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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1222/2022

ATA/537/2022 du 23.05.2022 sur JTAPI/445/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1222/2022-MC ATA/537/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2022

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Dina Bazarbachi, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2022 (JTAPI/445/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, affirmant être né le ______ 1989, est originaire de Guinée.

2) Il est arrivé en Suisse le 12 juillet 2016 et y a déposé une demande d'asile. Le 5 août 2016, le secrétariat d'État aux migrations (SEM) a rendu une décision de non-entrée en matière et a prononcé son renvoi de Suisse.

3) Le 26 août 2016, M. A______ a fait l’objet d’une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de trois mois en application de l’art. 74 de l'ancienne loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 [aLEtr] renommée loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20 ; ci-après : LEI]), prise par le commissaire de police, après avoir vendu, la veille, 1,1 gr de cocaïne à une policière en civil.

Cette interdiction a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 8 septembre 2016.

4) À teneur de son casier judiciaire, M. A______ a été condamné :

- le 26 août 2016, par ordonnance pénale du Ministère public (ci-après : MP), à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, assortie du sursis, délai d'épreuve de trois ans et à une amende de CHF 200.-, pour opposition aux actes de l'autorité, délit et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ;

- le 22 septembre 2016, par ordonnance pénale du MP, à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, assortie du sursis, délai d'épreuve de trois ans et à une amende de CHF 200.-, pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 LEI), et contravention à la LStup ;

- le 25 janvier 2017, par ordonnance pénale du MP, à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, pour entrée et séjour illégaux au sens de l'art. 115 let. a et b LEI ;

- le 25 avril 2018, par ordonnance pénale du MP, à une peine privative de liberté de soixante jours pour entrée et séjour illégaux au sens de l'art. 115 let. a et b LEI ainsi que délit à la LStup ;

- le 10 septembre 2019, par le Tribunal de police (ci-après : TP), à une peine pécuniaire de soixante jours-amende pour séjour illégal ;

- le 23 janvier 2020, par le TP, à une peine privative de liberté de dix mois et une amende de CHF 300.- pour délits et contravention à la LStup, ainsi que séjour illégal. Le TP a aussi ordonné son expulsion pour trois ans (art. 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]) ;

5) Le 5 mars 2022, M. A______ a été arrêté par la police dans le quartier des Pâquis. Il était alors en possession de huit boulettes de cocaïne et de CHF 554.85.

Lors de son audition par la police, il a indiqué être consommateur de cocaïne depuis 2016, drogue qu'il achetait aux Pâquis. Les boulettes en sa possession étaient destinées à sa propre consommation. Il les avait ramassées sur le sol. Un individu poursuivi par la police les y avait jetées. Il avait gagné CHF 600.- en jouant aux machines à sous. Son amie, enceinte, vivait à Genève. Il refusait de donner plus d’informations la concernant. Il n’avait aucune adresse à communiquer.

Il était arrivé de France le jour-même pour régler des amendes au service des contraventions. Son passeport espagnol se trouvait en Espagne.

6) Le 6 mars 2022, le MP a demandé sa mise en détention provisoire au Tribunal des mesures de contrainte, après l’avoir prévenu de rupture de ban selon l’art. 291 CP et de délit à la LStup.

7) Par jugement du 4 avril 2022, dont seul le dispositif figure à la procédure, le TP a déclaré M. A______ coupable de rupture de ban au sens de l’art. 291 CP et de contravention à l’art. 19a ch. 1 LStup. Il a renoncé à révoquer la libération conditionnelle accordée le 3 juillet 2020 par le Tribunal d’application des peines et des mesures, pour un solde de peine de trois mois et vingt-trois jours. Il a adressé à M. A______ un avertissement, a prolongé le délai d’épreuve de six mois et l’a condamné à une peine pécuniaire de cent-vingt jours-amende et à une amende de CHF 100.-. Il a ordonné sa libération immédiate.

8) À sa sortie de prison le 5 avril 2022, le commissaire de police lui a notifié une interdiction de pénétrer dans le centre-ville de Genève pour une durée de vingt-quatre mois.

M. A______ ne disposait d’aucune autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement en suisse selon les art. 32 à 34 LEI et il menaçait l’ordre et la sécurité publics, de sorte qu’il satisfaisait aux conditions de l’art. 74 al. 1 let. a LEI. De plus, l’art. 74 al. 1 let. b LEI lui était aussi applicable dans la mesure où, le 23 janvier 2020 son expulsion pour une durée de trois ans avait été ordonnée.

La durée de l’interdiction de vingt-quatre mois se justifiait au regard de son activité délictuelle continue depuis des années, de son absence d’attaches avec Genève, du risque de récidive, ainsi que de son obligation de quitter le territoire Suisse. La limitation au centre-ville de Genève, tenait compte du fait qu'il faisait l’objet d’une expulsion pénale qu’il incombait au canton de mettre en œuvre.

9) Le 19 avril 2022, M. A______ a fait opposition contre cette décision auprès du TAPI.

10) Lors de l'audience devant le TAPI du 29 avril 2022, M. A______ a expliqué que son amie, B______, était enceinte. Il ne connaissait ni son nom de famille ni son adresse. Ils se voyaient chez elle, vers les Eaux-Vives. Son amie avait une autorisation de séjour en Suisse. Il souhaitait pouvoir lui rendre visite. Il savait qu’il n’avait pas le droit de résider sur le territoire suisse où il se trouvait depuis 2016. Il n’avait jamais entrepris de démarche pour quitter la Suisse et regagner la Guinée et n’était pas autorisé à résider dans un autre pays européen. Il souhaitait s'installer au Portugal où il avait l'intention de régulariser sa situation. Il essayait de convaincre son amie de l'accompagner, mais celle-ci voulait l'aider à rester à Genève. Il était en train de réfléchir.

Il avait été arrêté en possession de huit boulettes de cocaïne le 5 mars 2022, drogue qu'il consommait régulièrement. Il n’avait aucune source de revenu. Ses amis achetaient la drogue qu'ils partageaient. Il jouait aux machines à sous dans des bars et gagnait parfois de l'argent. Sa copine lui donnait parfois de l'argent.

Le conseil de M. A______ a précisé que ce dernier ne souhaitait pas divulguer l’identité de son amie. M. A______ ne s'adonnait pas au trafic de stupéfiants, contrairement à ce qu'avait plaidé la représentante du commissaire de police. Elle a conclu à l'annulation de la décision, arbitraire et indigne d'un pays démocratique comme la Suisse.

11) Le TAPI a, par jugement du 2 mai 2022, rejeté l'opposition.

M. A______ ne disposait d’aucune autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement en Suisse au sens des art. 32 à 34 LEI. Il avait fait l’objet d’une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève en 2016 pour une durée de trois mois après avoir vendu de la cocaïne. Il avait été condamné à plusieurs reprises pour des infractions en lien avec les stupéfiants, notamment par jugements du TP des 23 janvier 2020 et 4 avril 2022. Il faisait l’objet d’une expulsion judiciaire de Suisse pour une durée de trois ans à laquelle il ne s’était jamais conformé. Il résultait de tous ces éléments que son comportement représentait un trouble et une menace pour l'ordre et la sécurité publics de nature à justifier la mesure prise à son encontre.

Le périmètre du centre-ville de Genève apparaissait proportionné pour une seconde interdiction, l’intéressé ne justifiant aucunement devoir s’y rendre – ayant refusé d’indiquer les coordonnées de sa soi-disant amie enceinte qui habiterait aux Eaux-Vives et chez qui il logerait – et couvrant des lieux connus pour le trafic de stupéfiants, tels les Pâquis où il avait été arrêté le 5 mars 2022. Il pourrait voir son amie en dehors du centre-ville. Ce périmètre permettrait aux autorités de mettre en œuvre l’expulsion judicaire.

La durée de vingt-quatre mois, certes importante, se justifiait en raison des nombreuses condamnations de M. A______ en lien avec les stupéfiants depuis 2016 et de la précédente interdiction territoriale en 2016, pour une durée de trois mois, qui ne l’avait pas empêché de poursuivre ses comportements délictueux en lien avec les stupéfiants.

12) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte déposé au guichet universel le 13 mai 2022 et reçu par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 16 mai 2022. Il a conclu à l'annulation dudit jugement, de même qu'à celle de la décision du commissaire de police du 5 avril 2022.

Depuis 2019, il avait cessé tout trafic de stupéfiants. Le 4 avril 2022, il n'avait été reconnu coupable que d'une contravention à la LStup. Le lendemain, le commissaire de police avait prononcé la mesure litigieuse « de toute évidence mécontent du jugement prononcé la veille ». Devant le TAPI, la représentante du commissaire de police avait affirmé de manière calomnieuse qu'il s'adonnait au trafic de stupéfiants.

Le TAPI avait apprécié les preuves de manière arbitraire et, partant, avait fait une mauvaise application de l'art. 74 LEI. Il avait considéré à tort et de manière insoutenable qu'il s'adonnait au trafic de stupéfiants depuis de nombreuses années pour justifier l'interdiction litigieuse, alors que le TP n'avait retenu qu'une contravention. Il était choquant que le TAPI ne distingue pas un délit d'une contravention. Il était aussi injuste de se fonder sur des faits anciens, datant de 2019, et en raison desquels le commissaire de police avait renoncé à notifier une décision d'interdiction de périmètre.

Les conditions de l'art. 74 al. 1 let. a LEI n'étaient pas réalisées vu l'absence de condamnation pour trafic de stupéfiants et rien n'indiquait qu'il portait atteinte à la sécurité ou à l'ordre public par sa consommation de stupéfiants.

Ainsi, rien ne justifiait le prononcé d'une mesure attentatoire à son droit fondamental à la mobilité.

Le TAPI n'avait pas motivé en quoi la mesure restrictive était apte à produire le résultat escompté et surtout en quoi celui-ci consistait.

13) Le commissaire de police a conclu le 18 mai 2022 au rejet du recours.

Depuis six ans déjà, le recourant n'avait de cesse de participer, que ce soit en tant que vendeur ou comme acheteur-consommateurs au trafic de stupéfiants dans le canton de Genève, portant entre autres sur de la cocaïne, soit une drogue dite « dure » car menaçant sérieusement la santé, voire la vie de ses consommateurs. Il demeurait totalement étanche à toutes les sanctions pénales prononcées à son encontre, lesquelles ne l'avaient nullement amené à enfin se conformer à l'ordre juridique suisse. Il n'avait aucun respect pour les ordres qui lui étaient donnés par les autorités. Il existait ainsi des éléments concrets fondant le soupçon, à quelque titre que ce soit, qu'il commettrait des infractions à l'avenir dans le milieu de la drogue.

Le fait qu'il fasse l'objet d'une décision d'expulsion entrée en force et le délai imparti pour quitter la Suisse étant échu de longue date permettait le prononcé non seulement d'une assignation à un lieu de résidence pour une durée de deux ans, mais aussi une mise en détention administrative, toutes mesures autrement plus incisives sur sa liberté de mouvement. L'interdiction de périmètre s'avérait donc plutôt modérée.

14) Dans sa brève réplique déposée le 20 mai 2022, le recourant a relevé que la jurisprudence imposait, en application du principe de proportionnalité, de traiter de manière différente le trafic de stupéfiants de la simple consommation. Il soulignait la mauvaise foi crasse du commissaire de police qui entendait fonder des soupçons sur des condamnations liées aux stupéfiants datant de plus de deux ans. Il était choquant de constater à quel point les possibilités d'amendement et d'évolution positive lui étaient niées par une institution qui le considérerait toujours coupable de trafic de drogue. Cette mauvaise foi accentuait l'arbitraire de la décision querellée et ne pouvait être tolérée.

15) Les parties ont été informées le 20 mai 2022 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine, ce qui est le cas en l'espèce.

2) À teneur dudit art. 10 LaLEtr, la chambre de céans est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) Le recourant conteste le principe de l'interdiction de pénétrer au centre-ville de Genève qui lui a été notifiée le 5 avril 2022.

a. Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics.

b. Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

c. La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).

Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue ou des contacts avec des extrémistes suffisent à justifier une telle mesure, de même que la violation grossière des règles tacites de la cohabitation sociale (ATA/607/2013 du 12 septembre 2013 consid. 4 ; ATA/46/2013 du 25 janvier 2013 consid. 3 et les références citées). Le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI ; en outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3.1 et les arrêts cités). De plus, même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contacts répétés avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 précité consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 précité).

d. L'assignation d'un lieu de résidence ou l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée fondée sur l'art. 74 al. 1 let. b LEI vise à permettre le contrôle du lieu de séjour de l'intéressé et à s'assurer de sa disponibilité éventuelle pour la préparation et l'exécution de son renvoi de Suisse par les autorités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.1), mais aussi, en tant que mesure de contrainte poursuivant les mêmes buts que la détention administrative, à inciter la personne à se conformer à son obligation de quitter la Suisse (ATF 144 II 16 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.1 ; CHATTON/MERZ, in Code annoté de droit des migrations, vol. II : Loi sur les étrangers [LEtr], 2017 n° 22 ad art. 74 LEtr).

e. La mesure d'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

f. L'art. 74 LEI ne précise pas la durée de la mesure. Celle-ci doit répondre au principe de proportionnalité, à savoir être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Elle ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3).

Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; vers le haut, des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

g. La chambre de céans a confirmé l’interdiction du territoire de tout le canton pour une durée de douze mois prononcée contre une ressortissante française condamnée à plusieurs reprises pour infractions à la LStup qui admettait consommer des stupéfiants et s’adonner au trafic de ceux-ci (ATA/255/2022 du 10 mars 2022).

4) En l’espèce, le recourant ne possède aucun titre de séjour en Suisse. Arrivé en juillet 2016, il n'a pas déféré à la décision du SEM du 5 août 2016 prononçant son renvoi de Suisse.

Entre le 26 août 2016 et le 23 janvier 2020, il a fait l'objet de six condamnations, dont à trois reprises pour délit à la LStup. S'y ajoutent des condamnations pour contraventions à la LStup, des infractions à la LEI et une opposition aux acte de l'autorité. Le 22 septembre 2016, il a été condamné pour avoir violé une première décision d'interdiction de périmètre, du 26 août 2016. En lien avec les délits, il a été condamné à des peines pécuniaires, assorties du sursis pour les premières, puis à des peines fermes, dont privatives de liberté les 25 avril 2018 et 23 janvier 2020.

Il a fait en dernier lieu l’objet d’une condamnation le 4 avril 2022, à une peine pécuniaire de cent-vingt jours-amende et une amende de CHF 200.-, pour rupture de ban, étant rappelé l'expulsion judicaire dont il fait l'objet depuis le 23 janvier 2020, et contravention à la LStup. Cette condamnation fait suite à son interpellation dans le quartier des Pâquis, notoirement connu à Genève pour abriter un trafic de cocaïne notamment, en possession de huit boulettes de cocaïne et de près de CHF 600.-.

L'ensemble de ces circonstances correspond indubitablement au simple soupçon que l'étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue, étant rappelé que la jurisprudence du Tribunal fédéral retient que de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation.

Les conditions pour le prononcé d’une mesure d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée sont donc réunies.

5) Le recourant soutient devant la chambre de céans que le TAPI n'aurait nullement motivé la proportionnalité de la mesure.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b).

b. Contrairement à ce qu'il soutient, le TAPI a bien procédé à l'analyse de la proportionnalité de la mesure litigieuse en motivant les éléments fondant selon lui un comportement représentant un trouble et une menace pour l'ordre et la sécurité publics de nature à justifier la mesure prise à son encontre, puis sous l'angle du périmètre visé et de sa durée.

Le recourant indique rendre visite à Genève à sa compagne enceinte, dont il ne veut toutefois rien dire, excepté son prénom et le quartier où elle résiderait. En avril 2022, il a indiqué à la police être venu à Genève pour régler des amendes et détenir son passeport espagnol en Espagne. Par ces simples allégations, le recourant ne démontre nullement avoir un quelconque intérêt à venir à Genève, le fait de se fournir en cocaïne aux Pâquis pour sa propre consommation ne pouvant être un intérêt privé à protéger.

Le périmètre retenu du seul centre-ville respecte le principe de la proportionnalité et est conforme à la jurisprudence.

Il s’agit d’une seconde mesure. En outre, le recourant a fait l’objet de trois condamnations pour vente de cocaïne auxquelles s'ajoutent celles pour contravention à la LStup, la dernière en avril 2022. Une durée de vingt-quatre mois est en conséquence nécessaire pour préserver la sécurité et la santé publiques, apte à atteindre ledit but et proportionnée au sens étroit. Un éloignement d’une durée de vingt-quatre mois, pour rappel uniquement du centre-ville de sorte que des relations avec sa compagne et leur enfant à venir, pour autant que ces faits soient établis, ce qui n'est pas le cas, demeurent possibles ailleurs dans le canton, est conforme à la jurisprudence et respecte le principe de la proportionnalité.

Cette mesure d'interdiction est également apte à inciter le recourant à se conformer à son obligation de quitter la Suisse, étant rappelé l'expulsion judiciaire dont il fait l'objet pour une durée de trois ans selon jugement du TP du 23 janvier 2020.

La décision étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

6) La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87
al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mai 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina Bazarbachi, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :