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A/1422/2021

ATA/513/2022 du 17.05.2022 sur JTAPI/823/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1422/2021-PE ATA/513/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mai 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jean Orso, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 août 2021 (JTAPI/823/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1986, est ressortissant brésilien.

2) Le 13 octobre 2016, M. A______ a transmis à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) un formulaire M daté du 15 avril 2016 et rempli par l’entreprise B______ Sàrl pour une prise d’emploi en qualité de chauffeur/déménageur.

3) Les 25 janvier 2017 et 9 avril 2019, M. A______ a obtenu des visas de retour afin de se rendre au Brésil.

4) Le 15 octobre 2018, M. A______ a déposé une demande de régularisation des conditions de séjour dans le cadre de l’opération Papyrus auprès de l’OCPM. Il était arrivé en Suisse le 1er décembre 2007 et travaillait en qualité de déménageur et emballeur pour un salaire mensuel de CHF 3'780.-. Il était financièrement indépendant, n’avait aucune dette et ne faisait l’objet d’aucune condamnation. Sa famille proche, dont sa mère, son beau-père, sa sœur et son frère, se trouvait à Genève.

À l’appui de sa demande, M. A______ a notamment produit un contrat de travail conclu avec l’entreprise C______ SA le 1er août 2017, une attestation de connaissance de la langue française (niveau A2), plusieurs lettres de recommandation d’anciens employeurs, ainsi que des attestations de proches.

5) Le 15 avril 2019, M. A______ a notamment transmis à l’OCPM un formulaire M actualisé de son employeur, daté du 8 avril 2019, attestant d’une arrivée à Genève de l’intéressé en décembre 2007, ainsi que deux attestations d’anciens employeurs. La première, datée du 28 février 2019, et dont le nom de Monsieur D______ figure en fin de document, attestait de ce que ce dernier l’avait employé dans son entreprise privée « dès son arrivée en Suisse en décembre 2007 et jusqu’en février 2009 ». La seconde, datée du 31 janvier 2019 et dont le nom de Monsieur E______ figure en fin de document, attestait de ce qu’il avait travaillé auprès de l’entreprise F______ dès le mois de mars 2009. M. A______ a également précisé s’être rendu au Brésil en décembre 2007 et en février 2017 pour y accomplir des formalités administratives.

6) Le 22 août 2019, invité par l’OCPM à produire des pièces, M. A______ a notamment transmis une demande formelle de reconnaissance d’un cas d’extrême gravité dans le cadre du programme « Papyrus ». Durant les années 2008 à 2011, il n’avait pas osé conserver les justificatifs de sa présence en Suisse, au vu de son statut de clandestin. Il a également précisé qu’à la suite de la faillite de la société C______ SA, il avait été engagé, le 1er avril 2019, par la société G______ Sàrl.

7) Les 30 septembre et 30 octobre 2019, donnant suite à des courriels de l’OCPM des 26 août et 7 octobre 2019, M. A______ a produit de nouvelles pièces justificatives.

8) Par courriel du 13 novembre 2019, l’OCPM a informé M. A______ qu’il estimait que les documents fournis pour les années 2010 et 2011 n’étaient pas considérés comme « engageants » et ne pouvaient dès lors pas être retenus comme justificatifs de résidence. Un ultime délai lui était octroyé pour transmettre les pièces manquantes.  

9) Le 21 novembre 2019, l’intéressé a répondu qu’il n’avait pas conservé les preuves de sa présence en Suisse. Les 22 août, 30 septembre et 30 octobre précédent, il avait transmis les attestations établies par ses anciens employeurs.

Il ressortait du flyer « Papyrus » que trois à cinq documents ou témoignages « engageants » par année de séjour établis par des enseignants, des associations, des anciens employeurs ou des médecins, constituaient des preuves de catégorie B. Dès lors, les documents qu’il avait fournis devaient être pris en considération.

10) Le 3 novembre 2020, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de rejeter sa requête et lui a accordé un délai pour faire valoir son droit d’être entendu.

11) Le 19 janvier 2021, M. A______ a expliqué que le 14 octobre 2020, il avait épousé Madame H______, ressortissante brésilienne née le ______ 1991. Le père de cette dernière était citoyen néerlandais et une procédure de naturalisation était en cours, afin qu’elle obtienne également cette nationalité.

Les époux étaient parents d’une petite fille prénommée I______, née le ______ 2020 à Genève. Ils y vivaient tous les trois dans un logement approprié.

Il a transmis son certificat de mariage brésilien, daté du 14 octobre 2020.

12) Par décision du 24 mars 2021, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de M. A______ au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis positif afin qu’il lui délivre une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il a également prononcé son renvoi de Suisse.

Selon les pièces du dossier, l’intéressé était arrivé en Suisse en 2012. Il n’était pas en mesure de valider une durée minimale de séjour de dix ans. Sa situation ne répondait ainsi pas aux critères de l’opération « Papyrus ».

Il ne se trouvait pas non plus dans un cas d’extrême gravité. En effet, il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable : la sienne correspondait au comportement ordinaire pouvant être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. De plus, il n’avait démontré ni une très longue durée de séjour, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Il n’avait pas non plus établi qu’une réintégration au Brésil entraînerait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place.

Enfin, il n’invoquait ni ne démontrait l’existence d’obstacles au retour dans son pays et le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution de son renvoi se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

13) Par acte du 22 avril 2021, M. A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) en concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif et à l’octroi de mesures provisionnelles. Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision du 24 mars précédent, à la transmission de son dossier au SEM avec un préavis favorable.

Au moment du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour dans le cadre du programme « Papyrus », il séjournait en Suisse depuis dix ans, était indépendant financièrement, occupait un emploi, ne faisait l’objet d’aucune poursuite, était inconnu de la police et parlait le français avec aisance. Il aurait ainsi dû bénéficier de ce programme.

Si par impossible tel n’était pas le cas, il devait se voir délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur. En particulier, sa famille nucléaire, à savoir son épouse et sa fille, ainsi que sa mère, son frère et sa sœur résidaient à Genève. Ses nombreux amis, ses collègues et tout son réseau social vivaient dans le canton. Il était affilié à une assurance-maladie et séjournait en Suisse depuis quatorze ans.

Ses possibilités de réintégration au Brésil étaient fortement compromises, dès lors qu’il n’y avait aucune attache familiale, sociale ou professionnelle. Un refus de lui accorder une autorisation de séjour le plongerait dans une profonde dépression.

Marié avec un bébé vivant à Genève dont il s’occupait quotidiennement, une séparation était inenvisageable. Il était également très proche de sa mère, de ses frère et sœur, ainsi que de la famille de cette dernière, en particulier de ses enfants, qu’il voyait trois à quatre fois par semaine. Il avait ainsi tissé des liens particulièrement forts avec la Suisse, si bien que l’on ne pouvait exiger de lui qu’il rentre au Brésil.

À l’appui de son recours, l’intéressé a notamment produit un billet d’avion du 12 novembre 2007 pour un vol de Sao Paulo à destination de Genève le 7 décembre 2007.

14) Par courrier du 26 avril 2021, le TAPI a indiqué à M. A______ que le recours avait un effet suspensif ex lege, la décision entreprise n’ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours.

15) Dans ses observations du 25 juin 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

M. A______ était arrivé en Suisse en 2012. Sa présence de 2009 à 2011 n’avait pas été démontrée à satisfaction de droit, à teneur des exigences de preuve fixées par le programme « Papyrus ». En particulier, selon son curriculum vitae, il n’avait exercé aucune activité lucrative entre 2007 et 2012, ce qui venait contredire ses déclarations ultérieures. Par ailleurs, selon les documents de la police jurassienne du 8 août 2015, il habitait à Annemasse. En conséquence, sa demande de régularisation ne pouvait pas être examinée dans le cadre du programme « Papyrus », mais sous l’angle d’un cas de rigueur.

Il pouvait se prévaloir d’une durée de présence assez longue, qui toutefois devait être relativisée compte tenu de son caractère illégal et des années qu’il avait passées au Brésil. Aucun élément ne démontrait qu’il s’était intégré de manière profonde en Suisse. Notamment, aucune attestation de connaissances linguistiques n’avait été transmise et il ressortait des témoignages produits qu’il avait principalement fréquenté la communauté brésilienne. Son épouse et son enfant étaient inconnus de l’OCPM et séjournaient sans autorisation en Suisse.

Il avait passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte au Brésil, avait entretenu des liens étroits avec la communauté brésilienne en Suisse, avait une épouse brésilienne, de sorte que les us et coutumes de son pays d’origine, où il avait encore un réseau familial, lui étaient parfaitement connus. Jeune, en bonne santé et ayant acquis une expérience de vie et des compétences professionnelles qu’il pourrait mettre à profit dans sa patrie, il ne se trouvait pas dans une situation de détresse et sa réintégration au Brésil ne se trouvait pas fortement compromise.

Enfin, étant donné que son épouse et son fils ne disposaient pas d’un droit de présence assuré en Suisse et qu’il ne se trouvait pas dans une situation de dépendance vis-à-vis des membres de sa famille vivant en Suisse, il ne pouvait tirer aucun avantage de l’art. 8 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

16) Dans sa réplique du 14 juillet 2021, M. A______ a maintenu son recours.

Il avait prouvé avec des pièces qu’il était arrivé en Suisse en 2007. C’était ainsi à tort que l’OCPM considérait que son séjour en 2009 et en 2011 n’avait pas été démontré. Ses activités exercées entre 2007 et 2012 ne figuraient pas sur son curriculum vitae, étant donné qu’il ne disposait d’aucune autorisation de travail. L’on voyait mal pour quelle raison l’autorité intimée remettait en question la force probante des attestations de MM. D______ et E______. En effet, ces documents relevaient des justificatifs de catégorie B dans le cadre du programme « Papyrus », puisqu’elles émanaient de ses anciens employeurs.

Dans le cadre de l’examen de sa demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM reconnaissait qu’il résidait en Suisse depuis assez longtemps. Il avait produit une attestation de connaissances linguistiques, était intégré socialement et fréquentait des personnes extérieures à sa communauté. Il était erroné de prétendre qu’il n’avait entrepris aucune démarche en vue de régulariser la situation de sa famille. Son mariage et la naissance de sa fille étaient des événements récents, si bien que l’on ne pouvait pas lui reprocher d’avoir méconnu la législation sur les étrangers.

Toute sa famille séjournait en Suisse. Sa mère, son frère et sa sœur étaient certes brésiliens, mais tous disposaient d’une autorisation de séjour, respectivement d’établissement. Il n’avait plus aucune attache au Brésil. Un retour dans son pays et une réintégration étaient inexigibles.

17) Par jugement du 23 août 2021, le TAPI a rejeté son recours.

M. A______ ne remplissait pas la durée de séjour discontinue de dix ans. Il n’avait produit aucune pièce justificative, telle que fiches de salaire, relatives aux emplois exercés de 2007 à 2011. Les attestations de M. D______ du 28 février 2019 et de M. E______ du 31 janvier 2019 ne pouvaient être prises en considération puisque, bien qu’émanant de personnes différentes, elles portaient une signature similaire.

Son intégration sociale n’était pas exceptionnelle.

18) Par acte expédié le 27 septembre 2021, M. A______ a recouru contre ce jugement par-devant la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de transmettre son dossier au SEM avec un préavis favorable. À titre préalable, il a sollicité la restitution de l’effet suspensif et l’octroi de mesures provisionnelles afin de suspendre l’exécution de son départ.

Au moment du dépôt de sa demande « Papyrus », il séjournait en Suisse de manière continue depuis dix ans, était financièrement indépendant, disposait d’un employeur, ne faisait l’objet d’aucune poursuite et était inconnu de la police. Les attestations des 28 février et 31 janvier 2019, établies par d’anciens employeurs, avaient été écartées sans raison valable par le TAPI. Même si la signature devait être la même sur les deux documents, cela n’enlevait en rien leur valeur juridique. S’agissant de ses déclarations auprès de la police jurassienne le 6 août 2015, il était tout à fait plausible qu’il ait eu peur d’admettre un séjour en Suisse d’une certaine durée.

Il remplissait, au demeurant, les conditions de l’autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité. Sa famille nucléaire, à savoir son épouse, leur enfant, sa mère, son frère et sa sœur se trouvaient à Genève. Il y avait de nombreux amis et collègues, et tout son réseau social. Il disposait d’un très bon niveau de français et était indépendant financièrement. Il était inconnu des services de police et était au bénéfice d’une assurance-maladie. Son renvoi de Suisse était contraire aux art. 8 CEDH et 13 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101).

À l’appui de son recours, il a notamment produit :

-          des abonnements auprès des TPG pour les années 2012 à 2018 ;

-          un contrat de travail conclu le 14 avril 2016 avec la société B______ Sàrl ;

-          des factures des HUG de 2016 ;

-          un certificat d’assurance-maladie pour 2017 ainsi qu’une carte d’assurance-maladie ;

-          une attestation à un cours de langue française de 2012 à 2013 ;

-          un curriculum vitae mentionnant une activité d’employé de vidéothèque en 2007 ;

-          Plusieurs lettres de recommandation.

19) Le 4 octobre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

20) M. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

21) Le 10 novembre 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142.20) et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007
(OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI), les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral
2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

c. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

d. Si le séjour illégal a été implicitement toléré par les autorités chargées de l'application des prescriptions sur les étrangers et de l'exécution, cet aspect pèsera en faveur de l'étranger (directives LEI, ch. 5.6.12).

e. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

f. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Dans le cadre du projet pilote Papyrus, le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agit pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voit pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjourne et travaille illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation est constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L'« opération Papyrus » n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

3) En l’espèce, le recourant a formulé sa demande de régularisation le 15 octobre 2018, soit alors que l’opération Papyrus était encore en cours. Il se prévaut du fait qu’il remplit tous les critères posés par cette opération.

Il n'est pas contesté que le recourant n'a jamais émargé à l'assistance sociale, qu'il n'a pas de poursuites et n'a fait l'objet d'aucune condamnation. Comme il le relève, il a su trouver des emplois, donnant satisfaction à ses employeurs. Par ailleurs, il maîtrise le français au niveau A2. Les parties divergent, en revanche, sur la durée de son séjour en Suisse.

Dans ses écritures, le recourant indique être arrivé en Suisse le 1er décembre 2007. Il se prévaut, en cela, d’une copie d’un billet d’avion concernant un vol de Sao Paulo à destination de Genève le 7 décembre 2007, ainsi que d’une attestation d’un ancien employeur – M. D______ – datée du 28 février 2019, selon lequel il aurait été employé dans l’entreprise de ce dernier « dès son arrivée en Suisse en décembre 2007 ».

Or, ainsi que l’a relevé l’instance précédente, la signature apposée sur cette attestation est la même que celle figurant sur les attestations de M. E______ du 31 janvier 2019 et de la société B______ Sàrl du 3 avril 2019. Cet élément jette de sérieux doutes sur la force probante desdites attestations. À cela s’ajoute qu’elles ne sont étayées d’aucune pièce, en particulier des fiches de salaire, certificats de travail, attestations de cotisations ou enregistrement sur le compte individuel du recourant. Si le recourant objecte qu’il n’osait pas conserver les justificatifs de sa présence en Suisse durant cette période, rien ne l’empêchait de solliciter ces pièces de ses anciens employeurs. Quant à la copie d’une réservation de vol partant de Sao Paolo et arrivant à Genève le 7 décembre 2007, elle ne suffit pas pour démontrer une présence continue du recourant en Suisse. Pour le reste, les pièces produites par le recourant, en particulier les abonnements de TPG de 2012 à 2018, les contrats de travail des 14 avril 2016, 1er août 2017 et 1er avril 2019, le certificat d’assurance 2017 et l’attestation de présence de l’université ouvrière de Genève (ci-après : UOG) du 20 juin 2013 faisant état d’un cours de français suivi du 18 septembre 2012 au 20 juin 2013, permettent d’établir, tout au plus, une présence continue à Genève depuis 2012, comme l’a retenu l’OCPM.

Ainsi, faute pour le recourant d’avoir amené des éléments probants d'une durée de séjour ininterrompu de plus de dix ans au jour du dépôt de sa demande de régularisation, l'OCPM a considéré à juste titre et sans violer son pouvoir d'appréciation qu'il ne satisfaisait pas à la condition de la durée de séjour requise en particulier sous l'angle de l'opération « Papyrus ».

L'examen des autres éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité ne permet pas non plus de considérer que les conditions de l'art. 30 al. 1 let. b LEI sont remplies.

Certes, le recourant a démontré une volonté de prendre part à la vie économique. Ceci ne consacre toutefois pas une intégration socioprofessionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Il n’a en effet pas acquis de connaissances ou de qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait pas les mettre en pratique dans sa patrie ou qu'il faille considérer qu'il a fait preuve d'une ascension professionnelle remarquable justifiant l'admission d'un cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI.

Son intégration sociale ne peut pas non plus être qualifiée de particulièrement poussée, malgré les nombreuses attestations de moralité produites par le recourant. Il ne démontre, en effet, pas être spécialement intégré au sein de la communauté genevoise, étant rappelé que les relations de travail, d'amitié ou de voisinage nouées pendant le séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception au sens de la jurisprudence précitée
(ATF 124 II 110 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.429/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3 ; ATA/609/2017 du 30 mai 2017).

Pour le surplus, le fait que le recourant n’ait ni dettes, ni poursuites, n’ait pas de casier judiciaire et maîtrise la langue française au niveau A2 doit être regardé comme normal pour une personne désirant s’intégrer et ne suffit pas pour satisfaire aux conditions posées à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Le recourant, qui est encore jeune, n’affirme pas être en mauvaise santé. Il est né au Brésil, où il a passé son enfance, son adolescence ainsi qu’une partie de sa vie d’adulte. Sa réintégration dans son pays d’origine, si elle ne sera pas forcément facile, ne se heurtera toutefois pas à des obstacles insurmontables, étant observé que le recourant pourra y faire valoir l’expérience professionnelle acquise en Suisse.

Il pourra, de retour au Brésil, quand bien même son retour nécessitera une période de réadaptation, mettre en avant les connaissances et compétences acquises en Suisse. Il ne fait ainsi état ni ne démontre qu'il se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation.

En conséquence, l'OCPM n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les critères du cas de rigueur au sens des art. 30 LEI et 31 OASA, ce que le TAPI a confirmé à raison après analyse de tous les éléments et griefs pertinents.

4) Le recourant se prévaut enfin de ses liens avec sa famille en Suisse.

a. Selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2). Les relations ici visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs
(ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2). Il est admis qu'un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 CEDH s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et le proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap (ATF 144 II 1 consid. 6.1).

Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

b. En l’espèce, le recourant indique qu’il vit à Genève avec sa femme et sa fille, précisant qu’une séparation est inenvisageable. Or, à teneur du dossier, ni son épouse ni sa fille ne jouissent d’un droit de présence en Suisse. Dans ces conditions, on ne voit pas dans quelle mesure le recourant pourrait prétendre à demeurer en Suisse sur la base de l'art. 8 CEDH. Il ne saurait être question d'une quelconque entrave à la vie familiale, le recourant pouvant sans autre quitter la Suisse avec sa femme et sa fille.

L’intéressé fait également valoir que sa mère, son beau-père, ses frères et sa sœur, ainsi que la famille de celle-ci, vivent à Genève. Il invoque des « liens de sang très intenses » avec ceux-ci. Or, à teneur du dossier, sa mère ne dispose pas d’un titre de séjour en Suisse. Quant aux autres membres de sa famille, qui ne font pas partie de sa famille dite nucléaire, le recourant n’invoque pas qu’il existerait un quelconque rapport de dépendance particulier entre lui et l’un d’eux. C’est partant en vain qu’il invoque le droit au respect de sa vie de famille pour en tirer un droit de séjour en Suisse. L’attachement « très intense » qu’il aurait développé avec eux, en particulier sa sœur et la famille de celle-ci, ne suffit pas.

5) Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2). Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

Le recourant ne soutient pas que l'exécution de son renvoi, que se devait d'ordonner l'OCPM compte tenu du refus de délivrance d'un titre de séjour, serait impossible, illicite ou ne pourrait être raisonnablement exigée.

6) En tout point infondé, son recours sera rejeté. Vu l’issue du litige, les conclusions sur mesures provisionnelles et restitution de l’effet suspensif sont devenues sans objet.

7) Un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 septembre 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean Orso, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.