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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2051/2020

ATAS/504/2022 du 30.05.2022 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2051/2020 ATAS/504/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mai 2022

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Manuel MOURO

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en 1961, d'origine somalienne, sans formation professionnelle, veuve, mère de quatre enfants nés en 1985, 1986, 1989 et 1991, est arrivée en Suisse en 1991 avec les trois cadets. L'assurée, qui n'a jamais travaillé en Suisse, est au bénéfice d'un permis C, délivré pour la première fois le 12 mars 2020 (auparavant, elle était titulaire d'un permis N, puis F à compter du 13 janvier 1993 et B dès le 20 octobre 2009).

b. Le 20 octobre 2009, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI).

c. Après avoir instruit le cas en recueillant des avis médicaux et une enquête économique sur le ménage, l'OAI, qui avait retenu un statut de personne active à 80 %, les 20 % restants étant consacrés aux tâches ménagères, a, en s'appuyant sur l'avis du service médical de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) du 10 octobre 2011, considéré que l'assurée, qui présentait une gonarthrose bilatérale incapacitante depuis fin 2007, pouvait travailler dans une activité adaptée sédentaire à 50 %. Constatant que les empêchements avaient été évalués à 40 % dans la sphère ménagère selon le rapport d'enquête du 1er décembre 2011, par décision du 6 mars 2012, confirmant un projet de décision du 31 janvier 2012, l'OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que le taux d'invalidité, fixé à 38 % selon la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité (30 % pour l'activité lucrative et 8 % pour l'activité ménagère), était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d'invalidité.

d. Saisie d'un recours, par arrêt du 8 mai 2012 (ATAS/627/2012), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) a annulé la décision du 6 mars 2012 et renvoyé la cause à l'OAI pour instruction complémentaire, dès lors qu'il était apparu que l'assurée souffrait également de problèmes lombaires qui n'avaient pas été investigués.

B. a. Sur ce, l'assurée a été examinée par le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne auprès du SMR, qui, dans un rapport du 21 janvier 2013, a diagnostiqué, avec répercussion sur la capacité de travail, une gonarthrose tricompartimentale bilatérale à prédominance gauche et à prédominance fémoro-patellaire interne avec une ostéochondromatose, un status après ostéotomie de valgisation des deux genoux, un status après l’ablation du matériel d'ostéosynthèse du genou gauche, des lombalgies et accessoirement cervico-scapulalgies droites dans le cadre de troubles statiques et dégénératifs du rachis avec spondylolisthésis de L4/L5 de degré I sur une arthrose interapophysaire postérieure et une épicondylite gauche. Sans répercussion sur la capacité de travail, l'assurée présentait une fibromyalgie, de l'obésité, une hypothyroïdie substituée dans le cadre d'un status après une strumectomie, un status après une cure de rectocèle et après une kystectomie ovarienne bilatérale, une discrète arthrose nodulaire des doigts et une hypercholestérolémie anamnestique.

Les limitations fonctionnelles étaient, s'agissant du rachis, la nécessité de pouvoir alterner deux fois par heure les positions assise et debout, sans travail en porte-à-faux statique prolongé du tronc, sans soulèvement ou port régulier de charges supérieures à 5 kg et sans exposition à des vibrations. S'agissant des membres inférieurs, pas de génuflexions répétées, de franchissement régulier d'escaliers, d'escabeaux ou d'échelles, de travail en hauteur, de marche de plus de dix minutes ou en terrain irrégulier, ni de position debout. S'agissant du membre supérieur gauche, pas de mouvements répétés du coude gauche, ni lever des charges de plus de 5 kg, étant précisé que l'assurée était droitière.

Selon l'examinateur, dans une activité respectant strictement ces limitations fonctionnelles, la capacité de travail était de 50 % depuis fin 2007. La fibromyalgie pouvait conduire à une incapacité de travail, si elle s'accompagnait d'une pathologie psychiatrique incapacitante ou de critères de sévérité selon la jurisprudence.

b. À la demande de l'OAI, la doctoresse C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a effectué un examen de l'assurée avec la collaboration d'une interprète de langue somali. Dans son rapport du 3 juillet 2013, l'experte n'a diagnostiqué aucun trouble ayant une répercussion sur la capacité de travail, mais a retenu des difficultés liées à l’acculturation et des notions rhumatologiques de fibromyalgie, sans comorbidité psychiatrique.

c. Par avis du 19 juillet 2013, le SMR s'est rallié aux conclusions de l'examen rhumatologique et de l'expertise psychiatrique.

d. Dans une note de travail du 21 octobre 2013, l'enquêtrice, qui avait rencontré l'assurée à son domicile, en présence de sa fille cadette et de son petit-fils de 2 ans, a jugé que la situation demeurait superposable à celle évaluée lors de la première enquête ménagère, le statut était de 80 % dans la part professionnelle et les empêchements dans la sphère ménagère s'élevaient à 40 %. Une exigibilité d'environ 30 % était à nouveau prise en compte pour la fille partageant le logement de l'assurée.

C. a. Par décision du 10 janvier 2014, confirmant son projet du 4 novembre 2013, l'OAI a rejeté la demande de prestations de l'assurée, en arguant que le degré d'invalidité global de 38 %, inférieur à 40 %, ne donnait pas droit à une rente.

b. L'assurée a déféré cette décision auprès de la CJCAS, qui, par arrêt du 24 novembre 2015 (ATAS/910/2015), a confirmé le statut d’active à 80 %, lequel n’était pas contesté, ainsi que la méthode mixte d’évaluation du degré d’invalidité. En se basant sur les conclusions du Dr B______ et celles de l'expert judiciaire, le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 24 juillet 2015), dans lequel celui-ci posait les diagnostics de dysthymie et de trouble anxieux de gravité moyenne, la CJCAS a conclu que la recourante présentait une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée en raison des atteintes somatiques et psychiques dont elle souffrait. Après avoir également reconnu valeur probante à l'enquête ménagère et ainsi retenu un empêchement à accomplir les travaux ménagers de 40 %, la CJCAS a arrêté le degré d'invalidité à 40 %. Elle a partant partiellement admis le recours, annulé la décision du 10 janvier 2014 et dit que l’assurée avait droit à un quart de rente à compter du 1er mai 2009, six mois après le dépôt de la demande de prestations.

c. Par arrêt du 14 septembre 2016 (9C_34/2016), le Tribunal fédéral a admis le recours de l’OAI et confirmé la décision du 10 janvier 2014, compte tenu d'un taux d'invalidité de 38 % et non de 40 %.

D. a. Le 28 juillet 2017, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, en invoquant notamment une gonarthrose sévère des deux côtés, une arthrose à l’épaule, à la main droite et au dos, ainsi qu'un état dépressif moyen à sévère.

b. Par décision du 14 mars 2018, l’OAI a repris les termes de son projet du 2 février 2018 et rejeté la demande de l’assurée. Il a considéré, sur la base de l’appréciation du SMR du 29 janvier 2018, que les documents produits ne montraient pas de modification de l’état de santé depuis la dernière évaluation et que l’assurée ne présentait aucune atteinte ayant une répercussion sur sa capacité de travail.

c. Par arrêt du 27 novembre 2018 (ATAS/1133/2018), la CJCAS a partiellement admis le recours de l'assurée, annulé la décision du 14 mars 2018 et renvoyé la cause à l'OAI pour instruction complémentaire, après avoir relevé que, en dépit de ce que pourrait laisser supposer l'intitulé de la décision litigieuse (« aucun droit à la rente »), l'administration avait en fait refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations, en estimant que l'assurée n'avait pas rendu plausible une modification de l'invalidité de manière à influencer ses droits. Or, les pièces produites par l'assurée établissaient, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, un changement important des circonstances, tant sur le plan somatique que psychique, propre à influencer son degré d'invalidité.

E. a. Par décision du 20 novembre 2018, complétée le 7 février 2019 et confirmant un projet du 9 octobre 2018, l’OAI a reconnu le droit de l’assurée à un quart de rente (degré d’invalidité de 48 %) du 1er janvier au 30 novembre 2018, eu égard à la modification réglementaire relative à l'évaluation de l'invalidité d'après la méthode mixte entrée en vigueur le 1er janvier 2018.

b. Par arrêt du 30 avril 2019 (ATAS/383/2019), la CJCAS a admis le recours de l'assurée et annulé la décision du 20 novembre 2018, l'OAI ayant lui-même reconnu que cette décision avait été rendue prématurément, puisque la période couverte par la décision litigieuse était concernée par le renvoi pour instruction complémentaire ordonné par la chambre de céans dans son arrêt du 27 novembre 2018 (consid. 17).

F. a. Pour se conformer aux injonctions de la CJCAS, l'OAI a confié une expertise rhumato-psychiatrique aux médecins du Centre d'expertises médicales (ci-après : G______), le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatre et psychothérapie, et la doctoresse F______, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine interne générale, qui ont procédé à l'examen de l'assurée en présence d'un interprète en langue somali. Ceux-ci ont établi un rapport d'évaluation consensuelle le 19 mars 2020, dans lequel ils ont diagnostiqué des difficultés liées à l’acculturation (Z60.3), un trouble anxieux, autres réactions à un facteur de stress (F43.8), une dysthymie (F34.1), un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4), une polyarthrose sévère, principalement des deux genoux et de l’épaule droite, et une fibromyalgie.

Ils ont évalué la capacité de travail dans l’activité exercée jusqu’ici à 20 %, précisant qu'elle était stable depuis 2010, mais qu'auparavant, elle était vraisemblablement plus élevée, de l’ordre de 80 %. Dans une activité adaptée, elle était au maximum de quatre heures par jour.

b. Dans son avis du 1er avril 2020, le SMR a constaté que, selon les experts, la capacité de travail n’avait pas évolué depuis 2010, antérieurement à la première décision, et considéré en conséquence qu’il fallait s’en tenir aux conclusions de la décision précédente, en ce sens que la capacité de travail était restée à 50 % dans toutes les activités respectant les limitations fonctionnelles.

c. Par décision du 11 juin 2020 confirmant un projet du 9 avril 2020, l'OAI a alloué à l'assurée un quart de rente d'invalidité à compter du 1er janvier 2018, sur la base d'un degré d'invalidité de 48 %.

G. a. Par acte du 9 juillet 2020, complété le 19 août 2020, l'assurée, représentée par son avocat, a recouru contre ladite décision auprès de la CJCAS, en concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité.

b. Dans sa réponse du 16 septembre 2020, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 28 décembre 2020, la recourante a demandé à la CJCAS d'interpeller l'intimé au sujet d'une possible reconsidération de la décision du 10 janvier 2014, laquelle se fondait sur l'expertise de la Dresse C______, qui concluait à l'absence de troubles psychiatriques. Or, selon l'expertise du G______ du 19 mars 2020, elle souffrirait de troubles psychiques invalidants depuis avril 2013 déjà, induisant une incapacité de travail de 10 %. Subsidiairement, dans l'hypothèse où l'intimé refuserait de procéder à une reconsidération, la recourante sollicitait un délai pour exposer en quoi les conditions d'une révision étaient données.

d. Dans sa duplique du 21 janvier 2021, l'intimé a indiqué qu'il n'entendait pas entrer en matière sur la question d'une éventuelle reconsidération de sa décision du 10 janvier 2014. Il soulignait qu'il avait déjà expliqué, dans son écriture du 16 septembre 2020, les raisons pour lesquelles les conditions d'une révision n’étaient pas réunies, dès lors que les circonstances n’avaient pas changé de manière significative depuis la dernière décision. L'expertise du G______ faisait certes état d'une incapacité de travail de 10 % depuis avril 2013 pour des motifs psychiatriques, cela n'était toutefois pas susceptible de se répercuter sur le droit aux prestations. De plus, par arrêt du 14 septembre 2016, le Tribunal fédéral avait annulé le jugement de la CJCAS du 24 novembre 2015 et estimé que la décision du 10 janvier 2014 refusant le versement d'une rente devait être confirmée. Pour le surplus, l'intimé a maintenu ses conclusions en rejet du recours.

e. Dans sa détermination du 16 août 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions, en alléguant que les circonstances avaient changé de manière significative depuis la dernière décision, compte tenu de la diminution de rendement de 20 % et d'un empêchement de 80 % dans l'activité ménagère retenus par l'expert rhumatologue.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

4.1 En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée du 11 juin 2020 a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.2 Compte tenu de la date de la décision administrative en cause, qui détermine l'application dans le temps des règles légales au présent litige (ATF 130 V 447 consid. 1.2.1 ; ATF 127 V 467 consid. 1), il y a également lieu de tenir compte de la modification réglementaire relative à l'évaluation de l'invalidité des assurés exerçant une activité lucrative à temps partiel entrée en vigueur le 1er janvier 2018 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_858/2017 du 20 février 2018 consid. 2.2). En effet, selon la jurisprudence, lors de l'évaluation de l'invalidité selon la méthode mixte, l'art. 27bis al. 2 à 4 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) dans sa teneur du 1er décembre 2017 est applicable, eu égard au traitement uniforme et égal des assurés, à partir de l'entrée en vigueur de cette modification (arrêt du Tribunal fédéral 9C_553/2017 du 18 décembre 2017 consid. 5 et 6.2).

Le droit éventuel aux prestations doit être examiné au regard de l'ancien droit pour la période jusqu'au 31 décembre 2017, et, après le 1er janvier 2018 en fonction des modifications susmentionnées (cf. ATAS/435/2019 du 13 mai 2019 consid. 10).

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.             Le litige porte, dans le cadre de la nouvelle demande de prestations du 28 juillet 2017, sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité.

7.             Quand l'administration entre en matière sur une nouvelle demande (art. 87 al. 3 RAI), elle doit examiner la cause sur le fond et déterminer si la modification du degré d'invalidité rendue plausible par l'assuré a effectivement eu lieu (ATF 117 V 198 consid. 3a). Selon la jurisprudence, elle doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 545 consid. 6), c'est-à-dire comparer les circonstances existant lorsque la nouvelle décision est prise avec celles qui existaient lorsque la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit à la rente est entrée en force (ATF 133 V 108 consid. 5), pour apprécier si dans l'intervalle est intervenue une modification sensible du degré d'invalidité justifiant désormais l'octroi d'une rente. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (cf. ATF 130 V 343 consid. 3.5). Le point de savoir si un changement notable des circonstances s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l'époque de la décision litigieuse. C'est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l'examen d'une modification du degré d'invalidité lors d'une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

8.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

9.             En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que, selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

10.         Lorsqu'il convient d'évaluer l'invalidité d'un assuré d'après la méthode mixte, l'invalidité des assurés qui n'exercent que partiellement une activité lucrative est, pour cette part, évaluée selon la méthode ordinaire de comparaison des revenus (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l’art. 16 LPGA). S'ils se consacrent en outre à leurs travaux habituels, l'invalidité est fixée selon la méthode spécifique pour cette activité. Dans ce cas, il faut déterminer la part respective de l'activité lucrative et celle de l'accomplissement des autres travaux habituels et calculer le degré d'invalidité d'après le handicap dont l'assuré est affecté dans les deux activités en question (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 27bis RAI, ainsi que les art. 16 LPGA et 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA).

10.1 Ainsi, il convient d’évaluer, d'une part, l'invalidité dans les travaux habituels par comparaison des activités (art. 27 RAI) et, d'autre part, l'invalidité dans une activité lucrative par comparaison des revenus (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA) ; on pourra alors apprécier l'invalidité globale d'après le temps consacré à ces deux champs d'activité. La part de l'activité professionnelle dans l'ensemble des travaux de l'assuré est fixée en comparant l'horaire de travail usuel dans la profession en question et l'horaire accompli par l'assuré valide ; on calcule donc le rapport en pour-cent entre ces deux valeurs (ATF 104 V 136 consid. 2a ; RCC 1992 p. 136 consid. 1b). La part des travaux habituels constitue le reste du pourcentage (ATF 130 V 393 consid. 3.3 et ATF 104 V 136 consid. 2a). L’activité lucrative et les travaux habituels non rémunérés sont en principe complémentaires dans le cadre de la méthode mixte. En d’autres termes, ces deux domaines d'activités forment ensemble, en règle générale, un taux de 100 % et la proportion de la partie ménagère ne doit pas être fixée en fonction de l'ampleur des tâches entrant dans le champ des travaux habituels. Aussi, ne sont pas déterminants le temps que l'assuré prend pour effectuer ses tâches ménagères, par exemple, s'il préfère les exécuter dans un laps de temps plus important ou plus court, ou la grandeur de l'appartement (ATF 141 V 15 consid. 4.5). Le fait qu'une personne assurée réduise son taux d'occupation exigible dans l'exercice d'une activité lucrative sans consacrer le temps devenu libre à l'accomplissement de travaux habituels au sens de l'art. 28a al. 2 LAI n'a aucun effet sur la méthode d'évaluation de l'invalidité (ATF 131 V 51 consid. 5.1 et 5.2).

10.2 Selon l’art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7 al. 2 de la loi, le taux d'invalidité est déterminé par l'addition des taux suivants : a. le taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative ; b. le taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2). Le calcul du taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative est régi par l'art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l'assuré aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel, s'il n'était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps ; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d'occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l'assuré n'était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d'occupation visé à l'al. 3 let. b et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

Sous l’empire de l’art. 27bis al. 2 à 4 RAI modifié, le calcul du taux d’invalidité pour la partie concernant l’activité lucrative demeure régi par l’art. 16 LPGA. L’élément nouveau est que le revenu sans invalidité n’est plus déterminé sur la base du revenu correspondant au taux d’occupation de l’assuré, mais est désormais extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps. La détermination du revenu d’invalide est, quant à elle, inchangée. La perte de gain exprimée en pourcentage du revenu sans invalidité est ensuite pondérée au moyen du taux d’occupation auquel l’assuré travaillerait s’il n’était pas invalide.

Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est, comme c’était le cas auparavant, déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER, Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale/CHSS n° 1/2018, p. 45).

11.         Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

Pour évaluer l'invalidité des assurés travaillant dans le ménage, l'administration procède à une enquête sur les activités ménagères et fixe l'empêchement dans chacune des activités habituelles conformément à la circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité. Aux conditions posées par la jurisprudence (ATF 128 V 93), une telle enquête a valeur probante.

Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l'accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d'un tel rapport d'enquête, il est essentiel qu'il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d'enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n'intervient pas dans l'appréciation de l'auteur du rapport, sauf lorsqu'il existe des erreurs d'estimation que l'on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l'enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.733/06 du 16 juillet 2007).

12.         Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

12.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

12.2 Le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 du 30 novembre 2017). La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques, y compris en cas de troubles dépressifs de degré léger ou moyen (ATF 143 V 409 consid. 4.5.1). En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée (ATAS/945/2018 du 17 octobre 2018 consid. 6b).

Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Les indicateurs pertinents sont notamment l'expression des constatations et des symptômes, le recours aux thérapies, leur déroulement et leurs effets, les efforts de réadaptation professionnelle, les comorbidités, le développement et la structure de la personnalité, le contexte social de la personne concernée, ainsi que la survenance des restrictions alléguées dans les différents domaines de la vie (travail et loisirs ; ATAS/676/2019 du 26 juillet 2019 consid. 10a).

12.3 Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

13.         Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

13.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

13.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

13.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

13.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

13.5 En cas de divergence d’opinions entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I.514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

14.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

15.         Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

16.         En l'espèce, il convient de déterminer si l'état de santé de la recourante s'est péjoré entre le 10 janvier 2014, date de la décision rejetant la première demande de prestations confirmée par le Tribunal fédéral le 14 septembre 2016 (9C_34/2016) , et le 11 juin 2020, date de la décision querellée mettant la recourante au bénéfice d'un quart de rente dès le 1er janvier 2018 en application de la nouvelle méthode de calcul du degré d’invalidité d’une personne ayant un statut mixte (art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018).

16.1 À l'époque, sur le plan somatique, la recourante présentait, avec répercussion sur sa capacité de travail, une gonarthrose tricompartimentale bilatérale à prédominance gauche et à prédominance fémoro-patellaire interne avec une ostéochondromatose, un status après ostéotomie de valgisation des deux genoux, un status après l’ablation du matériel d'ostéosynthèse du genou gauche, des lombalgies et accessoirement des cervico-scapulalgies droites dans le cadre de troubles statiques et dégénératifs du rachis avec spondylolisthésis de L4/L5 de degré I sur une arthrose interapophysaire postérieure et une épicondylite gauche.

Sa capacité de travail était de 50 % dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles retenues par le Dr B______, rhumatologue, en lien avec les pathologies ostéoarticulaires, depuis fin 2007 (rapport d'examen du 21 janvier 2013).

Sur le plan psychiatrique, la recourante souffrait, avec effet sur sa capacité de travail, d'une dysthymie, ainsi que d'un trouble anxieux de gravité moyenne, induisant une incapacité de travail de 30 % (rapport du Dr D______ du 24 juillet 2015).

Dans le cadre de la procédure de recours contre la décision du 10 janvier 2014, sur la base de ces rapports, il avait été conclu que la recourante était apte à exercer une activité adaptée à 50 % en raison de ses atteintes somatiques et psychiques, entraînant un degré d'invalidité de 38 % selon la méthode mixte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_34/2016 précité consid. 3).

16.2 La décision querellée du 11 juin 2020 se fonde, quant à elle, sur l'avis du SMR du 1er avril 2020, lui-même basé sur le rapport d'expertise rhumato-psychiatrique du 19 mars 2020 établi par les Drs E______, psychiatre, et F______, rhumatologue.

16.2.1 Sur le plan psychique, le Dr E______, qui a étudié les pièces médicales au dossier, exposé l'anamnèse, relaté les plaintes de la recourante, procédé à l'examen clinique de cette dernière et fait état de ses constatations, a expliqué les motifs pour lesquels il retenait les diagnostics de trouble anxieux, autres réactions à un facteur de stress (F43.8), de dysthymie (F34.1) et de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4), puis s'écartait de l'appréciation des psychiatres traitants (dossier AI, p. 948-949).

16.2.1.1.                        Dès lors que l'expert a posé des diagnostics psychiatriques, il convient d'apprécier leur incidence sur la capacité de travail de la recourante au regard des indicateurs déterminants définis dans l’ATF 141 V 281 (consid. 12 ci-dessus).

16.2.1.2.                        S’agissant de la catégorie « degré de gravité fonctionnelle », le Dr E______ a indiqué les limitations fonctionnelles causées par le trouble anxieux (découragement, sentiment d'incapacité, démotivation, indécision, réduction de la capacité créative, risque accru d'erreurs, besoin d'encadrement accru [p. 948, 951]), en précisant que l'anxiété était d'intensité moyenne, la dépression d'intensité faible, sans troubles cognitifs (p. 945-946) et que la recourante, qui présentait des difficultés d'acculturation, majorait ses plaintes (p. 948).

S’agissant du « succès du traitement et de la réadaptation », la recourante, qui prend un traitement psychotrope et anxiolytique sous forme de Stilnox et Xanax, consulte son psychiatre traitant et son psychologue à raison de deux fois par mois (p. 944). Elle n’a pas été hospitalisée en milieu psychiatrique (p. 938) et il ne ressort pas du dossier qu’elle serait confrontée à un échec de toute thérapie médicalement indiquée.

S’agissant des « comorbidités », comme on le verra plus loin, ni les troubles psychiques, ni les troubles somatiques ne privent la recourante de certaines ressources (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

S’agissant du complexe de « la personnalité », ni le psychiatre traitant ni le Dr E______ ne retiennent un trouble spécifique de la personnalité au sens d’une classification diagnostique reconnue (p. 664, 846, 948-949).

Pour ce qui est du « contexte social », la recourante, qui vit avec sa fille cadette et son petit-fils âgé de 8 ans (p. 942), garde également des contacts avec son autre fille (p. 943) et a des amis qui la soutiennent (p. 943, 950). Son contexte social et familial lui procure donc des ressources mobilisables.

En ce qui concerne la catégorie « cohérence », le Dr E______ a relevé une divergence entre les symptômes décrits (humeur anxieuse et dépressive d'intensité forte) et l'examen clinique (humeur anxieuse d'intensité moyenne et humeur dépressive d'intensité faible). Les atteintes à la santé ne limitent la recourante que partiellement dans l’exécution de ses travaux habituels. Si la polyarthrose peut expliquer la délégation des tâches ménagères à la fille (p. 903), la recourante est néanmoins capable, de son aveu même, de faire quelques courses au supermarché, de se préparer à manger ou de se déplacer en bus seule (p. 941-942, 950), sans qu'elle ne soit limitée par une psychopathologie pour réaliser les activités quotidiennes (p. 949).

16.2.1.3.                        En outre, le Dr E______ s'est distancié, à juste titre, de l'appréciation du psychiatre traitant (qui retenait un état post-traumatique complexe et une dépression, épisode moyen, totalement incapacitants [rapports du docteur H______ des 19 octobre 2017 et 8 juillet 2019, p. 664, 846]), puisque ce dernier se limitait à énumérer les plaintes subjectives de la recourante sans avoir indiqué si elles étaient confirmées de manière objective par le status psychiatrique (p. 949). Du reste, le Dr E______ rejoint l'avis probant (ATAS/910/2015 consid. 12) du Dr D______ s'agissant des diagnostics psychiques présentés par la recourante, lequel avait également retenu une dysthymie (trouble dépressif léger) et un trouble anxieux de gravité moyenne, et écarté à l'instar du Dr E______, mais à l'inverse du Dr H______ un état de stress post-traumatique (p. 483, 947).

Il est vrai que le Dr E______ conclut à une capacité de travail de 90 % dans toute activité dès avril 2013 (p. 951), alors que le Dr D______ l'a évaluée à 70 % (p. 484).

Cela ne porte toutefois pas à conséquence.

D'une part, contrairement à ce que fait valoir la recourante, il ne saurait être question de reconsidérer la décision du 10 janvier 2014 au motif que, selon le Dr E______, ses troubles psychiques entraînent une incapacité de travail de 10 %.

De jurisprudence constante, l'administration n'est pas tenue de reconsidérer les décisions ; elle en a simplement la faculté et ni l'assuré, ni le juge ne peuvent l'y contraindre (ATF 117 V 8 consid. 2a et les références). L'administration peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition formellement passée en force et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à condition qu'elle soit manifestement erronée et que sa rectification revête une importance notable (art. 53 al. 2 LPGA ; ATF 133 V 50 consid. 4.1).

Or, en l'espèce, deux autorités judiciaires (la chambre de céans et le Tribunal fédéral) se sont déjà prononcées sur le fond du litige relatif à la décision du 10 janvier 2014, qui est entrée en force le 14 septembre 2016 lorsque le Tribunal fédéral a admis le recours de l'intimé contre l'arrêt cantonal du 24 novembre 2015 (cf. art. 61 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]). La conclusion du Dr E______, en tant qu'il estime l'incapacité de travail à 10 %, ne constitue par ailleurs pas un motif de reconsidération, dès lors qu'il s'agit d'une appréciation différente de la même situation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2010 du 22 février 2011 consid. 3).

Quand bien même l'incapacité de travail de la recourante sur le plan psychique d'après le Dr E______ (10 %) est inférieure à celle retenue par le Dr D______ (30 %), appréciation en défaveur de la recourante, cela à l'évidence importe peu, dans la mesure où, en tant que l'incapacité de travail résultant des atteintes somatiques est, comme on le verra plus loin, plus importante (à tout le moins 50 % dans une activité adaptée), c'est celle-ci qui en fin de compte impactera davantage l'incapacité de gain de la recourante (dans la sphère professionnelle).

16.2.1.4.                        Au vu de ce qui précède, et en particulier de l'analyse des indicateurs jurisprudentiels, on doit admettre, avec le Dr E______, que la recourante est apte à exercer, dans une certaine mesure, une activité lucrative simple et répétitive ne requérant pas une grande capacité de prise de décision autonome (p. 951).

16.2.2 Sur le plan somatique, la Dresse F______ a résumé les documents médicaux à sa disposition, exposé l’anamnèse de la recourante, relaté ses plaintes, posé des diagnostics et fait état de ses observations. Il n’en demeure pas moins que son expertise ne répond pas aux réquisits jurisprudentiels relatifs à la valeur probante.

En effet, la Dresse F______ a constaté une restriction de mobilité importante aux deux genoux, relativement importante à l'épaule droite, modérée au rachis lombaire, ainsi qu'aux deux mains (p. 902). Elle admet, dans un premier temps, une capacité de travail de 50 % tant comme femme au foyer (activité ménagère) que dans une activité lucrative adaptée en position assise, avec un rendement d'environ 80 % au vu des douleurs et des restrictions de mobilité (p. 903). De manière contradictoire, dans un deuxième temps, elle conclut à une capacité de travail de 20 % comme femme au foyer, et de 50 % dans une activité adaptée avec une baisse de rendement de 20 % en raison des douleurs et des restrictions de mobilité articulaire, ce depuis 2010 dans les deux activités ménagère et lucrative (p. 904-905).

Il n'est donc pas clair si l'incapacité de travail dans la sphère ménagère est de 50 % ou de 80 %, et dans la sphère professionnelle de 50 % ou de 50 % avec une diminution de rendement de 20 % supplémentaire. Aussi ne saurait-on suivre le SMR, qui, dans son avis du 1er avril 2020, considère, sur la base de cette expertise, que la capacité de travail est toujours de 50 % dans une activité adaptée.

La chambre de céans n'est partant pas en mesure de se prononcer sur le taux de capacité de travail résiduelle de la recourante, ni sur l'empêchement de cette dernière dans l’accomplissement des travaux habituels, d'autant moins que, dans le cadre de la nouvelle demande de prestations du 28 juillet 2017, motivée par l'aggravation de l'état de santé, l'intimé n'a pas mis en œuvre une enquête ménagère.

16.3 En conséquence, il se justifie de renvoyer la cause à l'intimé afin qu'il mette sur pied une nouvelle expertise rhumatologique, puis une enquête ménagère.

17.         Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision du 11 juin 2020 annulée et la cause renvoyée à l'intimé afin qu'il procède conformément aux considérants, puis rende une nouvelle décision.

18.         La recourante, représentée, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), arrêtée en l'espèce à CHF 1'000.-.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument, fixé en l'espèce à CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 11 juin 2020.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de 1'000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le