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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/459/2021

ATAS/559/2022 du 09.06.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/459/2021 ATAS/559/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 juin 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A_______, domicilié à TROINEX, représenté par B______

 

recourant

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA, sise rue des Cèdres 5, Martigny

 

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré), né en 1976, a travaillé en qualité de trader pour C______ dès le 1er mai 2018. A ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la société anonyme MUTUEL ASSURANCES MALADIE, reprise par la suite par la société anonyme GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA (ci-après l’assurance).

b. Le 19 mars 2020, l’employeur a adressé une déclaration de sinistre à l’assurance, indiquant que l’assuré avait été victime en date du 9 mars d'un accident décrit en ces termes : « En courant prendre le bus pour aller travailler, l’assuré a ressenti un craquement dans le genou. Pas de chute. Douleurs persistantes ».

c. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) du genou droit réalisée le 16 mars 2020 a révélé un œdème sous-cutané para-articulaire postéro-externe d’aspect non spécifique, sans lésion associée visible, et une petite ulcération focale trans-chondrale de grade III sur le versant externe de la trochlée.

d. Dans une note de consultation du 17 mars 2020, la doctoresse D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a évoqué un trauma du genou droit. En courant après le bus, l’assuré avait ressenti un craquement et le lendemain, il ne pouvait plus plier le genou. L’IRM montrait un épanchement important et un œdème postérolatéral, y compris dans le gastrocnémien latéral, mais aucune lésion méniscale ou ligamentaire.

e. Dans un questionnaire rempli en anglais et en italien le 27 mars 2020, l’assuré a indiqué que l’accident était survenu alors qu’il courait pour prendre le bus entre 8 et 9 h. du matin. Les douleurs étaient survenues l’après-midi. Il a répondu par l’affirmative aux questions : « S’agissait-il pour vous d’une activité habituelle ? » et « S’est-elle déroulée dans des circonstances extérieures normales ? » et par la négative à la question « S’est-il produit un événement particulier ? ». L'assuré a précisé n'avoir jamais souffert du genou droit avant l’événement.

f. Le 16 avril 2020, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-conseil de l’assurance, a retenu que l’assuré n’avait pas subi de lésion figurant dans la liste des atteintes donnant droit aux prestations pour accident.

g. Par décision du 21 avril 2020, l’assurance a considéré qu’en l’absence d’une cause extérieure extraordinaire, l'événement du 9 mars 2020 ne correspondait pas à la définition légale d’un accident. Il n'y avait pas non plus de lésion corporelle ouvrant droit aux prestations de l’assurance-accidents.

Copie de cette décision a été adressée à l’assurance-maladie de l’assuré.

h. Par courrier du 8 mai 2020, la Dresse D______ a indiqué à l’assurance que l’assuré avait ressenti une très vive douleur postéro-latérale du genou droit lors d'un mouvement d'hyperextension du genou en marchant dans un trou, alors qu'il courait après le bus. Il avait ressenti un craquement lors de ce mouvement. Il s’agissait bien d'un accident, dont l’assuré se remettait progressivement grâce à la physiothérapie. Elle invitait l’assurance à revoir sa décision.

i. Le 18 mai 2020, l’assurance a accusé réception du courrier de la Dresse D______ et l’a invitée à lui faire parvenir une procuration l’autorisant à représenter l’assuré si ledit courrier devait être considéré comme une opposition de ce dernier.

j. Par courriel du 8 juin 2020, la société B______ a indiqué à l’assurance être désormais en charge de la défense des intérêts de l’assuré, qui s’était opposé à la décision de l’assurance par l’intermédiaire de son médecin.

k. Par courrier du 27 août 2020, l’assuré a confirmé son opposition. Il alléguait que c'était en raison de son manque de maîtrise du français qu'il avait décrit l'activité qui avait conduit à sa blessure sans en mentionner la cause. Or, comme l’avait indiqué la Dresse D______ dans son courrier du 8 mai 2020, un mouvement mal coordonné était survenu, qui relevait d’un accident.

l. Dans un rapport du 2 septembre 2020, la Dresse D______ a indiqué que l’assuré présentait en juin 2020 des douleurs postéro-latérales sur laxité rotatoire légère, en lien avec l’atteinte traumatique. Il avait subi une lésion des ligaments, soit une entorse du point d’angle postéro-externe du genou en raison d’une hyperextension brutale du genou lorsqu’il avait mis le pied dans un trou alors qu’il courait après le bus. L’œdème majeur mis en évidence par l’IRM était dû uniquement à une entorse du genou et donc à un accident.

m. Le 1er octobre 2020, l’assuré a maintenu son opposition. Non seulement l’événement du 9 mars 2020 constituait un accident, mais il y avait également eu lésion corporelle donnant droit aux prestations en cas d’accident selon le rapport de la Dresse D______ du 2 septembre 2020. Les documents d'imagerie montraient une articulation « typiquement atteinte par un traumatisme », ce qui devait achever de démontrer l’existence d'une cause extérieure extraordinaire.

n. Le 28 décembre 2020, le Dr E______ a rappelé que l’assuré avait décrit le fait de courir après le bus comme une activité habituelle, pratiquée dans des circonstances normales et sans événement particulier. L’œdème et l’ulcération constatés à l’IRM ne faisaient pas partie des lésions corporelles dont répondait l’assureur-accidents. La laxité rotatoire signalée par la Dresse D______ n’apportait pas d’élément objectif permettant de conclure à une telle lésion. De plus, cette notion était en contradiction avec les premiers rapports de cette spécialiste et avec l'interprétation de l'IRM par le radiologue.

o. Par décision du 7 janvier 2021, l’assurance a écarté l’opposition. Selon elle, en l’absence de cause extérieure extraordinaire, on ne pouvait conclure à un accident. L’assuré n’avait jamais indiqué avoir mis le pied dans un trou. Il n’y avait pas non plus de lésion corporelle assimilée à un accident.

B. a. Par écriture du 10 février 2021, l’assuré a interjeté recours en concluant, sous suite de dépens, au versement des prestations pour accident pour les suites de l’événement du 9 mars 2020.

Le recourant allègue n'avoir pas entièrement compris les questions qu'on lui posait et n'avoir pas rempli le questionnaire de manière détaillée, sans prendre la peine de spécifier le mouvement mal coordonné survenu très rapidement lors de l'accident. Ce n'est que dans le cadre du suivi avec son médecin traitant que la pose du pied dans un trou a été évoquée. Il soutient que ses explications au sujet du déroulement de l’accident ne contredisent pas, mais complètent la déclaration initiale. Qui plus est, les atteintes constatées radiologiquement ne peuvent survenir lors d'une simple course sans mouvement mal coordonné. Le recourant admet l’absence de lésion corporelle assimilée à un accident, au vu des documents d’imagerie, mais soutient qu'il convient de réserver la possibilité qu'une telle lésion soit survenue et puisse être constatée dans le cadre de nouvelles investigations médicales.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu au rejet du recours.

Elle fait valoir que la version donnée par le recourant le 27 mars 2020 fait foi. Le fait de courir pour attraper un bus, sans autre mouvement non coordonné, reste un acte ordinaire de la vie quotidienne. En l'absence d'un facteur extraordinaire, on ne peut conclure à un accident.

Par ailleurs, la douleur n'étant pas apparue au moment de l'événement, mais quelques heures plus tard, le critère de la soudaineté doit également être considéré comme non rempli.

Enfin, on ne saurait suivre le raisonnement du recourant, selon lequel sa nouvelle version serait vraisemblablement exacte compte tenu des lésions subies, car cela reviendrait à établir l’état de fait en fonction de l’atteinte. De plus, en l’absence de méniscale ou ligamentaire, il n’y a pas de lésion corporelle donnant droit aux prestations pour accident.

c. Dans sa réplique du 10 juin 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il allègue avoir ressenti une douleur immédiate et brève lors de sa course, qui s’est quelque peu estompée par la suite, avant de s’amplifier dans l'après-midi du 9 mars 2020. Les circonstances détaillées relatives à l’accident n'ont évidemment pas été relatées dans les différents documents. Au plan médical, il s'avère que sa lésion est « plutôt d'origine traumatique ».

Le recourant produit :

-          un courriel adressé à son mandataire le 24 mai 2021, en anglais, précisant que les vraies douleurs ont effectivement débuté dans l’après-midi du 9 mars 2021 et qu'au moment de l’incident, il a uniquement ressenti une légère et soudaine douleur, qui n’est restée qu’une « minime nuisance » jusqu’à l’après-midi (I felt only a slight and sudden pain that remained a small nuisance until the afternoon);

-          une appréciation du docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-conseil du mandataire du recourant, diagnostiquant une distorsion du genou droit et indiquant que ce type de lésion du point d’angle postéro-externe avec œdème fait clairement penser à un mouvement d’hyperextension ou de torsion, ou même à un coup.

 

EN DROIT

 

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Le recours n’étant pas pendant à cette date, il est soumis au nouveau droit (art. 82a LPGA a contrario).

La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Dans la mesure où l’événement litigieux est survenu après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 a contrario). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

3.             Déposé dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

4.             Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations en lien avec l’évènement du 9 mars 2021, plus particulièrement sur le point de savoir s’il y a eu accident ou lésion corporelle dont devrait répondre l’assureur-accidents.

 

5.             Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.

5.1 L’art. 4 LPGA définit l’accident comme toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, le facteur extérieur de l'atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1). Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_26/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1).

5.2 Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). L'existence d'un facteur extérieur est en principe admise en cas de mouvement non coordonné, à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d'un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l'environnement, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d'éviter une chute. Le facteur extérieur - modification entre le corps et l'environnement extérieur - constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_605/2020 du 8 juin 2021 consid. 3.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 3.1). En ce qui concerne les accidents survenus dans l'exercice du sport, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu'une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans qu’un incident particulier ne survienne. À titre d'exemples, le critère du facteur extérieur extraordinaire a été admis dans le cas d'une charge contre la balustrade subie par un hockeyeur, d'une réception au sol manquée par un gymnaste lors d'un saut, ou encore dans le cas d'un skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis, est retombé lourdement au sol après avoir abordé une nouvelle bosse. En revanche, il a été nié dans le cas d'un duel entre deux joueurs durant un match de basket-ball, lors duquel l'un a été touché au bras tendu devant le panier par l'autre et s’est blessé à l'épaule en réagissant à cette action du joueur adverse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_410/2017 du 22 mars 2018 consid. 3.2 et les références).

5.3 L’art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d’étendre la prise en charge par l’assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L’ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (OLAA - RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu’elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. Pour que des lésions corporelles puissent être qualifiées de semblables aux conséquences d’un accident, toutes les conditions constitutives de la notion d'accident mentionnées à l'art. 4 LPGA devaient être réalisées, à l'exception du caractère extraordinaire de la cause extérieure (arrêt du Tribunal fédéral 8C_358/2015 du 14 mars 2016 consid. 3.2).

5.4 En matière de lésions assimilées au sens de l’art. 9 aOLAA, le Tribunal fédéral a nié l’existence d’une cause extérieure en cas de blocage du genou alors qu’un assuré courait dans les escaliers (arrêt du Tribunal fédéral 8C_35/2008 du 30 octobre 2008), dans le cas d'une lésion au genou survenue en montant des escaliers (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 159/03 du 11 décembre 2003), d'une élongation musculaire dont les douleurs ont été ressenties lors d'une course à pied (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 100/03 du 31 octobre 2003), ou encore d'une torsion du genou pendant le jogging (arrêt du Tribunal fédéral 8C_118/2008 du 23 octobre 2008).

5.5 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

Dans son Message à l’appui de la révision de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a rappelé que l’exigence d’une cause extérieure pour les lésions assimilées à un accident avait été source de difficultés pour les assureurs-accidents et d’insécurité pour les assurés, raison pour laquelle une nouvelle réglementation faisant abstraction de l’existence d’une telle cause était proposée. En cas de lésion corporelle figurant dans la liste, il y a désormais présomption que l’on est en présence d’une lésion semblable aux conséquences d’un accident, qui doit être prise en charge par l’assureur-accidents. Ce dernier peut toutefois se libérer de son obligation s’il apporte la preuve que la lésion est manifestement due à l’usure ou à une maladie (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 30 mai 2008, FF 2008 4893). Le Tribunal fédéral a précisé que selon l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur, lorsqu'une lésion corporelle comprise dans la liste est diagnostiquée, l'assureur-accidents est tenu à prestations aussi longtemps qu'il n'apporte pas la preuve que cette lésion est due de manière prépondérante, c'est-à-dire à plus de 50 % de tous les facteurs en cause, à l'usure ou à une maladie. Dans le cadre de cette preuve libératoire, la question de savoir s'il y a eu un événement initial reconnaissable et identifiable reste déterminante pour délimiter les obligations respectives de l'assureur-accidents et de l'assureur-maladie (ATF 146 V 51 consid. 8.6).

5.6 La liste des lésions énumérées par l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l’art. 9 al. 2 aOLAA. On relèvera encore que l’ancien art. 9 al. 2 OLAA précisait l’exhaustivité de cette liste, qui ne pouvait être élargie par analogie. Tel n’est plus le cas de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur actuelle, mais ni la lettre de cette disposition, ni le message ne permettent de conclure à un changement quant au caractère exhaustif de cette liste (Irene HOFER in Basler Kommentar Unfallversicherungsgesetz, 2019 n. 61 ad art. 6 LAA).

6.             Au sujet de la preuve de l'existence d'une cause extérieure prétendument à l'origine de l'atteinte à la santé, on rappellera que les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient contradictoires entre elles. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première explication, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être - consciemment ou non - le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 8C_26/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.2, cf. également ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 au sujet du principe de la déclaration de la première heure).

7.             Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3 ; ATF 122 V 157 consid. 1c). Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d).

8.            

8.1 En l’espèce, il faut en premier lieu souligner que l’IRM pratiquée le 16 mars 2020 a uniquement mis en évidence un œdème et une petite ulcération transchondrale. Il ne s’agit pas là de lésions corporelles figurant dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA, comme le souligne le Dr E______. Ni la Dresse D______ – qui a du reste relevé dans sa première note de consultation l’absence de lésion méniscale ou ligamentaire et n’a pas non plus allégué de lésion des ligaments dans l’opposition formulée pour le recourant – ni le Dr F______ ne le contestent expressément et le recourant semble s’être rallié à cette position dans son recours. Dans ces circonstances, on comprend mal qu’il entende « réserver la possibilité d’une telle lésion », puisque les documents radiologiques permettent de l’exclure.

8.2 En l’absence de lésion figurant dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA, il convient ainsi pour trancher le droit aux prestations du recourant de déterminer s’il a subi un accident au sens de la loi. Or, le facteur extérieur extraordinaire nécessaire à la reconnaissance d’un tel évènement fait défaut. En effet, le recourant - alors même qu'il était invité à détailler les circonstances de l'accident - a simplement indiqué qu'il courait pour prendre le bus, sans mentionner de faux mouvement, ni de trou dans la chaussée. Il ne peut être suivi lorsqu'il affirme n'avoir pas compris les questions posées. En effet, comme le souligne à juste titre l'intimée, s'il ne saisissait pas ces questions ou même leur portée, il lui appartenait de solliciter de l'aide sur ce point ou des éclaircissements de l’intimée. De plus, ses réponses aux autres questions, par exemple sur le moment de l’apparition des douleurs, sont parfaitement adéquates et montrent qu'il en a saisi le libellé. On peut dès lors douter qu’il n’aurait pas compris ces questions. Quant au déroulement précis de l’événement, il est tout simplement invraisemblable que le recourant n’ait pas pensé à mentionner qu’il aurait trébuché, voire même seulement marché dans un trou, ce qui aurait entraîné un faux mouvement. Il s’agit en effet non seulement de l’élément caractéristique de l’accident annoncé, mais également d’une circonstance qui sort suffisamment de l’ordinaire pour qu'on en fasse état, a fortiori en remplissant un questionnaire destiné à clarifier les circonstances de l’événement, d'autant que ledit questionnaire interpellait précisément l'assuré sur d’éventuelles circonstances extérieures anormales ou sur un événement particulier, que ce dernier a expressément niés, de sorte qu’on ne saurait retenir que ses premières réponses étaient simplement incomplètes.

Le fait de marcher dans un trou n’a pas non plus été rapporté lors de la première consultation, selon la note du 17 mars 2020. Ce n’est qu’une fois la décision de l’intimée notifiée que le recourant a évoqué cet élément, par l’intermédiaire de la Dresse D______. Compte tenu de ce qui précède et conformément aux principes rappelés ci-dessus en lien avec la déclaration de la première heure, on ne peut accorder de crédit à cette seconde version du déroulement de l’événement du 9 mars 2020. Les indications données le 8 mai 2020 par la Dresse D______ divergent du reste des explications du recourant s'agissant de l’apparition des douleurs, puisqu’elle les qualifie de très vives lors de l’accident, alors que le recourant a dans un premier temps exposé que les douleurs n’étaient survenues que l’après-midi – avant de revenir sur ces déclarations dans son courriel du 24 mars 2021, dans lequel il change de version et indique avoir ressenti une faible douleur dans les suites immédiates de sa course, qui s'est ensuite développée dans l’après-midi.

Par surabondance, même s’il fallait admettre qu’un mouvement d’hyperextension s’est produit lorsque le recourant a « marché dans un trou », il n’est pas certain que cet élément revête un caractère extraordinaire. Sur ce point, on peut renvoyer à la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien art. 9 OLAA, qui a nié l’existence d’un facteur extérieur lors de mouvements entraînant des douleurs durant la course. A fortiori, une hyperextension du genou – qui n’est du reste pas décrite comme un faux mouvement par la Dresse D______ – ne paraît pas nécessairement devoir être qualifiée de cause extérieure extraordinaire au sens de l’art. 4 LPGA.

Enfin, l’avis du Dr F______, qui se résume à mentionner des origines possibles à la distorsion qu’il diagnostique, ne suffit à l’évidence pas à établir au degré de la vraisemblance prépondérante qu’une de ces causes s’est produite dans le cas d’espèce.

8.3 En l’absence d’accident au sens de la définition légale et de lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA, c’est à bon droit que l’intimée a refusé toute prestation au recourant en lien avec les douleurs ressenties dès le 9 mars 2020.

Sa décision sera ainsi confirmée.

9.             Le recours est rejeté.

L’intimée n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le