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A/1637/2021

ATA/596/2022 du 07.06.2022 sur JTAPI/188/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1637/2021-PE ATA/596/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 juin 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 février 2022 (JTAPI/188/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1990, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 6 décembre 2018, il a déposé une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus » auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), indiquant être arrivé en Suisse en 2008.

Il a joint diverses pièces à sa demande, dont une copie de son passeport ; une attestation de travail de B______, inscrite au registre du commerce de Genève le 13 mars 2017 et radiée le 26 mars 2020, faisant état de son engagement, entre cinq et six mois par an, de 2009 à 2012 ; une attestation d’achat d’abonnements mensuels des Transports publics genevois (ci-après : TPG) du 18 octobre 2018 pour diverses périodes entre juillet 2013 et le 17 avril 2016 ; une attestation de son logeur du 1er décembre 2018, indiquant qu’il résidait chez celui-ci dès l’année 2009, au chemin C______, ; un contrat de travail du 3 décembre 2018 auprès de l’entreprise individuelle D______ ; un courrier de son affiliation à la caisse paritaire de prévoyance de l’industrie et de la construction du 16 octobre 2018 ; un extrait de son compte individuel auprès de l’office cantonal des assurances sociales du 18 octobre 2018 retenant un revenu de CHF 5'901.- pour la période allant du mois d’août à décembre 2017 avec pour unique employeur E______ ; deux contrats de fitness faisant état d'abonnements pour les périodes du 1er avril 2015 au 31 mars 2017 - son adresse étant « F______, à Genève », respectivement du 8 avril 2018 au 7 avril 2019 - son adresse étant alors : « route G______» ; une demande d’autorisation de séjour (formulaire M) du 3 décembre 2018 complétée par l’entreprise individuelle D______. ; un extrait du registre des poursuites du 18 octobre 2018, attestant que M. A______, « chemin H______», ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de bien ; une attestation de non prise en charge financière de l’Hospice général ainsi qu'un extrait de casier judiciaire vierge.

3) Il ressort du formulaire M précité que M. A______ est le père de I______, née le ______2017.

4) Le 10 février 2020, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa requête du 6 décembre 2018 et lui a imparti un délai pour faire part de ses observations.

5) À teneur du dossier, l'intéressé n’en a pas présenté.

6) Selon une attestation du 28 janvier 2021 émise par les TPG et figurant au dossier de l’OCPM, M. A______ s'est vu délivrer des abonnements du 4 octobre au 5 décembre 2019 puis du 22 février au 21 mars 2020.

7) Il ressort également du dossier de l’OCPM que M. A______ a requis des visas pour rendre visite à sa famille au Kosovo du 21 décembre 2018 au 22 janvier 2019, du 13 juillet au 13 août 2019 et du 21 décembre 2019 au 23 janvier 2020.

8) Par décision du 24 mars 2021, l’OCPM a refusé d’accéder à la requête de M. A______ et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 24 mai 2021 lui était imparti pour quitter la Suisse et rejoindre le pays dont il possédait la nationalité ou tout autre pays où il était légalement admissible.

Il n’avait pas été en mesure d'établir une durée de séjour de dix ans au minimum à Genève, faute de justificatifs suffisamment probants pour les années de 2010 à 2012. Dans ces circonstances, sa situation ne répondait pas aux critères de l'« opération Papyrus ».

Il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Il n’avait pas prouvé une très longue durée de séjour en Suisse ni d'élément permettant de déroger à cette exigence. Il n’avait pas non plus démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle.

Il n'apparaissait pas que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, ni licite ni raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 LEI.

9) Par acte du 10 mai 2021, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation, au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision, avec instruction de préaviser favorablement sa demande auprès du SEM.

L'OCPM admettait qu'il avait démontré à satisfaction son séjour en Suisse pour les années 2013 à 2021. Il en ferait de même pour les années 2008 à 2012, en produisant des documents supplémentaires dans le cadre de sa réplique.

Il avait travaillé de manière régulière comme échafaudeur durant tout son séjour pour de nombreuses sociétés, en dernier lieu pour D______., et, depuis le mois de janvier, pour une autre société sise dans le canton de Genève. Son salaire lui permettait de jouir d’une indépendance financière totale. Il avait toujours participé activement à la vie économique du canton en effectuant de surcroît un travail de qualité. Il s’était parfaitement intégré à Genève ainsi qu’en Suisse et avait toujours eu un comportement exemplaire. Depuis son arrivé, il avait su nouer d’excellentes relations de travail, d’amitié et de voisinage et maîtrisait la langue française. Il n’avait fait l’objet d’aucune poursuite ni condamnation pénale et n’avait pas sollicité l’aide sociale.

10) Le 6 juillet 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

11) Par réplique du 20 septembre 2021, M. A______ a indiqué qu'il ne contestait pas le fait qu’il n’était pas parvenu à produire des preuves de catégorie A pour les années 2008 à 2012. Depuis son arrivée, il avait toujours travaillé.

12) Le TAPI a, par jugement du 28 février 2022, rejeté le recours.

M. A______ reconnaissait ne pas être parvenu à produire des preuves de catégorie A pour les années 2008 à 2012. L'attestation de travail établie par B______ pour les années 2009 à 2012, alors que cette société n’avait été inscrite au registre du commerce de Genève qu’en 2017, ne faisait état que de cinq à six mois de travail par an. L’attestation de son logeur, une preuve de catégorie B, n’apparaissait pas plus probante compte tenu notamment des nombreuses adresses utilisées par M. A______. Ainsi, faute d'apporter la preuve d'un séjour de dix ans en Suisse au moment du dépôt de sa demande du 6 décembre 2018, il ne pouvait être mis au bénéfice de l’« opération Papyrus ».

L'OCPM n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant qu'il ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

Il ne pouvait être déduit de la décision attaquée que l’OCPM aurait retenu qu’il avait démontré à satisfaction son séjour en Suisse pour les années 2013 à 2021, puisqu'elle ne se prononçait que sur les années 2010 à 2012. En tout état, la question de son séjour en Suisse après 2012 pouvait rester ouverte dans la mesure où non seulement sa continuité de 2013 à 2021 ne ressortait pas des pièces mais qu'en outre sa durée devait être fortement relativisée, dès lors que le séjour l'avait été de manière illégale, puis à la faveur d’une simple tolérance des autorités cantonales. Ainsi, on ne pouvait accorder un poids déterminant aux périodes qu'il avait passées en Suisse, ce d'autant plus qu'il avait vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte au Kosovo.

Son intégration professionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle, pas plus que d'autres circonstances permettant de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée justifiant la reconnaissance d'un cas de rigueur.

Il était âgé de 32 ans, en bonne santé, et il ne pouvait être retenu qu’il ne pourrait pas s'insérer sur le marché du travail en retournant dans son pays après, vraisemblablement, une période de réadaptation. Il avait requis à plusieurs reprises des visas pour rendre visite à sa famille, ce qui démontrait qu'il y restait attaché et pourrait bénéficier d'un soutien sur place.

Il n'alléguait pas, et il ne ressortait pas du dossier, que son renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 LEI.

13) Par acte expédié le 31 mars 2022, M. A______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement dont il a requis l'annulation, de même que celle de la décision de l'OCPM du 24 mars 2021. Il devait être ordonné à l'OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour, subsidiairement de préaviser favorablement auprès du SEM sa demande d'autorisation.

Il était arrivé à Genève en 2008, avait travaillé pour de nombreux patrons et déposé sa demande après plus de dix ans de séjour. Il avait certainement été négligent en n'accordant pas suffisamment d'attention aux documents qu'il avait transmis à l'OCPM, parmi lesquels l'attestation de B______ qui n'était pas inscrite au registre du commerce.

Il était certain de disposer du niveau A2 en français. Il n'avait jamais commis d'infractions à l'exception de celles liées à son séjour. Il avait toujours respecté ses créanciers et n'avait jamais fait appel à l'aide sociale. Compte tenu de ces éléments et au vu du manque de travailleurs en Suisse et dans l'Union européenne, il estimait que sa présence était nécessaire pour l'essor économique de la région genevoise.

Il voulait avoir une vie décente.

14) L'OCPM a conclu, le 26 avril 2022, au rejet du recours.

15) Par lettre du 28 avril 2022, un délai au 13 mai 2022 a été accordé à M. A______ pour formuler toute requête complémentaire et/ou exercer son droit à la réplique, après quoi la cause serait gardée à juger en l'état.

M. A______ ne s'est pas manifesté.

16) Le contenu des pièces figurant à la procédure sera pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du recours.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'objet du recours est la décision de l'OCPM du 4 mars 2021 refusant de délivrer un titre de séjour au recourant et prononçant son renvoi de Suisse, respectivement sa confirmation par le TAPI.

Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l’opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit, étant précisé que la plupart des dispositions sont demeurées identiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

c. L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, contient une liste exemplative des critères à prendre en considération pour la reconnaissance des cas individuels d’une extrême gravité, comme l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), et financière (let. d), la durée de la présence en Suisse (let. e), l’état de santé (let. f), ainsi que les possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er mars 2022 [ci-après : directives LEI], ch. 5.6.10).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 145 I 308 consid. 3.3.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/62/2022 du 25 janvier 2022 consid. 3b).

d. La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

e. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c).

4) L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées sans titre de séjour, « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; communiqué de presse du 21 février 2017 : https://www.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017) et répondant à différents critères, à savoir : avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Dans le cadre du projet pilote « Papyrus », le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L'« opération Papyrus » n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'opération « Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

5) En l’espèce, le recourant, contrairement à ses affirmations, ne remplissait pas, ni au moment du dépôt de sa demande le 6 décembre 2018, ni à la fin de l’« opération Papyrus » quelques jours plus tard, le critère de la durée de résidence de dix ans valant pour les célibataires.

S'il soutient être arrivé en Suisse en 2008, il n'est pas parvenu à prouver son séjour de 2010 à 2012 et, devant le TAPI, a concédé ne pas être parvenu à produire des preuves suffisantes pour les années 2008 à 2012. Il ne remet pas en cause devant la chambre de céans le fait que l'attestation de travail établie par B______ pour les années 2009 à 2012 ne fait état que de cinq à six mois de travail par an, comme concierge jardinier et nettoyeur des appartements, et dès lors n'est pas apte à démontrer un séjour continu, pas plus que cette société n'était pas inscrite au registre du commerce avant l'année 2017. La force probante de cette attestation est dès lors faible. Le fait que le recourant indique ne pas avoir été attentif au contenu des documents qu'il transmettait à l'OCPM n'y change rien. L’attestation de son logeur du 1er décembre 2018, « dès 2009 » n’apparaît pas non plus probante, dans la mesure où, si elle indique l'année 2009 comme début d'une « résidence » du recourant chez lui, dans un appartement de 2,5 pièces seulement selon copie du contrat de bail, elle ne fait état d'aucune date de fin. Elle entre par ailleurs en contradiction avec les pas moins de trois adresses distinctes du lieu où le recourant était censé vivre, entre avril 2015 et octobre 2018, telles que ressortant des pièces transmises à l'OCPM.

Ainsi, faute d'apporter la preuve d'un séjour continu de dix ans en Suisse au moment du dépôt de sa demande du 6 décembre 2018, le recourant ne saurait être mis au bénéfice de l’« opération Papyrus », n'en remplissant pas l'un des critères cumulatifs.

Le recourant ne remplit pas les conditions permettant de déroger aux conditions ordinaires de séjour.

La continuité de son séjour de 2013 à 2021, étant rappelé qu'il ne saurait être retenu une durée ininterrompue entre 2008 et 2012 sur la base des documents produits, n'est pas davantage démontrée, que ce soit par les documents liés à ses emplois, les abonnements auprès des TPG, valables pour cinq mois seulement en 2013, deux mois en 2014, une année en 2015, trois mois en 2016, inexistants pour les années 2017 et 2018, et valant pour deux mois seulement en 2019, respectivement un mois en 2020, les deux factures de fitness qui ne couvrent que les périodes d'avril 2015 à mars 2017, puis d'avril 2018 à avril 2019, et ne signifient pas encore que le recourant ait effectivement régulièrement fréquenté ces lieux, ou l'attestation de son logeur au contenu peu probant. S'y ajoute qu'il n'a pu démontrer des cotisations sociales que pour les mois d'août à décembre 2017, pour un revenu total de CHF 5'900.-. La durée de son séjour doit en tout état être fortement relativisée dès lors que le recourant n'a jamais été au bénéfice d’une autorisation, et a toujours résidé en Suisse illégalement. Il ne peut par conséquent tirer parti de la durée de son séjour pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission, conformément à la jurisprudence.

Au demeurant, même à retenir un séjour ininterrompu depuis 2013, les autres d’évaluation ne sont pas non plus de nature à admettre qu’un départ de Suisse le placerait dans une situation extrêmement rigoureuse. S'il ressort du dossier que le recourant n'a jamais émargé à l’aide sociale, n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale, ni de poursuites, il s'agit là d'éléments pouvant être attendus de tout étranger désirant s’établir durablement en Suisse. Le recourant, en lien avec sa maîtrise de la langue française, a produit uniquement une carte de rendez-vous pour un test le 13 décembre, sans indication de l'année, ni même de son identité, ou encore du niveau censé être atteint.

Les relations d’amitié et de voisinage nouées pendant son séjour, au demeurant non étayées, sont davantage liées à la durée de sa présence en Suisse, qu’à des attaches à ce point profondes et durables qu’il ne pourrait envisager un retour dans son pays d’origine. Le recourant ne démontre aucune implication particulière dans la vie locale ni une intégration particulièrement forte en Suisse, ce que le TAPI a retenu à juste titre.

Par ailleurs, les activités professionnelles qu’il a exercées à Genève, comme manœuvre à teneur du contrat le plus récent, datant de décembre 2018, étant relevé qu'aucune fiche de paie ou de salaire en particulier ne démontre la perception régulière d'un revenu, ne sont pas constitutives d’une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu’il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d’origine. Ces emplois, y compris comme jardinier et nettoyeur, ne lui permettent donc pas de se prévaloir d’une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence stricte en la matière au point de justifier une exception aux mesures de limitation. Ses emplois ne lui ont pas permis d’acquérir des compétences si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en pratique dans son pays d’origine.

De plus, le recourant, âgé de 31 ans, en bonne santé, a séjourné en Suisse, de manière discontinue, dès 2012, à savoir dès l'âge de 22 ans. Il a dès lors passé la plus grande partie de son existence au Kosovo, notamment son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte, à savoir des périodes décisives pour la formation de la personnalité et l’intégration socioculturelle. Il y a fondé une famille, puisqu'il est le père d'une fille âgée de 4 ans.

Partant, ni son âge, ni la durée de son séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients d'ordre professionnel et personnel auxquels il pourra éventuellement se heurter dans son pays d'origine, ne constituent des circonstances si singulières qu'il faille considérer qu'il se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier une exception aux mesures de limitation. Une telle exception n'a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d'origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu'on ne saurait exiger d'eux qu'ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n'a pas établi.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est à bon droit que l’autorité intimée a retenu que les conditions d’un cas d’extrême gravité justifiant de déroger aux règles ordinaires d’admission n’étaient pas remplies, ce que l’instance précédente a confirmé à juste titre.

6) a. Selon l’art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d’un délai de départ raisonnable (al. 2).

b. Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). Il n’est pas possible lorsque l’intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Il n’est pas licite lorsqu’il serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Il n’est pas raisonnablement exigible s’il met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

c. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’OCPM devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé, étant relevé que le recourant est retourné auprès de sa famille à plusieurs reprises entre la fin de l'année 2018 et le début de l'année 2020.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mars 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 février 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.