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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1301/2022

ATA/574/2022 du 31.05.2022 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 04.07.2022, rendu le 19.05.2023, IRRECEVABLE, 8C_428/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1301/2022-FPUBL ATA/574/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 mai 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Sylvain Savolainen, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DES BÂTIMENTS



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1958, a été engagé en qualité de chef de secteur à l’office cantonal des bâtiments (ci-après : OCBA) le 1er mars 2011.

2) Depuis son entrée en fonction, il a fait l’objet, régulièrement, d’entretiens d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) puis, à compter de 2016, d’entretiens d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM). Les évaluations sont globalement bonnes, voire très bonnes.

Il a reçu deux certificats de travail intermédiaires, les 30 juillet 2013 et 17 avril 2019, au contenu élogieux.

3) a. Le 3 juin 2019, le conseiller d’État en charge du département des infrastructures (ci-après : DI ou le département) a dénoncé M. A______ au procureur général en application de l’art. 33 al. 1 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009
(LaCP - E 4 10).

Lors d’une discussion, le 29 avril 2019, entre Messieurs B______, directeur de la direction ingénierie et énergie au sein de l’OCBA, et C______, directeur général de l’OCBA, celui-là avait indiqué que deux employés de l’OCBA étaient « corrompus ». Il n’avait pas souhaité donner les noms.

Le 30 avril 2019, l’existence d’une éventuelle corruption au sein de l’office avait été relayée, par M. C______ à Monsieur D______, directeur à la direction de la gestion et valorisation de l’OCBA.

Le 3 mai 2019, en marge d’une séance réunissant l’ensemble des cadres du département, M. B______ avait précisé les noms des personnes concernées soit Messieurs E______, chef de secteur au sein du service travaux et entretien, secteur 6, et M. A______. Selon les indications fournies, les deux intéressés se seraient fait offrir des voyages par une entreprise qui, en contrepartie, se voyait accorder des mandats par l’OCBA. L’information provenait d’un chef d’entreprise qui en avait parlé à M. B______. Plus précisément, ce dernier s’était trouvé attablé avec des connaissances dans un établissement public lorsqu’il avait entendu des personnes assises à une table à côté de la sienne se plaindre du fait qu’ils devaient offrir des voyages aux deux précités pour obtenir des mandats de l’OCBA. M. B______ n’avait pas souhaité communiquer le nom de l’entreprise impliquée.

b. Une procédure pénale a été ouverte le 4 juin 2019 sous les références P/1______/2019.

4) Il ressort de l’EEDM du 13 novembre 2019 de M. A______ que tous les objectifs étaient atteints. Son engagement au quotidien était relevé, avec la mention qu’il devait rester attentif aux procédures en vigueur et en évolution et maîtriser ses élans.

5) Lors de l’EEDM du 24 novembre 2020, le bilan général du responsable hiérarchique de M. A______ indiquait que celui-ci « démontre une efficacité reconnue dans l’opérationnel. Il doit rester attentif à ne pas agir trop de manière indépendante et accepter les changements. »

6) M. A______ a ignoré l’existence de la procédure pénale jusqu’au 4 octobre 2021, date à laquelle il a été auditionné pour la première fois.

Il a été entendu une nouvelle fois le 5 octobre puis le 12 novembre 2021.

7) Par courriel du 8 octobre 2021, M. A______ a été convoqué par son employeur pour un entretien le 12 octobre 2021 afin de faire un point de situation.

8) Lors de cet entretien, en présence de son avocat, de la directrice des ressources humaines (ci-après : RH) du DI, de la directrice générale de l’OCBA ainsi que du chef du service travaux et entretien, M. A______ s’est plaint de l’article paru dans le quotidien le Temps l’après-midi sous le titre « Exclusif – voyage et repas offerts : trois fonctionnaires visés par la justice à Genève ». Il a par ailleurs relevé qu’il ne figurait plus dans l’annuaire de l’État de Genève, contrairement à M. E______.

Les représentants du DI ont relevé que les faits mis en lumière par le Ministère public conduisaient l’État à devoir demander l’ouverture d’une enquête administrative fouillée qui serait menée par un avocat choisi par le Conseil d’État. La directrice des RH a proposé d’autres solutions telles que la démission de l’intéressé ou sa prise de retraite anticipée. En effet, âgé de 64 ans, M. A______ atteindrait l’âge de la retraite le 22 avril 2023.

M. A______ a été libéré immédiatement de son obligation de travailler.

9) Il a été sous traitement médicamenteux à compter du 14 octobre 2021.

10) M. A______ a été convoqué le 17 mars 2022 à un entretien de service devant se tenir le 5 avril 2022. L’objectif était de l’entendre au sujet de son inaptitude à remplir les exigences de son poste s’agissant notamment des avantages qu’il avait acceptés de fournisseurs de l’OCBA ainsi que des mandats qu’il avait attribués aux sociétés F______ et G______ depuis 2019.

Une résiliation des rapports de service pour motif fondé était envisagée.

11) Par pli du 29 mars 2022, M. A______ a sollicité d’avoir accès à son dossier complet et exhaustif. Il a demandé la transmission d’une liste de documents recensés sous dix points :

1. L’ensemble des évaluations de ses états de service ainsi que l’ensemble des éventuelles promotions et nominations dont il avait fait l’objet, depuis son entrée en fonction à l’État ;

2. l’ensemble des documents sur la base desquels le conseiller d’État avait fondé sa dénonciation du 3 juin 2019, respectivement l’ensemble des documents auxquels le conseiller d’État se référait, soit notamment :

a. le compte rendu de l’entretien entre MM. C______ et B______ du 29 avril 2019 ;

b. le compte rendu de l’entretien entre MM. C______ et D______ du 30 avril 2019 ;

c. le procès-verbal de la réunion du 3 mai 2019 ;

d. le compte rendu d’entretien entre MM. C______, D______ et B______ du 3 mai 2019 ;

3. le procès-verbal de la réunion entre Messieurs H______, C______, D______ et B______ ainsi que le juriste du département et la directrice des RH du 20 mai 2019 ; à cette occasion avait été discutée une analyse des mandats confiés par M. A______ ainsi que les factures s’y rapportant ;

4. le rapport de l’analyse précitée et évoqué par M. D______ le 20 mai 2019, respectivement l’ensemble des pièces liées à l’ensemble des mandats confiés par M. A______, toutes entreprises confondues, ainsi que les factures s’y rapportant ; le courrier du 17 mars 2022 évoquant expressément les « fournisseurs de l’OCBA ainsi que les mandats que M. A______ avait attribués aux sociétés F______ et G______, depuis 2019 » ; « l’ensemble des pièces mentionnées ci-dessus et requises s’avér[ait] essentiel » ;

5. les statistiques récapitulatives mensuelles établies par le contrôle de gestion de l’OCBA se rapportant à M. A______ récapitulant les dépenses effectuées par entreprise et par secteur, cela depuis 2011 ;

6. les comptes rendus de l’ensemble des entretiens qu’avaient eus M. D______ avec, notamment, des juristes et d’autres collaborateurs de l’OCBA au sujet de M. A______ ;

7. le compte rendu de l’entretien entre MM. C______ et B______ évoquant notamment M. A______ ;

8. toutes les notes de service internes au département relatives aux faits ayant fait l’objet de la dénonciation du 3 juin 2019 ;

9. l’ensemble des procès-verbaux et comptes rendus d’entretien et/ou de réunions qui s’étaient tenus au sein du département en lien avec les faits décrits dans la dénonciation du 3 juin 2019 ;

10. d’une manière générale, toutes les pièces pertinentes permettant d’évaluer l’aptitude de M. A______ à exercer ses fonctions, notamment, les instructions respectivement les lignes directrices de l’OCBA relatives à l’attribution des mandats aux entreprises par les collaborateurs ainsi que les instructions et lignes directrices relatives au contrôle des bons de commande par le contrôle de gestion et le chef de service.

Ces documents lui étaient nécessaires pour faire valoir correctement son droit d’être entendu.

Il n’était pas urgent d’effectuer l’entretien de service. La dénonciation datait de près de trois ans. Il avait toujours exercé son activité à la pleine et entière satisfaction de sa hiérarchie.

12) Par décision du 1er avril 2022, Madame I______, directrice générale de l’OCBA, a refusé de transmettre les documents cités des chiffres 2 à 4 et 6 à 9 du courrier précité.

M. A______ pourrait exercer pleinement son droit d’être entendu lors de l’entretien de service et faire valoir ses observations après la réception du compte rendu de celui-ci. Une copie du dossier serait remise au mandataire. Les notes échangées entre les membres d’une autorité collégiale et leurs collaborateurs étaient exclues du droit d’accès institué par la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

13) Le 4 avril 2022, M. A______ a consulté le dossier mis à sa disposition par le DI. Il comptait trois cent quinze pages.

S’y trouvaient notamment les procès-verbaux d’audition devant la brigade financière de la police judiciaire de M. A______ ainsi que de cinq autres personnes.

14) Par courrier du 5 avril 2022, M. A______ a relevé que le dossier consulté ne contenait aucune pièce ni aucun élément ayant pu mener à la dénonciation pénale du 3 juin 2019. Même celle-ci n’y figurait pas. Seules certaines pièces de la procédure pénale, choisies, s’y trouvaient.

Il sollicitait l’audition de plusieurs témoins, y compris du conseiller d’État en charge du DI.

Postérieurement à la dénonciation, il avait fait l’objet d’EEDM, lesquels relevaient notamment son souci de dépenser les deniers publics de manière efficiente, avec des solutions adaptées aux problématiques rencontrées.

Il réitérait sa demande d’obtenir les pièces précédemment listées. À défaut, une décision devait lui être notifiée.

15) Par décision du 5 avril 2022, l’OCBA a transmis une version caviardée de ladite dénonciation et un compte rendu de l’entretien de service qui avait eu lieu sous la forme écrite. Les faits de la cause relevaient des pièces tirées de la procédure pénale. Vingt voyages en avion ou invitations au restaurant étaient listés, avec les mentions précises des dates, des lieux, des accompagnants, des montants concernés, ainsi que de la répartition des frais lorsque ceux-ci n’étaient pas assumés par une société. L’intéressé avait admis une partie des faits, reconnu avoir commis une infraction d’acceptation d’un avantage pour avoir reçu des cadeaux allant
au-delà de ce qui était admis usuellement, précisant qu’il n’avait jamais favorisé les entreprises concernées.

Les auditions sollicitées étaient refusées.

16) a. Par acte daté du 26 avril 2022, tamponné par la poste le 27 avril 2022 et déposé au guichet de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à 10h15 le 27 avril 2022, M. A______ a interjeté recours contre la décision du 1er avril 2022. Il a conclu à son annulation, à ce qu’il soit ordonné à l’OCBA de lui transmettre les pièces visées aux chiffres 2 à 4 et 6 à 9 de son courrier du 29 mars 2022. À titre « provisionnel, voire super provisionnel » il convenait de suspendre, jusqu’à droit jugé « quant au présent recours et à [son] droit d’être entendu la procédure administrative se rapportant à la possible résiliation de ses rapports de service » ; subsidiairement le délai de trente jours, qui lui avait été imparti pour se déterminer dans le cadre de son entretien de service, devait être suspendu.

Contrairement à ce qui avait été précédemment annoncé, aucune enquête administrative n’avait été diligentée. La procédure pénale suivait son cours. L’infraction de corruption n’avait pas été retenue par le Ministère public. Une demande de classement, motivée, avait été déposée le 4 mars 2022.

Son droit d’être entendu, au sens des art. 41, 44 et 45 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), avait été violé. Il n’était pas en mesure de défendre convenablement ses intérêts puisqu’il n’avait pas connaissance de l’ensemble des éléments sur la base desquels son employeur allait se fonder. Les pièces concernées ne pouvaient pas être qualifiées de notes internes et devaient lui être rendues accessibles dès lors qu’elles étaient susceptibles d’affecter sa situation juridique.

b. Dans la lettre accompagnant le recours, le conseil relevait que, le 26 avril 2022, en fin de soirée, il ne lui avait pas été possible de déposer le recours auprès du terminal de MyPost24. Les guichets d’Uni-Mail, de Rive et des Pâquis avaient rencontré des problèmes techniques. Le dépôt du recours avait été effectué à 23h45 en présence de trois témoins. Étaient jointes différentes photographies.

17) L’office du personnel de l’État a conclu à l’irrecevabilité du recours, déposé tardivement. Les conditions, strictes, posées par la jurisprudence en matière de preuve du dépôt d’un recours en soirée avec témoins n’étaient pas remplies.

Au fond, le recourant n’encourait aucun préjudice irréparable et n’avait aucun droit d’accès aux documents sollicités.

Les mesures provisionnelles étaient irrecevables, subsidiairement devaient être rejetées.

18) Dans sa réplique, le recourant a contesté l’irrecevabilité du recours. Il tenait à disposition de la Cour d’autres photos, des vidéos, ainsi que des échanges de SMS entre le stagiaire et l’avocat confirmant la tentative de déposer le recours le 26 avril 2022 avant minuit et les problèmes techniques successifs rencontrés avec MyPost24.

L’existence même de certains des documents sollicités n’apparaissait plus certaine. Le droit de consulter le dossier impliquait, pour l’administration, un devoir de le constituer, que l’autorité intimée avait manifestement violé. Le dossier mis à disposition pour la consultation était incomplet. Or, les exigences étaient plus sévères s’agissant d’un cas de fonction publique, de surcroît avec menace de licenciement. Les pièces requises étaient d’autant plus importantes que le recourant avait fait l’objet, même après la dénonciation, d’évaluations très positives émanant des mêmes personnes que celles auxquelles se référait le DI.

Ce dernier avait transmis au Ministère public des tableaux au format Excel relatifs aux mandats que le recourant aurait confiés à certaines sociétés entre 2019 et 2021, respectivement aux montants attribués dans le cadre de ces mandats. Ce courrier ne figurait pas dans son dossier lors de la consultation du 4 avril 2022, quand bien même il lui avait été assuré qu’une copie de toutes les pièces était mise à sa disposition.

Les mesures provisionnelles étaient indispensables.

19) Sur ce, les parties ont été informées, le 18 mai 2022, que la cause était gardée à juger.

20) Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

La question de savoir s’il a été interjeté en temps utile, singulièrement si le dépôt tel qu’attesté par les photographies suffit à prouver que le délai de 10 jours, s’agissant d’une décision incidente, a été respecté, souffrira de rester indécise en l’état compte tenu de ce qui suit (art. 62 al. 1 let. b LPA).

2) Le litige porte sur le refus du département de transmettre les pièces sollicitées par le recourant sous chiffres 2 à 4 et 6 à 9 de son courrier du 29 mars 2022.

3) a. Selon l’art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d’un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. Une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) est une décision prise pendant le cours d’une procédure, qui ne représente qu’une étape vers la décision finale (arrêts du Tribunal fédéral 8C_686/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.1 ; 1C_40/2012 du 14 février 2012 consid. 2.3 ; ATA/399/2016 du 10 mai 2016 consid. 2a et l'arrêt cité).

Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1265).

La disposition légale précitée a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice
(ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/827/2015 du 11 août 2015 consid. 2 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées).

c. La chambre de céans a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/746/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2d et les références citées).

En matière de fonction publique, elle a déclaré irrecevable, pour défaut de préjudice irréparable, un recours contre une décision d'ouverture d'une enquête administrative (ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 ; ATA/657/2015 du 23 juin 2015 et les références citées), de même qu'un recours contre une décision de l'enquêteur administratif d'entendre en qualité de témoins des collaborateurs d'une autorité ayant requis du Conseil d'État l'ouverture de l'enquête administrative. Ce n'était qu'après le dépôt du rapport de l'enquêteur, dans l'hypothèse où une sanction serait prononcée à l'encontre du recourant, que la personne concernée pourrait, le cas échéant, contester les témoignages recueillis par l'enquêteur (ATA/715/2013 du 29 octobre 2013 consid. 3). Elle a également nié l'existence d'un préjudice irréparable en cas d'ouverture d'une procédure de reclassement, une telle décision étant au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/1149/2015 du 27 octobre 2015 ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014). Enfin, la chambre de céans n'a pas retenu de préjudice irréparable contre une décision refusant de suspendre la procédure d’enquête administrative le temps que le recourant se rétablisse (ATA/621/2016 du 19 juillet 2016), ni contre celle de l’État de ne pas entendre les douze témoins dont l’audition était sollicitée par un fonctionnaire dans ses observations à la suite d’un entretien de service. Rien ne démontrait qu’une décision finale entièrement favorable à celui-ci ne pourrait pas intervenir (ATA/917/2016 du 1er novembre 2016 consid. 6b).

d. Le Tribunal fédéral a rejeté un recours dirigé contre un jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 29 juin 2005, qui avait déclaré irrecevable un recours contre une décision de refus d'audition de témoins dans le cadre d'une enquête administrative, au motif qu'une telle décision, prise en matière d'administration des preuves, ne pouvait causer un préjudice irréparable (arrêt du Tribunal fédéral 2P.183/2005 du 19 juillet 2005).

4) a. Les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Elles ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires (art. 41 LPA).

Les parties ont le droit, sous réserve des dispositions de l’art. 45, de prendre connaissance des renseignements écrits ou des pièces que l’autorité recueille auprès de tiers ou d’autres autorités lorsque ceux-ci sont destinés à établir des faits contestés et servant de fondement à la décision administrative (art. 42 al. 4 LPA).

Aux termes de l’art. 45, l’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (al. 1). Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à celles qu’il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu’elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu’elles ont faites (al. 2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (al. 3). La décision par laquelle la consultation d’une pièce est refusée peut faire l’objet d’un recours immédiat (al. 4).

b. Tout membre du personnel peut prendre connaissance de l'ensemble des rapports administratifs le concernant, notamment lorsqu'il demande à être nommé fonctionnaire ou fait acte de candidature à un autre poste de l'administration (art. 17 al. 1 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Aucun document ne peut être utilisé contre un membre du personnel sans que celui-ci en ait eu connaissance et qu'un délai lui ait été fixé pour faire part de son point de vue (art. 17 al. 2 RPAC).

c. Le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 132 II 485 consid. 3.2). Selon la jurisprudence, le justiciable ne peut pas exiger la consultation de documents internes à l'administration, à moins que la loi le prévoie expressément (ATF 125 II 473 consid. 4a ; 122 I 153 consid. 6a). Il s'agit des notes dans lesquelles l'administration consigne ses réflexions sur l'affaire en cause, en général afin de préparer des interventions et décisions nécessaires. Il peut également s'agir de communications entre les fonctionnaires traitant le dossier. Cette restriction du droit de consulter le dossier doit de manière normale empêcher que la formation interne de l'opinion de l'administration sur les pièces déterminantes et sur les décisions à rendre soit finalement ouverte au public. Il n'est en effet pas nécessaire à la défense des droits des administrés que ceux-ci aient accès à toutes les étapes de la réflexion interne de l'administration avant que celle-ci ait pris une décision ou manifesté à l'extérieur le résultat de cette réflexion (ATF 115 V 297 consid. 2g ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2018 du 22 novembre 2019 consid. 4.4.2).

5) Les notes échangées entre les membres d’une autorité collégiale ou entre ces derniers et leurs collaborateurs sont exclues du droit d’accès institué par la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08 ; ci-après : LIPAD ; art. 26
al. 3 LIPAD).

6) a. En l'espèce, le litige porte exclusivement sur la décision du 1er avril 2022 refusant au recourant l’accès à un certain nombre de pièces, listées par l’intéressé dans sa requête du 29 mars 2022.

Le recourant allègue qu’il ne serait pas en mesure de défendre convenablement ses intérêts dans le cadre de l’entretien de service puisqu’il n’aurait pas connaissance de l’ensemble des éléments sur la base desquels son employeur entendait se fonder. De son point de vue, les pièces concernées ne pouvaient pas être qualifiées de notes internes et devaient lui être rendues accessibles dès lors qu’elles étaient susceptibles d’affecter sa situation juridique.

b. Les parties ne contestent pas que la décision du 1er avril 2022 soit incidente. Se pose en conséquence la question du respect des conditions posées par l’art. 57 let. c LPA.

Il ressort de l’entretien de service effectué par écrit que les faits reprochés à l’intéressé sont décrits avec précision et lui permettent de savoir quels sont les agissements considérés comme problématiques. Les dates, lieux, accompagnants, la répartition des frais sont notamment mentionnés. De surcroît, le recourant ne conteste pas avoir accès à l’entier de la procédure pénale. Il a reconnu une partie des faits, notamment l’infraction pénale d’acceptation d’un avantage illicite. Il n’a de même pas contesté avoir été au courant des règles en vigueur au sein de l’administration en matière d’acceptation de cadeaux. Dans ces conditions, il était en possession de suffisamment de pièces pour pouvoir se déterminer sur les faits qui lui étaient reprochés. Le refus litigieux ne lui cause pas de dommage irréparable.

Les pièces sollicitées n’ont pas à lui être transmises s’agissant de communications entre les fonctionnaires traitant le dossier, au sens de la jurisprudence précitée.

En conséquence, la décision du 1er avril 2022 ne cause pas de préjudice irréparable au recourant.

7) La seconde hypothèse de l'art. 57 let. c LPA, à savoir la venue à chef immédiate d'une décision finale susceptible d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, n'est pas davantage réalisée et le recourant ne le prétend d’ailleurs pas.

Au vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

8) Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête en mesures provisionnelles.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal des bâtiments du 1er avril 2022, reçu par la chambre administrative de la Cour de justice le 27 avril 2022 ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sylvain Savolainen, avocat du recourant, ainsi qu'à l’office cantonal des bâtiments.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :