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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2546/2004

ATAS/353/2005 du 25.04.2005 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.06.2005, rendu le 22.05.2006, REJETE, U 220/05
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2546/2004 ATAS/353/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

6ème Chambre

du 25 avril 2005

 

En la cause

Madame G__________ , comparant par Me Jacques EMERY en l’étude duquel elle élit domicile

et

SWICA ORGANISATION DE SANTE, Römerstrasse 38, Winterthur

recourantes

 

contre

LA MOBILIERE SUISSE SOCIETE D’ASSURANCES, comparant par Me Philippe GRUMBACH en l’étude duquel elle élit domicile

intimée

 


EN FAIT

Mme G__________, née le 11 juin 1951, travaillait depuis le 2 mai 2001 comme assistante à domicile auprès du service d’assistance à domicile pour la Ville et la Campagne SA, dont le siège est situé à Berne. Elle était à ce titre assurée contre les accidents professionnels et non-professionnels auprès de la MOBILIERE SUISSE SOCIETE D’ASSURANCES (ci-après : la Mobilière). Elle était également assurée dans le cadre d’un contrat d’assurance-maladie collective pour la perte de gain auprès de cette même assurance.

Le 14 mars 2003, alors qu’elle travaillait au domicile d’une patiente, elle a ressenti une forte douleur à l’épaule gauche en voulant retenir sa patiente qui, de la position debout, est tombée sur le sol.

Elle a consulté son médecin-traitant, le Dr A__________, spécialiste FMH médecine interne et rhumatologie, le 21 mars 2003.

Le 5 mai 2003, le Dr B__________ a effectué une échographie de l’épaule gauche et conclu à un conflit antéro-supérieur avec bursite infiltrée. Probable petite rupture partielle de la surface acromiale du tendon sus-épineux.

Le 8 mai 2003, le Dr A__________ a attesté d’une incapacité de travail totale de l’assurée depuis le 9 mai 2003.

Le 15 mai 2003, l’assurée a rempli un formulaire de déclaration d’accident-bagatelle en mentionnant que sa patiente « se trouve près du lit très endormie, tombe en arrière, depuis la porte de la salle de bain, je me précipite pour essayer de la protéger, de la soutenir afin qu’elle ne se blesse à la tête. C’est au moment où j’ai voulu la retenir que j’ai ressenti une forte douleur à l’épaule gauche ».

Le 30 mai 2003, l’employeur de l’assurée a rempli une déclaration d’accident en mentionnant « wollte die Kundin aufhebein starcke Schmer – im Schulter ».

Le 9 juin 2003, le Dr A__________ a attesté d’une tendinite du sus-épineux gauche et mentionné que la patiente était en incapacité complète de travail depuis le 26 mai 2003.

Par décision du 8 juillet 2003, la Mobilière a refusé toute prise en charge en relevant qu’il ne s’agissait pas d’un accident.

Le 12 août 2003, la SWICA, organisation de santé, assureur-maladie de l’assurée (ci-après la Swica) a fait opposition à la décision de la Mobilière précitée.

Le 19 août 2003, l’assurée a consulté le Dr C__________, spécialiste en chirurgie orthopédique.

Le 1er septembre 2003, le Dr D__________ a procédé à une arthro-IRM et radiographie de l’épaule gauche et conclu à un conflit sous-acromial, visible essentiellement sous forme d’une bursite sous-acromio deltoïdienne et d’un élément modéré de tendinopathie de la face bursale du tendon du sus-épineux sans signe de déchirure.

Le 30 septembre 2003, le Dr A__________ a relevé que l’assurée souffrait toujours de l’épaule (signes de tendinite) malgré divers traitements conservateurs et que le pronostic était pour l’instant réservé.

Le 28 octobre 2003, le Dr C__________ a indiqué dans un rapport médical LAA qu’il s’agissait d’une patiente présentant un conflit sous-acromial après un faux mouvement en relevant un patient.

Le 5 décembre 2003, le Professeur E__________, médecin chef de service à l’Hôpital cantonal, service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, a attesté qu’une acromioplastie pourrait être bénéfique. Selon le bilan du Dr C__________, il n’y avait pas de rupture de la coiffe mais une bursite sous-acromiale avec des signes radiologiques de conflit.

Le 13 février 2004, l’assurée a été opérée à l’Hôpital cantonal par le Professeur E__________, lequel a attesté le 20 juillet 2004 qu’il avait procédé à une acromioplastie arthroscopique ayant mis en évidence une inflammation de la bourse. Il avait prolongé le 26 mars 2004 l’arrêt de travail au 1er mai 2004 et n’avait plus revu la patiente depuis.

Le 13 avril 2004, l’assurée a déposé une demande de prestations AI en invoquant une déchirure des tendons de l’épaule gauche, une hernie discale, de l’arthrose, un ulcère de l’estomac, un trouble dépressif récurrent et un problème cardiaque.

Le 14 mai 2004, le Dr F__________, spécialiste en orthopédie et chirurgie, a rendu un rapport médical à la demande de la Mobilière, mais sans avoir examiné l’assurée.

Selon ce médecin, il n’était question nulle part d’une chute ou d’un choc sur l’épaule et l’arrêt de travail datait de plus de deux mois après l’événement. Il n’y avait pas d’accident ni de lésion assimilée à un accident car d’une part les tendinites n’étaient pas des lésions assimilées, d’autre part il n’y avait pas eu déchirure d’un tendon, mais il y avait un conflit sous-acromial, ce qui était parfaitement possible, chroniquement, chez une patiente de 52 ans faisant, peut-être depuis assez longtemps, des mouvements de force dans son activité d’aide aux personnes âgées. Dans ces conditions, il estimait qu’avec une vraisemblance prépondérante, l’assurance accident LAA n’était pas concernée pour cette affection.

Le 27 mai 2004, le Dr C__________ a relevé que « le bilan échographique et l’arthro-IRM ont mis en évidence une bursite sous-acromio deltoïdienne et une tendinite de la face bursale du tendon du sus-épineux, sans déchirure de ce dernier. Les lésions ont entraîné une incapacité de travail en raison des douleurs et de l’impossibilité de soulever des charges, même minimes. A ma connaissance, Mme G__________ est à l’arrêt de travail à 100 % depuis le 1er août 2003. Il existe évidemment un lien de causalité naturelle, étant donné que la patiente ne présentait aucune symptomatologie douloureuse de son épaule avant cet accident. Ce dernier a donc clairement décompensé soit un tendon normalement constitué, soit un tendon déjà souffrant mais totalement asymptomatique, ce qui est réputé exister chez le patient de plus de 40 ans, en raison d’une atteinte dégénérative. De ce fait, il existe en ce contexte une vraisemblance prépondérante comme vous le mentionnez dans votre courrier. Cette incapacité de travail n’est certainement pas définitive, la patiente a été opérée le 13 février 2004 à l’Hôpital cantonal, et on sait que l’évolution de ce type de pathologie avant une reprise de travail est de l’ordre de 4 mois en moyenne ».

Par décision du 9 juillet 2004, la Mobilière a refusé toute prestation en relevant qu’il n’y avait pas eu d’accident et que la condition d’un facteur extérieur dommageable exigé pour admettre la présence d’une lésion corporelle assimilée à un accident n’était pas réalisé en l’espèce car lever une patiente était, pour l’assurée, une tâche routinière normale.

Le 12 juillet 2004, la Swica s’est opposé à cette décision en relevant que le critère de facteur extérieur extraordinaire était rempli car l’assurée s’était blessée en voulant retenir une patiente qui faisait une chute inattendue.

Le 26 août 2004, l’assurée a été licenciée pour le 31 octobre 2004.

Le 15 septembre 2004, la Mobilière a rejeté l’opposition de la Swica. L’employeur n’avait pas rapporté la même version que son employée puisqu’il disait le 30 mai 2003 que celle-ci avait voulu relever sa patiente. Par ailleurs, l’assurée avait consulté le Dr A__________ le 13 mars 2003, soit le jour avant l’événement. Elle n’avait pas apporté la preuve d’une chute ou d’un choc. Dès lors qu’il n’y avait pas eu de déchirure mais uniquement une tendinite, il n’y avait pas non plus de lésion assimilée à un accident.

Les 16 et 22 décembre 2004, la Swica et l’assurée ont recouru contre la décision sur opposition de la Mobilière auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales en concluant à son annulation et à la condamnation de la Mobilière à la prise en charge des suites de l’accident du 14 mars 2003. Les recours ont été enregistrés sous les n° A/2546/004 et A/2609/2004.

L’assurée a précisé qu’elle avait rempli la déclaration d’accident sur le conseil d’une amie qui lui avait fait prendre conscience de la gravité de sa blessure et qu’elle avait consulté le Dr A__________ le 13 mars 2003 pour une autre affection sans relation avec l’accident. La déclaration de l’employeur était une erreur de traduction. La cause extérieure consistait en la chute imminente de la patiente. Cette cause était extraordinaire car elle avait dû faire un effort violent pour éviter la chute de sa patiente. Il s’agissait donc bien d’un accident.

La Swica a relevé que le Tribunal fédéral des assurances (TFA) avait admis la réalisation d’un accident dans le cas d’une infirmière et d’une aide-soignante se blessant en empêchant un patient de chuter, ce qui était le cas de l’assurée, laquelle avait retenu sa patiente qui faisait une chute inattendue.

Le 1er février 2005, la Mobilière a conclu au rejet des recours. L’assurée n’avait pas pu prouver l’existence d’un accident. Elle avait attendu une semaine avant de consulter et avait pu travailler encore deux mois alors même qu’elle alléguait des douleurs aiguës et mis plus de deux mois à faire la déclaration d’accident. Par ailleurs, les certificats médicaux fournis par l’assurée ne couvraient pas l’intégralité de la période concernée. Elle avait fait des déclarations peu vraisemblables et contradictoires. Il paraissait plus probable que l’assurée avait simplement relevé sa patiente, ce qui faisait partie du travail quotidien des aides soignantes à domicile. De surcroît, s’agissant d’une patiente de corpulence moyenne, même s’il y avait eu chute, l’accident ne pouvait être admis.

Le 8 février 2005, le Tribunal cantonal des assurances sociales a joint la cause A/2609/2004 à la cause A/2546/2004.

Le 28 février 2005, le Tribunal cantonal des assurances sociales a tenu une audience de comparution personnelle des parties. L’assurée a déclaré que sa patiente avait plus de 90 ans, qu’elle pesait de 58 à 60 kilos et qu’elle était capable de se lever seule, puis : « Le 14 mars 2003, j’avais terminé d’habiller la patiente laquelle était en position debout. Je lui avais donné une douche auparavant comme je le faisais d’habitude. J’ai remarqué qu’elle était faible, sans tonus musculaire. J’avais remarqué que tel était le cas depuis quelques jours. Je lui ai demandé de se tenir au bord du lit et je me suis dirigée vers la salle de bain pour chercher une lavette pour lui nettoyer la jambe qui était tachée. En sortant de la salle de bain alors que j’étais très proche d’elle j’ai remarqué qu’elle était en train de tomber. J’ai tenté de la retenir en l’entourant avec mes bras mais une soudaine douleur à l’épaule gauche ne m’a pas permis de la retenir complètement. J’ai ressenti une douleur très violente à l’épaule lorsque j’ai entouré la patiente avec mes bras. Je n’avais jamais souffert auparavant des épaules. La patiente est tombée sur le sol mais mon intervention a évité qu’elle ne heurte la commode avec sa tête. Je ne sais pas si elle a perdu connaissance. En tous les cas lorsqu’elle était par terre elle était consciente. Je précise que la patiente était en train de tomber vers l’avant. Je me suis précipitée derrière elle. Elle ne m’est pas tombée dessus. Je n’ai pas retenu son poids, c’est le mouvement des bras qui a déclenché la douleur. Je précise que ma déclaration dans le formulaire de déclaration du 15 mai 2003 voulait dire que la patiente tombait en arrière par rapport à la salle de bain. Ce n’est pas la patiente qui est tombée en arrière. Depuis ce jour là, la douleur était constante et a progressé. Elle était plus importante la nuit. L’opération du 13 février 2004 a amélioré temporairement mon état de santé mais je ne peux me servir de mon épaule comme avant. Les douleurs n’ont pas totalement disparu. Je souffre également d’une inflammation au coude. Je ne sais pas pourquoi mon employeur a déclaré que j’avais voulu relever une patiente. Je suis moi-même sûre de ce qui s’est passé puisque j’étais la seule personne présente. J’étais suivie par le Dr A__________ dès le début 2003 pour une hernie discale. J’avais rendez-vous le 13 mars 2003 car je souffrais de cette affection. J’ai continué à travailler après le 14 mars, j’ai seulement été en arrêt quelques jours. On m’a fait plusieurs infiltrations de cortisone dans l’épaule. Les douleurs ayant augmenté j’ai dû cesser de travailler. Je précise que le travail était lourd car souvent je devais tenir la patiente en même temps que porter les courses.

La Mobilière a indiqué qu’elle avait versé à l’assurée des indemnités journalières perte de gain sur la base du contrat d’assurance-maladie du 2 juin 2003 au 31 août 2004.

Un délai a été fixé aux parties pour faire leurs observations.

Le 22 mars 2005, la Swica a relevé que l’assurée ne pouvait s’attendre à la chute de sa patiente qui était en bonne santé. L’existence du facteur extérieur extraordinaire devait être reconnu.

Le 29 mars 2005, la Mobilière a exposé que l’assurée avait donné plusieurs versions différentes des faits et tenté, de par ses contradictions, d’induire le Tribunal de céans en erreur. Elle devait compter avec une chute de sa patiente puisqu’elle avait remarqué que celle-ci était faible. Le mouvement de bras tel qu’elle l’avait décrit ne pouvait constituer un événement accidentel. Plusieurs périodes relatives aux mois de mai, juin 2003, février, mai et novembre 2004 n’étaient pas couvertes par des certificats médicaux d’incapacité de travail.

Le 15 avril 2005, la recourante a déposé un chargé de pièces complémentaires composé de certificats médicaux d’incapacité de travail et précisé qu’elle avait été en arrêt de travail quelques jours après l’accident et, au vu de l’augmentation des douleurs, en incapacité totale de travailler en mai et en juin, pour finalement être en arrêt complet dès le 1er août 2003. Tous les médecins concluaient à une cause accidentelle. Seul le Dr F__________ contestait ce fait mais il ne l’avait pas examinée et pensait que c’était le poids de la patiente qui avait provoqué les lésions. Or, elle n’avait pas retenu la patiente mais c’était un faux mouvement du bras gauche pour protéger cette dernière qui avait déclenché la douleur. Ce faux mouvement qui correspondait à un changement de position corporelle de manière incontrôlée, constituait bien un accident selon la jurisprudence du TFA (arrêt du 23 décembre 2003, cause U 180/03). Enfin elle n’avait jamais varié dans ses déclarations.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 5 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accident du 20 mars 1981 (LAA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Dans la mesure où l’événement en cause est survenu après l’entrée en vigueur le 1er janvier 2003 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA), celle-ci est applicable au cas d’espèce (ATF 129 V 4).

Est litigieuse la question de savoir si l’événement du 14 mars 2003, à la suite duquel la recourante a souffert de l’épaule gauche, constitue un accident ou une lésion assimilée à un accident.

a) Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). Il résulte de la définition même de l'accident que le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, ou non, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d'habituels (ATF 129 V 404 consid. 2.1, 122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid. 1a ainsi que les références). Pour les lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (ATFA du 15 octobre 2004, cause U 9/04).

b) En outre, aux termes de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l'assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d'un accident. En vertu de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l'art. 9 al. 2 OLAA, qui prévoit que les lésions suivantes sont assimilées à un accident, même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire :

a. les fractures, dans la mesure où elles ne sont pas manifestement causées par une maladie;

b. les déboîtements d'articulations;

c. les déchirures du ménisque;

d. les déchirures de muscles

e. les froissements de muscles;

f. les déchirures de tendons;

g. les lésions de ligaments;

h. les lésions du tympan.

Cette liste des lésions assimilées à un accident est exhaustive (ATF 116 V 140 consid. 4a, 147 consid. 2b, et les références; Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 2e éd., 1989, p. 202). La notion de lésion assimilée à un accident a pour but d'éviter, au profit de l'assuré, la distinction souvent difficile entre maladie et accident. Aussi les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumer un risque qui, en raison de la distinction précitée, devrait en principe être couvert par l'assurance-maladie (ATF 123 V 44 sv. consid. 2b, 116 V 147 sv. consid. 6c, 114 V 301 consid. 3c; RAMA 2001 no U 435 p. 332, 1988 no U 57 p. 373 consid. 4b; Bühler, Die unfallähnliche Körperschädigung, in SZS 1996 p. 84).

Dans un récent arrêt (ATF 129 V 466), le Tribunal fédéral des assurances précise les conditions d'octroi des prestations en cas de lésions corporelles assimilées à un accident. Confirmant sa jurisprudence publiée aux ATF 123 V 43 et dans RAMA 2001 U 435 p. 332, il rappelle qu'à l'exception du caractère extraordinaire de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d'accident doivent être réalisées. Il souligne qu'en cette matière, l'existence d'une cause extérieure - soit un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d'être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance - revêt une portée particulière en ce sens qu'à défaut, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles au sens de celles énumérées à l'art. 9 al. 2 OLAA, les troubles constatés sont manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs dont la prise en charge incombe à l'assurance-maladie (ATF 129 V 468 consid. 4, 123 V 44 sv. consid. 2b, 116 V 147 consid. 2c, 114 V 301 consid. 3c; RAMA 2001 U no 435 p. 332, 1988 U no 57 p. 373 consid. 4b; Bühler, loc. cit., p. 87).

Aussi convient-il de nier l'existence d'une lésion corporelle assimilée à un accident dans tous les cas où le facteur dommageable extérieur se confond avec l'apparition (pour la première fois) de douleurs identifiées comme étant des symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l'art. 9 al. 2 let. a à h OLAA. L'apparition de douleurs en tant que telle ne constitue pas une cause extérieure au sens de la jurisprudence. En d'autres termes, l'on ne saurait considérer la condition posée à l'existence d'un facteur dommageable extérieur comme réalisée du seul fait qu'à un moment précis, l'assuré a éprouvé des douleurs pour la première fois. L'exigence d'un facteur dommageable extérieur n'est pas non plus donnée lorsque l'assuré fait état de douleurs apparues pour la première fois après qu'il ait accompli un geste de la vie courante. La notion de cause extérieure présuppose qu'un événement générant un risque de lésion accru survienne. Tel est le cas lorsque l'exercice de l'activité à la suite de laquelle l'assuré a éprouvé des douleurs incite à une prise de risque accrue, à l'instar de la pratique de nombreux sports. L'existence d'un facteur extérieur comportant un risque de lésion accru doit être admise lorsque le geste quotidien en cause équivaut à une sollicitation du corps, en particulier des membres, qui est physiologiquement plus élevée que la normale et dépasse ce qui est normalement maîtrisé du point de vue psychologique. C'est la raison pour laquelle les douleurs identifiées comme étant les symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l'art. 9 al. 2 OLAA ne sont pas prises en considération lorsqu'elles surviennent à la suite de gestes quotidiens accomplis sans qu'interfère un phénomène extérieur reconnaissable. Celui qui éprouve des douleurs identifiées comme étant les symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l'art. 9 al. 2 OLAA, en se levant, en s'asseyant, en se couchant ou en se déplaçant dans une pièce, etc., ne saurait dès lors se prévaloir d'une lésion corporelle assimilée à un accident. A eux seuls, les efforts exercés sur le squelette, les articulations, les muscles, les tendons et les ligaments ne constituent pas une cause dommageable extérieure en tant qu'elle présuppose un risque de lésion non pas extraordinaire mais à tout le moins accru en regard d'une sollicitation normale de l'organisme (ATF 129 V 470 consid. 4.2.2). Par contre, l'exigence d'un facteur dommageable extérieur est donnée en cas de changements de position du corps qui sont fréquemment de nature à provoquer des lésions corporelles, selon les constatations de la médecine des accidents. D'après la jurisprudence développée jusqu'à ce jour, tel est notamment le cas du brusque redressement du corps à partir de la position accroupie, du fait d'accomplir un mouvement violent ou en étant lourdement chargé, ou encore du fait de changer de position corporelle de manière incontrôlée sous l'influence de phénomènes extérieurs (ATF 129 V 471 consid. 4.3 ; ATFA du 23 décembre 2003, cause U 180/03).

c) Dans l’arrêt précité (U 180/03), le TFA a considéré que le fait pour un apprenti de se luxer l’épaule en levant le bras en même temps qu’il se retournait en direction d’un camarade de classe assis derrière lui ne correspondait à aucun traumatisme de l’épaule et que le mouvement n’avait pas été soudain, involontaire ou d’une certaine gravité. Au contraire, il s’était déroulé normalement, sans que le membre supérieur gauche ne soit sollicité de manière particulière et sans qu’aucun phénomène extérieur n’interfère. Les circonstances dans lesquelles l’assuré s’était luxé l’épaule gauche ne révélaient pas qu’un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d’être constaté de manière objective et d’une certaine importance, se soit produit. Faute de cause dommageable extérieure, il n’y avait pas lieu d’admettre que l’assuré ait été victime d’une lésion corporelle assimilée à un accident au sens de la jurisprudence et des dispositions légales précitées.

En l’espèce, l’événement litigieux est comparable à celui de l’apprenti qui se luxe l’épaule en exécutant un « faux mouvement ». En effet, la recourante a expliqué en audience de comparution personnelle de façon précise et sans contradiction aucune avec ses précédentes explications (notamment la déclaration d’accident remplie le 15 mai 2003) qu’elle s’était précipitée derrière sa patiente alors que celle-ci était en train de tomber et qu’elle avait ressenti une douleur très violente à l’épaule au moment où elle effectuait le mouvement des bras pour entourer la patiente. Celle-ci ne lui était pas tombée dessus et elle n’avait pas retenu son poids. Force est de constater que seul le mouvement ou faux mouvement des bras, ramenés rapidement autour de la patiente a déclenché les douleurs. On ne se trouve dès lors pas dans le cas jurisprudentiel d’un/e infirmier/ère ou aide-soignant/e qui retient un patient en train de chuter (notamment ATF 116 V 136 ; ATFA du 15 octobre 2004, cause U 9/04), cas dans lesquels les intéressés ont exécuté un mouvement tout en subissant le poids du patient.

Dans le cas d’espèce, une cause extérieure dommageable pouvant fonder l’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident - dont la question de l’existence peut rester ouverte – ne saurait non plus être admise en application de la jurisprudence précitée. En conséquence, un facteur extérieur extraordinaire, condition pouvant faire admettre l’existence d’un accident, n’est a fortiori pas donné. L’affection à l’épaule dont souffre la recourante doit ainsi être attribuée à un état maladif, hypothèse médicalement plausible puisque le Dr C__________ a attesté le 27 avril 2004 que l’événement en cause a pu décompenser un tendon déjà souffrant mais totalement asymptomatique, en raison d’une atteinte dégénérative.

Partant, les recours ne peuvent qu’être rejetés.

 


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare les recours recevables.

Au fond :

Les rejette.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière :

 

Nancy BISIN

 

La Présidente :

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe