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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1712/2003

ATAS/30/2005 du 19.01.2005 ( AVS ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1712/2003 ATAS/30/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

5ème chambre

du 19 janvier 2005

 

En la cause

Monsieur P___________

recourant

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, route de Chêne 54, 1211 GENEVE 29

 

intimée

 

 

Monsieur S___________

Madame W___________

Appelés en cause

 


EN FAIT

Le 28 mai 1998 a été fondée par Madame W___________, Monsieur S___________ et Monsieur P___________ la société à responsabilité limitée X___________, P___________, S___________, W___________ (X___________ ; ci-après : la société). Elle avait pour but la mise à disposition mondiale de structures de vente, consulting et représentation, formation et gestion de personnel dans le domaine commercial. Les trois associés avaient la signature collective à deux.

Madame W___________ était également administratrice de la société Y___________, précédemment Z___________ SA dont le but était consulting en centres d’appels.

La société X___________ était domiciliée chez Z___________ SA.

Après avoir été sommée à plusieurs reprises par la Caisse cantonale genevoise de compensation AVS-AI-APG-AC-AF (ci-après : la caisse) de lui faire parvenir les attestations des salaires versés depuis 1998 et après avoir reçu plusieurs amendes d’ordre pour ne pas avoir donné suite à ces sommations dans le délai fixé, la société, en la personne de Madame W___________, a communiqué le 21 janvier 2003 à la caisse les documents requis. Elle a déclaré pour 1998 une masse salariale brute de 14'000 fr. et pour 1999 de 20'000 fr. Les salaires déclarés concernaient son employé Monsieur V___________ et avaient été versés pendant la période d’octobre 1998 à avril 1999. Par son courrier d’accompagnement de la même date, Madame W___________ a par ailleurs informé la caisse que la société était « en sommeil » et qu’aucun bilan n’avait jamais été établi à sa connaissance. Elle n’avait par ailleurs plus de contact avec les autres associés depuis plusieurs années et ses tentatives de contact n’avaient pas abouti.

Par décisions datées du 19 mars 2003, la caisse a réclamé aux trois associés personnellement les cotisations AVS/AI/APG/AC d’un montant de 2'067 fr. 60, pour la période d’octobre à décembre 1998, et de 4'468 fr. pour la période de janvier à avril 1999. Par décisions du même jour, le Service cantonal d'allocations familiales de la caisse a réclamé aux associés les contributions au régime des allocations familiales pour les périodes susmentionnées d’un montant de 210 fr. et de 520 fr.

Le 7 avril 2003, Monsieur P___________ a formé opposition aux décisions de cotisations du 19 mars 2003 de la caisse, en concluant à leur annulation. Il a contesté être débiteur, ne serait-ce que partiel, des cotisations réclamées, au motif que Monsieur V___________ n’avait jamais été un employé de la société. Les autres associés n’ont pas fait opposition aux décisions les concernant.

Par décision sur opposition du 14 août 2003, la caisse a rejeté celle-ci.

Par acte du 13 septembre 2003, reçu le 15 suivant, Monsieur P___________ a formé recours contre cette décision sur opposition, en concluant à son annulation. Il a notamment affirmé que Monsieur S___________ s’était rendu compte que Madame W___________ les avait manipulés dans le but d’engager des collaborateurs au service externe pour ses propres besoins, profitant ainsi des compétences pointues de Monsieur S___________ dans le domaine de la formation de vendeurs et des siennes au travers de sa société spécialisée dans le recrutement de collaborateurs de vente et marketing.

Dans sa détermination du 1er octobre 2003, la caisse a conclu au rejet du recours. Elle a produit copie du courrier que lui a adressé Monsieur V___________ le 23 juillet 2003, par lequel celui-ci a confirmé avoir été recruté par Monsieur P___________ et ensuite avoir passé des entretiens avec Monsieur S___________ et enfin un dernier entretien avec tous les trois associés de la société.

Dans ses écritures du 6 novembre 2003, le recourant a persisté dans ses conclusions.

La caisse en a fait de même, par courrier du 20 novembre 2003.

Par ordonnance du 23 juin 2004, le Tribunal de céans a ordonné l’appel en cause de Monsieur S___________ et de Madame W___________. Il leur a fixé un délai échéant au 16 août 2004 pour se déterminer.

Seule Madame W___________ a fait usage de ce droit par son courrier du 16 août 2004. Elle a notamment confirmé que Monsieur V___________ avait été un employé de la société.

Le 8 novembre 2004, la société a été dissoute.

Les parties ont été entendues en comparution personnelle en date du 6 octobre et du 24 novembre 2004. A cette dernière date, Monsieur V___________ a également comparu devant le Tribunal de céans en tant que témoin.

Par courrier du 2 décembre 2004, le Tribunal de céans a invité la caisse à lui transmettre le dossier complet, à lui communiquer si elle avait entamé des poursuites à l’encontre de la société pour les cotisations impayées et, dans l’affirmative, quel en avait été le résultat. Il lui a également demandé sur quelle base légale étaient fondées les décisions de cotisations litigieuses qu’elle avait notifiées personnellement aux trois associés de la société.

Par sa réponse du 17 décembre 2004, la caisse a informé le Tribunal de céans qu’aucune poursuite n’avait été entamée à l’encontre de la société pour les cotisations sociales litigieuses. Elle avait préféré notifier directement les décisions de cotisations à chacun des associés, afin de préserver ses droits, dans la mesure où Madame W___________ lui avait communiqué le 21 janvier 2003 que la société était en sommeil et qu’elle n’arrivait plus à contacter ses associés. Si la caisse avait notifié ses décisions à la société domiciliée chez Z___________, société appartenant à Madame W___________, le recourant et Monsieur S___________ n’auraient pu prendre connaissance de celles-ci.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février 2004, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

En vertu de l’art. 56 V al. 1 let. a ch. 1 et al. 2 let. e LOJ, le Tribunal des assurances sociales connaît en instance unique les contestations relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS), ainsi que des contestations relatives à la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF).

La compétence du Tribunal de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures introduites après le 1er janvier 2003 devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.  

Déposé dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 ss LPGA qui s’applique par renvoi de l’art. 1 al. 1 LAVS, et art. 57 ss de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA)

Se pose en premier lieu la question de savoir à quel titre la caisse a notifié les décisions litigieuses personnellement aux trois associés de la société. S’agissait-il de simples décisions de cotisation ou de décisions de dommages-intérêts sur la base de l’art. 568 al. 1 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO) ou de l’art. 52 LAVS, respectivement 30 al. 3 de la loi sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF) ?

Ces décisions sont intitulées « Décisions de cotisations ». La caisse communique dans celles-ci aux associés qu’elle y établit le décompte des cotisations paritaires et des contributions au régime des allocations familiales. Il convient dès lors d’admettre qu’il s’agit de simples décisions portant sur les cotisations dues par la société.

Or, les associés d’une société au nom collectif ne sont pas, ne serait-ce qu’à titre subsidiaire, personnellement soumis à cotisation. Tout au plus pourraient-ils être obligés de payer de dommages-intérêts, lorsque la société, soit l’employeur tenu de cotiser, est dissoute et laisse des dettes sous forme de cotisations sociales échues (ATF 119 V 401 consid. 7).

Par conséquent, il convient de constater que le recourant n’est en l’occurrence pas personnellement tenu de payer les cotisations, s’agissant d’une dette sociale. La décision attaquée est donc dépourvue de tout fondement, raison pour laquelle il y a lieu de l’annuler.

En tout état de cause, même en admettant que l’intention de l’intimée était de notifier des décisions en réparation du dommage aux associés de la société, ceux-ci n’auraient pas pu être rendus responsables de celui-ci au moment où les décisions litigieuses ont été prononcées.

a) Certes les associés d’une société au nom collectif sont tenus des engagements de la société solidairement et sur tous leurs biens, selon l’art. 568 al. 1 CO. Néanmoins, aux termes de l’al. 3 de cette disposition, un associé ne peut être recherché personnellement pour une dette sociale, même après sa sortie de la société, que s’il est en faillite ou si la société est dissoute ou a été l’objet de poursuites restées infructueuses.

En l’occurrence, rien n’indique que le recourant était en faillite et cela n’a jamais non plus été allégué par l’intimée. Par ailleurs, lorsque les décisions de cotisations ont été notifiées aux associés, soit en date du 18 février 2002, la société n’était pas dissoute. La dissolution n’a été inscrite au registre du commerce qu’en date du 8 novembre 2004. Or, est déterminant pour juger de la légitimation passive d’un assuré le moment où la décision litigieuse lui est notifiée. La société n’ayant pas fait non plus l’objet de poursuites infructueuses, il convient de constater qu’à la date des décisions de cotisations en cause, les conditions de l’art. 568 al. 3 CO n’étaient pas réalisées, de sorte que l’intimée n’aurait pas été habilitée à rechercher personnellement le recourant pour le dommage subi du fait du non paiement les cotisations, sur la base de l’art. 568 CO.

b) Une demande de dommages-intérêts n’aurait pas non plus pu être fondée sur l’art. 52 LAVS, dans sa teneur valable jusqu’au 31 décembre 2002, et l’art. 30 al. 3 LAF.

Aux termes de ces dispositions, l’employeur doit couvrir le dommage qu’il a causé en violant les prescriptions intentionnellement ou par négligence grave. La responsabilité de l’employeur doit être engagée lorsque les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées. La créance de la caisse de compensation ne tend alors plus au payement de cotisations, mais au remplacement de celles-ci. Toutefois, si l’employeur est une personne morale, les organes qui ont agi en son nom répondent seulement subsidiairement des agissements de celui-ci. Cela signifie que la caisse doit d’abord s’en prendre à l’employeur avant d’agir contre les organes. Elle ne peut mettre en cause ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable. (ATF 123 V 15 consid. 5b; 113 V 256 consid. 3 c = RCC 1988 p. 136; RCC 1989 p. 116).

En l’occurrence, comme relevé ci-dessus, la caisse n’a entamé à aucun moment des poursuites contre la société et celle-ci n’a été dissoute que postérieurement aux décisions litigieuses. A la date de celles-ci, la créance en réparation du dommage de l’intimée n’était ainsi pas encore née, faute de dommage.

Par conséquent, les conditions pour une action en réparation du dommage sur la base de l’art. 52 LAVS et de l’art. 30 al. 3 LAF n’étaient pas non plus remplies et l’intimée n’aurait donc pu agir directement à l’encontre du recourant, en se prévalant de ces dispositions légales. Il lui est cependant aujourd’hui loisible de notifier au recourant une décision en réparation du dommage, si elle le juge opportun et pour autant que ses prétentions ne soient pas prescrites.

Au vu de ce qui précède, la décision sur opposition du 14 août 2003 de l’intimée, ainsi que ses décisions du 19 mars 2003 concernant Monsieur P___________ et afférentes aux cotisations AVS, AI, APG, AC et AF pour les périodes d’octobre à décembre 1998 et de janvier à avril 1999 seront donc annulées.

Il convient toutefois de relever que les décisions de cotisations notifiées aux appelés en cause restent en vigueur, dans la mesure où elles n’ont pas été contestées dans les délais légaux par ces derniers et où elles sont dès lors entrées en force.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable;

Au fond :

L’admet;

Annule la décision sur opposition du 14 août 2003 et les décisions du 19 mars 2003 notifiées par la Caisse cantonale genevoise de compensation à Monsieur P___________ et portant sur les cotisations AVS, AI, APG, AC et AF pour la période d’octobre 1998 à avril 1999;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt, pour ce qui a trait aux cotisations sociales fédérales, dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière:

 

Yaël BENZ

 

La Présidente :

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe