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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2688/2021

ATAS/544/2022 du 16.06.2022 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2688/2021 ATAS/544/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 juin 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, représenté par APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : le bénéficiaire ou le recourant), né en 1953, et son épouse, née en 1960, sont originaires du Kosovo. Ils sont parents de six enfants nés entre 1975 et 1988. Le bénéficiaire perçoit des prestations complémentaires depuis plusieurs années.

b. Par arrêt ATAS/839/2020 du 8 octobre 2020, rendu dans la cause A/3501/2019, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a admis partiellement un recours du bénéficiaire s’agissant du montant retenu par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) à titre de revenus déterminants de celui-ci et a renvoyé la cause au SPC pour nouvelle décision. Il a en effet été jugé que le SPC avait tenu compte, à tort, d’un gain hypothétique de l’épouse du bénéficiaire. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral.

B.            a. Par décision sur opposition datée du 23 février 2021, remplaçant sa décision antérieure du 28 août 2019, le SPC a retenu que la prestation complémentaire annuelle du bénéficiaire devait être modifiée en ce sens que la prestation annuelle du bénéficiaire était fixée à CHF 2'158.- mensuellement à partir du 1er mars 2021. Celui-ci devait en outre bénéficier d’un paiement rétroactif s’élevant à CHF 54'593.- pour la période allant du 1er janvier 2019 au 28 février 2021.

Il ressort notamment des plans de calcul annexés à cette décision que le SPC a inclus le montant payé rétroactivement de CHF 54'593.- dans la fortune (s’élevant au total à CHF 69'878.-) dont disposait le recourant pour calculer son droit à une prestation complémentaire annuelle, à partir du 1er mars 2021.

Par décision datée du 23 avril 2021, le SPC a modifié la prestation annuelle du bénéficiaire en la fixant à CHF 1’091.- à partir du 1er mai 2021. Par décision datée du même jour, le premier a requis du second la restitution d’un montant de CHF 10'610.- en lien avec un trop-perçu sur la période allant du 1er juillet 2020 au 30 avril 2021. Le montant de CHF 69'878.- retenu à titre de fortune dont disposait le recourant à partir du 1er mars 2021 est identique à celui qui figurait dans la décision du SPC du 23 février 2021.

b. Par courrier du 25 mai 2021, le bénéficiaire a fait opposition à cette décision en invoquant la violation du principe d’égalité de l’art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), dès lors que le montant de sa prestation annuelle était réduit du fait de la perception du montant de CHF 54'593.- reçu du SPC lui-même à titre rétroactif.

c. Par décision sur opposition datée du 15 juin 2021, le SPC a maintenu sa décision initiale en contestant que la pratique consistant à tenir compte d’un paiement rétroactif de sa part dans la fortune d’un assuré soit contraire au principe d’égalité.

C. a. Par mémoire du 17 août 2021, le bénéficiaire a recouru contre la décision sur opposition du SPC en concluant à ce que la cause soit renvoyée à cette autorité pour qu’elle calcule à nouveau le montant de sa prestation complémentaire annuelle, sans tenir compte à titre de fortune du montant de l’arriéré versé par elle-même.

b. Par courrier du 31 août 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours en reprenant brièvement la motivation détaillée dans sa décision sur opposition.

c. Le recourant a répliqué par courrier du 24 septembre 2021. L’intimé a dupliqué par courrier du 19 octobre 2021.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

e. Les autres faits seront décrits, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             En l’espèce, la question du respect du délai d’opposition de trente jours (cf. art. 52 al. 1 LPGA et 42 al. 1 LPCC) se pose, car le recourant conteste un élément du calcul qui n’a pas été modifié par la décision de l’intimé du 23 avril 2021, mais ressort déjà de la décision du 23 février 2021.

2.1  

2.1.1 Selon l’art. 25 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), une décision concernant la prestation complémentaire annuelle peut être modifiée notamment en cas de baisse de l’excédent de dépenses au sens de l’art. 9 al. 2 LPC (dépenses reconnues – revenu déterminant). Il s’agit d’un cas particulier de révision au sens des art. 53 al. 1 et 17 LPGA (en ce sens : arrêt du Tribunal fédéral 9C_336/2020 du 3 septembre 2020 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_480/2018 du 30 janvier 2019 consid. 2.3 ; Ueli KIESER, SK - Schulthess Kommentar ATSG, 4ème éd. 2020, n. 97 ad. art. 53 LPGA ; Margit MOSER-SZELESS, Commentaire romand LPGA, 2018, n. 45 ad. art. 17 LPGA).

Selon l’art. 19 LPCC, une prestation est modifiée selon les règles prévues en matière de prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité.

2.1.2 En cas de révision, la décision antérieure doit faire l’objet d’un réexamen matériel complet (ATF 147 IV 417 consid. 7.3.3 [concernant des prestations complémentaires] ; ATF 129 V 211 consid. 3.2.2 ; ATF 122 V 134 consid. 2d [concernant des prestations complémentaires] ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_365/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_552/2016 du 8 février 2017 consid. 3.3). L’étendue de cet examen est cohérente avec le fait que la décision faisant suite à la procédure de révision (« décision révisée ») remplace entièrement la décision antérieure (ATF 147 V 167 consid. 6.1.2 ; ATF 140 V 514 consid. 5.2)

2.2 En l’espèce, l’intimé a procédé à une révision de la prestation annuelle du recourant par décision de révision datée du 23 avril 2021. Cette révision était fondée sur la modification du montant reçu par le recourant au titre de rente AVS, et du montant reçu par l’épouse au titre de rente AI. Ce motif de révision est expressément mentionné par l’art. 25 al. 1 let. b OPC-AVS/AI, de sorte que c’est à juste titre que le SPC a procédé à une révision en cours d’année.

Dans ces circonstances, l’intimé était tenu de procéder à un réexamen matériel complet et la décision du 23 avril 2021 remplace entièrement la décision précédente du 23 février 2021. Partant, tous les éléments du calcul, et notamment le montant de la fortune retenu par le SPC, pouvaient faire l’objet d’une décision sur opposition puis d’un recours par-devant la chambre de céans. L’intimé n’a ailleurs pas déclaré l’opposition irrecevable, bien qu’elle porte sur un élément du calcul n’ayant pas été modifié depuis la décision antérieure.

L’opposition a donc a été déposée dans le délai prescrit et le délai de recours auprès de la chambre de céans n’a commencé à courir que le lendemain de la réception de la décision sur opposition par le recourant, soit le 17 juin 2021.

3.             Déposé au dernier jour du délai de trente jours suspendu du 15 juillet au 15 août inclus (cf. art. 60 LPGA et art. 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours a été introduit dans les temps, tant en ce qui concerne les PCF, qu’en ce qui concerne les prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC).

Interjeté pour le surplus dans les formes prévues par la loi (cf. art. 89B LPA), il est recevable.

4.             L’objet du litige se limite à un élément précis du calcul de la prestation complémentaire 2021 du recourant, à savoir un montant de CHF 54'593.- retenu à titre de fortune et issu d’un paiement rétroactif de l’intimé en faveur du bénéficiaire suite à l’arrêt ATAS/839/2020 du 8 octobre 2020.

4.1 Selon le recourant, le fait de tenir compte d’un versement rétroactif versé par le SPC dans le calcul de la prestation annuelle d’un assuré est contraire au principe d’égalité de l’art. 8 al. 1 Cst. En effet, si le montant en cause avait été versé mensuellement au lieu d’être versé en une fois, il aurait été dépensé et ne serait donc pas rentré dans le calcul de la fortune du recourant. Il existe donc une différence infondée entre un assuré qui aurait reçu dès le départ le montant correct de sa prestation complémentaire mensuelle, et l’assuré qui reçoit par la suite un rétroactif. De l’opinion du recourant, cette prise en compte est, en outre, contraire à l’interdiction de l’arbitraire dès lors que le versement d’un rétroactif résulte d’une erreur du SPC lui-même.

4.2 Selon l’intimé, il n’existe pas de différence de traitement injustifiée au sens de l’art. 8 al. 1 Cst. dès lors que l’assuré est traité de la même manière qu’un assuré qui aurait thésaurisé une partie du montant reçu à titre de prestations sociales ou qu’un assuré qui aurait dû s’endetter pour payer ses charges courantes et aurait ensuite vu sa fortune nette s'accroître à la réception du paiement rétroactif. Le SPC fait notamment valoir que la question a déjà été tranchée par des arrêts antérieurs de la chambre de céans.

5.             Dans un arrêt ATAS/581/2011 du 31 mai 2011 consid. 2c, la chambre de céans a retenu ce qui suit :

« En l’espèce, la recourante fait valoir qu’on ne peut tenir compte dans le cadre de sa fortune de l’important montant qu’elle a perçu rétroactivement au titre de prestations complémentaires fédérales et cantonales, en avril 2007, pour la période à compter du 1er juillet 2000.

Cela étant, ainsi que l’a justement retenu l’intimé, ce montant rétroactivement perçu est venu augmenter son patrimoine, de sorte qu’il était impossible à l’intimé de ne pas le prendre en compte dans le cadre de l’établissement de ses revenus, au vu des dispositions légales susmentionnées ».

Dans des arrêts ATAS/454/2016 du 8 juin 2016 consid. 9a et ATAS/350/2021 du 20 avril 2021 consid. 12, la chambre de céans s’est appuyée sur cette jurisprudence initiale pour affirmer qu’un montant versé rétroactivement par le SPC devait être pris en compte à titre de fortune dans le cadre du calcul du montant de la prestation complémentaire annuelle.

Le recourant conteste la jurisprudence susmentionnée en affirmant qu’elle est incompatible avec l’art. 8 al. 1 Cst. Il requiert donc un changement de jurisprudence.

6.             Une jurisprudence existante doit être maintenue, respectivement suivie, sauf en présence de motifs objectifs sérieux, soit un changement dans la compréhension de la ratio legis, une évolution des faits ou encore une évolution des conceptions juridiques ; les motifs d'un changement de jurisprudence doivent être d'autant plus importants que la jurisprudence en cause est bien établie (ATF 148 V 84 consid. 7.1.1 ; ATF 148 V 2 consid. 5.4 ; ATF 147 V 342 consid. 5.5.1 ; ATF 147 V 133 consid. 4.5 ; ATAS/472/2022 du 23 mai 2022 consid. 5.2).

7.             Il convient tout d’abord de déterminer le droit applicable s’agissant de la prise en compte de la fortune dans le calcul d’une prestation complémentaire annuelle.

7.1  

7.1.1 Les dispositions transitoires relatives aux modifications des 22 mars et 20 décembre 2019 de la LPC, en vigueur dès le 1er janvier 2021, prévoient une période transitoire de trois ans pour les personnes qui percevaient déjà une prestation complémentaire annuelle avant le 1er janvier 2021, et pour lesquelles la réforme des PCF entraîne dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à cette dernière. Pour ces personnes, l’ancien droit reste applicable jusqu’à la fin de l’année 2023. En revanche, le nouveau droit s’applique immédiatement aux personnes qui acquièrent le droit aux PCF après l’entrée en vigueur de la réforme (cf. Message relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires du 16 septembre 2016 : FF 2016, p. 7326).

7.1.2 Selon l’art. 11 al. 1 LPC, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2021, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b) ainsi que 1/10ème de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse 50 000 francs pour les couples (let. c).

Selon l’art. 11 al. 1 LPC, dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2021, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b) et 1/10ème de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse 60 000 francs pour les couples (let. c).

7.1.3 En l’espèce, c’est donc l’ancien droit qui trouve application, comme l’a retenu à juste titre l’intimé. La différence de franchise de CHF 10'000.- sur la fortune d’un couple n’est, en effet, pas compensée par un autre aspect de la modification légale entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

7.2 Par fortune au sens de l’art. 11 al. 1 LPC, il faut comprendre toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l’assuré et qui peuvent être transformés en argent liquide (par le biais d’une vente ou d’un nantissement par exemple) pour être utilisés ; font ainsi notamment partie de la fortune : les gains à la loterie, la valeur de rachat d’une assurance-vie, l’épargne, les actions, les obligations, les parts à des successions, les versements en capital d’assurances, l’argent liquide, ou encore les prêts accordés (ATAS/442/2022 du 18 mai 2022 consid. 6.2 ; ATAS/359/2022 du 21 avril 2022 consid. 8.2 ; ATAS/314/2022 du 7 avril 2022 consid. 5.2). Il suffit que l’assuré puisse effectivement disposer de l’élément de fortune en cause (ATF 146 V 331 consid. 4.1 ; ATF 127 V 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_831/2016 du 11 juillet 2017 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_333/2016 du 3 novembre 2016 consid. 4.3.1). L’origine d’un élément de fortune n’a en revanche pas d’importance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_612/2012 du 28 novembre 2012 consid. 3.2 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 43 ad. art. 11 LPC ; Erwin CARIGIET/Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2ème éd. 2008, p. 162). Dans un arrêt P 43/04 du 3 décembre 2004 consid. 3, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a notamment considéré qu’une indemnité en réparation d’un tort moral versée sur la base de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (loi sur l’aide aux victimes, LAVI - RS 312.5) entrait dans le cadre de la fortune au sens de la LPC, en l’absence de base légale prévoyant le contraire (ainsi notamment l’art. 5 let. c LPCC pour les prestations complémentaires genevoises).

L’art. 11 al. 1 let. b LPC englobe, quant à lui, tous les revenus de la fortune mobilière et immobilière, y compris le produit transférable en Suisse d’une fortune qui se trouve à l’étranger (ATAS/437/2022 du 17 mai 2022 consid. 8.1.1 ; ATAS/368/2018 du 30 avril 2018 consid. 6b).

7.3 Aux termes de l’art. 5 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC et ses dispositions d’exécution moyennant certaines adaptations prévues par le droit cantonal. Les PCF sont ainsi ajoutées au revenu déterminant (art. 5 let. a LPCC) et, en dérogation à l’art. 11 a. 1 let. c LPC, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de 1/5ème s’agissant d’un assuré percevant une rente de vieillesse, après déduction des franchises prévues par cette disposition (et du montant des éventuelles indemnités en capital obtenues en réparation d’un préjudice corporel) (art. 5 let. c LPCC).

8.             Comme l’a retenu la chambre de céans dans ses arrêts antérieurs susmentionnés, il découle des dispositions qui précèdent qu’une somme reçue à titre de versement rétroactif par une assurance sociale, y compris l’autorité compétente pour les PCF et PCC, doit être prise en compte à titre de fortune dans le calcul des conditions et du montant d’une prestation complémentaire annuelle.

9.             Il convient toutefois d’examiner spécifiquement le grief du recourant selon lequel il conviendrait de faire une exception pour un versement rétroactif de l’intimé pour respecter l’art. 8 al. 1 Cst, soit d’interpréter l’art. 11 al. 1 LPC et l’art. 5 LPCC en conformité avec cette dernière norme.

9.1 L'art. 8 al. 1 Cst. prohibe les distinctions réalisées sur la base d'un critère inapproprié et, à l'inverse, l'absence de distinction lorsque celle-ci s'impose (ATF 147 I 73 consid. 6.1 ; ATF 147 I 1 consid. 5.2 ; ATF 141 I 153 consid 5.1). Cependant, ce principe ne se rapporte qu’à des situations de fait importantes (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; ATF 137 I 167 consid. 3.5), ce qui est notamment le cas lorsque la distinction se rapporte à l’octroi d’un privilège ou d’une prestation étatique (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1).

La notion de ce qui est une distinction, ou une absence de distinction, qui dépasse la limite du raisonnable est susceptible de fluctuer au gré des évolutions du système de valeur dominant en Suisse (ATF 145 I 259 consid. 6.1 ; ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; ATF 144 I 113 consid. 5.1.1). Dans tous les cas, les autorités politiques doivent se voir reconnaître une large marge de manœuvre (ATF 145 I 259 consid. 6.1 ; ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; ATF 144 I 113 consid. 5.1.1 ; ATF 143 I 361 consid. 5.1). Le principe général d’égalité de l’art. 8 al. 1 Cst. apparaît ainsi comme une forme particulière d’interdiction de l’arbitraire (en ce sens : ATF 146 II 56 consid. 9.1). Autrement dit, le principe d’égalité ne doit être utilisé que pour écarter les distinctions qui apparaissent ne faire aucun sens, notamment au vu du but poursuivi par le législateur, mais il ne doit pas servir à modifier un choix politique, uniquement parce qu’une autorité judiciaire jugerait une autre solution préférable.

9.2 En l’espèce, il ne fait pas de doute que le recourant doit subir une baisse de ses prétentions envers l’intimé du fait du versement d’un montant rétroactif par celui-ci. Comme le souligne, à juste titre, l’intimé, il en irait de même si le recourant avait thésaurisé volontairement une partie des prestations sociales qui lui auraient été versées. De même, la situation d’un assuré qui utilise une partie de son épargne antérieure (pour le recourant : CHF 15'285.- : cf. pièce 3 recourante, p. 5/12, 6/12 et 7/12) pour financer ses dépenses courantes avant de recevoir un versement rétroactif, n’est pas fondamentalement différente de la situation d’un assuré qui perçoit une telle somme avant de l’utiliser pour ses dépenses courantes, tant que le seuil de la franchise n’est pas atteint.

La seule différence de traitement entre un assuré qui reçoit immédiatement un montant mensuel correct du SPC, et celui qui reçoit un versement rétroactif est que le premier est, en théorie, libre de thésauriser ou non une partie de la somme reçue, alors que le second est de facto contraint à une telle accumulation. Cette différence de traitement ne dépasse pas le large cadre fixé au législateur par l’art. 8 al. 1 Cst.

Certes, il existe un seuil de franchise et un assuré économe, volontairement ou non, peut de ce fait s’en trouver péjoré vis-à-vis d’un assuré qui planifie ses dépenses et son épargne afin d’éviter de le franchir. Comme la chambre de céans a déjà eu l’occasion de le préciser, la fixation d’un tel seuil, dans un but d’égalité de traitement et de prévisibilité, comporte cependant toujours une part de schématisme qu’il convient d’accepter (ATAS/314/2020 du 23 avril 2020 consid. 7 ; ATAS/1321/2012 du 1er novembre 2012). Il ne s’agit par ailleurs manifestement pas d’un seuil contraire au but du système légal ou conduisant à un résultat absurde, et qui requerrait ainsi l’intervention du juge. Partant, l’existence d’un tel seuil n’est lui non plus pas de nature à violer le principe d’égalité de l’art. 8 al. 1 Cst.

Le fait qu’un versement rétroactif de l’intimé entre dans le calcul de la prestation complémentaire annuelle d’un assuré n’est donc pas contraire à l’art. 8 al. 1 Cst.

9.3 On notera encore que la même logique veut, qu’à l’inverse, une dette d’un assuré résultant d’un trop-perçu, sans faute de sa part, vienne en déduction de sa fortune nette au sens de l’art. 11 al. 1 LPC.

Bien que la décision contestée inclue la condamnation à la restitution d’un trop-perçu d’un montant de CHF 10'610.-, cette question peut toutefois rester ouverte dans le cas d’espèce, vu que le montant trop-perçu, dont la quotité n’est pas contestée par le recourant, a été compensé avec des prestations dues à celui-ci, par sa caisse de compensation.

10.         S’agissant de l’invocation du principe d’interdiction de l’arbitraire par le recourant, il apparaît que ce dernier fait valoir, en réalité, une violation du principe de la bonne foi par l’intimé. Ce principe serait violé du fait que le versement d’un rétroactif résulte d’un comportement contraire au droit du SPC lui-même.

10.1 Chaque autorité étatique qui applique le droit suisse se doit de respecter d'office le principe de la bonne foi, notamment en ce qui concerne l’interdiction de l'abus de droit (ATF 128 III 201 consid. 1c). Le comportement de l'État doit en particulier être loyal et digne de confiance dans toutes ses relations juridiques (ATF 142 IV 286 consid. 1.6.2).

10.2 En l’espèce, on ne discerne pas chez l’intimé de comportement déloyal qui mènerait à conclure à l’existence d’un abus de droit.

Le SPC a initialement défendu que l’épouse du recourant devait se voir imputer un revenu hypothétique. Cette position n’a pas été partagée par l’autorité supérieure, à savoir la chambre de céans, ce qui a entrainé le versement par l’intimé d’un montant rétroactif au recourant. Aucun élément ne laisse penser que le SPC aurait volontairement procédé à un calcul incorrect dans le but de verser un rétroactif afin que le bénéficiaire franchisse le seuil de la franchise fixé à CHF 60'000.- pour les couples.

Le seul fait que l’intimé procède à une révision, menant au versement d’un rétroactif, suite à une erreur initiale de sa part, ne constitue pas encore un abus de droit. Une erreur factuelle de l’autorité sociale dans ses calculs ne fait d’ailleurs pas courir le délai de péremption de l’art. 25 al. 2 LPGA (ATF 146 V 217 consid. 2.2 ; ATAS/307/2022 du 28 mars 2022 consid. 5.2).

11.         En conclusion, il n’y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence susmentionnée de la chambre de céans en lien avec le principe d’égalité issu de l’art. 8 al. 1 Cst.

Partant, c’est à bon droit que l’intimé a retenu qu’il fallait, dès le 1er mars 2021, tenir compte, à titre de fortune, du versement du montant de CHF 54'593.- dans les revenus déterminants pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle fédérale et cantonale du recourant.

Le recours doit en conséquence être rejeté.

12.         Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let fbis LPGA et art. 89H al. 1 LPA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le