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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2684/2021

ATA/548/2022 du 24.05.2022 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : PRESTATION D'ASSISTANCE;IMMEUBLE;USUFRUIT;OBLIGATION DE RENSEIGNER;RESTITUTION(EN GENERAL);REMISE DE LA PRESTATION
Normes : LIASI.9.al3.letb; LIASI.12.al2; LIASI.23.al1; LIASI.23.al3.leta; CC.746.al1; LIASI.39; LIASI.36.al1; LIASI.36.al3; LIASI.42.al1
Résumé : Confirmation du remboursement litigieux relatif aux prestations d’aide sociale perçues par la recourante pendant 4 ans, alors qu’elle avait caché être propriétaire d’un bien immobilier situé à l’étranger, et ce bien que celui-ci ne soit pas immédiatement disponible ou réalisable à court terme au sens de la jurisprudence fédérale (ATF 146 I 1). Raisonnement en deux temps découlant de l’arrêt 8C_499/2019 du Tribunal fédéral du 20 février 2020 et de l’art. 36 al. 1 LIASI : examiner d’abord le droit aux prestations litigieuses en tenant compte des éléments cachés, puis la question de la bonne ou mauvaise foi. Confirmation du refus de la remise.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2684/2021-AIDSO ATA/548/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 mai 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me William Rappard, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Née en 1973 et ressortissante suisse, Madame A______ a sollicité l’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) le 6 février 2015. Elle a indiqué habiter à Genève, à la même adresse que ses parents, être divorcée et avoir un enfant, « lycéen », né en novembre 1998 dont le père était aux États-Unis et ne versait pas de pension. Elle a coché la case « non » à la question de savoir si elle possédait des biens immobiliers, en Suisse ou à l’étranger.

Lors de leur entretien du 26 février 2015, l’assistante sociale a pris note que l’intéressée n’avait pas le droit au chômage, qu’elle était en formation, que son fils était scolarisé dans le Pays de Gex car elle avait vécu à B______ avec son père et qu’elle n’avait pas voulu le changer de cadre scolaire lors de leur séparation, et qu’elle recherchait un logement à Genève, après avoir dû se séparer, faute de revenus suffisants, d’une sous-location quelques mois auparavant.

2) Aux termes du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », signé le 26 février 2015, Mme A______ s’est engagée à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, de même qu’à rembourser à l’hospice toute prestation exigible perçue indûment.

Elle a signé ce même document en février 2016, janvier 2017, mars 2018 et janvier 2019, déclarant toujours habiter chez ses parents à Genève.

3) Elle a renouvelé sa demande d’aide sociale financière en février 2016, janvier 2017, mars 2018 et janvier 2019, sans jamais indiquer de changement dans sa fortune. Elle a informé l’hospice en janvier 2017 que son fils était devenu majeur. Dans le formulaire signé en mars 2018, elle a coché les cases « non » et « enfants » à la question de savoir si elle possédait des biens immobiliers, en Suisse ou à l’étranger.

Le 22 novembre 2018, son assistante sociale a demandé l’ouverture d’une enquête par le service compétent de l’hospice.

4) Entre les 1er février 2015 et 28 février 2019, l’hospice a versé à Mme A______ la somme totale de CHF 91'888.80.

5) Le 10 décembre 2018, Mme A______ a, dans un document intitulé « Déclaration : biens immobiliers », indiqué ne pas posséder un bien immobilier en Suisse ou à l’étranger. Ce document mentionnait plusieurs dispositions pénales, dont celle de l’escroquerie et celle punissant, conformément à l’art. 148a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, la personne qui, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induisait une personne en erreur ou la confortait dans son erreur, et obtenait de la sorte pour elle-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale.

6) Le 25 février 2019, un rapport d’enquête « complète » a été établi au sujet de la situation de l’intéressée. Celle-ci et son fils ont été entendus par le service d’enquêtes de l’hospice.

a. L’intéressée a déclaré vivre depuis 2013, avec son fils, dans une fourgonnette, immatriculée à Genève et appartenant à sa mère, tenant des propos contradictoires sur le stationnement dudit véhicule, et se servir de l’adresse genevoise de ses parents en tant qu’adresse postale. À la proposition de demander un logement social ou une place dans un hôtel, elle a répondu que c’était son choix et qu’elle préférait vivre dans son véhicule même si cela était très compliqué, l’audition de son fils à ce sujet allant dans le même sens. Ces déclarations n’étaient, selon l’inspecteur, pas corroborées par le constat effectué lors de la visite du véhicule dans lequel se trouvaient une planche en bois où l’intéressée déclarait dormir avec son fils, quelques vêtements dans un sac à dos, deux sacs de couchage, un réchaud d’appoint et quelques denrées alimentaires.

b. Le premier établissement scolaire français du fils a indiqué que l’adresse de celui-ci était, entre septembre 2003 et juillet 2013, « rue C______ », D______, en France, dans le département de l’Ain. Celui qu’il a fréquenté jusqu’au 31 août 2017 a annoncé comme adresse postale celle des parents de Mme A______ à Genève.

c. Le 18 février 2019, la mairie de D______ a répondu à l’inspecteur que Mme A______ et son fils habitaient à la rue C______ à D______ et que son véhicule était bien garé régulièrement dans la rue, sans toutefois indiquer depuis quelle date ils y étaient établis. Le 19 février 2019, le Centre des impôts fonciers lui a communiqué, en fournissant un relevé de propriété, que Mme A______ était propriétaire d’un bien immobilier à la rue C______, D______. L’inspecteur attendait une réponse du Service de publicité foncière pour savoir depuis quand l’intéressée était propriétaire.

7) Le 13 mars 2019, Mme A______ a annoncé son départ définitif pour B______, en France, « probablement [pour] deux mois sauf reconduction de contrat de travail », sans indiquer d’adresse. Elle conservait une adresse et une activité à Genève. Sa démarche ne concernait pas son fils.

8) Par décision de restitution du 9 juillet 2020, l’hospice a demandé à l’intéressée le remboursement de la somme totale de CHF 91'888.80, indûment perçue, correspondant à l’intégralité des prestations financières touchées.

Le rapport d’enquête du 25 février 2019 mettait en évidence qu’elle était propriétaire d’un bien immobilier à la rue C______, D______, en France, ce qu’elle n’avait jamais déclaré lors de sa demande d’aide financière en février 2015. Cet élément contrevenait à la disposition réglementaire fixant à CHF 6'000.- les limites de la fortune pour une personne avec un enfant à charge.

Le calcul prenait en compte les prestations d’aide sociale directement versées à l’intéressée par l’hospice, celles qu’il avait versées à des tiers en faveur de celle-ci (par ex. participations aux coûts de l’assurance-maladie) et la prestation d’aide sociale versée à son assureur-maladie par le service de l’assurance-maladie.

9) Le 30 août 2020, Mme A______ a formé opposition contre cette décision et demandé la remise sur le montant total. Elle n’avait, de bonne foi, pas mentionné la propriété de ce bien immobilier à D______ car elle n’en disposait plus depuis 2009, année où l’usufruit avait été cédé à une association à but non lucratif. Elle était de bonne foi dans ses déclarations et ses ressources ne lui permettaient pas de rembourser la somme réclamée. Elle ne pouvait pas vendre le bien car il était grevé d’un « usufruit non limité ».

10) Le 17 décembre 2020, l’hospice a signalé le cas de Mme A______ au Ministère public genevois (ci-après : MP), les faits lui étant reprochés pouvant être constitutifs d’une infraction au sens de l’art. 148a CP, et conclu à ce que l’intéressée soit condamnée à lui verser la somme totale précitée.

11) Le 5 mai 2021, l’hospice a demandé à Mme A______ de lui transmettre un extrait du registre foncier relatif au bien immobilier sis à la rue C______, D______, dont elle était propriétaire, ainsi que le document attestant de la constitution et de l’existence depuis 2009 de l’usufruit qu’elle invoquait dans son opposition.

Elle y a donné suite le 26 mai 2021 en produisant le relevé de propriété relatif audit bien immobilier, établi par le Centre des impôts fonciers de E______, ainsi que la convention d’usufruit datée du 15 décembre 2009 et son avenant du 16 décembre 2009 avec l’Association F______ (ci-après : l’association). Ledit relevé de propriété, qui serait le pendant de l’extrait du registre foncier suisse, ne mentionnait pas d’usufruit. L’intéressée expliquait n’avoir aucune obligation de le faire enregistrer auprès de l’administration française car il s’agissait d’une « cession d’usufruit sans transaction financière », et ne pas devoir déclarer à l’administration fiscale suisse la nue-propriété d’un bien qui ne constituait pas un élément de fortune. Elle demandait le retrait de la plainte pénale.

12) Par décision sur opposition et sur demande de remise du 17 juin 2021, l’hospice a confirmé sa décision du 9 juillet 2020 exigeant le remboursement de la somme de CHF 91’888.80, et rejeté l’opposition ainsi que la demande de remise de l’intéressée.

Celle-ci était propriétaire d’un bien immobilier en France qui n’était juridiquement pas grevé d’un usufruit. Le contrat passé avec l’association ne remplissait pas les conditions de forme d’un usufruit, ni ne correspondait à sa définition. Il s’agissait d’une simple mise à disposition d’une partie de son bien, à titre gratuit. Si l’usufruit portait sur un bien immobilier, il permettait à son bénéficiaire d’occuper personnellement le bien ou de le louer et d’encaisser les loyers, avec la charge d’en conserver la substance et l’obligation de supporter toutes les charges liées à sa jouissance. Or, ces caractéristiques faisaient défaut dans le cas d’espèce.

Ainsi, pendant toute la période d’aide financière, l’intéressée était propriétaire, et non nue-propriétaire, d’un bien immobilier qui ne lui servait pas de demeure permanente, ce qui l’excluait des cercles des bénéficiaires de l’aide sociale. En ne déclarant pas l’existence de son bien, elle avait violé son devoir de renseigner et conduit l’hospice à lui verser des prestations auxquelles elle n’avait pas droit. La demande de remboursement était donc justifiée. Comme la remise était soumise à deux conditions cumulatives, dont la bonne foi, et que celle-ci devait être niée parce qu’elle avait violé son devoir de renseigner, il ne fallait pas examiner la condition relative à la situation difficile dans laquelle pourrait la mettre le remboursement précité. Sa demande de remise était refusée. En cas de difficulté, elle pourrait contacter le service du recouvrement pour négocier la mise en place d’un plan de remboursement tenant compte de sa situation économique.

13) Le 17 août 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation ainsi qu’à celle de la décision du 9 juillet 2020, et subsidiairement à la remise de toute la somme réclamée.

Elle n’avait pas violé son obligation de renseigner et avait été de bonne foi. Elle avait indiqué à son assistante sociale, lors de leur entretien du 26 février 2015, qu’elle était nue-propriétaire d’un bien immobilier de faible valeur sis en France, qui faisait l’objet d’une convention d’usufruit depuis 2009 avec une association à but non lucratif. Elle avait alors explicitement demandé à l’assistante sociale si ce bien devait être annoncé dans le formulaire de demande et cette dernière lui avait répondu que c’était « inutile ». Elle pouvait démontrer ce fait par son audition et celle de l’assistante sociale. Selon une estimation du 29 avril 2021, ce bien était évalué à une somme située entre EUR 65'000.- et EUR 75'000.-, qui ne tenait pas compte de l’usufruit qui pourrait encore diminuer sa valeur. L’usufruit grevait toujours son bien, de sorte qu’elle ne pouvait pas en disposer librement. Elle n’avait ainsi commis aucune négligence grave ni adopté un comportement dolosif en se fiant aux indications données par l’assistante sociale lors de son premier entretien et en ne déclarant pas son bien immobilier en France, étant précisé qu’elle avait annoncé tous les changements pertinents et les trop perçus. Elle invoquait, dans ces circonstances, un comportement contradictoire de l’hospice. Celui-ci l’avait mal informée et lui avait accordé des prestations entre 2015 et début 2019, avant de lui réclamer leur remboursement en 2020 sur la base d’une enquête effectuée en 2019, laquelle lui aurait permis en 2015 déjà de découvrir l’existence du bien français « compte tenu du peu de difficulté que pos[ait] l’accès à [cette] information ». Elle ne pouvait se douter que l’information de l’assistante sociale était erronée. L’hospice devait respecter le principe de la bonne foi et ne pas ignorer l’impact de l’erreur de son employée sur sa situation.

Lors de l’enquête susmentionnée, elle avait expliqué vivre dans la camionnette de sa mère, conserver une adresse postale chez ses parents à Genève sans toutefois y résider physiquement, et ne pas habiter dans le bien immobilier sis à la rue C______, D______, en France, et ce pendant toute la période litigieuse. Elle vivait, à présent et à titre temporaire, sans autre précision temporelle, dans « une pièce de 12 m2 aménagée dans les locaux de l’association, pour laquelle elle a[vait] dû quémander une autorisation exceptionnelle au comité d’association ».

Elle produisait un courrier du 27 avril 2021 adressé par la trésorière de cette association au MP, selon lequel celle-ci jouissait d’un « droit légal de l’usufruit » du bien situé à la rue C______ à D______, qu’elle en avait besoin, qu’elle refusait de le céder ou de le modifier et qu’elle « compt[ait] le conserver ». La trésorière, co-fondatrice de l’association, s’était déjà opposée, « par le passé », à la demande de renoncer à cet usufruit et continuerait de le faire. Même si cela était « complexe » pour Mme A______ d’accepter, l’association avait besoin de ce bien pour assurer un lieu de stockage et d’entretien de son matériel, permettre l’accueil des adhérents et personnes souhaitant utiliser le matériel et garantir un espace disponible pour les réunions et la gestion de l’association. Le but principal de cette dernière était la mise à disposition de skis de randonnée, télémarks, chaussures et matériel d’alpinisme et le soutien d’actions facilitant la découverte de ces activités à des jeunes de moins de dix-huit ans. La trésorière avait néanmoins accepté en mars 2019, à certaines conditions, l’octroi temporaire d’une chambre pour l’usage personnel de Mme A______ afin qu’elle puisse prendre un emploi à contrat de durée déterminée en France et bénéficier de la couverture de la sécurité sociale. L’association n’envisageait pas de renoncer à cet usufruit.

En outre, l’hospice n’aurait motivé « ni en droit ni en fait » le fait que la convention passée avec cette association ne pouvait pas être qualifiée d’usufruit, cette question devant être examinée au regard de la législation française. Son appréciation était arbitraire et visait à exclure son statut de nue-propriétaire pour fonder la demande de restitution sur sa qualité de propriétaire. L’hospice ferait également preuve de formalisme excessif en la « sanctionn[ant] » alors qu’elle s’était conformée à ses exigences et avait toujours collaboré. Elle avait perçu à bon droit les prestations de l’hospice à hauteur de CHF 91'888.80. Par ailleurs, elle n’avait pas volontairement omis de l’informer sur sa situation financière, de sorte que sa bonne foi devait être admise. Elle n’avait alors pas d’emploi ni de revenu et ne pouvait librement disposer de son bien immobilier en France, grevé d’un usufruit et donc « impossible [à] réaliser ». Elle était sans logement, mais pouvait temporairement loger dans son bien français. Elle remplissait la condition de la situation difficile. Sa demande de remise devait lui être accordée.

14) L’hospice a conclu au rejet du recours, contestant les allégations au sujet des propos qu’aurait tenus l’assistante sociale, invoqués pour la première fois au stade du recours sans être corroborés par aucun élément du dossier. Cette dernière avait demandé l’ouverture d’une enquête en novembre 2018 car elle avait des doutes sur la résidence effective de l’intéressée.

L’estimation produite concernant la valeur de la propriété française de la recourante n’était pas réaliste. Des annonces publiées sur internet relatives à la vente de biens d’environ 40 m2 à D______ indiquaient des montants supérieurs, de l’ordre de EUR 160'000.-, même lorsque d’importants travaux étaient nécessaires, par exemple EUR 290'000.- pour un appartement de 40 m2 à D______ prévoyant des travaux, étant précisé que le bien de la recourante disposait de deux logements d’environ 40 m2 pouvant se rejoindre et d’un jardin attenant. La valeur réelle du bien était donc sous-estimée.

15) La recourante a, fin novembre 2021, produit plusieurs pièces au sujet de l’usufruit qui grèverait son bien, en particulier la lettre du 27 septembre 2021 de son avocat français adressée à la trésorière de l’association et des échanges entre elles. Dans cette lettre, elle a demandé à la trésorière d’accepter que l’association renonce à son droit d’usufruit sur son bien, ce qu’elle avait déjà sollicité en vain à plusieurs reprises, en lui proposant de continuer à mettre un espace au sein de sa maison à disposition de l’association. La trésorière, co-fondatrice avec elle-même, également co-fondatrice et présidente de ladite association, s’était à chaque fois opposée, par son droit de véto statutaire, à toute modification de la convention d’usufruit de 2009. La trésorière persistait dans ce refus malgré ses difficultés financières, mais acceptait une prise en charge équitable des frais et des charges de son bien.

16) L’hospice a maintenu sa position, ajoutant que, selon un notaire français contacté en décembre 2021, en droit français, la validité de l’usufruit sur un immeuble exigeait le respect de la forme authentique, condition ici non remplie.

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

2) La recourante sollicite son audition et celle de l’assistante sociale pour prouver le respect de son devoir de renseigner et sa bonne foi en lien avec son bien immobilier en France.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées). L’art. 41 phr. 2 LPA précise que les parties ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires.

b. En l’espèce, pour les raisons détaillées plus bas, les auditions sollicitées ne permettent pas d’établir un élément de fait déterminant pour l’issue du présent litige, vu les documents signés à plusieurs reprises par la recourante dans lesquels elle sollicitait l’aide de l’hospice, tout en omettant de signaler l’existence de son bien immobilier en France.

La chambre de céans renoncera donc à ces auditions.

3) Il convient d’abord d’examiner le bien-fondé de la demande de remboursement litigieuse, étant précisé que son montant n’est pas remis en cause.

a. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 phr. 2). Avec le règlement d'exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), elle concrétise les art. 12 Cst. et 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00 ; ATA/256/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).

b. Ses prestations sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 let. b LIASI), qui sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire et les membres du groupe familial doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doivent mettre tout en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI).

Le droit aux prestations d'aide financière naît dès que les conditions de la loi sont remplies, mais au plus tôt le 1er jour du mois du dépôt de la demande (art. 28 al. 1 LIASI). Il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (art. 28 al. 2 LIASI).

c. Dans certains cas prévus à l’art. 9 al. 3 LIASI, les prestations d’aide financière peuvent être accordées soit à titre d’avance, soit dans l’attente de certains événements énumérés dans cette norme, notamment la liquidation d’une succession mentionnée à la let. b en ces termes : « dans l’attente, notamment, de la liquidation d'une succession, du versement d'un capital pour cause de décès par la prévoyance professionnelle ou par une assurance-vie ». Le caractère exemplatif de cette disposition est admis par la chambre de céans (ATA/851/2019 du 30 avril 2019 consid. 4b ; ATA/1219/2015 du 10 novembre 2015 consid. 4).

Le caractère remboursable de ces prestations et les modalités de leur remboursement sont fixés par les art. 37 et 38 LIASI. En particulier, l’art. 38 s’applique aux prestations versées en application de l’art. 9 al. 3 let. b et c LIASI. Dans ces cas, l’hospice demande au bénéficiaire le remboursement des prestations d’aide financière accordées dès que le bénéficiaire peut disposer de sa part ou du capital correspondants (art. 38 al. 2 et al. 3 LIASI).

d. Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 LIASI). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (art. 8 al. 2 LIASI). L’art. 11 al. 1 LIASI précise que ces personnes doivent avoir leur domicile et leur résidence effective sur le territoire genevois (let. a), ne pas être en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondre aux autres conditions de la loi (let. c).

En vertu de l’art. 11 al. 4 LIASI, le Conseil d'État fixe par règlement les conditions d'une aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l'aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur notamment des personnes étrangères sans autorisation de séjour (let. e) et des personnes de passage (let. f).

e. Les prestations d'aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI). L'art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a) et de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser la somme de CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial (art. 1 al. 2 RIASI).

Les conditions et mode de calcul des prestations d’aide financière sont prévus aux art. 21 ss LIASI et 1 ss RIASI, notamment les revenus (art. 22 LIASI) et la fortune (art. 23 LIASI). À titre de fortune et en référence à l’art. 47 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), l’art. 6 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), applicable par renvoi de l’art. 23 al. 1 LIASI, prend en compte tous les immeubles situés dans et hors du canton (let. a). Toutefois, l’art. 23 al. 1 LIASI réserve certaines exceptions. Ne sont notamment pas considérés comme fortune les biens grevés d’un usufruit, ni pour l’usufruitier ni pour le nu-propriétaire (art. 23 al. 3 let. a LIASI). À ce sujet, l’art. 48 LIPP prévoit que la fortune grevée d’usufruit est imposable auprès de l’usufruitier.

Selon l’art. 745 Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), l’usufruit peut être notamment établi sur des immeubles (al. 1). Il confère à l’usufruitier, sauf disposition contraire, un droit de jouissance complet sur la chose (al. 2). L’usufruit d’un immeuble peut être limité à une partie définie d’un bâtiment ou de l’immeuble (al. 3). En vertu de l’art. 746 al. 1 CC, l’usufruit des choses mobilières et des créances s’établit par leur transfert à l’usufruitier, celui des immeubles par l’inscription au registre foncier.

f. Selon l’art. 12 al. 2 LIASI, exceptionnellement, une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l'aide financière accordée est remboursable (art. 39 al. 1 LIASI). L'immeuble peut être grevé d'une hypothèque au profit de l'hospice. À teneur de l’art. 39 al. 2 LIASI, l’hospice demande le remboursement de prestations versées à un propriétaire d’un bien immobilier en vertu de l’art. 12 al. 2 LIASI, dès que le bénéficiaire ne remplit plus les conditions de l'art. 8 al. 1.

Cette exception s’explique par le fait que la valeur d'un immeuble dépasse pratiquement toujours les limites de fortune fixées à l'art. 1 al. 1 RIASI, une personne propriétaire d'un immeuble n'aura pratiquement jamais droit à des prestations d'aide financière (ATF 146 I 1 consid. 6.4). La volonté du législateur était d’offrir l’aide de l’hospice à une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et qu’elle se retrouve sans toit, à certaines conditions notamment que ledit logement constitue sa demeure permanente (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007 ; ATA/10/2020 du 7 janvier 2020 consid. 2f et les références citées).

Dans un arrêt concernant une personne ayant d’emblée déclaré être propriétaire d’un bien immobilier en France voisine ne servant pas de demeure permanente, la chambre administrative lui a refusé l’aide financière (ATA/1219/2015 du 10 novembre 2015). Ce refus était fondé sur l’art. 12 al. 2 LIASI et sur le raisonnement que, pour bénéficier de l’aide financière accordée à titre d’avance au sens de l’art. 9 al. 3 let. a LIASI, il fallait préalablement être qualifié de bénéficiaire des prestations financières de la LIASI, condition non réalisée vu que le bien immobilier (français) n’était pas la demeure permanente du recourant. Son interprétation, selon laquelle la ratio legis de l’art. 9 al. 3 let. a LIASI serait d’éviter, par l’octroi d’une avance, que des personnes propriétaires d’un bien immobilier ne leur servant pas de demeure permanente doivent aliéner ce bien dans l’attente du versement de prestations sociales ou d’assurances sociales, a aussi été rejetée car elle ne reposait sur aucune base (consid. 4).

Dans une autre affaire concernant un ressortissant indien, victime de traite d’êtres humains, ayant d’emblée annoncé être propriétaire d’un bien immobilier dans son pays et obtenu une aide financière exceptionnelle dont le caractère remboursable était litigieux, la chambre administrative a admis la non-application de l’art. 12 al. 2 LIASI. Toutefois, elle a invité l’hospice à examiner si la valeur dudit bien se trouvait dans les limites de fortune fixées par l’art. 1 al. 1 RIASI (soit CHF 4'000.- pour une personne seule majeure), avant d’exclure d’emblée le recourant de l’aide financière, indépendamment de la valeur du bien, sous peine d’aboutir à une situation absurde. Si certes le recourant n’avait produit aucun document probant relatif à la valeur de son immeuble, rien n’indiquait que celle-ci serait supérieure au seuil fixé vu la situation de précarité dans laquelle il se trouvait. En présence d’une fortune respectant la limite de l’art. 1 al. 1 let. a RIASI, le recourant était fondé à bénéficier d’une aide financière en application de la LIASI, sans que l’hospice n’assortisse celle-ci d’une obligation de remboursement ni de l’obligation de signer mensuellement une reconnaissance de dette, conditions non prévues par la loi dans une telle situation (ATA/256/2020 du 3 mars 2020 consid. 5).

g. Dans une affaire genevoise récente (ATF 146 I 1 - cause 8C_444/2019), le Tribunal fédéral a rappelé que, selon le principe de la subsidiarité, qui s'applique tant dans le cadre de l'aide sociale cantonale que dans le cadre de l'aide d'urgence selon l'art. 12 Cst., l'aide n'intervient que si la personne ne peut pas subvenir elle-même à ses besoins et si toutes les autres sources d'aide disponibles ne peuvent pas être obtenues à temps et dans une mesure suffisante. Ainsi, pour apprécier si une personne est dans le besoin, il faut tenir compte des ressources qui sont immédiatement disponibles ou qui sont réalisables à court terme. En l'absence de ressources disponibles ou réalisables à court terme, l'intéressé doit être considéré comme étant dans le besoin et l'État doit au moins lui accorder une aide à titre transitoire (consid. 8.2.1 et les références citées).

Les ressources du demandeur d'aide comprennent aussi sa fortune, soit l'argent liquide, les choses mobilières (telles que véhicules privés ou objets de valeur), les immeubles, les créances et autres droits (avoirs bancaires, titres, assurances vie, participation à des sociétés, quote-part d'une succession non partagée), en bref l'ensemble des droits subjectifs ayant une valeur patrimoniale. Ces ressources doivent être prises en compte, conformément aux principes précités, si elles sont immédiatement disponibles ou réalisables à court terme. Sinon, le demandeur d'aide doit les réaliser aussi rapidement que possible. Lorsque l'élément de fortune constitue un bien-fonds, il ne peut en général pas être réalisé à court terme ou à temps pour couvrir les besoins actuels du demandeur d'aide. Dans l'intervalle, celui-ci doit pouvoir compter sur une aide de l'État, qu'il remboursera dès la réalisation des éléments de fortune en question (consid. 8.2.2 et les références citées).

En cas d’une succession non partagée (communauté de propriété en main commune), il faut l’accord de tous les héritiers pour réaliser les biens en question et ainsi subvenir à ses besoins ou, à défaut d’un tel accord, ouvrir une action en partage. L’autorité compétente en matière d’aide sociale doit le cas échéant fixer à l’héritier sollicitant l’aide sociale un délai approprié à cet effet. Jusqu’à ce que le partage intervienne et que le demandeur d'aide dispose ainsi de moyens propres pouvant être affectés à son entretien, l'État doit lui accorder une aide transitoire, sous forme d'avances remboursables (consid. 8.2.3).

Dans cette affaire genevoise, l'immeuble dont la recourante était propriétaire en main commune, en communauté héréditaire avec ses deux sœurs, ne constituait pas une ressource immédiatement disponible vu qu’elle ne pouvait en disposer qu'en commun avec ses cohéritières et que, faute d'accord sur le partage, elle avait dû ouvrir une action en partage, ce qu'elle avait fait. Dans la mesure où la recourante ne disposait pas des moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine, les juges cantonaux avaient violé l'art. 12 Cst. en confirmant le refus de l'autorité intimée de lui verser quelque prestation que ce soit au motif qu'elle disposait d'une fortune supérieure aux normes en vigueur, alors que celle-ci était en l'état indisponible. Le jugement cantonal ne pouvait pas être confirmé, étant précisé que l'art. 12 Cst. ne garantissait que la couverture des besoins élémentaires (consid. 8.3).

Pour les prestations ordinaires de l’aide sociale, incombant aux cantons et se distinguant de l’aide d’urgence de l’art. 12 Cst. (consid. 5), le Tribunal fédéral a également considéré que la recourante pouvait y prétendre sur la base de l’art. 9 al. 3 let. b LIASI, mais à titre d’avance et avec l’obligation de les rembourser dès qu’elle disposerait de sa part de succession (consid. 9.3). L’interprétation cantonale vidait cette disposition de son sens, les éléments de fortune de la recourante n’étant pas immédiatement disponibles pour couvrir ses besoins d’entretien. Rien ne justifiait, selon notre Haute Cour, de conditionner le versement de l’aide transitoire de l’art. 9 al. 3 let. b LIASI à la possibilité d’être qualifié de bénéficiaire des prestations financières de la LIASI. Si une personne remplissait les conditions pour bénéficier de celles-ci, elle n’aurait a priori aucun intérêt à demander une avance sur la base de cette disposition, étant rappelé que, selon les juges cantonaux, les avances visées par cette norme ne se différenciaient pas de l’aide financière générale (consid. 9.2).

h. Le Tribunal fédéral reconnaît les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (ci-après : CSIAS) relatives à la conception et au calcul de l’aide sociale. Il s’agit de recommandations à l’intention des autorités sociales des cantons, des communes, de la Confédération et des institutions sociales privées, non contraignantes mais contribuant à harmoniser la notion de besoin dans l’aide sociale (ATF 146 I 1 consid. 5.2). Élaborées en collaboration avec les cantons, les communes, les villes et les organismes d’aide sociale privée, approuvées par la Conférence suisse des directeurs cantonaux des affaires sociales (ci-après : CDAS) et régulièrement révisées, les normes CSIAS visent à garantir la sécurité juridique et l’égalité de droit (site internet de la CSIAS in : https://skos.ch/fr/les-normes-csias/origine-et-signification, consulté en mai 2022).

Selon la norme CSIAS D.3.1, dans sa version du 1er janvier 2021, accessible sur le site des normes de la CSIAS in https://rl.skos.ch/lexoverview-home/lex-RL_A_1 (consulté en mai 2022), font partie de la fortune tous les biens sur lesquels une personne demandant une aide a un droit de propriété. Le besoin d’aide est évalué sur la base des biens effectivement disponibles ou réalisables à court terme (al. 1). Certains biens peuvent ne pas être pris en compte lorsque (al. 2) : une rigueur excessive en résulterait pour les bénéficiaires de l’aide ou leurs proches (let. a), l’utilisation ne serait pas rentable (let. b) ; ou la vente d’objets de valeur ne serait pas raisonnablement exigible pour d’autres raisons (let. c). Un délai approprié doit être accordé pour la vente des actifs réalisables. Si nécessaire, une aide financière est accordée dans l’intervalle (al. 3).

Le commentaire CSIAS de la norme D.3.1 (point c) concernant les biens non réalisables à court terme, comme en cas de copropriété dans une hoirie ou de propriété immobilière, précise qu’il est possible que des personnes demandant une aide possèdent des biens qui doivent être pris en compte et dont la valeur dépasse le montant de la franchise, mais que la réalisation de tels biens peut s’avérer impossible à court terme. Dans de tels cas, malgré la présence d’une fortune, une situation de détresse peut survenir faute de liquidités. Les besoins de base seront alors couverts à titre d’avance. Un délai approprié sera fixé pour la vente des biens en question. De même, le remboursement de prestations d’aide consenties à titre d’avances devra être assuré.

La norme CSIAS D.3.2, dans sa version du 1er janvier 2021, relative à la propriété immobilière dispose que les biens immobiliers en Suisse et à l’étranger font partie de la fortune. Ils sont pris en compte dans l’examen des conditions d’octroi. Il n’existe aucun droit à leur conservation (al. 1). Il est possible de renoncer à la vente d’un bien immobilier dans quatre cas de figure (al. 2), lorsqu’un bien immobilier est occupé par la personne bénéficiaire qui peut y loger aux conditions du marché ou à des conditions plus avantageuses encore (let. a), lorsque l’aide sera vraisemblablement de courte ou de moyenne durée (let. b), lorsque l’aide est d’un montant relativement faible (let. c) ou lorsque le produit de la vente s’avère trop peu élevé en raison des conditions du marché (let. d). Lorsqu’on renonce à la réalisation du bien, des mesures appropriées doivent être prises pour garantir le remboursement (al. 3).

Le commentaire CSIAS de la norme D.3.2 précise que les personnes possédant des biens immobiliers ne doivent pas être mieux loties que celles ayant des biens sous forme de comptes épargne ou de titres, soulignant qu’il n’existe pas de droit de conserver une propriété immobilière (point a). Une aide accordée malgré une propriété immobilière est considérée comme une avance. Le remboursement d’une telle aide consentie à titre d’avance peut être garanti par la constitution d’un gage immobilier (point b).

À titre d’aide pratique, la commission Questions juridiques de la CSIAS a élaboré une notice intitulée « Biens immobiliers en Suisse et à l’étranger », accessible sur le site internet précité. Il s’agit de recommandations en matière de biens immobiliers, qui entre autres mentionnent les principes en matière de propriété de tels biens (par ex. subsidiarité, proportionnalité, soutien pendant la réalisation, détermination de la valeur, y compris de biens immobiliers situés à l’étranger, détermination du régime de propriété à l’étranger, possibilités de réalisation) et présentent les possibilités de procéder en cas de propriété immobilière (aliénation, mise en location, hypothèque de sûreté).

i. Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

L’art. 35 LIASI règle les cas où les prestations d’aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées (al. 1), notamment lorsque le bénéficiaire, intentionnellement, ne s’acquitte pas de son obligation de collaborer au sens de l’art. 32 LIASI (let. c) ou qu’il refuse de donner les informations requises (art. 7 et 32 LIASI), donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d). L’hospice rend alors une décision écrite et motivée, avec les voies de droit (al. 2). Les décisions de réduction sont rendues pour une durée déterminée à l’échéance de laquelle la situation est réexaminée (al. 3), la durée maximale étant de douze mois (art. 35 al. 1 RIASI). Le Conseil d’État précise, par règlement, les taux de réduction applicables (art. 35 RIASI). Dans tous les cas, le bénéficiaire doit disposer d’un montant correspondant à l’aide financière versée aux étrangers non titulaires d’une autorisation de séjour régulière (al. 4).

4) a. Sous réserve des cas spécifiques tels que les art. 37 à 39 LIASI, le remboursement des prestations d’aide financière est régi par l’art. 36 LIASI. Est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). L’hospice réclame, par décision écrite, au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

b. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, une prestation reçue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/336/2020 du 7 avril 2020 consid. 6b ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 7 ; ATA/54/2013 du 29 janvier 2013 consid. 6 ; ATA/193/2006 du 4 avril 2006 consid. 3b).

Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps (ATA/336/2020 précité consid. 6b ; ATA/1083/2016 du 20 décembre 2016 consid. 12b ; ATA/35/2005 du 25 janvier 2005 consid. 4). Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/336/2020 précité consid. 6b et les références citées ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 consid. 5).

Ainsi, lorsque la personne sollicitant l’aide sociale ne déclare pas posséder un bien immobilier, elle viole son devoir de renseigner. Il lui appartient en effet de signaler l’existence du bien en précisant, si elle les estime pertinentes, les circonstances dans lesquelles elle l’a acquis. L’examen de l’éventuelle prise en compte de ce bien dans le calcul du droit aux prestations incombe à l’autorité intimée et non au bénéficiaire des prestations. La violation de ce devoir conduit à nier sa bonne foi, ce d’autant plus si l’immeuble se trouve à l’étranger, vu l’absence de moyen pour l’hospice de vérifier la fausse indication, régulièrement répétée, et cette violation constitue une faute grave (ATA/1237/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3a). Dans cette affaire, en tant que propriétaire d’un bien immobilier ne servant pas de demeure permanente, la recourante aurait dû se voir refuser toute prestation conformément à l’art. 12 al. 2 LIASI. L’entier des prestations a dès lors été perçu indûment. Toutefois, vu les circonstances particulières, l’hospice ne pouvait pas procéder à la simple demande de remboursement des prestations indûment perçues, de sorte que la cause lui a été renvoyée pour déterminer le montant à rembourser en fonction de toutes les circonstances et de tenter de trouver un accord raisonnable de remboursement (ATA/1237/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3b).

c. Dans une affaire genevoise récente, le Tribunal fédéral a conclu à une application arbitraire de l’art. 36 LIASI par la chambre de céans. Cette dernière confirmait une demande de remboursement de prestations alors qu’elle admettait, dans son argumentation, que ces prestations n’avaient pas été touchées sans droit puisque si la recourante avait satisfait à son devoir de collaboration (en annonçant le retour de son mari au domicile familial, ce qu’elle n’avait pas fait), l’aide financière allouée aurait même été plus importante. Le jugement entrepris portait sur la question de la bonne foi de la recourante au sens de l’art. 36 al. 3 LIASI en rapport avec la violation – en soi non contestée – de son devoir de collaboration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_499/2019 du 20 février 2020 consid. 7.2).

Sur ce dernier point et sous l’angle de l’arbitraire, les considérations des juges cantonaux n’apparaissaient, selon notre Haute Cour, pas critiquables. Cela ne lui permettait toutefois pas de confirmer le bien-fondé de la décision de restitution des prestations litigieuses. En effet, l’art. 36 LIASI prévoyait que les prestations sujettes à remboursement étaient celles perçues indûment, à savoir toute prestation touchée sans droit (al. 1). Or, la cour cantonale avait précisément considéré qu’en tenant compte de la présence du mari, la famille aurait tout de même eu droit aux prestations d’aide financière, et même à de plus amples prestations que celles effectivement versées. Dans ces conditions, il n’y avait pas matière à restitution, indépendamment de la bonne ou mauvaise foi de la recourante. Cela ne signifiait toutefois pas qu’en pareilles circonstances, une violation du devoir de collaboration pouvait rester impunie, le Tribunal fédéral relevant que, dans cette affaire, en sus de la demande de remboursement, l’hospice avait supprimé le droit aux prestations d’aide financière, ce qui n’était pas contesté. Le recours contre l’arrêt cantonal a donc été admis (consid. 7.2).

5) En l’espèce, l’hospice a motivé le remboursement litigieux des prestations sociales financières versées à la recourante sur une jurisprudence constante de la chambre de céans, selon laquelle une prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation indûment perçue. Or, l’arrêt 8C_499/2019 précité du Tribunal fédéral remet en cause cette jurisprudence. Sur la base de l’art. 36 al. 1 LIASI, le Tribunal fédéral considère qu’il n’y a pas matière à restitution, indépendamment de la bonne ou mauvaise foi de l’intéressée, si en tenant compte de l’élément caché, la demandeuse d’aide aurait quand même eu droit auxdites prestations, voire à davantage. En revanche, le Tribunal fédéral ne critique pas que la violation du devoir de collaboration par l’intéressée conduit à nier sa bonne foi au sens de l’art. 36 al. 3 LIASI.

En conséquence, il convient de procéder en deux temps. Premièrement, il faut examiner la question, fondée sur l’art. 36 al. 1 LIASI, de savoir si la personne sollicitant l’aide sociale financière a droit à celle-ci en tenant compte de tous les éléments, y compris ceux qu’elle n’aurait pas annoncés, pour déterminer si le versement des prestations perçues est indu. Deuxièmement, se pose, en vertu de l’art. 36 al. 3 LIASI, la question de sa bonne ou mauvaise foi, étant précisé que la violation du devoir d’informer conduit, de jurisprudence fédérale et cantonale constante, à nier la bonne foi. Par conséquent, l’hospice ne peut plus conclure qu’une violation du devoir de renseigner permet d’admettre un versement indu de prestations au sens de l’art. 36 LIASI, sans que le droit à celles-ci soit examiné.

Le rapport peu clair entre l’art. 36 al. 3 LIASI et l’art. 42 al. 1 LIASI relatif à la remise a déjà été relevé par la chambre administrative (ATA/167/2014 du 18 mars 2014 consid. 8). À vrai dire, ces deux dispositions peuvent apparaître redondantes en cas de mauvaise foi, notamment lors d’une violation du devoir d’informer, dans l’hypothèse où le demandeur d’aide n’aurait pas droit aux prestations sociales financières octroyées, puisque même sa situation financière difficile ne lui permettrait pas de se soustraire au remboursement. En revanche, dans cette même hypothèse mais en cas de bonne foi du demandeur d’aide, l’art. 36 al. 3 LIASI empêche d’exiger de cette personne le remboursement de prestations indûment versées, et ce indépendamment de sa situation financière difficile au sens de l’art. 42 al. 1 LIASI. L’art. 36 al. 3 LIASI semble avoir pour effet qu’une personne de bonne foi – et n’ayant pas commis de faute au sens de l’art. 36 al. 2 LIASI – n’aurait pas à justifier de sa situation financière difficile, ni a fortiori à demander la remise, pour s’opposer au remboursement des prestations touchées par erreur. Quoi qu’il en soit, l’articulation entre ces deux dispositions ne change rien au raisonnement en deux temps susévoqué, découlant de l’arrêt 8C_499/2019 précité du Tribunal fédéral et de la lettre de l’art. 36 al. 1 LIASI.

6) Suivant ce raisonnement, il convient d’abord d’examiner si la recourante aurait eu droit à des prestations de l’hospice si elle avait annoncé, en février 2015, posséder son bien immobilier à D______, en France voisine.

a. Tout d’abord, malgré ses allégations appuyées par l’autre co-fondatrice et trésorière de son association où elle occupe la fonction de présidente, la recourante ne démontre pas que l’usufruit relatif à son immeuble français remplirait les conditions exigées par le droit suisse pour la constitution d’un usufruit sur un immeuble, à savoir l’inscription de l’usufruit au registre foncier (art. 746 al. 1 CC). En effet, le relevé français de propriété produit ne mentionne pas l’usufruit dont elle se prévaut, et la recourante n'établit pas qu'en droit français la constitution d'un usufruit, fût-ce par voie contractuelle, ne serait pas soumise à l'obligation de publicité (il semble du reste que ce soit le contraire, dès lors que selon l'art. 7 al. 2 du décret n° 55-22 portant réforme de la publicité foncière, la constitution sur une fraction de parcelle d'un droit d'usufruit est considérée comme un changement de limite de propriété, et donc soumise audit décret). C’est donc à bon droit que l’hospice a refusé de tenir compte de l’usufruit allégué par la recourante sur son bien immobilier français.

b. Cet immeuble français qui appartient à la recourante doit être pris en compte dans sa fortune (art. 23 al. 1 LIASI cum art. 6 let. a LRDU). Dans la mesure où il ne lui sert, a priori, pas de demeure permanente, elle n’a pas le droit de bénéficier de l’aide financière remboursable prévue à l’art. 12 al. 2 LIASI. Si par hypothèse il s’agissait de sa demeure permanente, elle n’aurait alors aucun droit à une quelconque prestation de l’hospice, faute de domicile et résidence effective dans le canton de Genève (art. 11 al. 1 let. a LIASI). En l’espèce, il existe des doutes au sujet du domicile et de la résidence effective de la recourante sur le territoire genevois pendant la période où les prestations litigieuses ont été versées. Ils n’ont toutefois pas été étayés par l’autorité intimée de manière à exclure, pendant la période d’aide sociale, toute présence à Genève de la recourante qui y a travaillé. Ce point peut ainsi rester indécis, vu les considérations qui suivent au sujet du remboursement des prestations touchées par la recourante.

c. La question de la valeur du bien immobilier français est en l’espèce controversée. Elle serait de l’ordre de EUR 160'000.- au minimum selon l’hospice alors que la recourante produit une estimation située entre EUR 65'000.- et EUR 75'000.- avec un risque de valeur inférieure. Quoiqu’il en soit, la valeur de ce bien dépasse à tout le moins la limite maximale de CHF 10'000.- prévue par l’art. 1 al. 2 RIASI. Cela exclurait, selon l’arrêt ATA/1219/2015 précité, la recourante du cercle des bénéficiaires des prestations financières prévues par la LIASI.

Or, dans l’ATF 146 I 1, le Tribunal fédéral a rappelé que, pour apprécier si une personne est dans le besoin, il faut tenir compte des ressources qui sont immédiatement disponibles ou réalisables à court terme (consid. 8.2.1), précisant le cas d’un bien-fonds. Lorsque la fortune est composée d’un tel élément, alors il ne peut, selon notre Haute Cour, pas être réalisé à court terme ou à temps pour couvrir les besoins actuels du demandeur d’aide. Dans l’intervalle, celui-ci doit pouvoir compter sur une aide de l’État, qu’il remboursera dès la réalisation de l’élément de fortune en cause (consid. 8.2.2). Le Tribunal fédéral a également exclu de conditionner le versement de l’aide transitoire de l’art. 9 al. 3 let. b LIASI à la possibilité d’être qualifié de bénéficiaire des prestations financières de la LIASI (consid. 9.2).

Les normes CSIAS susmentionnées vont dans le même sens que cette jurisprudence fédérale, la propriété immobilière étant un des exemples de biens non réalisables à court terme (point c du commentaire de la norme CSIAS D.3.1, dans sa version du 1er janvier 2021). Selon ce commentaire, une situation de détresse peut être admise, faute de liquidités, pour des demandeurs d’aide sociale, propriétaires de biens dépassant la valeur limite mais dont la réalisation peut s’avérer impossible à court terme. Ledit commentaire préconise, dans ce type de situation, de couvrir les « besoins de base » à titre d’avance, de fixer un délai « approprié » pour la vente des biens en question et d’assurer le remboursement des prestations d’aide consenties à titre d’avance. S’il n’existe aucun droit à la conservation des biens immobiliers, en Suisse ou à l’étranger, des demandeurs d’aide sociale (normes CSIAS D.3.2, dans sa version du 1er janvier 2021, al. 1), il est possible de renoncer à leur vente dans certains cas, notamment lorsque la personne peut y loger à certaines conditions (let. a) ou lorsque le produit de la vente s’avère trop peu élevé en raison des conditions du marché (let. d ; norme CSIAS D.3.2, dans sa version du 1er janvier 2021, al. 2). La norme CSIAS D.3.2 précitée exige alors que des « mesures appropriées » soient prises pour garantir le remboursement (al. 3). Le commentaire relatif à cette norme CSIAS D.3.2 précise qu’une aide accordée malgré une propriété immobilière est considérée comme une avance et que le remboursement d’une telle aide, consentie à titre d’avance, peut être garanti par la constitution d’un gage immobilier (point b). La notice susmentionnée d’une commission de la CSIAS présente différentes possibilités de procéder en cas de propriété immobilière (aliénation, mise en location, hypothèque de sûreté).

Par conséquent, dans l’hypothèse où la recourante avait effectivement son domicile et sa résidence effective dans le canton de Genève entre février 2015 et février 2019, elle aurait pu avoir droit à une aide transitoire limitée et remboursable, dans l’attente de la réalisation de son bien immobilier français, conformément à la jurisprudence fédérale et aux normes CSIAS précitées. Même si ce cas de figure n’est pas prévu par la LIASI, il peut trouver un ancrage légal à l’art. 9 al. 3 let. b LIASI dont le caractère exemplatif a été admis par la chambre de céans, étant précisé que son application ne peut pas être conditionnée à la qualité préalable de bénéficiaire des prestations financières de la LIASI selon l’ATF 146 I 1 consid. 9.2. Le fait que cette hypothèse ait été exclue par le législateur genevois, qui a soumis la possibilité de verser des avances remboursables à la condition que le bien immobilier appartenant au demandeur d’aide soit sa demeure permanente (art. 12 al. 2 LIASI), n’a pas d’impact sur le principe de l’octroi d’une aide sociale, mais sur l’étendue (ou nature) de celle-ci. En effet, le droit fédéral ne peut imposer aux cantons une aide sociale qu’au titre de l’aide d’urgence au sens de l’art. 12 Cst. ; celle-ci vise uniquement la couverture des besoins élémentaires, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base (ATF 146 I 1 consid. 5.1 et les arrêts cités). C’est d’ailleurs ce type d’aide qui est prévu, sous les termes de « besoins de base », par le commentaire CSIAS de la norme D.3.1 concernant, entre autres, les biens immobiliers non réalisables à court terme. Les normes CSIAS ne sont que des recommandations qui ne priment pas le droit cantonal, mais visent une certaine harmonisation de leurs normes en vue d’une sécurité juridique et une égalité de droit.

Ainsi, si la recourante avait annoncé la propriété de son bien immobilier français, l’hospice aurait dû lui fournir, pour autant qu’elle ait habité effectivement dans le canton de Genève et à défaut d’autres ressources disponibles, à tout le moins une aide transitoire fondée sur l’art. 12 Cst., à titre d’avance remboursable. L’octroi même de cette aide soumet la bénéficiaire de celle-ci à l’obligation de la rembourser à l’hospice. Cette aide se caractérise par cette obligation, contrairement au principe selon lequel les prestations sociales d’aide financière ne sont généralement pas remboursables sous certaines réserves (art. 8 al. 2 LIASI).

d. Les questions de l’étendue et de la durée de cette aide transitoire peuvent rester in casu ouvertes, vu que la recourante a, de toute façon, touché la somme litigieuse à titre de prestations sociales financières, faute d’avoir respecté son devoir d’informer prévu aux art. 32 al. 1 et 33 al. 1 LIASI ainsi que dans les documents qu’elle a signés.

Certes, si elle avait déclaré l’existence de son bien immobilier en France, l’hospice aurait pu limiter l’aide octroyée, en particulier en la restreignant aux prestations minimales dues au titre de l’aide d’urgence. En outre, l’art. 9 al. 2 LIASI impose à tout bénéficiaire de mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière. À défaut de biens immédiatement disponibles ou réalisables à court terme, le Tribunal fédéral estime que le demandeur d’aide doit les réaliser aussi rapidement que possible et que l’aide transitoire de l’État est versée dans l’intervalle jusqu’à la réalisation de l’immeuble (ATF 146 I 1 consid. 8.2.2). Les normes CSIAS prévoient, entre autres, un délai approprié pour la réalisation des immeubles non réalisables à court terme, comme déjà exposé plus haut. Ainsi, même si la fixation de ce délai dépend des circonstances et relève du libre pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée, il apparaît en l’espèce peu probable que le délai de quatre ans pendant lequel la recourante a touché les prestations litigieuses aurait été celui de l’aide transitoire si elle avait respecté son devoir d’information. Ce point n’a toutefois pas à être développé puisque l’hospice a été empêché d’exercer cette prérogative par la recourante, qui ne lui a pas annoncé son bien immobilier français.

Dans ce type de configuration, le caractère remboursable des prestations sociales financières litigieuses est, de toute manière, incontestable. Il en va ainsi que ce soit sur la base d’une application, par analogie, de l’art. 38 al. 1 LIASI cum art. 9 al. 3 let. b LIASI pour l’aide transitoire qui aurait dû être versée à titre d’avance remboursable dans l’attente de la réalisation du bien immobilier, ou d’une application de l’art. 36 LIASI pour la période allant au-delà du délai approprié pendant lequel une telle aide aurait été versée à la recourante, voire pour les prestations que celle-ci aurait touchées alors que le domicile et sa résidence effective auraient été en France entre février 2015 et février 2019. Quelle qu’eût été la durée fixée par l’hospice pour procéder à la vente du bien immobilier français de la recourante, l’aide sociale perçue par cette dernière doit être remboursée à l’hospice à teneur de ces deux dispositions, étant précisé que cette obligation de remboursement est également prévue par les normes CSIAS susmentionnées. Le fait que le remboursement au sens de l’art. 38 al. 2 et al. 3 LIASI, applicable par analogie et au regard de la jurisprudence fédérale précitée, ne soit demandé que dès la réalisation du bien immobilier de la demandeuse d’aide, c’est-à-dire à partir du moment où ses ressources lui sont disponibles, ne change rien in casu. En effet, cela présuppose que cette réalisation intervienne dans un délai approprié comme évoqué plus haut, voire le plus rapidement possible selon le Tribunal fédéral, ce qui n’a pas pu se faire en l’espèce puisque la recourante n’a pas annoncé l’existence de son bien immobilier français. Par ailleurs, l’art. 38 al. 2 et 3 LIASI, applicable par analogie, n’empêche pas de prendre des mesures appropriées visant à garantir le remboursement des prestations versées à la recourante. Quant à un éventuel solde soumis au remboursement fondé sur l’art. 36 LIASI, la condition selon laquelle il ne peut être réclamé qu’en cas de mauvaise foi du demandeur d’aide (al. 3), est, de toute évidence, réalisée in casu, vu que la recourante n’a pas déclaré à l’hospice être propriétaire de son bien immobilier en France, ce comportement étant également fautif, à tout le moins par négligence, au sens de l’art. 36 al. 2 LIASI.

Ainsi, le fait que la recourante aurait eu droit, si elle s’était conformée à son devoir de renseigner, à l’aide transitoire susévoquée ne modifie au final rien au fait qu’elle doit rembourser la somme réclamée. Dès lors, la décision litigieuse exigeant le remboursement de la somme de CHF 91'888.80 doit être confirmée, le cas échéant par substitution de motifs (art. 69 al. 1 LPA). Le recours doit donc être rejeté sur ce point.

e. Enfin, la question des modalités du remboursement querellé ne fait pas l’objet de la décision litigieuse et n’a dès lors pas à être examinée. Il revient à l’hospice de déterminer, dans le respect du cadre légal susmentionné et du principe de la proportionnalité, la manière de procéder au remboursement des prestations versées à la recourante, en tenant compte des circonstances particulières, notamment du fait que celle-ci n’a pas annoncé l’existence de son bien immobilier français. Cet élément a une importance certaine vu qu’il a empêché la réalisation de ce bien dans un délai approprié, avec pour conséquence une prolongation de l’indisponibilité des ressources financières de la recourante, susceptible d’affecter son besoin d’aide sociale. Cela étant, l’autorité intimée dispose en la matière d’une liberté d’appréciation, notamment dans le choix des moyens adéquats pour obtenir et, le cas échéant, garantir le remboursement litigieux, qui est plus large, au regard des recommandations précitées de la CSIAS, que la seule voie de la vente du bien immobilier français.

7) Il reste à examiner le bien-fondé du refus de la remise sollicitée.

a. Selon l’art. 42 al. 1 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile.

b. De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4b ; ATA/193/2016 du 1er mars 2016 consid. 4d et les arrêts cités). Indépendamment du rapport peu clair entre l’art. 36 al. 2 et al. 3 LIASI et l’art. 42 al. 1 LIASI, déjà évoqué (ATA/167/2014 du 18 mars 2014 consid. 8), un administré qui a contrevenu à son obligation d’information ne peut se prévaloir de sa bonne foi (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4b ; ATA/193/2016 du 1er mars 2016 consid. 4e et les arrêts cités).

c. En l’espèce, la recourante n’a mentionné l’existence de son bien immobilier à D______, en France voisine, dans aucun des documents dans lesquels elle a sollicité l’aide sociale et qu’elle a signés entre sa première demande en février 2015 et janvier 2019, alors qu’elle ne pouvait ignorer ses obligations d’information mentionnées dans le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » qu’elle a signé, à plusieurs reprises, pendant cette même période. Elle a toujours répondu par la négative à la question de savoir si elle possédait des biens immobiliers en Suisse ou à l’étranger. Elle a en particulier maintenu cette version des faits dans le document du 10 décembre 2018, intitulé « Déclaration : biens immobiliers », qu’elle a rempli après la demande d’ouverture d’enquête par son assistante sociale le 22 novembre 2018. La recourante n’a ainsi jamais annoncé à l’hospice l’existence de son bien immobilier français et a donc violé son devoir d’informer. Cela conduit, selon la jurisprudence constante, à nier sa bonne foi.

Les allégations imputées à son assistante sociale qui aurait qualifié d’« inutile » le fait de déclarer son immeuble sis en France ne sont pas rendues suffisamment vraisemblables. En effet, dans les annotations relatives au premier entretien de février 2015 avec la recourante, l’assistante sociale n’a fait aucune allusion à l’existence d’un bien immobilier qui serait de faible valeur, appartenant à l’intéressée. On ne comprend par ailleurs pas pourquoi cette dernière a attendu son recours pour avancer ces allégations, et qu’elle ne l’a pas déjà fait dans son opposition.

Dans son opposition, la recourante a expliqué ne pas avoir annoncé cet élément patrimonial au motif qu’elle n’en disposerait plus depuis 2009 en raison d’un usufruit en faveur d’une association dont il s’avère après coup qu’elle en est la présidente et co-fondatrice. Or, conformément à la jurisprudence susmentionnée de la chambre administrative, seul l’hospice est compétent pour apprécier la pertinence des éléments utiles à la détermination du droit de la recourante à l’aide sociale financière. Il incombe en revanche à cette dernière d’annoncer l’existence de tout élément de fortune et, si elle l’estime pertinent, les éventuelles circonstances susceptibles d’influencer, du moins à ses yeux, la fixation de son droit, tel que l’usufruit allégué, en veillant à les étayer à satisfaction de droit.

Au vu de ces circonstances, la recourante ne remplit pas la condition de la bonne foi. Une des deux conditions cumulatives de la remise faisant défaut, il n’y a pas lieu d’examiner la deuxième condition relative à la situation financière difficile. Le refus litigieux de l’hospice d’accorder la remise à l’intéressée doit donc être confirmé et le recours rejeté sur ce point également.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 août 2021 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 17 juin 2021 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me William Rappard, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :