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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3494/2020

ATAS/563/2022 du 14.06.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3494/2020 ATAS/563/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 juin 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______[GE], comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Aleksandra PETROVSKA

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) a déposé une demande de prestations complémentaires en août 2004 et bénéficié des dites prestations jusqu’au 30 juin 2018.

b. A compter de cette date, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a mis fin au versement des prestations au motif que l’intéressé n’avait pas donné suite à ses multiples demandes de renseignements (des 15 février, 19 mars, 4 avril, 4 mai et 4 juin 2018 ; cf. décision entrée en force du 18 juin 2018).

c. À la demande du SPC, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a procédé à une enquête de domiciliation entre le 12 octobre 2018 et le 24 janvier 2019 et rendu son rapport le 29 janvier 2019. Les enquêteurs de l’OCPM ont en substance constaté que l’assuré se trouvait en Angola, en tout cas entre le 12 octobre 2018 et le 24 janvier 2019.

B. a. Le 8 mars 2019, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations.

b. Par décision du 22 juillet 2019, le SPC a rejeté sa demande au motif que la condition de domicile et de résidence en Suisse, respectivement à Genève, n’était pas remplie.

c. Le 29 juillet 2019, l’assuré s’est opposé à cette décision en alléguant résider à Genève depuis 1988. Il expliquait avoir dû se rendre en Angola, au chevet de son père, et avoir dû prolonger son séjour en raison des démarches administratives nécessaires à l’obtention d’un nouveau passeport angolais, suite au vol de ses effets personnels.

d. Par décision du 1er octobre 2020, le SPC a rejeté l’opposition au motif substitué que la condition relative au délai de carence de dix ans n’était pas remplie.

Le SPC a expliqué que, constatant que l’assuré ne répondait pas à ses courriers et n’avait plus transmis ni documents, ni justificatifs de frais durant une longue période, il avait demandé à l’OCPM de procéder à une enquête de domiciliation, laquelle avait révélé que l’intéressé, bien que formellement toujours domicilié à Genève et ce, depuis 1988, était en Angola depuis la fin de l’été 2018.

L’examen du passeport angolais émis le 17 janvier 2019 révélait que l’intéressé avait quitté l’Angola le 20 février 2019. Dès lors, il convenait d’admettre que l’assuré avait été absent de Suisse, selon toute vraisemblance et à tout le moins, entre le 12 octobre 2018 et le 20 février 2019, soit plus de 92 jours consécutifs.

Le SPC a relevé que l’assuré ne faisait mention, dans son opposition, d’aucune indication temporelle précise quant au séjour passé au chevet de son père et qu’aucun justificatif n’avait été produit afin d’étayer ses allégations. Il lui paraissait peu convaincant que seule l’attente de la délivrance d’un nouveau passeport ait contraint l’intéressé à rester hors de Suisse. À ce propos, il relevait que, bien que le passeport ait été émis le 17 janvier 2019, l’assuré n’était rentré qu’un mois plus tard.

L’assuré étant ressortissant de l’Angola, pays avec lequel la Suisse n’a conclu aucune convention de sécurité sociale, il convenait de considérer que l’assuré n’avait pas résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date de dépôt de la demande de prestations complémentaires du 8 mars 2019. En effet, le délai de carence avait été interrompu par un long séjour à l’étranger. Dans ces conditions, l’assuré ne pouvait prétendre des prestations complémentaires fédérales et cantonales à tout le moins avant le 1er février 2029.

C. a. Par écriture du 2 novembre 2020, l’assuré a interjeté recours contre cette décision, en concluant à l’octroi de prestations à compter du 8 mars 2019. Il considère que le délai de carence n’a pas été interrompu par son séjour en Angola, dans la mesure où il a été obligé de prolonger son séjour dans ce pays.

En substance, il répète que s’il s’est rendu en Angola, c’est pour rendre visite à son père malade et que, lors de son séjour, il a été victime d’une agression durant laquelle tous ses effets personnels ont été dérobés, ses documents d’identité y compris. Cette situation l’a contraint à effectuer de longues et nombreuses démarches administratives dans le but de pouvoir obtenir un nouveau passeport angolais. Pour ce faire, il a dû produire une liste importante de justificatifs difficiles à fournir, tel qu’un acte de naissance émis par sa ville d’origine, ce qui a pris beaucoup de temps, rendant son séjour très compliqué et pénible. Durant ce laps de temps, son père est décédé. Dans l’attente de l’émission d’un nouveau document d’identité, il était dans l’incapacité de quitter le territoire angolais, si bien que c’est contre sa volonté qu’il est resté là-bas. Son nouveau passeport a finalement été émis le 17 janvier 2019, ce qui lui a permis de revenir enfin en Suisse.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 26 novembre 2020, a conclu au rejet du recours.

Il souligne une fois encore que le recourant n’est pas revenu en Suisse aussitôt son nouveau passeport délivré, mais un mois plus tard, le 20 février 2019, ce dont il tire la conclusion que son absence de Suisse ne saurait être attribuée à l’absence du document en question.

c. Par écriture du 5 janvier 2021, le recourant a précisé que son père était décédé le ______ 2018, acte de décès à l’appui. Il maintient être revenu en Suisse dès l’obtention de son nouveau passeport et produit également la déclaration relative au vol de ses documents d’identité, le 28 juillet 2018 (déclaration datée du 7 décembre 2018).

d. Dans sa duplique du 27 janvier 2021, le SPC a persisté dans ses conclusions.

e. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 17 février 2022.

Il a été établi que le recourant est bel et bien revenu en Suisse le 20 février 2019.

Le recourant a expliqué être parti mi-juin 2018. Son intention n’était pas de séjourner longuement en Angola. Il ne comptait rester que deux semaines et avait d’ailleurs déjà son billet de retour, qui lui a été volé avec le reste de ses affaires personnelles. C’est son fils qui l'avait acheté pour lui. Malheureusement, il n’en a pas retrouvé la trace.

L’assuré s’est rendu au chevet de son père, qui souffrait d'une cirrhose du foie.

L’assuré argue que s’il a mis un mois à rentrer après l'obtention de son passeport, c'est parce qu'il lui a fallu réunir les moyens pour payer le billet de retour. On lui a finalement prêté l'argent.

L’intimé a fait part de sa perplexité sur plusieurs points :

-          l’assuré s’était fait voler ses affaires mi-juillet 2018, soit un mois après son arrivée, alors même qu’il affirmait n’avoir eu l’intention de séjourner en Angola que deux semaines ;

-          l’assuré avait attendu plus d’un mois pour rentrer une fois son passeport obtenu, alors que son fils, qui lui avait payé son billet initial, aurait pu faire de même pour son retour ;

-          l’assuré n’avait jamais contacté le SPC pour faire part de sa situation et de ses difficultés.

Le recourant a admis avoir décidé de prolonger un peu son séjour avant même que ses biens ne soient dérobés, en raison du fait que l'état de son père ne s'améliorait pas. Cela dit, il était conscient que, vis-à-vis du SPC, son séjour ne pouvait s'éterniser au-delà d'une certaine limite, qu’il aurait veillé à ne pas dépasser.

Il a allégué que s’il n’a pas fait appel à son fils pour payer son billet-retour, c’est parce que lui-même rencontre des problèmes financiers et qu’il ne peut le solliciter continuellement.

Enfin, il a affirmé qu’il était difficile de contacter la Suisse depuis l'Afrique, ajoutant que, si son fils ne l’a pas fait en son nom, c’est parce que lorsqu’on appelle le SPC, la première question posée est celle de savoir qui on est et à quel titre on appelle.

Ce à quoi l’intimé a répondu en faisant remarquer que figure pourtant au dossier un courrier daté du 25 juillet 2018 – date postérieure au départ du recourant, signé de ce dernier – ce que l’intéressé a confirmé en audience – et donnant procuration à son fils jusqu’au 20 septembre 2018 (pce 61 SPC).

Le recourant a allégué que c’est parce que son fils avait tenté d'appeler le SPC et s'était vu opposer le fait que seul le bénéficiaire était apte à le faire qu’il lui a établi cette procuration ; il ne se souvient plus si c’était par courriel ou par fax.

À l’intimé qui s’étonnait par ailleurs de l’absence totale de demande de remboursement de frais de maladie, alors qu’il est invalide, l’intéressé a répondu que la majeure partie de son traitement a consisté en une intervention des cervicales ; depuis lors, il ne consulte guère et n’a que très peu de frais de maladie, car il se contente de prendre du Dafalgan de temps en temps, il n’a pas de traitement en cours.

En dernier lieu, l’intimé s’est étonné qu’une certaine Madame B______ se soit annoncée à l'OCPM comme domiciliée chez son bénéficiaire durant une année et ce, durant la période litigieuse. Le recourant a répondu que cette personne avait été sa compagne, mais n’avait pas été domiciliée chez lui aussi longtemps.

À l’issue de l’audience, un délai a été accordé au recourant pour produire les justificatifs de C______[compagnie d'aviation] attestant de la date prévue initialement pour son retour.

f. Le 19 avril 2022, le recourant a produit un courriel de la compagnie lui indiquant qu’à défaut du numéro de ticket ou de réservation, il lui était impossible de répondre à sa demande. Le recourant affirme ne se souvenir que de la date prévue, soit le 16 juillet 2018 au soir.

g. Par écriture du 3 mai 2022, l’intimé a persisté dans ses conclusions en rejet du recours.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.             Le recours, interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, est recevable (art. 56 et 60 LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations complémentaires à compter de mars 2019.

5.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était alors déjà pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l’ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. Féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

6.             Dans la mesure où il porte sur le droit aux prestations complémentaires depuis le 8 mars 2019, soit sur une période antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, des modifications des 22 mars, 20 décembre 2019 et 14 octobre 2020, le litige est soumis à l'ancien droit, en l'absence de dispositions transitoires prévoyant une application rétroactive du nouveau droit. Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

7.              

7.1 Selon l’art. 2 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (al. 1). Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la loi et fixer les conditions d’octroi de ces prestations (al. 2).

7.2 S’agissant des prestations complémentaires fédérales, l’art. 4 al. 1 let. c LPC prévoit que les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles ont notamment droit à une rente de l’assurance-invalidité.

Conformément à l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps, même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée.

Selon l’art. 1 al. 1 let. a de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité (LPFC - J 4 20), ont droit aux prestations complémentaires fédérales les personnes qui ont leur domicile sur le territoire de la République et canton de Genève.

7.2.1 Le domicile d’une personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC).

La notion de domicile comporte donc deux éléments : l'un objectif, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits; l'autre subjectif, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 136 II 405 consid. 4.3 p. 409 sv. et les arrêts cités). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 101 ss.). Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 101). En ce qui concerne les prestations complémentaires, la règle de l'art. 24 al. 1 CC, selon laquelle toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, s'applique (ATF 127 V 237 consid. 1 p. 239). Le domicile est maintenu lorsque la personne concernée quitte momentanément (p. ex. en raison d'une maladie) le lieu dont elle a fait le centre de ses intérêts; le domicile reste en ce lieu jusqu'à ce qu'un nouveau domicile est, le cas échéant, créé à un autre endroit (ATF 99 V 106 consid. 2 p. 108).

7.2.2 La résidence habituelle d’une personne, selon l'art. 13 al. 2 LPGA - auquel renvoie l'art. 4 al. 1 LPC -, est réputée correspondre au lieu où elle séjourne un certain temps, même si la durée du séjour est d'emblée limitée. Selon la jurisprudence, la notion de résidence doit être comprise dans un sens objectif, de sorte que la condition de la résidence effective en Suisse n'est en principe plus remplie à la suite d'un départ à l'étranger. Il n'y a cependant pas interruption de la résidence en Suisse lorsque le séjour à l'étranger, correspondant à ce qui est généralement habituel, est dû à des motifs tels qu'une visite, des vacances, une absence pour affaires, une cure ou une formation. De tels séjours ne peuvent en principe dépasser la durée d'une année. Des motifs contraignants et imprévisibles, tels que la maladie ou un accident, peuvent justifier de prolonger au-delà d'une année la durée du séjour. Il en va de même lorsque des motifs contraignants existant dès le début exigent une résidence à l'étranger de durée supérieure à une année, par exemple pour des motifs d'assistance, de formation ou de traitement d'une maladie (ATF 111 V 180 consid. 4 p. 182; arrêt 9C_696/2009 du 15 mars 2010 consid. 3.3; voir également arrêt H 71/89 du 14 mai 1990 consid. 2a, in RCC 1992 p. 36).

Cela étant, dans la mesure où la durée admissible d'un séjour à l'étranger dépend en premier lieu de la nature et du but de celui-ci, la durée d'une année fixée par la jurisprudence ne doit pas être comprise comme un critère schématique et rigide (arrêt 9C_696/2009 cité). Dans le même sens, la durée de trois mois prévue au ch. 2009 des Directives de l'OFAS concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DP) - qui ne lient pas le juge des assurances sociales (ATF 126 V 64 consid. 3b p. 68) - apparaît par trop schématique (arrêt du Tribunal fédéral du 16 février 2011 9C 345/2010). Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu’un assuré de nationalité turque, bien qu’ayant séjourné à de multiples reprises en Turquie, ne s’était pas constitué un nouveau domicile en application de l’art. 24 CC.

L’art. 5 LPC prévoit des conditions supplémentaires que doivent réaliser les ressortissants étrangers qui ne sont pas ressortissants d’un État de l’Union européenne (ci-après : l’UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (ci-après : l’AELE ; cf. ATF 133 V 265 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_635/2014 du 10 juin 2015 consid. 4.2) : ils doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). Conformément à l’art 5 al. 2 LPC, pour les réfugiés et apatrides, le délai de carence est ramené à cinq ans.

Selon les directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC) en vigueur dès le 1er avril 2011 (état janvier 2019), le versement des prestations complémentaires est supprimé en cas de séjour prolongé à l’étranger et ne reprend qu’après le retour en Suisse (DPC n° 2310.01).

Pour les ressortissants étrangers qui ont résidé sans raison impérative plus d’une année de manière ininterrompue à l’étranger, le droit à la PC ne reprend pas à partir de leur retour en Suisse. Bien au contraire, le délai de carence au sens du chapitre 2.4 recommence à courir à zéro (DPC 2310.02).

Lorsqu’une personne – également lors d’une période à cheval entre deux années civiles – séjourne à l’étranger plus de trois mois (92 jours) d’une traite sans raison majeure ou impérative, le versement des prestations est suspendu dès le mois suivant. Il reprend dès le mois au cours duquel l’intéressé revient en Suisse.

Lorsqu’au cours d’une même année civile, une personne séjourne plus de six mois (183 jours) à l’étranger, le droit aux prestations tombe pour toute l’année civile en question. Le versement de la PC doit dès lors être supprimé pour le restant de l’année civile; les PC déjà versées doivent être restituées. Lors de plusieurs séjours à l’étranger au cours de la même année civile, lesdits séjours sont additionnés au jour près. En cas de séjour à cheval entre deux années civiles, seuls les jours de l’année civile correspondante sont pris en compte. Les jours d’arrivée et de départ ne sont pas considérés comme jours de résidence à l’étranger (DPC 2330.02).

Lors d’un séjour à l’étranger dicté par une raison majeure, les prestations complémentaires peuvent continuer à être versées pour une année au maximum (DPC 2340.01).

Seuls des motifs d’ordre professionnel, ou la poursuite d’une formation professionnelle, peuvent être considérés comme relevant d’une raison majeure, mais pas un séjour pour cause de vacances ou de visites (DPC 2340.02). En cas de séjour à l’étranger dicté par des raisons impératives, les prestations continuent d’être versées tant et aussi longtemps que l’intéressé garde le centre de tous ses intérêts personnels en Suisse (DPC 2340.03). Les raisons impératives ne peuvent être que des raisons inhérentes à la santé des personnes comprises dans le calcul (p. ex. impossibilité de transport suite à maladie ou accident) ou d’autres circonstances extraordinaires qui rendent impossible tout retour en Suisse (DPC 2340.04).

7.3 S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 1A al. 1 let. a et b LPCC renvoie, en cas de silence de la loi, à LPC et à ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales, ainsi qu’à la LPGA et à ses dispositions d'exécution.

L’art. 2 al. 1 let. a et b LPCC prévoit que les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève ont droit aux prestations complémentaires cantonales à condition, notamment, d’être au bénéfice de certaines prestations d'assurances sociales, dont une rente de l'assurance-vieillesse et survivants ou d’invalidité.

L’art. 2 al. 3 LPCC stipule que le requérant étranger, le réfugié ou l’apatride doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les dix années précédant la demande desdites prestations.

Dans un arrêt de principe du 12 décembre 2013 (ATAS/1235/2013), la Cour de céans a jugé que les notions de domicile et de résidence habituelle de l’art. 2 al. 1 LPCC devaient manifestement être interprétées de la même manière que celles de l’art. 13 LPGA et de l’art. 4 LPC en matière de prestations complémentaires fédérales, l’intention claire du législateur cantonal ayant été d’harmoniser les notions du droit cantonal avec celles du droit fédéral (arrêt op. cit, consid. 5b).

Dans ce même arrêt, la Cour de céans a aussi jugé que l’art. 1 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI – J 4 25.03) – qui prévoit que le bénéficiaire qui séjourne hors du canton plus de trois mois au total par année perd son droit aux prestations, à moins qu’il ne s’agisse d’une hospitalisation ou d’un placement dans un home ou dans un établissement médico-social pour personnes âgées ou invalides – était inapplicable, dans la mesure où il retenait une définition de la résidence plus restrictive que celle du droit fédéral (art. 4 LPC et 13 LPGA ; ATAS/2130/2013 op. cit. consid. 5c).

8.             En l’espèce, le recourant est ressortissant de l’Angola, un pays n'appartenant ni à l'UE, ni à l'AELE, et avec lequel la Suisse n'a conclu aucune convention de sécurité sociale. Il est admis que son séjour dans le canton de Genève a été interrompu du 15 juin 2018 au 20 février 2019, date de son retour, soit durant un peu plus de huit mois durant les dix années précédant le dépôt de sa nouvelle demande, étant rappelé que les prestations qui lui étaient servies précédemment depuis 2004 avaient été supprimées fin juin 2018 pour défaut de collaboration.

L’intimé semble considérer que, dans ces conditions, le délai de carence devrait recommencer à courir à zéro, ce qui apparaît disproportionné. En effet, il n’a pas été mis fin au versement des prestations fin juin 2018, parce que le droit aux prestations a été nié. En réalité, le versement a été suspendu, faute de collaboration de l’intéressé. Dans ces circonstances très particulières, et compte tenu du fait que le séjour à l’étranger du recourant a duré moins d’une année, la demande formulée à son retour, en mars 2019, n’apparaît pas véritablement comme une nouvelle demande de prestations, mais comme une requête de réactivation de son droit. Il en découle que le délai de carence ne saurait recommencer à courir à zéro. On relèvera d’ailleurs à cet égard que l’OFAS, dans ses Directives, précise que, s’agissant des étrangers qui ont résidé sans raison impérative plus d’une année de manière ininterrompue à l’étranger, le droit aux prestations ne reprend pas à partir de leur retour en Suisse, mais que le délai de carence recommence à courir à zéro (DPC 2310.02). On peut en déduire, a contrario, que lorsque le séjour a duré moins d’une année, le délai de carence ne recommence pas à courir à zéro. Il découle de ce qui précède que la question litigieuse n’est pas de savoir si le recourant remplit les conditions relatives au délai de carence, mais si les conditions relatives à son domicile et à sa résidence habituelle continuent à être remplies, malgré son séjour de huit mois à l’étranger.

En application de l’art. 13 LPGA, il convient tout d’abord de constater que le recourant ne s’est pas constitué un nouveau domicile en Angola, dès lors qu’il n’est pas établi que le centre de ses intérêts s’y trouverait dorénavant. Au contraire, il apparaît qu’il est rentré quelques semaines seulement après avoir obtenu un nouveau passeport lui permettant de voyager et de revenir en Suisse. A cet égard, l’intimé n’allègue d’ailleurs pas que son bénéficiaire aurait eu l’intention de s’établir en Angola.

S’agissant ensuite de la résidence habituelle, il y a lieu de relever, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, que la Cour de céans n’est pas liée par les DPC établissant une durée maximum admise à l’étranger de trois mois, dès lors que cette durée a été jugée comme étant trop schématique par le Tribunal fédéral et que la jurisprudence admet un séjour à l’étranger, notamment pour visites et affaires, jusqu’à une année, sans qu’il ne soit constitutif d’une interruption de la résidence en Suisse. Pour les mêmes raisons, l’art. 1 al. 1 RPCC prévoyant une durée identique de trois mois, n’est pas applicable (cf. supra).

En l’occurrence, le recourant a séjourné en Angola du 15 juin 2018 au 20 février 2019, soit pendant une durée inférieure à une année.

Il a expliqué être retourné là-bas pour rendre visite à son père, malade, et n’avoir pu rentrer, suite au vol de ses papiers d’identité, le 28 juillet 2018, attestée par une déclaration officielle.

Peu importe en définitive que le recourant ait eu ou non l’intention de rentrer le 16 juillet 2018, puisqu’il a admis en audience avoir quoi qu’il en soit décidé de prolonger de quelques semaines son séjour auprès de son père. Il est établi qu’en date du 28 juillet 2018, soit six semaines après son arrivée, il était encore sur place, volontairement. Cependant, un séjour de moins de deux mois était insuffisant pour interrompre sa résidence habituelle en Suisse et, force est de constater qu’à compter du 28 juillet 2018 et où le recourant a été dépouillé de ses papiers, il n’était plus en situation de pouvoir rentrer en Suisse. Cet état de force majeure a duré jusqu’au 17 janvier 2019, date à laquelle a été émis son nouveau passeport.

Dans ces circonstances, on ne saurait nier que la prolongation de séjour à l’étranger du recourant, à tout le moins entre le 28 juillet 2018 et le 17 janvier 2019, était la conséquence d’une raison impérative : il ne pouvait tout simplement pas voyager sans documents d’identité, ce qui doit sans conteste être considéré comme faisant partie des « autres circonstances extraordinaires rendant impossible tout retour en Suisse » au sens des Directives (DPC 2340.04).

La prolongation du séjour à l’étranger au-delà du 28 juillet 2018 ayant été dictée par une raison majeure, le droit aux prestations complémentaires devait dès lors lui être reconnu pour une année au maximum (DPC 2340.01).

Quant au fait que le recourant ait attendu un mois après l’émission de son passeport pour rentrer, l’intimé ne peut en tirer aucun argument pertinent. En premier lieu, il est raisonnable d’accorder un délai au recourant pour organiser son retour et rassembler les fonds nécessaires à l’achat de son billet. En second lieu, un délai de 4 semaines n’apparaît pas excessif et ne constitue qu’un séjour volontaire de durée limitée au-delà du séjour obligé ayant précédé.

En conséquence, le recourant a continué, au-delà du 15 juin 2018, d’être domicilié et de résider à Genève au sens des art. 4 LPC et 2 al. 1 let. a LPCC.

 

 

 

Partant, le recours est admis et la décision litigieuse annulée. Il incombera à l’intimé d’examiner si les autres conditions du droit aux prestations complémentaires sont remplies et de calculer les prestations dues au recourant dès mars 2019.

Vu l’issue du recours une indemnité de CHF 2'000.- est allouée au recourant, à charge de l’intimé.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet au sens des considérants.

3.        Annule la décision du 1er octobre 2020.

4.        Dit que le recourant remplissait les conditions de domicile et de résidence habituelle en date du 8 mars 2019.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour examen des autres conditions du droit aux prestations complémentaires et, cas échéant, calcul des prestations dues depuis le 8 mars 2019.

6.         Condamne l’intimée à verser au recourant la somme de CHF 2’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le