et frais s’élevaient à CHF 48'282.45 et la société n’avait payé que CHF 35'406.30, la taxe CO2 à déduire étant de CHF 398.-. En 2015, sur une masse salariale de CHF 329'455.85, les cotisations et frais s’élevaient à CHF 54'053.30 et la société n’avait payé que CHF 30'793.05, la taxe CO2 à déduire étant de CHF 141.10.