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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2954/2021

ATAS/533/2022 du 13.06.2022 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2954/2021 ATAS/533/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 juin 2022

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, au GRAND-LANCY

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 20 avril 2021, Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), ressortissant syrien né en 1981, a déposé une demande de prestations complémentaires familiales auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l'intimé), pour lui, son épouse, Madame B______, et leurs trois enfants, C______, D______ et E______, nées respectivement en 2009, 2012 et 2019.

b. Il a indiqué être arrivé en Suisse le 10 décembre 2015.

c. Il a déposé une demande d'asile pour lui et sa famille le 12 janvier 2016, qui lui a été refusée le 13 juillet 2017, les motifs qu'il avait fait valoir à l'appui de sa demande ne satisfaisant pas aux conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié.

Néanmoins, « certaines particularités de sa situation » faisaient que le renvoi n'était pas exigible, de sorte que la famille avait été mise au bénéfice d'une admission provisoire en Suisse, qui pouvait être levée à tout moment.

d. Il a produit diverses pièces en annexe, dont un contrat de travail, des extraits du registre Calvin, des fiches de salaire, des copies de documents d'identité et de permis F, ainsi que du service d'aide aux migrants de l'Hospice général (ci-après : l'hospice), notamment une attestation de logement.

B. a. Statuant sur la demande de l'assuré, le SPC a rendu une décision le 30 avril 2021 par laquelle il refusait la demande de prestations complémentaires (ci-après : PC) de l'assuré au motif que ce dernier ne pouvait pas justifier d'une durée de séjour de cinq ans au moins sur le territoire genevois au moment du dépôt de sa demande de prestations.

b. Par courrier du 27 mai 2021, l'assuré a formé opposition contre cette décision.

Il résidait avec sa famille sur le territoire genevois depuis plus de cinq ans, soit depuis le 10 décembre 2015 le concernant, le 12 janvier 2016 s'agissant de son épouse et de ses deux aînées, et le 24 février 2019 s'agissant de la cadette, qui y était née. La durée de ce séjour ressortait également de la décision de l'office cantonal de l'emploi concernant son épouse. Il sollicitait donc une reconsidération de la décision du 30 avril 2021.

c. Par décision sur opposition du 16 juillet 2021, le SPC a confirmé sa décision du 30 avril 2021, au motif que le délai de carence de cinq ans antérieurement au dépôt de la demande de prestations n'était pas réalisé, l'autorisation de séjour (permis F) ayant été délivrée le 17 juillet 2017 et seule la durée durant laquelle la personne était au bénéfice d'un permis de séjour valable devant être comptée comme temps de résidence.

C. a. Par acte du 7 septembre 2021, l'assuré a déposé un recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) contre la décision sur opposition du 16 juillet 2021.

Il a invoqué avoir déposé, avec sa famille, une demande d'asile en Suisse le 12 janvier 2016. Il avait obtenu un livret N (pour requérant d'asile) dans ce cadre. Il a relevé que, durant la procédure d'asile, les requérants disposaient en principe d'un droit de résidence en Suisse selon l'art. 42 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31). Il avait été titulaire de ce permis jusqu'au 12 juillet 2017, date à laquelle il avait obtenu un permis F. Il était en conséquence au bénéfice d'un permis de séjour valable depuis plus de cinq ans avant le dépôt de la demande de prestations, dont les conditions étaient ainsi réalisées.

b. Le SPC a répondu en date du 27 septembre 2021, se rapportant à la motivation et aux conclusions de la décision querellée.

c. Le recourant n'a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti à cet effet.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA, art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [LPFC ; J 4 20], art. 43 LPCC et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur la question de savoir si, au moment où la décision attaquée a été rendue, le recourant avait droit aux prestations complémentaires.

4.             L’art. 5 LPC prévoit des conditions supplémentaires que doivent réaliser les ressortissants étrangers qui ne sont pas ressortissants d’un État de l’Union européenne (ci-après : l’UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (ci-après : l’AELE ; cf. ATF 133 V 265 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_635/2014 du 10 juin 2015 consid. 4.2).

Selon l'art. 5 al. 1 LPC, dans sa teneur dès le 1er janvier 2018, les étrangers n'ont droit à des prestations complémentaires que s'ils séjournent de manière légale en Suisse. Ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). Pour les réfugiés et les apatrides, le délai de carence est de cinq ans (al. 2).

La précision « s’ils séjournent de manière légale en Suisse » contenue dans le texte de l’art. 5 al. 1 LPC a été introduite dans la loi au 1er juillet 2018. Cependant, elle ressortait déjà antérieurement de la jurisprudence du Tribunal fédéral, comme l’ont précisé tant le Tribunal fédéral que la chambre de céans, au motif notamment qu'il ne serait pas admissible, sous peine d'avantager celui qui passe outre à l'obligation de quitter la Suisse au détriment de celui qui se soumet à cette exigence, de retenir le séjour effectif lorsque ce séjour n'est pas conforme aux autorisations délivrées par l'autorité compétente, et ce indépendamment du fait que l'étranger résidant illégalement en Suisse ait le cas échéant été tenu de verser des cotisations aux assurances sociales (arrêts du Tribunal fédéral 9C_38/2020 du 20 octobre 2020 consid. 5 et 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3 ; ATAS/1047/2021 du 12 octobre 2021 consid. 6 ; ATAS/769/2021 du 21 juillet 2021 consid. 4b ; ATAS/495/2020 du 22 juin 2020 consid. 6a ; ATAS/369/2020 du 14 mai 2020 consid. 4 ; ATAS/287/2019 du 28 mars 2019 consid. 6a ; ATAS/748/2017 [arrêt de principe] du 31 août 2017 consid. 6d). À cet égard, la période de cotisations à l'AVS n'est pas pertinente pour définir la durée de résidence en Suisse (arrêt 9C_423/2013 précité consid. 4.3).

Les étrangers qui auraient droit à une rente extraordinaire de l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité en vertu d'une convention de sécurité sociale peuvent prétendre au plus, tant qu'ils ne satisfont pas au délai de carence visé à l'al. 1, à une prestation complémentaire d'un montant équivalant au minimum de la rente ordinaire complète correspondante (al. 3). Les étrangers qui ne sont ni des réfugiés, ni des apatrides et qui ne sont pas visés à l'al. 3 ont droit aux prestations complémentaires s'ils satisfont au délai de carence visé à l'al. 1 et remplissent une des conditions fixées à l'art. 4 al. 1 let. a, abis, ater, b ch. 2 et c LPC, ou les conditions prévues à l'art. 4 al. 2 (al. 4) LPC.

Pour les prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC), la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC – J 4 25) prévoit à son art. 2 al. 3 que le requérant étranger, le réfugié ou l'apatride doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les dix années précédant la demande.

La chambre de céans a jugé que la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée était constante et valait aussi pour les PCC (ATAS/748/2017 du 31 août 2017).

Dans un arrêt du 8 octobre 2018 (ATAS/891/2018), la chambre de céans a jugé que le dépôt d'une demande d'autorisation de séjour ne pouvait constituer le point de départ du délai de carence.

5.             Si le renvoi ou l’expulsion d’un étranger résidant sans droit, mais de facto, en Suisse, n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigé selon l’art. 83 al. 1 à 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le Secrétariat d’État aux migrations (ci-après : le SEM) doit l’admettre à titre provisoire en Suisse. Le statut des personnes admises provisoirement en Suisse, basé sur l’art. 85 LEI, doit donc être distingué de celui des personnes bénéficiant de l’asile en Suisse, personnes dont le statut est régi en principe par les règles applicables aux personnes bénéficiant de permis de séjour ou d’établissement, vu les renvois des art. 58 et 60 LAsi. Ces deux statuts doivent en outre être distingués du statut de réfugiés, lequel couvre automatiquement les personnes ayant obtenu l’asile selon l’art. 59 LAsi, mais également toute autre personne persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques du ou des pays dont elle a la nationalité selon l’art. 1 let. a ch. 2 de la Convention relative au statut des réfugiés conclue à Genève le 28 juillet 1951 et entrée en vigueur pour la Suisse le 21 avril 1955 (RS 0.142.30) et l’art. 3 LAsi.

6.             En l'espèce, en l'absence de convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la Syrie, les conditions de l’art. 5 LPC trouvent application au recourant.

À la lecture de la décision du SEM du 13 juillet 2017, il apparaît que l’assuré s’est vu mettre au bénéfice d’une admission provisoire au sens de l’art. 83 LEI car il n’apparaissait pas raisonnablement exigible de le renvoyer en Syrie au vu de « certaines particularités liées à sa situation » (cf. décision du SEM du 13 juillet 2017 - référence SYMIC 19 067519 / N 665986, p. 1). À défaut d'être allégué et/ou documenté, l’octroi de l’admission provisoire n’est donc pas fondé sur une persécution liée à la race, les convictions, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou les opinions politiques du recourant.

Partant, la durée du délai de carence applicable au recourant est celle de l’art. 5 al. 1 LPC, à savoir dix ans, et non le délai spécial de cinq ans de l’art. 5 al. 2 LPC applicable aux réfugiés.

Même à retenir la date de l'octroi du permis N, obtenu dans le cadre de la procédure d'asile alors déposée, à savoir le 16 janvier 2016, force est de constater que l’assuré n’avait pas séjourné dix ans de manière légale et ininterrompue en Suisse à la date du dépôt de sa demande de prestations complémentaires fédérales le 28 avril 2021. Il en va de même à la date du présent arrêt. Ce n’est qu’au 16 janvier 2026 au plus tôt que la condition prévue par l’art. 5 al. 1 LPC sera remplie.

Partant, c’est à bon droit que le SPC a nié le droit de l’assuré à des prestations complémentaires fédérales.

7.             Il faut encore examiner si la solution est identique s’agissant des PCC.

7.1 Selon l’art. 2 al. 3 LPCC, le requérant étranger doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les dix années précédant sa demande de prestations complémentaires pour pouvoir bénéficier des PCC.

La chambre de céans a déjà eu l’occasion de préciser dans un arrêt de principe la jurisprudence fédérale selon laquelle seuls les séjours légaux devaient être pris en compte pour calculer le délai de carence cantonal (ATAS/748/2017 [arrêt de principe] du 31 octobre 2017 consid. 8e et 8f). Elle a constamment suivi cette jurisprudence depuis lors (ATAS/1047/2021 du 12 octobre 2021 consid. 6 ; ATAS/495/2020 du 22 juin 2020 consid. 6a ; ATAS/369/2020 du 14 mai 2020 consid. 4 ; ATAS/1053/2019 du 13 novembre 2019 consid. 4 ; ATAS/287/2019 du 28 mars 2019 consid. 6a ; ATAS/228/2019 du 20 mars 2019 consid. 5 ; ATAS/891/2018 du 8 octobre 2018 consid. 6 ; ATAS/428/2018 du 22 mai 2018 consid. 4 ; ATAS/415/2018 du 15 mai 2018 consid. 4b).

7.2 Les considérations développées au considérant précédent en lien avec les PCF peuvent en conséquence être transposées mutatis mutandis aux PCC. Il en résulte que la condition du respect du délai de carence prévu par l’art. 2 al. 3 LPCC n’est pas remplie dans le cas d’espèce, faute d’un séjour ininterrompu de dix ans dans le canton de Genève (ou ailleurs en Suisse ou dans un État de l’UE ou de l’AELE au 28 avril 2021, date du dépôt par l’assuré de sa requête de PCC).

8.             Le recourant ne remplissant en l’état ni les conditions d’octroi des PCF, ni les conditions d’octroi des PCC, le recours est infondé et sera rejeté.

9.             Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let fbis LPGA et art. 89H al. 1 LPA).

******

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le