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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1509/2022

ATA/610/2022 du 08.06.2022 sur JTAPI/519/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1509/2022-MC ATA/610/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juin 2022

en section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Samir Djaziri, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 mai 2022 (JTAPI/519/2022)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1994, est originaire du B______.

Il est au bénéfice d'une autorisation de séjour (« Permesso di soggiorno ») avec possibilité de travailler délivrée par la C______ (D______) le 20 janvier 2022 et valable jusqu'au 19 janvier 2027, ainsi que d’une carte d’identité délivrée par la commune de C______ le 9 septembre 2021 et mentionnant sa nationalité B______.

Il dispose par ailleurs d’un passeport B______ valable délivré par l’autorité consulaire B______ de E______ le 4 septembre 2017.

2) Le 27 avril 2022, un policier a aperçu une transaction entre M. A______ et un toxicomane dans le quartier de F______.

Le client, interpellé peu de temps après l'échange, a remis aux forces de l'ordre une « boulette » de cocaïne d'un poids d'un gramme et trois pilules d'ecstasy.

M. A______ n'a pas pu être interpellé à cette occasion.

3) Le 28 avril 2022, les forces de l'ordre ont à nouveau aperçu dans le quartier de F______ M. A______. Il a été interpellé et conduit dans les locaux de la police.

À teneur du rapport d’arrestation, la police avait procédé à des vérifications dont il ressortait que, sur le téléphone de M. A______ apparaissaient des messages pouvant correspondre à un trafic de stupéfiants. M. G______, identifié comme un contact téléphonique, avait été convoqué au poste de police et avait formellement reconnu M. A______ comme étant la personne qui lui avait vendu un gramme de cocaïne le 17 (sic) avril 2022 dans le quartier de F______.

4) Entendu le même jour par la police, M. A______ a nié vendre des stupéfiants. Il était consommateur de marijuana et aimait se trouver à la rue de F______ et y passer du temps. Il était venu à Genève la première fois en 2020 pour y passer deux semaines de vacances avant de retourner en H______, à I______, où vivaient sa femme et ses deux enfants. Il ne souhaitait pas donner leur adresse. Il était ensuite revenu en 2021 et 2022. Il aimait Genève et la Suisse. Il se trouvait à Genève depuis deux jours et n'avait pas d'adresse fixe. Il avait dormi deux fois dans un hôtel Ibis et dans un centre d’accueil. Il était venu en train depuis l’H______. Il ne connaissait personne en Suisse. En D______, il travaillait comme vendeur de montres dans la rue. Il était venu avec ses économies et n’avait pas d’emploi en Suisse.

5) Le 29 avril 2022, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale à une peine privative de liberté de nonante jours pour infractions aux art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Le Ministère public a renoncé à révoquer le sursis accordé dans une ordonnance pénale rendue le 1er décembre 2021 pour infraction à l’art. 115 LEI et condamnant M. A______ à une peine pécuniaire de trente jours-amende, et lui a adressé un avertissement formel.

M. A______ a fait opposition à cette ordonnance pénale.

6) Le 5 mai 2022, la police a interpellé M. A______ à la promenade J______ alors qu’il prenait contact avec un individu. Celui-ci a expliqué lui avoir donné EUR 20.- afin d'obtenir une pilule d'ecstasy. La remise de la drogue n'avait pas pu avoir lieu en raison de l'intervention des forces de l'ordre. L'acheteur a également mis en cause M. A______ pour cinq transactions d'ecstasy pour un montant d'EUR 100.-.

7) Lors de son audition par la police le même jour, M. A______ a nié avoir effectué d’une transaction illicite. Il n’avait jamais participé à un quelconque trafic de stupéfiants. Il était arrivé en Suisse depuis l’H______ en bus, après avoir transité par la K______. Il vivait en K______ chez des amis. Il était venu à Genève en vélo afin de se rendre dans un kiosque à L______. Il n’avait pas de résidence à Genève et ne souhaitait pas rester en Suisse.

8) Le 6 mai 2022, le Ministère public a condamné M. A______ par ordonnance pénale à une peine privative de liberté de soixante jours pour infraction à l’art. 19 al. 1 let. c LStup. Il a renoncé à révoquer le sursis accordé le 1er décembre 2021.

M. A______ a fait opposition à cette ordonnance pénale.

9) Le 6 mai 2022, à 17h25, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (ensemble du territoire genevois) pour une durée de douze mois.

10) Le 11 mai 2022, M. A______, par l’intermédiaire de son conseil, a formé opposition contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

11) Convoqué pour l'audience du 18 mai 2022 devant le TAPI, M. A______ ne s’est pas présenté.

Son conseil a indiqué qu’il l'avait informé le matin même être en D______ et ne pas pouvoir se présenter à l'audience. Il a confirmé que son client avait été condamné par ordonnances pénales des 22 avril et 6 mai 2022 et qu'il y avait fait opposition. Son client ne souhaitait pas rester en Suisse mais souhaitait pouvoir s’y rendre et, plus précisément à Genève, pour des motifs purement personnels, notamment pour y passer des vacances. Il ignorait pourquoi son client avait dû être hébergé dans un centre d'accueil comme indiqué lors de son audition par la police le 28 avril dernier. Il ignorait également pourquoi son client avait indiqué une fois être venu en Suisse en train et quelques jours plus tard avoir dit être venu en bus. Il n'avait pas discuté avec son client de la question de sa consommation de marijuana. Il ignorait où son client logeait lorsqu'il était chez des amis en K______. Son client lui avait indiqué percevoir un revenu mensuel de EUR 800.- mais il n'avait aucune pièce à fournir au tribunal à ce sujet. Il n'avait pas d'autre information à transmettre au TAPI.

Il a conclu à l'annulation de la mesure prise à l'encontre de son client pour une durée de douze mois, subsidiairement à la réduction de sa durée à trois mois.

Le représentant du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de la mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève (ensemble du territoire genevois) pour une durée de douze mois.

12) Par jugement du 18 mai 2022, le TAPI a partiellement admis le recours.

M. A______ n’était au bénéfice d’aucune autorisation en Suisse, et ne disposait que d’un permis de séjour D______ lui permettant de voyager en Suisse. Il n’avait aucune source de revenus : il avait indiqué avoir logé dans un centre d’accueil et n’avait apporté aucun élément confirmant le revenu mensuel de EUR 800.- qu’il avait allégué. Il n’avait aucune attache à Genève. Il avait été condamné deux fois pour infractions en lien avec le trafic de stupéfiants et était consommateur de marijuana. Il n’avait aucune raison de venir à Genève si ce n’était pour fréquenter les lieux liés au trafic de drogue.

Si le périmètre de l’interdiction était proportionné, la durée de la mesure ne l’était pas, et était ramenée à six mois.

13) Par acte remis à la poste le 30 mai 2022, et reçu le 1er juin 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, subsidiairement à la réduction de la durée de la mesure à trois mois.

Il contestait s’être livré au trafic de stupéfiants et avait fait opposition aux deux ordonnances pénales. Il ne possédait aucun stupéfiant lors de son arrestation et son casier judiciaire ne contenait aucune inscription pour trafic de stupéfiants. Il ne constituait aucune trouble ou menace à l’ordre public.

Subsidiairement, la durée de la mesure était disproportionnée, dès lors qu’il ne présentait aucune condamnation définitive en lien avec les stupéfiants et qu’il s’agissait de la première mesure.

14) Le 3 juin 2022, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

La présence fréquente et établie de M. A______ dans une zone notoire de trafic de drogue alors qu’il n’avait aucune attache à Genève, ses interpellations dans le cadre de ventes et sa mise en cause en tant que vendeur répété de substances illégales et les condamnations, même non définitives, constituaient des indices concrets fondant le soupçon de participation à des activités en lien avec le trafic de drogue et qu’il représentait une menace pour l’ordre et la sécurité publics.

15) Le 7 juin 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Il ne s’était jamais livré au trafic de stupéfiants. Il était normal qu’il ait été vu plusieurs fois dans le quartier de F______, où il aimait se promener. Sa simple présence dans un lieu où se pratiquait le trafic ne suffisait pas à établir sa participation à celui-ci. Il bénéficiait d’un titre de voyage valable délivré par les autorités D______, de sorte qu’une interdiction de pénétrer sur l’ensemble du territoire genevois ne se justifiait pas.

16) Le 7 juin 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours a pour objet la conformité au droit du jugement du TAPI du 28 mars 2022 confirmant la décision du commissaire de police du 10 mars 2022.

3) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 1er juin 2022 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

4) À teneur dudit art. 10 LaLEtr, la chambre de céans est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

5) a. Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics.

Cette mesure vise entre autres à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit cependant que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommages à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

L'assignation d'un lieu de résidence ou l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée fondée sur l'art. 74 al. 1 let. b LEI vise à permettre le contrôle du lieu de séjour de l'intéressé et à s'assurer de sa disponibilité éventuelle pour la préparation et l'exécution de son renvoi de Suisse par les autorités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.1), mais aussi, en tant que mesure de contrainte poursuivant les mêmes buts que la détention administrative, à inciter la personne à se conformer à son obligation de quitter la Suisse (ATF 144 II 16 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.1 ; CHATTON/MERZ, in Code annoté de droit des migrations, vol. II : Loi sur les étrangers [LEtr], 2017 n°  22 ad art. 74 LEtr).

b. L'interdiction de pénétrer dans une région déterminée ne constitue pas une mesure équivalant à une privation de liberté au sens de l'art. 5 CEDH et n'a donc pas à satisfaire aux conditions du premier alinéa de cette disposition (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010 ; Andreas ZÜND in Marc SPESCHA/Hanspeter THÜR/Peter BOLZLI, Migrationsrecht, 2ème éd., 2013, ad art. 74, p. 204 n. 1).

Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

c. La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).

Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue ou des contacts avec des extrémistes suffisent à justifier une telle mesure, de même que la violation grossière des règles tacites de la cohabitation sociale (ATA/607/2013 du 12 septembre 2013 consid. 4 ; ATA/46/2013 du 25 janvier 2013 consid. 3 et les références citées). Le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI ; en outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3.1 et les arrêts cités). De plus, même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contacts répétés avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 précité consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 précité).

d. La mesure d'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre
celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b).

f. L'art. 74 LEI ne précise pas la durée de la mesure. Celle-ci doit répondre au principe de proportionnalité, à savoir être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Elle ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; vers le haut, des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

g. Dans un arrêt 2C_123/2021 du 5 mars 2021, le Tribunal fédéral a confirmé une mesure d'interdiction territoriale à l'encontre d'un ressortissant B______, en séjour illégal en Suisse. Certes sa condamnation récente n'était pas entrée en force. Elle avait toutefois trait à des délits en lien avec des stupéfiants, ce qui était déjà suffisant pour admettre un indice concret au sens de la jurisprudence. L'intéressé avait par ailleurs été vu à deux reprises dans un lieu connu pour le trafic de drogue à Genève, ce qui renforçait les soupçons pesant sur lui. De plus, il s'en était pris à un agent de police et, en mai 2018, avait déjà été condamné pour entrée et séjour illégaux, infractions qui, même si elles n'avaient pas de lien direct avec la drogue, constituaient également des indices suffisants pour retenir un trouble ou une menace à la sécurité et l'ordre publics. Ces éléments, pris dans leur ensemble, représentaient donc des indices concrets et permettaient de retenir, à l'instar de la chambre de céans, un soupçon de commission d'infractions dans le milieu de la drogue, respectivement un trouble ou une menace contre la sécurité et l'ordre publics justifiant le prononcé d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LEI. Le Tribunal fédéral rappelait que l'atteinte à la liberté personnelle causée par cette mesure était relativement légère et que le seuil pour l'ordonner n'avait pas été placé très haut.

La chambre de céans a confirmé l’interdiction du territoire de tout le canton pour une durée de douze mois prononcée contre une ressortissante française condamnée à plusieurs reprises pour infractions à la LStup qui admettait consommer des stupéfiants et s’adonner au trafic (ATA/255/2022 du 10 mars 2022). Elle a confirmé la même mesure pour un ressortissant français trouvé en possession de vingt-et-une boulettes de cocaïne dans la voiture qu’il conduisait (ATA/1294/2021 du 25 novembre 2021).

Elle a confirmé l’interdiction de tout le territoire du canton pour une durée de douze mois pour un recourant vivant illégalement en Suisse depuis trente ans, initialement assigné au canton de Vaud dans le cadre d’une procédure d’asile, qui faisait valoir une relation avec son amie à Genève et des projets de mariage, qui était sans domicile fixe et avait récemment à nouveau commis un vol, précisant qu’il ne formait pas de communauté conjugale et pourrait voir son amie dans un autre canton (ATA/1236/2021 du 16 novembre 2021).

Elle a confirmé le jugement du TAPI réduisant l’interdiction territoriale infligée à une ressortissante roumaine de douze à neuf mois et, géographiquement, de manière qu’elle puisse accompagner à l’école sa fille mineure avec laquelle elle vivait (ATA/871/2021 du 27 août 2021).

Elle a confirmé l’interdiction de tout le territoire du canton pour une durée de douze mois infligée à un recourant initialement attribué au canton de Genève dans le cadre de la procédure d’asile mais objet d’une décision de renvoi définitive et dépourvu de titre de séjour en Suisse, en raison du risque de réitération d’infractions à la LStup (ATA/1371/2020 du 30 décembre 2020).

Elle a admis le caractère disproportionné d’une interdiction de territoire privant un recourant d’accès au domicile de son amie, chez laquelle il était effectivement domicilié et avec laquelle des démarches en vue du mariage étaient en cours (dépôt d’une demande d’autorisation de séjour en vue de mariage ; ATA/668/2020 du 13 juillet 2020).

De même, elle a jugé contraire au droit l’interdiction de tout le canton de Genève notifiée à un recourant qui avait entamé des démarches auprès de l’OCPM pour l’obtention d’un titre de séjour en vue de mariage et auprès de l’état civil pour reconnaître sa fille, et dont la réalité de la relation n’avait pas été mise en cause par le TAPI (ATA/1171/2019 du 22 juillet 2019).

Elle a confirmé, dans le cas d’un ressortissant français qui avait fait l’objet d’une condamnation pour le vol d’un téléphone portable non encore entrée en force, qui n’avait pas d’antécédents judiciaires et disposait de très faibles moyens, mais avait pris un emploi de boulanger et avait produit une attestation d’annonce de cette prise d’emploi, sans avoir toutefois obtenu encore de réponse de l’OCPM, une interdiction de périmètre étendue à tout le canton, mais assortie sur opposition par le TAPI d’une exception devant permettre au recourant de se rendre à son travail et réduite de douze à trois mois. Il ne s'agissait pas d'infractions en lien avec le trafic de stupéfiants, ni de brigandage, de lésions corporelles intentionnelles ou de dommages à la propriété, l'intéressé était au bénéfice d'un emploi dans le canton et ne présentait pas d'antécédents judiciaires en Suisse. Bien que d'une durée relativement courte, la mesure paraissait apte et suffisante pour protéger l'ordre et la sécurité publics dans le périmètre déterminé par le TAPI (ATA/1566/2019 du 24 octobre 2019).

Récemment, elle a confirmé le jugement du TAPI admettant l’opposition d’un étranger plusieurs fois condamné pour des vols et des infractions à la LStup et objet d’une décision de renvoi et soustrayant de l’interdiction de tout le territoire du canton pour une durée de douze mois la commune où logeaient son amie intime et la mère de celle-ci, auprès desquelles il vivait et auxquelles il rendait des services, considérant que la solution préconisée dans le jugement attaqué permettait à l'étranger de continuer à bénéficier du gîte et du couvert fournis, ce qui n'excluait évidemment pas la commission de nouvelles infractions mais pouvait réduire la nécessité d'y avoir recours, avec en outre l'avantage pour les autorités d'une résidence plus ou moins fixe augmentant les chances de le localiser en cas de besoin. Il s'agissait d'une solution qui, si elle n'apparaissait, par certains aspects, pas idéale, était à même de servir de manière concrète et pragmatique les intérêts de la sécurité publique, étant précisé qu'elle n'équivalait nullement – comme le prétendait le commissaire – à l'octroi provisoire d'un titre de séjour, et qu'en cas d'entrée en force de la décision de renvoi, celle-ci pourrait être exécutée en usant de tous les moyens prévus par la législation en la matière (ATA/381/2022 du 7 avril 2022 consid. 7b).

Récemment encore, elle a confirmé le jugement du TAPI approuvant une interdiction territoriale étendue à tout le canton de Genève pour une durée de
dix-huit mois prononcée contre un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, plusieurs fois condamné pour infractions à la LStup, objet de décisions de renvoi et traité sans succès pour une dépendance aux stupéfiants (ATA/411/2022 du 14 avril 2022).

Enfin, tout récemment, elle a confirmé le jugement du TAPI approuvant une interdiction territoriale étendue à tout le canton de Genève pour une durée de
dix-huit mois prononcée contre un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup, qui avait longtemps caché sa véritable identité et était revenu en Suisse malgré un renvoi (ATA/536/2022 du 20 mai 2022).

6) a. En l’espèce, et ainsi que l’a justement relevé le TAPI, le recourant n’est au bénéfice d’aucune autorisation, qu’elle soit de courte durée, de séjour ou d’établissement, en Suisse. Il a été condamné à deux reprises pour infractions à la LStup, fréquente un lieu notoire de trafic de stupéfiants où il a été interpellé en relation avec des transactions et identifié par des clients, et a admis être lui-même consommateur de marijuana. Il importe peu dans ces circonstances que les deux ordonnances pénales ne soient pas définitives, l’ensemble des indices réunis à ce jour suffisant pour établir, quoi qu’en dise le recourant, le soupçon qu’il est lié au milieu de la drogue, ce qui suffit pour constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics. La mesure d’interdiction territoriale apparaît ainsi fondée dans son principe.

Par ailleurs, et quoi qu’en pense le recourant, la détention d’un titre de séjour D______ n’est pas de nature à le prémunir contre une interdiction de territoire en Suisse.

b. S’agissant de l’étendue géographique, à tout le territoire du canton, elle n’est pas contestée par le recourant, qui ne fait en particulier pas valoir qu’il aurait des liens ou des attaches à Genève, ou devrait pouvoir y accomplir des actes ou des formalités ou se rendre chez un médecin ou auprès de services étatiques.

c. Le recourant conteste la durée de l’interdiction territoriale, qu’il juge disproportionnée, invoquant l’absence d’inscription au casier judiciaire en matière de stupéfiants et de précédente mesure de ce type.

La question de l’inscription au casier judiciaire s’examine dans le cadre de l’analyse du bien-fondé de la mesure, et il a été vu qu’une condamnation définitive et non radiée n’était pas nécessaire. L’absence de mesure précédente a quant à elle été prise en compte par le TAPI pour réduire de moitié la durée de la mesure prononcée par le commissaire de police. Le recourant ne soutient pas qu’une autre mesure serait apte à prévenir sa participation au milieu du trafic de stupéfiants à Genève. Il n’explique pas en quoi la réduction de la durée opérée par le TAPI serait insuffisante sous l’angle de la proportionnalité. Il ne fait pas valoir d’intérêt personnel autre que le souhait de voyager pour se rendre à Genève, et indique encore moins en quoi un tel intérêt devrait être considéré comme prépondérant.

La chambre de céans considère que la fixation par le TAPI de la durée de la mesure à six mois n’est pas disproportionnée et observe qu’elle pourrait même être regardée comme relativement clémente au vu de la jurisprudence récente. De manière générale, la mesure apparaît nécessaire, apte à atteindre son but et proportionnée compte tenu de l’ensemble des circonstances.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7) La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2022 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samir Djaziri, avocat du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :