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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3877/2021

ATAS/557/2022 du 27.05.2022 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3877/2021 ATAS/557/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 mai 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée) s’est annoncée à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE). Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur à compter du 1er décembre 2020 pour un gain assuré de CHF 12'350.- et un taux d’indemnité journalière de 70%.

b. Le 23 juin 2021, un contrat de travail a été conclu entre l’assurée et la société B______, l’engageant pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2021 à raison de 41,25 heures par semaine en moyenne, pour un salaire horaire de CHF 83.47 ; le lieu de travail (C______) se trouvait à Vevey.

c. Le 17 juin 2021, l’assurée a sollicité de l’OCE une « contribution aux frais de déplacement et de séjour quotidiens et hebdomadaires » (ci-après : PESE), au motif qu’elle devait retourner tous les jours à son domicile et que son employeur n’offrait pas de cantine subventionnée.

B. a. Par décision du 23 juillet 2021, l’office régional de placement (ORP) a rejeté la requête de l’assurée. Selon ses calculs, aucune perte financière ne pouvait être prise en considération.

b. Le 22 août 2021, l’assurée s’est opposée à cette décision en demandant des explications quant aux calculs effectués. Elle s’étonnait notamment que le gain assuré pris en considération ne corresponde pas à son salaire précédent.

c. Par décision du 11 octobre 2021, l’OCE a rejeté l’opposition, en expliquant, notamment que la notion d’activité précédente se réfère au gain assuré fixé lors de l’inscription au chômage soit, dans le cas présent, la somme de CHF 12'350.- (correspondant au plafond maximum) et ce, même si l’assurée a obtenu un salaire supérieur dans son activité salariée précédente.

C. a. Par écriture du 12 novembre 2021, l’assurée a interjeté recours auprès de la Cour de céans.

La recourante prend acte des explications fournies par l’OCE dans la décision litigieuse. Elle ne conteste pas les calculs opérés, mais demande que, bien qu’il ait été établi qu’elle ne subit aucun désavantage financier, les coûts financiers indirects qui lui incombent et influencent négativement sa santé physique et mentale soient pris en considération.

b. Invité à se déterminer, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 28 avril 2022. À cette occasion, la recourante a précisé sa demande. Elle ne conteste pas les calculs opérés par l’intimé, ni le fait que les conditions pour obtenir les PESE ne sont pas remplies. En revanche, elle estime avoir été mal conseillée par la personne en charge de son dossier, dont elle affirme qu’elle l’aurait encouragée à déposer une demande d’indemnisation et ce, alors qu’elle aurait dû savoir, connaissant son salaire, qu’elle n’y avait pas droit. La recourante allègue que, lorsqu’elle a accepté ce poste, elle pensait être dédommagée pour ses déplacements. Si on l’avait avisée que tel ne serait pas le cas, elle aurait renégocié son contrat avec son employeur à la hausse.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le recours, interjeté dans les forme et délai fixés par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable.

3.             L’objet du litige porte sur la question de savoir si la recourante a droit à une contribution à ses frais de déplacement et de séjour hebdomadaires (PESE).

3.1 Au chapitre des mesures légales destinées à prévenir et à combattre le chômage (mesures préventives), l'art. 68 al. 1 LACI prévoit que l’assurance verse à l’assuré une contribution aux frais de déplacement quotidien ou aux frais de déplacement et de séjour hebdomadaires, si aucun travail convenable n’a pu lui être attribué dans la région de son domicile et s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation fixées à l’art. 13 LACI.

Selon l’art. 91 OACI a contrario, le lieu de travail se trouve hors de la région de domicile lorsqu’il existe entre le lieu de travail et le lieu de domicile une liaison par un moyen de transport public excédant 50 kilomètres tarifaires ou lorsque l’assuré doit parcourir une distance de plus d’une heure au moyen d’un véhicule privé dont il peut disposer.

Les contributions ne peuvent être versées que dans la mesure où les dépenses causées à l’assuré par la prise d’un emploi à l’extérieur le désavantagent financièrement par rapport à son activité précédente (art. 68 al. 3 LACI). Il doit dès lors exister un rapport de causalité entre la prise d’un emploi hors de la région de domicile et le désavantage financier subi. Lorsque le désavantage financier est dû à une baisse de salaire découlant d’une baisse du taux d’occupation, ce rapport de causalité fait défaut, de sorte que les prestations selon les art. 68ss LACI ne peuvent être versées.

L’assuré subit un désavantage financier lorsque, dans sa nouvelle activité, son gain n’atteint pas, après déduction des dépenses nécessaires (frais de transport, de logement et de subsistance), le gain assuré obtenu avant le chômage (art. 23 al. 1 LACI), déduction faite des dépenses correspondantes (art. 94 OACI). Les assurés libérés des conditions relatives à la période de cotisation et ceux qui ont acquis des périodes de cotisation au titre de l’art. 13 al. 2 LACI n’ont pas droit à ces contributions.

La notion d’activité précédente évoquée à l’art. 68 al. 3 LACI doit être entendue au sens de l’art. 23 al. 1 LACI. L’art. 94 OACI se réfère donc au gain assuré que l’assuré obtenait par son travail salarié avant d’être au chômage (Bulletin LACI MMT juillet 2021 L2 à L4 et L7).

3.2 La contribution aux frais de déplacement quotidien couvre les frais de déplacement attestés que les assurés doivent supporter pour se rendre quotidiennement au lieu de leur nouvel emploi et revenir à leur domicile (art. 69 LACI). Le remboursement des frais de déplacement se calcule par analogie selon la réglementation concernant le remboursement de ces frais en cas de fréquentation d’un cours (art. 85 al. 2 et 3 let. b et 93 al. 2 OACI). Cette contribution ne couvre cependant pas les frais de repas, même si ceux-ci sont pris en compte dans le calcul du désavantage financier (Boris RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, Zurich 2006, p. 648).

Selon l’art. 85 al. 2 OACI, au titre de frais de déplacement, l’autorité cantonale accorde à l’assuré, en tenant compte de la durée de la mesure, un montant correspondant aux dépenses pour les billets ou abonnements de 2ème classe des moyens de transport public à l’intérieur du pays. Exceptionnellement, elle autorise que les frais occasionnés par l’utilisation d’un moyen de transport privé soient remboursés à l’assuré, sur présentation d’un justificatif, lorsqu’il n’y a pas de moyen de transport public ou que l’utilisation de celui-ci par l’assuré est déraisonnable. L’autorité cantonale fixe la contribution revenant à l’assuré au titre des frais de logement et de subsistance au lieu où se déroule la mesure de formation. La caisse opère le versement en se basant sur la décision de l’autorité cantonale et l’attestation remplie par l’organisateur.

En application de l’art. 85 al. 3 let. b OACI, le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la rechercher (DFER) a fixé le tarif kilométrique pour les frais de déplacement en véhicule privé (ordonnance concernant les tarifs de remboursement des frais occasionnés par la fréquentation des cours organisés dans le cadre de l’assurance- chômage du 18 juin 2003 - RS 837.056.2 [ci-après: Ordonnance sur les tarifs de remboursement]).

En vertu de l’art. 93 al. 1 OACI, en corrélation avec l’art. 85 al. 3 let. a OACI, le DFER a également fixé les tarifs de logement et de repas (cf. ordonnance sur les tarifs de remboursement).

3.3 Les assurés concernés peuvent bénéficier des contributions durant six mois au plus pendant le délai-cadre (art. 68 al. 2 LACI). Les questions procédurales sont réglées à l’art. 81e al. 1 OACI (renvoi opéré par l’art. 95 al. 1 OACI). Elles ont trait au dépôt de la demande de contribution et aux conséquences d’une demande tardive. Le délai pour le dépôt d’une demande est de dix jours avant la prise d’emploi à l’extérieur. En cas de demande tardive, la durée totale de versement des prestations au sens des art. 68ss LACI sera diminuée au prorata du retard (Boris RUBIN, op. cit., p. 645).

3.4 En l’espèce, l’ORP et l’intimé ont constaté, au terme de leurs calculs prenant en considération des frais de déplacement de CHF 340.- et des frais de repas de CHF 325.-, que la recourante ne subissait aucun préjudice financier (son revenu mensuel futur s’élevant à CHF 14'278.- après déduction desdits frais, contre un revenu antérieur de CHF 11'954.50).

Ce calcul apparaît correct. La recourante ne le conteste d’ailleurs plus au stade de son recours. Il convient dès lors de constater le bien-fondé de la décision constatant que l’assurée ne remplit pas les conditions lui permettant de bénéficier d’une contribution à ses frais de déplacement et de repas.

4.             La recourante fait valoir qu’elle se serait basée sur l’assurance, donnée par sa conseillère, qu’elle pourrait bénéficier d’une telle contribution pour prendre des mesures contraires à ses intérêts. Elle n’allègue pas qu’informée de la situation, elle aurait renoncé à ce poste, mais affirme qu’elle aurait alors tenté de négocier une hausse de salaire. Ce faisant, la recourante invoque le principe de protection de la bonne foi.

4.1 L’art. 27 LPGA prévoit que, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2). L’alinéa premier ne porte que sur une information générale des assurés, par le biais par exemple de brochures d’informations ou de lettres-circulaires. En revanche, l’alinéa 2 prévoit l’obligation de donner une information précise ou un conseil dans un cas particulier, de sorte qu’il peut conduire à l’obligation de verser des prestations sur la base du principe de la bonne foi (ATAS/917/2017 du 16 octobre 2017 consid. 15b).

Le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur. Le devoir de conseils s'étend non seulement aux circonstances de faits déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (ATF 135 V 339 consid. 8.3 non publié et les références). De manière générale, on doit également exiger de l'assuré un minimum d'attention, de réflexion et de bon sens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1005/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.2.2). Aucun devoir de renseignement ou de conseil au sens de l'art. 27 LPGA n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2).

Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l'autorité (en l'espèce, l'assureur) à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 131 V 472 consid. 5).

D'après la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que (e) la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les références citées). Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (ATF 131 V 472 consid. 5).

4.2 En l’espèce, force est de constater que jamais la conseillère en emploi de la recourante ne lui a affirmé catégoriquement qu’elle avait droit à une contribution à ses frais. Elle l’a simplement informée qu’il y avait là une possibilité et qu’elle pouvait déposer une demande en ce sens auprès du service compétent. C’est à celui-ci et à lui seul qu’il revient d’accéder à une telle demande, de sorte que la conseillère n’était pas à même de se livrer elle-même aux calculs qui ont été opérés par la suite ; elle ne l’a d’ailleurs pas fait.

Cela ressort clairement du courriel adressé à la recourante par sa conseillère, Madame D______, en date du 17 juin 2021, lui communiquant les informations relatives aux contributions aux frais de déplacement et de repas, précisant : « In all cases I really recommend you to accept this position which allows you to stay close to the job market and expand your networking » et ajoutant : « As soon as I have the answer, I will come back to you ».

En de telles circonstances, la recourante ne saurait invoquer un quelconque renseignement erroné. Il ne suffit en effet pas d’affirmer comme elle le fait que sa conseillère ne lui a pas dit qu’une réponse positive n’était pas garantie.

Il paraît utile de relever pour le surplus que cet emploi, même impliquant 3 heures de trajet par jour, restait convenable au sens de l’art. 16 al. 2 let. f LACI, de sorte que la recourante était tenue, qu’une contribution lui soit octroyée ou non, de l'accepter, à défaut de quoi, elle aurait pu se voir infliger une sanction.

Dès lors, les conditions permettant la mise en œuvre du principe de protection de la bonne foi ne sont pas réunies.

5.             Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le