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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3099/2021

ATA/627/2022 du 14.06.2022 sur JTAPI/88/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3099/2021-PE ATA/627/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 juin 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Caritas Genève, soit pour lui Monsieur Alexandre Schmid, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 février 2022 (JTAPI/88/2022)


EN FAIT

1) a. Madame A______ (ci-après : Mme A______), née le ______ 1998, est ressortissante des Philippines.

b. Sa mère, Madame B______ (ci-après : Mme B______ ou la mère), s’est séparée du père de sa fille en 2000. En 2004, la mère est venue à Genève pour des motifs financiers, aux fins de subvenir aux besoins de sa fille. Elle a laissé cette dernière aux soins de sa cousine qui s’en est occupée jusqu’en 2006, date à laquelle celle-ci s’est mariée et n’a plus pu la prendre en charge. Mme A______ est allée vivre chez sa tante avant que celle-ci ne vienne aussi à Genève. Entre 2009 et 2016, Mme A______ a été hébergée par son oncle, aux Philippines.

En 2011, Mme B______ a fait la rencontre, à Genève, de Monsieur C______, né le ______ 1981, ressortissant des Philippines, avec lequel elle a eu un enfant, D______ né le ______ 2012.

2) a. Le 6 août 2018, Mesdames A______ et B______, M. C______ et D______ ont déposé une demande de régularisation de leurs conditions de séjour dans le cadre de l’opération « Papyrus » auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Selon la demande d’autorisation de séjour, Mme A______ était arrivée à Genève le 12 mars 2016.

Selon l’extrait du casier judiciaire, elle avait été condamnée, le 21 février 2018, par le Ministère public régional de Berne – Mitteland à une peine pécuniaire de septante-cinq jours-amende avec sursis, ainsi qu’à une amende de CHF 450.- pour séjour illégal.

b. En réponse à une demande de renseignements de l’OCPM, Mme A______ a précisé, le 18 mars 2021, être venue en Suisse pour rejoindre sa mère avec qui elle avait toujours eu une relation privilégiée, malgré la distance. Sa mère avait entamé des démarches afin de lui obtenir un visa avant sa majorité, mais la procédure s’était avérée compliquée et elle n’était pas parvenue à la faire venir plus tôt. Elle vivait avec sa mère et M. C______. Ils l’entretenaient entièrement, compte tenu de sa formation en cours. Un retour aux Philippines ne serait pas possible. Son noyau familial proche se trouvait en Suisse. Se retrouver séparée de sa mère serait un véritable déchirement pour la famille. Son petit frère était également à Genève. En cas de retour dans son pays, elle serait très vraisemblablement livrée à elle-même car son père était en prison et elle n’avait aucune garantie que son oncle, dont la situation économique était délicate, puisse l’entretenir à nouveau. Elle s’était par ailleurs parfaitement intégrée à Genève. Elle maîtrisait le français et était scolarisée au collège et école de commerce ______ (ci-après : CEC ______). Elle souhaitait poursuivre ses études à l’université.

Elle a produit une attestation de scolarité 2021 – 2021 du CEC ______ où elle suivait la filière en vue d’obtenir un CFC d’employée de commerce.

3) Par courrier du 25 mai 2021, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser d’accéder à sa requête du 6 août 2018.

4) Faisant valoir son droit d’être entendue, Mme A______ a soutenu remplir les critères de l’opération « Papyrus ». Sa mère, son beau-père et son frère avaient récemment reçu un préavis positif de l’OCPM concernant leur demande de permis. Elle ne faisait l’objet d’aucune poursuite, acte de défaut de biens ou d’une quelconque aide de l’Hospice général (ci-après : l’hospice). Il convenait de joindre son dossier à celui de sa famille. Par ailleurs, dans un document intitulé « Déterminations du SEM – situations particulières Papyrus », le chiffre 5 précisait, sous le titre « enfants majeurs intégrés dans un groupe familial » que « les jeunes majeurs scolarisés ou en formation professionnelle qui vivent avec leurs parents et leurs frères et sœurs mineurs peuvent être inclus dans la règle des cinq ans de séjour s’ils sont arrivés mineurs en Suisse ou peu après leur majorité (maximum à l’âge de 19 ans) ». Telle était sa situation.

Elle a produit quatorze attestations manuscrites de soutien de connaissances, principalement de personnes en classe avec elle. Le directeur du CEC ______ a émis une lettre de recommandation en sa faveur datée du 21 juin 2021. Elle terminait sa troisième année en vue d’obtenir un certificat fédéral de capacité d’employée de commerce. Elle avait intégré une classe d’insertion dans l’établissement pendant l’année scolaire 2017 – 2018. Élève discrète et sérieuse, elle avait fait preuve de bonnes capacités scolaires et n’avait eu aucune peine à s’intégrer dans le système de formation genevois. Ses résultats prouvaient un niveau de base de français acquis. Elle était notamment capable de communiquer avec tout le monde sans difficulté. Elle entretenait de très bons et respectueux rapports avec l’ensemble de ses professeurs. C’était avec « conviction que nous soutenons sa demande de naturalisation ».

5) Par décision du 20 juillet 2021, l’OCPM a rejeté la demande de Mme A______. Elle était arrivée en Suisse en 2016, soit à l’âge de 18 ans. À teneur des pièces produites, la durée du séjour de dix ans minimum à Genève pour une personne célibataire et sans enfants n’avait pas pu être validée. Sa mère ayant fait l’objet d’une condamnation pénale, la demande de toute la famille avait été traitée sous l’angle du permis de séjour pour cas d’extrême gravité. Quand bien même l’intéressée avait été en mesure de justifier sa présence en Suisse depuis 2016, la durée de son séjour était relativement courte. Elle était arrivée en Suisse alors qu’elle était majeure. Financièrement, elle était totalement dépendante de sa mère et de son beau-père. Ces derniers étaient démunis d’autorisation de séjour, une demande de régularisation étant en cours d’instruction. Elle n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Elle avait passé toute son enfance et adolescence aux Philippines, loin de sa mère, et avait passé de nombreuses années auprès de son oncle. Elle n’avait pas prouvé qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle.

6) Par acte du 14 septembre 2021, Mme A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) en concluant, préalablement, à sa comparution personnelle, à l’audition d’un témoin et à ce que l’OCPM ou le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) soient enjoints de produire l’ensemble des dossiers de cas admis dans le cadre de l’opération « Papyrus » et correspondant à sa situation. Principalement, elle a conclu à ce que l’OCPM transmette son dossier au SEM avec un préavis favorable.

7) L’OCPM a conclu au rejet du recours. Une approche globale de la situation de Mme A______, prenant en considération le reste de sa famille, se révélait exclue, dès lors que l’intéressée était arrivée majeure en Suisse. Même si par impossible son dossier devait être inclus dans celui de sa famille, le fait d’être arrivée après l’âge de sa majorité, puis de s’être inscrite en classe d’accueil, ne satisfaisait pas à la condition de la « scolarisation » au sens des exigences de l’opération « Papyrus ». Admettre une telle configuration se révélerait abusif au vu du but poursuivi par une telle condition.

8) Dans sa réplique, Mme A______ a relevé que l’on voyait mal en quoi le fait de s’inscrire en classe d’accueil ne satisfaisait pas à l’exigence de scolarisation. Au contraire, sa fréquentation de l’école démontrait sa volonté de s’intégrer. L’opération « Papyrus » ayant débuté en avril 2017, ce n’était pas pour ce motif que sa mère l’avait fait venir en Suisse, mais bien dans le but de réunir la famille après des années d’éloignement. L’exemple cité au ch. 5 ne représentait pas de manière exhaustive tous les cas envisagés. Enfin, le SEM avait accepté la régularisation des conditions de séjour de sa mère, de son beau-père et de son demi-frère. 

9) Le 14 décembre 2021, Madame B______, son compagnon et leur fils ont obtenu une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

10) Dans sa duplique, l’OCPM a indiqué que les « Déterminations du SEM – situations particulières Papyrus » constituaient une note purement interne ayant servi de document de travail et n’avait jamais eu vocation à être rendue publique. L’intéressée ne pouvait, dès lors, s’en prévaloir. Ce document se rapportait de toute manière à des cas précis, dans lesquels une famille, en tant qu’unité, soumettait une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de l’opération « Papyrus » visant l’ensemble de ses membres. Or, la mère de l’intéressée et son beau-père avaient été régularisés hors de ce programme, à savoir selon les règles ordinaires des autorisations de séjour pour cas de rigueur. Arrivée majeure en Suisse, son dossier devait être traité de manière indépendante.

11) Par jugement du 2 février 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Il n’était pas nécessaire de déterminer si le SEM était à l'origine des déterminations qui lui étaient imputées par Mme A______, en particulier leur ch. 5, pas plus que de les interpréter. En effet, au 31 décembre 2018, arrivée en Suisse dans le courant de l’année 2016, elle y séjournait depuis moins de deux ans. Pour cette raison notamment, il n’y a pas lieu d’enjoindre l’OCPM, ni le SEM, de verser à la procédure les dossiers d’étrangers dont les conditions de séjour avaient été régularisées dans le cadre de l’opération « Papyrus » et présentant des similarités avec celui de l’intéressée.

Au jour du jugement, elle séjournait en Suisse depuis environ six ans, ce qui ne représentait pas une longue durée de présence. Son séjour s’était toujours déroulé dans l’illégalité.

Le fait de ne pas dépendre de l'aide sociale et de ne pas avoir de dettes constituaient un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Au vu des attestations produites, il devait être considéré comme établi qu’elle disposait de connaissances de la langue française équivalant au moins au niveau A2.

En ce qui concernait son intégration socio-culturelle, elle avait produit des lettres de recommandation attestant de ses qualités, ainsi que de son intégration en Suisse, dont leurs auteurs étaient extérieurs à sa communauté. Ces lettres faisaient certes état de liens qu’elle avait tissés en Suisse et démontraient ses qualités personnelles, mais ceux-ci ne dépassaient pas en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu d'un étranger ayant passé un nombre d'années équivalent dans le pays. Elle ne pouvait en tout état pas se prévaloir d'une intégration sociale exceptionnelle.

Arrivée en Suisse à l’âge de 18 ans, elle avait vécu dans son pays non seulement durant son enfance, mais surtout pendant toute son adolescence, période cruciale pour la formation de la personnalité. Elle en maîtrisait ainsi la langue et les codes culturels.

Il était vrai qu’elle disposerait de moins de perspectives professionnelles aux Philippines qu'en Suisse. Même si elle ne pourrait, comme elle le prétendait, bénéficier d’aucune aide financière de la part de ses oncles et tantes aux Philippines, elle pourrait solliciter l’aide de sa mère qui résidait en Suisse. À cet égard, selon les dernières données de l’Organisation internationale du travail (Rapport mondial sur les salaires 2020-2021, p. 182), le salaire nominal mensuel aux Philippines s’élevait à PHP 11'407.-, ce qui représentait l’équivalent de CHF 211.- (au cours de PHP 100.- pour CHF 1.85). En outre, elle ne se prévalait d’aucun problème de santé.

Le fait qu’à son retour aux Philippines, elle se retrouverait sans réseau social ou familial n’était, en l’occurrence, pas constitutif d’un cas de rigueur. En effet, même si sa réintégration dans son pays d’origine ne serait pas exempte de difficultés, elle n’avait pas laissé derrière elle une part importante de sa famille avec qui elle avait partagé pendant longtemps les mêmes difficultés liées à son existence. En effet, sa mère avait immigré en Suisse en 2004, tandis qu’elle ne l’avait rejointe qu’en 2016. Toutes deux avaient ainsi été séparées durant douze ans.

12) Par acte du 7 mars 2022, Mme A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation du jugement précité et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de transmettre son dossier au SEM avec un préavis positif en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour.

Les critères de la pratique « Papyrus » et de la reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité avaient été violés. Elle devait être incluse dans la demande de sa mère, son beau-père et son frère. La directive produite avait été négociée directement entre Genève et le SEM par rapport à certains cas particuliers « Papyrus » apparus à la suite du lancement de ladite opération. Par courrier du 3 juillet 2017, le conseiller d’État en charge du dossier avait transmis ces situations particulières au secrétaire d’État et directeur du SEM afin d’en fixer les contours. Les négociations avaient donné lieu à ces déterminations qui avaient été validées par le SEM et transmises en août 2017 au Conseil d’État genevois. Le document en question avait été transmis par le département via son secrétaire général au mandataire de la recourante. Quatre conditions ressortaient clairement du texte du ch. 5 à savoir : 1) être jeune majeur ; 2) être scolarisé ou en formation professionnelle ; 3) vivre avec ses parents et frères et sœurs mineurs et 4) être arrivé mineur en Suisse ou peu après la majorité, jusqu’à maximum 19 ans. Elle remplissait ces quatre conditions. Un cas similaire avait été validé par le SEM. Certes, celui-ci avait indiqué depuis lors qu’il l’avait été à tort. Il était probable que d’autres cas aient également été admis et que le principe selon lequel il ne pouvait pas y avoir d’égalité dans l’illégalité soit tombé au vu de la pratique des autorités. Toutefois, seuls le SEM et l’OCPM disposaient des renseignements idoines. En conséquence, la recourante devait être mise au bénéfice de la pratique confirmée par le ch. 5.

Elle venait de passer ses premières années d’adulte à Genève, avec sa famille. Elle était parfaitement bien intégrée, ce que plusieurs attestations prouvaient. Elle avait suivi ses études à Genève et avait obtenu un CFC d’employée de commerce, moins de six ans après être arrivé à Genève alors qu’elle ne parlait pas le français en 2016. En cas de renvoi, les années passées à Genève seraient « perdues » dans la mesure où sa formation ne lui serait d’aucune utilité dans son pays et elle serait contrainte de recommencer dans son pays d’origine, alors qu’elle était âgée de 24 ans. Subsidiairement, si elle ne devait pas remplir les conditions de l’opération « Papyrus », elle devrait être admise au bénéfice d’un cas d’extrême gravité au sens de l’art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

L’OCPM avait violé le principe de la bonne foi. À travers les déterminations du SEM, la recourante pouvait de bonne foi espérer voir son dossier être traité dans le cas de l’opération « Papyrus ». Les déterminations du SEM ainsi que les discussions relatives aux jeunes majeurs menées avec les autorités migratoires à l’époque avaient mené la recourante à demander à être incluse dans la demande de régularisation de sa famille dans le cadre de l’opération « Papyrus ». Sans ces informations, elle n’aurait pas déposé de demande en ce sens. Son dossier devait être traité à la lumière des attentes créées par les autorités migratoires.

13) L’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés dans le cadre de celui-ci n’étant pas de nature à modifier sa position et étant, en substance, semblables à ceux présentés devant le TAPI.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

15) Il ressort du dossier que Mme A______ a sollicité le 7 août 2018 un visa de dix jours pour Paris et l’Espagne, en mai 2018 pour une durée de trente jours pour la France et la Belgique, le 26 juillet 2019 d’un mois pour l’Espagne, le 31 janvier 2020 de trente jours pour un voyage en France, Belgique et aux Pays-Bas et le 16 mai 2021 pour quarante jours à destination de la France.

Pour le surplus, le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante se prévaut d’une violation des principes ayant régi l’opération papyrus et de l’art. 30 al. 1 let. b LEI notamment par la non prise en compte du document intitulé « détermination du SEM - situation particulière Papyrus ».

a. Le jugement querellé précise la teneur de la base légale précitée, la jurisprudence y relative et les contours de l’opération Papyrus dans le détail. Il peut y être renvoyé étant rappelé que l’opération précitée n’est qu’un cas d’application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI selon lequel il est possible de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. La recourante à se prévaut d’un document intitulé « Déterminations du SEM [ci-après : SEM] – situations particulières Papyrus », singulièrement de son ch. 5 « enfants majeurs intégrés dans un groupe familial », lequel précise : « les jeunes majeurs scolarisés en formation professionnelle qui vivent avec leurs parents et leurs frères et sœurs mineurs peuvent être inclus dans la règle des cinq ans de séjour s’ils sont arrivés mineurs en Suisse ou peu après la majorité (maximum à l’âge de 19 ans) ».

Le document produit ne contient aucun en-tête ni aucune signature. Rien ne prouve qu’il provient du SEM. Il comporte huit points, traités sur trois pages. Sous le ch. 4, il est indiqué que « les propositions a) et c) ne sont pas claires pour le SEM. il conviendrait de les préciser. » Ces termes démontrent que le document en question n’est pas définitif. Dans ces conditions ce document ne peut être considéré comme une source de droit.

De surcroît, l’exemple mentionné sous le ch. 5 démontre qu’il ne serait pas applicable à la recourante. Celui-ci évoque le cas d’un couple de migrants boliviens arrivé en Suisse avec leurs trois enfants âgés de 14, 16 et 19 ans. L’ensemble des membres de cette famille pourrait se voir accorder une autorisation de séjour après cinq ans, y compris l’enfant arrivé majeur en Suisse à certaines conditions que l’exemple précise. Or, contrairement à l’exemple précité, la recourante n’est pas arrivée en Suisse avec sa famille. Elle ne peut en conséquence pas prétendre se trouver dans un cas d’application du ch. 5.

3) La recourante se plaint d’une violation du principe de la bonne foi.

a. Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8D_4/2017 du 26 avril 2018 consid. 5.5 ; 2C_382/2016 du 11 juillet 2017 consid. 7.2). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_906/2017 du 7 mai 2018 consid. 3.1 ; 1C_587/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.1 ; ATA/493/2018 du 22 mai 2018).

b. Conformément aux développements du considérant précédent, non seulement la recourante ne pouvait pas considérer que le document produit valait une intervention de l’autorité dans une situation concrète, compte tenu du caractère informel de ce document, ni qu’elle pouvait en déduire un droit, sa situation n’étant pas comparable à l’exemple mentionné sous ch. 5. Elle indique que, sans ce document, elle n’aurait pas sollicité de pouvoir bénéficier de l’opération « Papyrus ». Toutefois, elle n’indique pas quelle disposition elle aurait prise à laquelle elle ne saurait renoncer sans subir de préjudice, conformément à la quatrième condition posée par la jurisprudence. En conséquence, le grief de violation du principe de la bonne foi sera écarté.

c. Pour le surplus, l’analyse faite par l’autorité intimée et confirmée par le TAPI quant aux conditions de l’art. 30 al. 1 let. b LEI ne prête pas flanc à la critique. La durée du séjour de la recourante, arrivée en Suisse en mars 2016, était de deux ans et demi au moment du dépôt de sa requête. Elle est entrée et a séjourné illégalement sur le territoire. Si certes, elle a produit plusieurs attestations de ses camarades de classe et du directeur de l’établissement scolaire qu’elle fréquentait, cela ne suffit pas à remplir les conditions, strictes, du cas d’extrême gravité.

La recourante a vécu jusqu’à ses 18 ans aux Philippines, séparée de sa mère dès ses 6 ans. Aucune demande de regroupement familial n’a été formulée pendant douze ans. La recourante n’est ainsi venue en Suisse qu’une fois majeure. Ayant vécu toute son enfance et son adolescence aux Philippines, elle y reste, à teneur de la jurisprudence constante, encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel Suisse ne peut être considérée comme si profondément irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Âgée de 24 ans, la recourante a acquis, en Suisse, une formation d’employée de commerce, qu’elle devrait pouvoir faire valoir à son retour, à l’instar de ses compétences linguistiques en français. Un renvoi impliquera certes une séparation avec sa mère, son beau-père et son frère, âgé de 10 ans. Toutefois, la situation de la recourante n’est pas identique à celle de sa mère, arrivée en Suisse en 2004 ni à celle de son frère, né en Suisse et qui y réside depuis dix ans. Ils pourront toutefois conserver des contacts soit par le biais des moyens de télécommunications modernes, voire par d’éventuels voyages.

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine, où elle n'a pas de famille, n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile (ATF 128 II 200 consid. 5). Un tel cas peut se présenter lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que, contrainte de regagner ce pays, l'intéressée laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté, tels que ses parents, ses frères et ses sœurs, appelés à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes difficultés liées à son existence (arrêts du Tribunal fédéral 2A.92/2007 du 21 juin 2007 consid. 4.3 ; 2A.340/2001 du 13 novembre 2001 consid. 4c). Or, la recourante n’a vécu que jusqu’à six ans avec sa mère et jamais avec son frère avant de venir, illégalement, en Suisse, une fois majeure. Au moment du dépôt de sa demande, elle n’avait partagé que deux ans supplémentaires avec sa mère et son frère. Les conditions précitées, notamment d’avoir partagé pendant longtemps les mêmes difficultés liées à son existence, ne sont en conséquence pas remplies conformément à ce qu’a retenu, à juste titre, le TAPI.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400,- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mars 2022 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 février 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400,- à la charge de Madame A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Centre social protestant, mandataire de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal adminsitratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.