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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3320/2021

ATA/508/2022 du 17.05.2022 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3320/2021-FPUBL ATA/508/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mai 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Steve Alder, avocat

contre

HÕPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Pascal Maurer, avocat



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1956, a été engagé par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 1er juillet 2001 en qualité de « responsable des comptabilités HUG ».

2) Il a été promu au poste de chef des comptabilités le 1er octobre 2011. Son nouveau cahier des charges, signé en 2012, indiquait que le but de la fonction était de « gérer, effectuer, contrôler les opérations financières et comptables, les opérations des débiteurs ( ) et de fournir dans les délais la mise à disposition des états financiers mensuels et annuels complets ». Il dirigeait le service des comptabilités, qui employait environ quatre-vingts personnes et regroupait quatre secteurs : des fournisseurs, des débiteurs, de la comptabilité générale et des caisses.

3) En 2014, M. A______ se trouvait en classe 28 de l’échelle des traitements, position 15 et percevait un traitement annuel brut de CHF 216'459.-.

4) Par courrier du 14 février 2014, la Cour des comptes a informé le président du Conseil d’administration (ci-après : CA) des HUG de sa décision de procéder à un audit de gestion relatif au processus de facturation.

5) Le contenu du rapport d’audit interne des HUG, diligenté en 2011 afin de vérifier notamment l'adéquation des procédures concernant les débiteurs douteux, a été communiqué oralement à M. A______ début juin 2015.

6) Le 8 juin 2015, Madame B______, directrice des affaires économiques et financières des HUG depuis 2014, et Monsieur C______, responsable de l’audit interne au sein des HUG, ont notamment indiqué au CA, en réponse à sa question, que les services de recouvrement effectués par Monsieur D______, externe aux HUG, avaient permis d’améliorer nettement leur performance. M. A______ a collaboré à l’établissement de cette note.

7) Par pli du 22 juin 2015, le président du CA a informé M. A______ que « eu égard à la gravité des faits dénoncés et conformément aux art. 27 et 28 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et en ma qualité de président du Conseil d’administration des HUG, j’ordonne à titre provisionnel depuis ce jour : a) l’ouverture d’une enquête administrative et b) votre suspension provisoire ».

L’enquête administrative était confiée à Monsieur E______ (ci-après : l’enquêteur).

La décision était exécutoire nonobstant recours. Les délai et voie de droit étaient indiqués.

M. A______ n’a pas recouru contre cette décision.

8) Le 24 juin 2015, la Cour des comptes a dénoncé les agissements de M. A______ au Ministère public. Une copie de ladite dénonciation était communiquée au président du CA.

9) M. A______ a été entendu à quatre reprises par l’enquêteur, les 9 juillet, 25, 26 et 27 août 2015.

10) Le 17 juillet 2015, les HUG ont déposé une plainte pénale contre M. A______.

11) Par décision du même jour, le président du CA a suspendu le traitement de M. A______ avec effet au 1er août 2015. La décision était fondée sur l’art. 28
al. 3 LPAC. Elle était prise à titre provisionnel et exécutoire nonobstant recours.

Les délai et voie de droit étaient indiqués.

M. A______ n’a pas recouru contre cette décision.

12) Le 27 juillet 2015, l’enquêteur a remis une clé USB contenant une copie du dossier au conseil de M. A______.

13) Le 9 septembre 2015, M. A______ a transmis à l’enquêteur une note de dix pages d’observations, contestant les griefs qui lui étaient reprochés.

14) Par courrier du 18 septembre 2015 à M. A______, le président du CA a décidé de suspendre l’enquête administrative ouverte à son encontre le 22 juin 2015 dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

En vertu de l’art. 28 LPAC, la suspension de son activité et de son traitement restait effective. Les principes juridiques de l’économie de procédure, de même que celui voulant que « le pénal tenait les autres procédures en l’état » l’amenaient à prendre cette décision. Le Ministère public ayant annoncé l’ouverture de l’instruction à la suite de la mise en prévention de M. A______, les personnes dont l’audition en qualité de témoins étaient planifiées dans le cadre de l’enquête administrative pourraient le cas échéant être entendues par l’autorité pénale. Cela ne signifiait pas qu’elles ne puissent pas l’être ensuite, également et dans la mesure nécessaire, dans le cadre de la procédure administrative.

15) Les procès-verbaux d’auditions menées par l’enquêteur ont été versés dans la procédure pénale diligentée à l’encontre de M. A______.

16) En décembre 2015, la Cour des comptes a rendu le rapport n° 96 intitulé « Audit de gestion, processus de facturation et de recouvrement » aux HUG. Elle a mis en exergue de graves lacunes de gestion dans le processus de recouvrement des débiteurs.

17) Dans le cadre de l’instruction pénale, une expertise financière a été effectuée par une fiduciaire à la demande du Ministère public. Elle portait sur le contrôle de la bonne application des normes comptables en vigueur aux HUG durant la période que couvrait la plainte pénale, soit les années 2007 à 2014.

Divers témoins ont été entendus par le Ministère public.

18) Par jugement du 21 décembre 2018, le Tribunal correctionnel a condamné M. A______ pour escroquerie commise au préjudice de son employeur et faux dans les titres, ainsi qu’au versement aux HUG, en réparation de son dommage, de la somme de CHF 22'313'750.90 avec intérêts à 5 % l’an dès le 1er avril 2011.

19) Sur appels joints des parties, la chambre pénale d’appel et de révision
(ci-après : CPAR) a annulé ce jugement, par arrêt du 26 mai 2020, et, statuant à nouveau, a condamné M. A______ pour gestion déloyale commise au préjudice des HUG, ainsi qu’au versement aux HUG, en réparation de son dommage, d’un montant de CHF 20'460'487.- avec intérêts à 5 % l’an dès le 1er novembre 2012.

20) Par arrêt du 22 décembre 2020, le Tribunal fédéral a rejeté les recours déposés par les prévenus, la partie plaignante et le Ministère public.

Cet arrêt a été notifié aux parties le 11 janvier 2021.

21) L’enquête administrative a été reprise en avril 2021. 

22) L’enquêteur a remis son rapport aux HUG le 10 mai 2021. Le document se compose d’une conclusion générale et prise de position de l’enquêteur, d’une première partie intitulée « analyses détaillées » de trente-huit pages et d’une seconde partie intitulée, respectivement, « décisions de justice » et comprenant les arrêts de la CPAR et du Tribunal fédéral, selon la table des matières (page 1) et « annexes mentionnées dans le rapport » selon le préambule de la page 2 comprenant quinze pièces datées entre 2007 et 2015.

Toutes les pages du rapport contiennent la mention du 10 mai 2021. Un encart, mis en évidence en page 3, précise qu’à la suite de la suspension de l’enquête administrative, « ce rapport constitue donc le reflet des analyses et des conclusions de l’enquêteur à la date du 18 septembre 2015 ».

La conclusion générale, prise aux pages 4 et 5, précise les prises de position de l’enquêteur en matière de contractualisation, de facturation des prestations, de comptabilisation et de cahier des charges. Suit la mention que l’enquêteur prend acte des décisions de justice. Il constate que les recours au Tribunal fédéral ayant été rejetés, l’arrêt de la CPAR est définitif et exécutoire. Ce jugement confirme les constatations faites dans son rapport. Les manquements constatés sont établis et constitutifs d’une faute grave. Il confirme qu’au vu de l’établissement des faits retenu par la CPAR et de la qualification juridique de gestion déloyale, son mandat peut être clôturé.

23) Par courrier du 18 juin 2021 à M. A______, le président du CA a imparti un délai de trente jours à l’intéressé pour se déterminer sur le rapport d’enquête administrative du 10 mai 2021, joint au courrier.

Il précisait que « les faits sont anciens et que vous avez déjà eu l’occasion de vous exprimer à leur sujet ».

24) À la demande de M. A______, le délai pour se déterminer a été prolongé jusqu’au 4 août 2021, date à laquelle celui-ci a communiqué ses observations aux HUG.

25) Par décision du 30 août 2021, le CA a révoqué M. A______ avec effet au 22 juin 2015, date de l’ouverture de l’enquête administrative.

Cette décision, exécutoire nonobstant recours, était prise « notamment au regard des conclusions du rapport d’enquête du 10 mai 2021, rendu dans le cadre de l’enquête administrative ordonnée suite aux faits graves dénoncés dans le rapport d’audit interne portant sur la gestion des comptabilités, dont vous aviez la responsabilité, en particulier le recouvrement au sein des HUG. Les conclusions de cette enquête administrative ont en particulier démontré, malgré vos observations écrites du 4 août 2021 ( ) de multiples violations graves des art. 20 et 21 al. c du statut du personnel des HUG ».

26) Par acte du 29 septembre 2021 M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre sa révocation.

Il a conclu à l’annulation de cette dernière, au constat que sa réintégration dans son ancienne fonction était impossible eu égard au fait qu’il avait atteint l’âge légal de la retraite, à l’allocation d’une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de son dernier traitement brut, treizième salaire inclus au prorata temporis, avec intérêts à 5 % l’an à compter du 1er août 2015, et au renvoi pour le surplus du dossier aux HUG afin qu’ils rendent une nouvelle décision sur les conséquences économiques de la révocation (paiement rétroactif de son traitement). Préalablement, une audience de comparution personnelle des parties devait être ordonnée.

a. La maxime inquisitoire avait été violée. Il appartenait à l’enquêteur d’établir les faits. Celui-ci avait convoqué quatre audiences. Trois avaient été dévolues à l’audition du recourant et une avait été consacrée à l’audition de Monsieur F______, ancien supérieur hiérarchique de l’intéressé. L’enquêteur avait stoppé immédiatement ses travaux et ne les avait pas repris à la suite de l’ouverture de la procédure pénale. Dans son rapport d’enquête était mentionné que : « ce rapport constitue donc le reflet des analyses et des conclusions de l’enquêteur à la date du 18 septembre 2015 ». Or, depuis le 18 septembre 2015, la situation avait évolué. La procédure pénale avait permis de mettre à jour d’innombrables faits dont la plupart auraient été pertinents dans le cas de l’enquête administrative et à côté desquels l’enquêteur était volontairement passé. Il indiquait certes avoir pris connaissance de l’arrêt de la CPAR et de celui du Tribunal fédéral. Toutefois, premièrement, si tel avait été le cas, il n’avait aucune raison de faire référence à ses constats factuels et ses conclusions au 18 septembre 2015. Deuxièmement, certains de ses constats étaient en contradiction totale avec ce qui avait été retenu par les juridictions pénales, en particulier la CPAR, à propos de la supposée facturation honnête des honoraires de Me D______, à l’absence d’appel d’offres, ainsi qu’à la supposée inanité du recouvrement des assurances. Troisièmement, si l’enquêteur puis les HUG s’étaient réellement basés sur ces deux décisions pour forger leurs convictions, il en résulterait une violation du droit d’être entendu du recourant car il eût été nécessaire d’interpeller ce dernier et de lui permettre de faire valoir ses arguments sur la reprise de certains constats et conclusions posées par les instances pénales dans le cadre de l’enquête administrative. Finalement, si l’enquêteur avait vraiment tenu compte de ces deux décisions, il aurait convenu d’expliquer les raisons pour lesquelles il n’avait pas repris, dans son analyse, le raisonnement qui avait permis à la CPAR de parvenir à la conclusion qu’il s’était rendu coupable de gestion déloyale simple au détriment des HUG. Il n’existait nulle trace de ce raisonnement dans le rapport d’enquête. Or, il aurait été logique que l’enquêteur l’intègre dans son examen puisque c’était le seul reproche de nature pénale qui était retenu au passif du recourant.

Ainsi, si l’enquêteur avait formellement reçu les arrêts de la CPAR et du Tribunal fédéral et les avait certainement parcourus, il ne les avait pas intégrés à son raisonnement sur le plan administratif. Il n’avait procédé à quasiment aucune instruction propre. Il en résultait une violation de la maxime inquisitoire. Le rapport d’enquête était aussi inexploitable que peu probant. Dès lors que les HUG s’étaient, pour l’essentiel, basés sur les conclusions du rapport, il s’ensuivait que, ce dernier une fois écarté, il ne restait plus aucun élément factuel dans le dossier permettant de prononcer sa révocation.

b. Tant l’enquêteur administratif que les HUG avaient violé l’art. 14 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) en tenant pour établis, dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte contre le recourant, des faits qui avaient été expressément écartés par les instances pénales et, à l’inverse, en ne prenant pas en considération des faits qui avaient été établis dans la procédure pénale.

c. Le droit d’être entendu du recourant avait été violé sous trois formes. La décision querellée, tout comme celle ayant présidé à l’ouverture de l’enquête administrative, souffrait d’un défaut patent de motivation. Son droit de faire administrer des preuves avait été violé. Finalement, l’enquêteur s’était fondé, pour mener son enquête et poser ses constats, sur des éléments factuels et des documents à propos desquels le recourant n’avait pas été en mesure de faire valoir ses observations.

d. L’art. 16 LPAC avait été violé. Le recourant contestait les constats dressés par l’enquêteur administratif dans son rapport d’enquête. Les HUG n’avaient même pas pris la peine de préciser sur lesquels ils s’étaient fondés pour rendre la décision querellée. Pour autant que les constats et griefs qui étaient formulés à son encontre puissent être discernés et compris, il convenait d’analyser s’ils étaient suffisamment graves pour justifier sa révocation, qui plus était avec effet rétroactif. Ainsi, il contestait une contractualisation insuffisante, l’opacité de la facturation et une comptabilisation « opaque non conforme aux normes IPSAS ». La pratique dénoncée par l’enquêteur n’avait, pour partie, pas été mise en place par le recourant. Les opérations de compensation étaient largement connues au sein de l’institution publique. Outre M. F______ et ses adjoints, tous les collaborateurs du service des comptabilités les connaissaient, de même que les réviseurs externes. Personne ne les avait remises en cause durant les années pendant lesquelles le mandat de Me D______ avait duré, voire avant, puisque certaines de ces pratiques lui préexistaient. Le fait que ces pratiques étaient connues de M. F______ était fondamental, ce dernier rapportant directement au CA, de sorte qu’il était inenvisageable que ce dernier ne soit pas au courant. Enfin, on avait de la peine à discerner ce que l’enquêteur reprochait au recourant au titre du cahier des charges. La révocation n’était pas fondée, d’autant moins à titre rétroactif. Il n’avait jamais fait l’objet de sanctions disciplinaires et ses évaluations périodiques avaient toujours été bonnes.

e. La sanction disciplinaire était prescrite. L’entier des faits reprochés remontait soit à l’époque de la mise en œuvre du mandat D______, soit avant, soit peu après. Les supposées violations des devoirs de service remontaient donc toutes à plus de cinq ans, soit respectivement à avant 2007, au mois de janvier 2007 et à 2009. Ainsi, lorsque l’enquête administrative avait été ouverte au mois de juin 2015, la responsabilité disciplinaire du recourant en lien avec les supposées violations était prescrite ; cela était a fortiori le cas en 2021, lorsque les HUG avaient rendu la décision de révocation. De surcroît, l’ouverture de l’enquête administrative en juin 2015 n’avait pas suspendu le délai de prescription de cinq ans. Aussi, en attendant plus de cinq années entre l’ouverture de ladite enquête et le prononcé de la révocation du recourant, les HUG avaient laissé la prescription quinquennale survenir si bien que, indépendamment de savoir si et quand l’autorité disciplinaire avait eu connaissance effective des reproches qui lui étaient faits, les HUG étaient forclos à prononcer sa révocation le 30 août 2021. La décision litigieuse se basait sur des faits prescrits. Elle était illicite et devait être annulée.

f. La révocation ne reposant sur aucun motif fondé d’une part et les motifs invoqués par les HUG pour la justifier, à les supposer établis, étant quoi qu’il en soit prescrits, la révocation était infondée dans les deux cas. La chambre administrative devait ordonner la réintégration du recourant dans son ancienne fonction, sous la réserve qu’il n’était pas « réintégrable » ayant entre-temps atteint l’âge de la retraite. La seule condamnation possible consistait en une indemnité, qui devait équivaloir, vu les circonstances, à vingt-quatre mois de son dernier traitement soit CHF 468'994.50. Dite indemnité ne devait pas être soumise aux cotisations sociales et être porteuse d’intérêts moratoires. Dans une seconde étape, il conviendrait que les HUG se prononcent sur les conséquences économiques de la révocation illicite, prétention exorbitante au présent litige.

27) Les HUG ont conclu au rejet du recours. La démarche du recourant était abusive, ce dernier omettant l’élément principal qui avait fondé la décision de le suspendre provisoirement, puis de suspendre son traitement et, enfin, de le révoquer, à savoir qu’il avait commis des actes illicites et pénalement répréhensibles pour lesquels il avait été définitivement condamné par une autorité pénale. Il avait été déclaré coupable d’avoir géré les intérêts de son employeur de manière déloyale pendant une période de huit ans, créant ainsi un dommage aux HUG de plus de vingt millions de francs, créance qui ne serait vraisemblablement jamais recouvrée en totalité. Quelle que soit l’opinion du recourant sur sa condamnation, le Tribunal correctionnel, la CPAR et le Tribunal fédéral avaient considéré qu’il s’était rendu coupable d’une infraction contre le patrimoine de son employeur, intervenue au cours de ses activités professionnelles. Il était dès lors peu admissible que, dans ces circonstances, M. A______ se permette d’alléguer le caractère excessif de la sanction disciplinaire qui lui avait été infligée. Il admettait, par ailleurs, dans son recours que si les HUG devaient être condamnés à lui verser une quelconque somme, il exciperait de compensation, de sorte qu’il ne percevrait aucun montant. Le recourant estimait que le montant qu’il serait en droit de percevoir permettrait d’éteindre ses dettes de manière substantielle. Or, la prétention de M. A______ au versement d’une indemnité de vingt-quatre mois de traitement, plus un arriéré de cinq ans et trois mois équivaudraient à un montant brut de CHF 1'569'327.75 à savoir 7.5 % de la créance en capital des HUG en CHF 20'460'487.- sur laquelle un intérêt de 5 % l’an dès le 1er novembre 2012 était dû soit CHF 1'023'024,35 par an au seul titre des intérêts.

a. Aucun des griefs du recourant n’était fondé. L’enquêteur n’avait pas procédé une seconde fois à l’instruction de la cause, d’ores et déjà effectuée par une autorité pénale, en contradictoire. Procéder de la sorte aurait violé le principe de la célérité. L’enquêteur était habilité à retenir, en sus de la gestion déloyale pour laquelle le recourant avait été condamné, d’autres agissements constitutifs de fautes contractuelles et/ou réglementaires commises par celui-ci en sa qualité d’employé des HUG, même si ces agissements n’avaient pas été retenus par l’autorité pénale car non pertinents, s’agissant des infractions pénales instruites.

b. Le droit d’être entendu de M. A______ avait été respecté. Il avait compris les griefs pesant à son encontre et avait eu la possibilité de se déterminer sur le rapport de l’enquêteur. Après six ans de procédure pénale sur les mêmes faits, les griefs qui pesaient sur lui étaient connus. Affirmer le contraire relevait d’une absolue mauvaise foi.

c. Le recourant, haut cadre d’un établissement public de soins dépendant pour près de 50 % de son budget annuel de subventions de l’État, avait été condamné, de manière définitive, pour avoir commis une gestion déloyale au cours de son emploi, pendant une période de huit ans sans discontinuer, générant ainsi un dommage de plus de vingt millions de francs au détriment des HUG. Ce seul énoncé suffisait à parvenir à la conclusion que la proportionnalité de la révocation avait été respectée. On percevait mal quel autre acte commis directement à l’encontre de son employeur aurait pu être considéré comme plus grave. Le recourant ne pouvait être suivi lorsqu’il se prévalait de ses états de service irréprochables, la période pénale retenue par la CPAR courant de 2008 à mai 2015. Ainsi, pendant les quatorze années d’activité pour les HUG, il avait commis des infractions pénales pendant la moitié de la période.

d. L’enquête administrative, ouverte le 22 juin 2015, avait été suspendue le 18 septembre 2015, puis reprise en avril 2021 pour arriver à son terme le 30 août 2021. Elle avait duré sept mois, respectant le délai d’une année de l’art. 27
al. 7 LPAC. À teneur de cet article, le délai de prescription absolue de cinq ans commençait à courir depuis la dernière violation. Selon la CPAR, la période pénale s’étendait de 2008 à mai 2015, de sorte que la prescription avait commencée à courir en mai 2015 et ne pouvait pas être atteinte à l’ouverture de l’enquête administrative. Par ailleurs, une interprétation littérale du texte permettait de retenir que la suspension de la prescription pendant la procédure administrative s’appliquait sans distinction à la prescription tant relative qu’absolue. Nonobstant son caractère absolu, le délai quinquennal devait être suspendu pendant toute la durée de la procédure administrative, ce d’autant plus lorsque l’autorité qui avait la charge d’infliger la sanction disciplinaire était dans l’attente de l’issue d’une procédure pénale qui traitait des mêmes faits. Raisonner autrement reviendrait à révoquer un fonctionnaire sur la base de soupçons qui n’étaient pas encore matérialisés, l’accusé bénéficiant de la présomption d’innocence jusqu’à ce qu’une décision émanant d’une autorité pénale soit définitive et exécutoire. Par ailleurs, le résultat de l’annulation de la révocation du recourant au motif que la sanction serait prescrite serait choquant, dans la mesure où il reviendrait à imposer aux HUG de verser à son employé un traitement pendant une période de cinq ans et trois mois durant laquelle le fonctionnaire n’avait pas travaillé, ce dernier ayant de surcroît été condamné pénalement pour avoir, pendant une période de huit ans, commis une gestion déloyale au préjudice de son employeur, lequel avait subi un dommage de plus de vingt millions de francs. En tout état, la prescription de l’art. 158 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) devrait s’appliquer à la procédure administrative. La sanction disciplinaire n’était pas prescrite.

28) Dans sa réplique, le recourant s’est défendu d’occulter l’issue de la procédure pénale. C’étaient les HUG qui avaient tu cet élément lorsqu’ils avaient rendu la décision de révocation. Aucune mention n’était faite dans la décision querellée des considérations retenues par le juge pénal pour fonder la condamnation. L’enquêteur et les HUG avaient choisi de se baser sur des éléments qui ne ressortaient pas de la procédure pénale, « ce qui était possible, mais osé », soit sur des éléments qui avaient été écartés par les autorités pénales qui avaient eu à connaître de son cas, « ce qui était risqué ». Ils essayaient de « corriger le tir » en indiquant qu’il allait de soi que ce qui avait motivé la révocation étaient les actes pour lesquels sa responsabilité pénale avait été engagée et reconnue. Cette absence volontaire et consciente de motivation entraînait la conséquence que c’était sur la base des faits contenus dans la décision contestée, et sur lesquels le recourant s’était déterminé lorsqu’il avait exercé son droit d’être entendu, qu’il s’agissait d’apprécier la licéité de la révocation avec effet rétroactif dont il avait fait l’objet. Par ailleurs, il était inélégant de la part des HUG d’estimer sa démarche téméraire au vu du montant dû. Cette somme était importante pour l'intéressé.

29) Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 7 avril 2022, M. A______ a indiqué avoir reçu, en 2017 environ, une information de la caisse de pension de l’État de Genève (ci-après : CPEG), selon laquelle il était « à la retraite », ce qui était inexact. Malgré sa requête, les HUG n’avaient jamais donné de précisions sur les raisons de cet envoi de la CPEG. Celle-ci lui avait d’ailleurs versé un rétroactif, considérant que la retraite avait pris effet avant la date de ses 65 ans. Il n’avait toutefois pas obtenu de documents détaillant le montant en capital versé. Il avait continué à recevoir régulièrement, au-delà de 2017, les usuels vœux du président du CA en fin d’année comme s’il était toujours employé.

Les représentants des HUG ont précisé que les décisions du président du CA validant l’ouverture de l’enquête administrative, ordonnant la suspension provisoire de M. A______ et, ultérieurement, sa suspension de traitement, avaient fait l’objet d’une unique décision interne du CA. Elle n’avait pas été notifiée à M. A______. Ils ont versé à la procédure un document du CA intitulé « décision » et validant les trois décisions précitées. Le document est daté du 15 octobre 2015. Il fait mention d’une « date : 3 juillet 2015 séance : 31 août 2015 ». Ils ignoraient quels avaient été les contacts entre les HUG et la CPEG. Il n’y avait pas d’autres documents ou décisions que celle de révocation qui mettait fin au contrat de travail. Ils ignoraient quels avaient été les contacts entre Monsieur G______ et l’enquêteur, auxquels ce dernier faisait référence en page trois de son rapport, en le remerciant. M. G______ avait quitté les HUG en 2019, sauf erreur.

30) Dans ses ultimes écritures, le recourant a insisté sur la nécessité d’établir quels avaient été les contacts entre M. G______ et l’enquêteur. Il semblait que les propos de celui-là avaient joué un rôle important dans la construction des griefs à son encontre. Or, il ne restait aucune trace de leurs échanges, ce qui lui aurait permis d’en prendre connaissance, voire de se déterminer sur leur contenu. Il aurait ainsi pu expliquer à l’enquêteur administratif les raisons pour lesquelles les assertions de M. G______ étaient fausses. Il n’avait pas non plus pu se déterminer sur la reprise de l’enquête administrative ni solliciter de mesures d’instruction. Il aurait demandé à entendre des témoins. Son droit d’être entendu avait ainsi été violé, sans qu’aucune réparation ne puisse intervenir devant la chambre de céans.

31) Les HUG ont persisté dans leurs conclusions et précisé que les décisions du CA et du bureau du conseil étaient des documents internes d’ordre purement formel. Les décisions avaient été signées par les instances compétentes. Le contenu des décisions avait été communiqué à ce dernier par courrier des 22 juin et 17 juillet 2015.

32) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

33) Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA ; art. 30 al. 2 LPAC).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de révocation du 30 août 2021 avec effet rétroactif à la date de l’ouverture de l’enquête administrative le 22 juin 2015.

3) Dans un grief d’ordre formel qu’il convient d’analyser en premier, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu sous trois formes : l’absence de motivation de la décision ayant présidé à l’ouverture de l’enquête administrative et de celle de révocation, son droit de faire administrer des preuves et l’impossibilité de faire valoir ses observations avant la reddition du rapport de l’enquêteur.

Dans ses observations après comparution personnelle, le recourant a par ailleurs relevé ne pas avoir pu se prononcer sur la reprise de l’enquête administrative. Enfin, l’autorité intimée n’était pas à même de documenter les contacts entre l’enquêteur administratif et M. G______ que celui-là remerciait dans son rapport.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1. ; ATA/799/2018 du 7 août 2018).

La jurisprudence a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1).

b. En l’espèce, le recourant est forclos à se plaindre de l’absence de motivation de la décision d’ouverture de l’enquête administrative, celle-ci datant du 22 juin 2015.

La motivation de la décision de révocation est, certes, brève, tenant en moins d’une page. Elle se réfère aux « conclusions du rapport d’enquête du 10 mai 2021, rendu dans le cadre de l’enquête administrative ordonnée suite aux faits graves dénoncés dans le rapport d’audit interne portant sur la gestion des comptabilités, dont il avait la responsabilité, en particulier le recouvrement au sein des HUG ». Les conclusions de cette enquête administrative démontraient de multiples violations graves des art. 20 et 21 al. c du statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 (ci-après : le statut). Dès lors que le rapport d’enquête administrative fait expressément référence à l’arrêt de la CPAR, en confirmant que les faits y ont été établis, qu’ils ont été qualifiés de gestion déloyale, et qu’en conséquence l’enquête administrative pouvait être clôturée, la décision de révocation est suffisamment motivée. Le recourant a d’ailleurs pu recourir à son encontre et faire valoir ses griefs.

Dans ses brèves observations après la reddition du rapport de l’enquêteur, le recourant s’est limité à indiquer que l’audition de certaines personnes aurait permis de « battre en brèche » certains des constats de l’enquêteur. Il n’indique pas quelles preuves il n’aurait pas pu faire administrer. Au vu de l’importance de la procédure pénale, le droit d’être entendu du recourant n’a pas été violé par la renonciation de l’enquêteur à entendre des témoins complémentaires. Le dossier pouvait être considéré comme étant complet aux vu des instructions, fouillées et détaillées, menées dans le cadre de la procédure pénale tant par le Ministère public que par les juridictions ayant traité le dossier. L’audition de M. G______, qui a repris son poste au sein des HUG, n’est par ailleurs pas nécessaire, l’intéressé ayant été entendu trois fois dans le cadre de la procédure pénale et le recourant ayant pu lui poser des questions lors de l’audience devant le Tribunal correctionnel. Si l’autorité intimée n’a pas été en mesure d’établir quels contacts avaient eu lieu entre l’enquêteur administratif et M. G______, ces faits sont sans incidence sur l’issue du litige compte tenu des considérants qui suivent.

C’est à tort que le recourant se plaint de n’avoir pas pu formuler des observations. Le 9 septembre 2015, il avait détaillé sur dix pages, à l’attention de l’enquêteur, sa position. Par ailleurs, il a été invité à le faire par courrier du 18 juin 2021 auquel était joint le rapport d’enquête administrative. Il était en possession des jugement et arrêts prononcés dans le cadre de la procédure pénale auxquels l’enquêteur administratif faisait référence. Il a donné suite à cette invite et s’est déterminé par observations du 4 août 2021.

L’enquête administrative avait été suspendue au motif qu’elle dépendait de la procédure pénale. Conformément à l’art. 14 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature, notamment, pénale, relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendant devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. En l’espèce, l’arrêt du Tribunal fédéral ayant été rendu le 20 décembre 2020 et notifié aux parties le 11 janvier 2021, la condition nécessaire à la reprise était réalisée. L’autorité intimée pouvait reprendre la procédure administrative en avril 2021 sans qu’il ne soit nécessaire d’offrir au recourant une possibilité de s’exprimer au préalable. L’art. 28 LPAC, traité dans les considérants qui suivent, n’impose pas d’obligation supplémentaire lors de la reprise de la procédure.

Infondé, le grief est rejeté.

4) a. Les HUG sont les établissements publics médicaux du canton de Genève
(art. 1 al. 1 de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 - LEPM - K 2 05). Ils forment un établissement de droit public doté de la personnalité juridique (art. 5 al. 1 LEPM).

b. En tant que membre du personnel des HUG, le recourant était soumis au statut en application de l'art. 1 al. 1 let. e LPAC et de l'art. 7 let. e LEPM. Il était aussi soumis à la LPAC, au règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) notamment.

c. Les devoirs du personnel des HUG sont énumérés aux art. 20 ss du statut. Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'établissement et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du statut). Selon l'art. 21 du statut, ils se doivent, par leur attitude, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de même que de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Ils se doivent également de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence et de respecter leur horaire de travail. (art. 22 al. 1 et 2 du statut).

5) Aux termes de l'art. 16 al. 1 LPAC, selon la gravité de la faute, diverses sanctions disciplinaires peuvent être infligées à un fonctionnaire dont la révocation. Le conseil d’administration de l’établissement est compétent pour prononcer une révocation (let. c 5).

En cas de révocation, le conseil d’administration peut stipuler qu’elle déploie effet immédiat si l’intérêt public le commande (art. 16 al. 2 LPAC).

Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (art. 28 al. 4 deuxième phrase LPAC).

6) Les art. 27 ss LPAC détaillent la procédure pour sanction disciplinaire.

a. Aux termes de l’art. 27 al. 1 LPAC relatif à la procédure pour sanction disciplinaire, les dispositions de la LPA sont applicables, en particulier celles relatives à l’établissement des faits (art. 18 et ss). Le conseil d’administration peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c (art. 27 al. 2 LPAC). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et il peut se faire assister d’un conseil de son choix (art. 27 al. 3 LPAC). L'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de trente jours dès la première audition. En règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties ainsi que d'éventuels témoins sont entendus. Les parties doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (art. 27 al. 4 LPAC). Une fois l'enquête achevée, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans les trente jours qui suivent la communication du rapport (art. 27 al. 5 LPAC). Le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration statue à bref délai (art. 27 al. 6 LPAC).

b. Dans l'attente du résultat d'une enquête administrative ou d'une information pénale, le conseil d'administration peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction (art. 28 al. 1 LPAC). Cette décision est notifiée par lettre motivée (al. 2). La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l’État ou de l’établissement (art. 28 al. 3 LPAC). À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale (art. 28 al. 4 première phrase LPAC).

c. À teneur de l'art. 29 al. 2 LPAC, lorsque les faits reprochés à un membre du personnel peuvent faire l’objet d’une sanction civile ou pénale, l’autorité disciplinaire administrative applique, dans les meilleurs délais, les dispositions des art. 16, 21, non pertinent en l’espèce, et 27 LPAC, sans préjudice de la décision de l’autorité judiciaire civile ou pénale saisie.

7) Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en suisse romande, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, n. 55 p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50 p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51 p. 14).

8) L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Pour satisfaire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.), il faut que la décision prononcée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe de la proportionnalité au sens étroit ; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/137/2020 précité ; ATA/118/2016 du 9 février 2016). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/390/2022 du 12 avril 2022 consid. 4 ; ATA/36/2022 du 18 janvier 2022 consid. 3d).

9) a. La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (ATA/137/2020 précité ; ATA/1287/2019 du 27 août 2019 et les références citées). Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un certain caractère infamant vu sa nature. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2017 du 22 février 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1476/2019 du 8 octobre 2019).

b. Parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et les références citées).

c. La chambre de céans a notamment confirmé la révocation : d’un agent de sécurité publique qui enregistrait des vidéos pendant des interventions sans l’accord de personnes filmées (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2020 du 4 mars 2021) ; d’un fonctionnaire ayant pénétré dans les bureaux RH dont l’accès était restreint aux seules personnes autorisées moyennant un badge (révocation avec effet immédiat : ATA/698/2020 du 4 août 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2020 du 1er juin 2021) ; d'un huissier-chef ayant transmis des documents à des tiers non autorisés, omis de cadrer une subordonnée et adopté d'autres comportements problématiques (ATA/1287/2019 précité) ; d'un intervenant en protection de l'enfant ayant entretenu une relation intime avec la mère des enfants dont il était en charge, et ayant continué à traiter leur dossier (ATA/913/2019 du 21 mai 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2019 du 20 novembre 2019) ; d'un employé administratif au sein de la police ayant fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et transmettre des données confidentielles à des tiers (ATA/56/2019 du 22 janvier 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020) ; d'un fonctionnaire ayant dérobé de la nourriture dans les cuisines d'un établissement hospitalier (ATA/118/2016 précité) ; d'un policier ayant frappé un citoyen lors de son audition, alors que ce dernier était menotté et maîtrisé (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2013 du 7 juillet 2014) ; d'un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 du 30 août 2011) ; d'un fonctionnaire ayant exercé au sein du service des pressions psychologiques et physiques, eu une attitude déplacée et proféré des menaces à l'endroit de collègues de travail, ainsi qu'entretenu des relations intimes avec certaines d'entre elles, alors qu'il était chargé de leur formation (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2010 du 9 mai 2011) ; d'un fonctionnaire ayant fréquemment et régulièrement consulté des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail, malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010). Elle a également confirmé la révocation d'un enseignant qui avait ramené une prostituée à l'hôtel où logeaient ses élèves, lors d'un voyage de classe, organisé sur son lieu de travail et pendant ses heures de service une rencontre à caractère sexuel avec un jeune homme dont il n'avait pas vérifié l'âge réel et dont il ignorait l'activité, puis menacé ce dernier (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011).

La chambre administrative a toutefois annulé la révocation et ordonné la réintégration d’un fonctionnaire l’autorité intimée ayant mal établi les faits et abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le comportement de celui-ci constituait du harcèlement sexuel à l’égard d’une collègue (ATA/137/2020 précité) ; en l'absence de violation des devoirs de service d'un fonctionnaire, pour lequel l'autorité d'engagement n'avait pas pu établir qu'il s'était rendu coupable de faux, seul fait à la base de la décision (ATA/911/2015 du 8 septembre 2015), ou dans le cas d'une fonctionnaire au motif que l'autorité avait renoncé à statuer sur le plan disciplinaire pendant plus d'une année, laissant l'intéressée dans l'incertitude sur sa situation, ce qui allait à l'encontre des principes du droit disciplinaire (ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

10) Le recourant allègue que la sanction disciplinaire serait prescrite.

a. La responsabilité disciplinaire des membres du personnel se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative (art. 27 al. 7 LPAC).

b. La chambre de céans a déjà tranché que le que le délai de cinq ans devait être considéré comme un délai de prescription absolue (ATA/809/2021 du 10 août 2021 consid. 5c ; ATA/738/2021 du 13 juillet 2021 consid. 7d ; ATA/215/2017 du 21 février 2017 notamment, étant rappelé que la teneur de l’art. 37 al. 6 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 [LPol - F 1 05] était identique à l’art. 27 al. 7 LPAC et était entré en vigueur le 31 mai 2007. La modification intervenue ultérieurement avec l’entrée en vigueur au 1er mai 2016 de 36 al. 3 LPol était, en l’espèce, sans incidence).

c. La chambre de céans a de même aussi déjà tranché le fait que le délai de prescription de cinq ans de l’art. 27 al. 7 LPAC pouvait être suspendu pendant la durée de l’enquête administrative.

En effet, l’ancien Tribunal administratif avait considéré que « comme pour la prescription relative, le délai de prescription absolu peut être prolongé par le législateur. Cette solution a été retenue lors de l'introduction de l'art. 37 al. 6 LPol, qui prévoit expressément la suspension de la prescription pendant l'enquête administrative. À cette occasion, la volonté de permettre à l'État de sévir dans les cas où une procédure pénale est engagée parallèlement à la procédure administrative, sans risque de voir la prescription absolue de cette dernière atteinte, a été clairement exprimée par le législateur. Un système similaire a été institué par le législateur fédéral pour les fonctionnaires fédéraux (art. 25 de la loi fédérale sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 - LPers - RS 172.220.1 et 100 de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération du 3 juillet 2001 - OPers - RS 172.220.111.3), ainsi que dans le domaine du droit pénal administratif (art. 11
al. 3 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 - DPA - RS 313.0) (ATA/560/2010 du 31 août 2010 consid. 8 et les références citées).

Cette jurisprudence a été confirmée récemment dans un arrêt du 8 septembre 2020 (ATA/860/2020 consid. 4).

d. L’enquête administrative et donc la suspension du délai de prescription prennent fin par la remise à l’autorité du rapport de la personne chargée de l’enquête (arrêt du Tribunal fédéral 8C_281/2017 du 26 janvier 2018 consid. 5.4.1).

L’autorité administrative n’a pas besoin de mettre fin par un acte formel à l’enquête administrative (arrêt du Tribunal fédéral 8C_281/2017 précité consid. 5.4.4)

e. S’agissant du dies a quo du délai d’un an, une abondante et constante jurisprudence de la chambre de céans rappelle qu’il court à compter de la connaissance des faits par l’autorité décisionnaire (ATA/36/2022 du 18 janvier 2022 considérant 2c et les références citées).

f. En l’espèce, il n’est pas nécessaire d’établir précisément à quelle date le CA a eu connaissance des faits. Le rapport d’audit interne a été rendu en juin 2015. À sa suite, des précisions ont été requises de la directrice des services financiers et du responsable de l’audit interne. Dans leur note du 8 juin 2015, ils concluaient à la satisfaction du système. Le 22 juin 2015 toutefois, le président du CA a décidé de l’ouverture d’une enquête administrative.

Le délai d’une année a, en conséquence couru, de juin 2015 – l’hypothèse la plus favorable au recourant étant le 1er juin 2015 – au 22 juin 2015, date de l’ouverture de l’enquête administrative et a repris en avril 2021 – l’hypothèse la plus favorable au recourant étant le 1er avril 2021 – jusqu’à la décision de révocation du 30 août 2021. La procédure administrative a en conséquence duré six mois et n’a pas atteint le délai de prescription d’une année.

Le délai de cinq ans court à compter des derniers agissements. L’arrêt de la CPAR retient, au titre de période pénale, des agissements jusqu’en 2015. Le délai a en conséquence couru du 1er juin 2015, compte tenu notamment de la note du 8 juin 2015 continuant à valider le système mis en place, au 22 juin 2015 avant d’être suspendu à cette dernière date jusqu’en avril 2021 – par hypothèse la plus favorable au recourant le 1er avril – pour courir à nouveau entre le 1er avril et le 30 août 2021. Le délai de cinq ans est en conséquence largement respecté.

La sanction disciplinaire n’est pas prescrite.

11) a. Une décision ne saurait être valable si elle a été rendue par une autorité qui n'était pas habilitée par l'ordre juridique à la prononcer. La conséquence de l'incompétence de l'auteur d'une décision peut varier suivant les circonstances : nullité ou simple annulabilité (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 880).

b. La décision d’ouverture de l’enquête administrative (art. 27 al. 2 LPAC) est de la compétence du CA.

c. En l’espèce, la décision d’ouverture de l’enquête administrative a été prise par le président du CA à titre provisionnel, avec indication des voie et délai de recours, puis ratifiée par le CA. Même à retenir les dates de la décision du CA
(15 octobre 2015, date la plus favorable au recourant, quand bien même la date de la séance était soit le 3 juillet, soit plus probablement le 31 août 2015), en lieu et place de celle prise par le président du CA, la sanction disciplinaire n’est pas prescrite.

12) Le recourant se plaint d’une violation du principe de la maxime inquisitoire.

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l’autorité établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4a et les références citées).

b. En l’espèce, l’enquête administrative a été ouverte le 22 juin 2015. La première audition du recourant par l’enquêteur s’est tenue le 9 juillet 2015. Malgré le dépôt d’une plainte pénale par les HUG, le 17 juillet 2015, l’enquêteur a poursuivi ses auditions les 25, 26 et 27 août 2015 avant que le président du CA des HUG décide, le 18 septembre 2015, de suspendre l’enquête administrative.

L’instruction pénale a duré environ trois ans. Une expertise financière a été nécessaire pour contribuer à établir les faits. Le jugement du Tribunal correctionnel est intervenu le 21 décembre 2018, l’arrêt de la CPAR le 26 mai 2020 et celui du Tribunal fédéral le 22 décembre 2020. La procédure pénale s’est donc étendue pendant quelque cinq années et demi. Le jugement et les arrêts sont fouillés.

Le recourant admet lui-même que « durant ces quelques six années, d’innombrables actes d’instruction ont été accomplis (auditions de témoins, de personnes appelées à donner des renseignements et des parties, une expertise judiciaire, plusieurs audiences de jugement etc.), de toutes aussi nombreuses et volumineuses pièces ont été versées au dossier et de multiples faits ont été passés en revue. Devant ce véritable maelstrom d’informations, de documents et de faits, les HUG ne pouvaient pas se contenter de renvoyer, qui plus est de manière parfaitement sibylline, à la procédure pénale ».

L’enquêteur administratif a remis son rapport environ un mois après la reprise de l’enquête. C’est en conséquence, au total, environ quatre mois qu’il aura consacrés à cette activité. Au vu de l’importance de la procédure pénale, de la condamnation du recourant pour gestion déloyale à l’encontre des HUG, à une peine privative de liberté de deux ans, avec sursis durant deux ans et, conjointement et solidairement avec M. D______, à payer aux HUG la somme de CHF 20'460'487.- avec intérêts, à titre de réparation du dommage matériel, il n’était pas nécessaire que l’enquêteur administratif établisse davantage les faits pertinents. Ceux-ci ont été établis dans le cadre de la procédure pénale et ressortent des arrêts de la CPAR et du Tribunal fédéral.

Le recourant reproche à l’enquêteur d’avoir mentionné dans son rapport les faits tels qu’il les avait lui-même constatés en août 2015 et de ne pas les avoir actualisés. Ce reproche tombe à faux. Dans ses prises de position, l’enquêteur « constate » notamment que M. A______ a été condamné par arrêt du 26 mai 2020 par la CPAR pour gestion déloyale et que le recours au Tribunal fédéral de l’intéressé a été rejeté le 22 décembre 2020. Il relève que l’arrêt confirme ses propres constatations et considère que les manquements sont établis et constituent une faute grave. L’enquêteur confirme également qu’au vu de l’établissement des faits retenus par la CPAR et de la qualification juridique de gestion déloyale, son mandat peut être clôturé. Ainsi, si certes l’enquêteur détaille les constats auxquels il était arrivé en 2015, il ne peut pas être reproché une violation du principe de la maxime inquisitoire compte tenu du soin mis par les autorités pénales à établir les faits de façon complète et de la durée de la procédure pénale. La gravité de la condamnation pénale et l’importance de la somme due, conjointement et solidairement, par le recourant à titre de réparation du dommage matériel encouru par son ancien employeur, justifie une sanction disciplinaire, sans qu’il ne soit nécessaire d’approfondir l’enquête disciplinaire. Aussi, le fait que l’enquêteur retienne que le recourant a mis en place une comptabilisation net des honoraires de M. D______ alors que cela aurait été écarté par l’expertise comptable, qu’il persiste à lui reprocher le non-respect de règles en matière de marchés publics alors que la procédure pénale aurait permis d’établir qu’il s’agissait d’une volonté des HUG, voire même que « le recouvrement assurance » était inutile, mais que l’intéressé aurait pu démontrer dans le cas de la procédure pénale sa nécessité est sans incidence pertinente et déterminante sur l’issue du présent litige. Le grief est rejeté.

13) Le recourant se plaint d’une violation de l’art. 14 al. 2 LPA. L’enquêteur avait tenu pour établis des faits expressément écartés par les instances pénales et n’avait pas pris en considération des faits qui avaient été démontrés comme étant établis dans ce contexte.

a. Les autorités administratives et les juridictions administratives saisies d'une question préjudicielle sont toutefois liées par les décisions de l'organe compétent qui l'ont résolue avec force de chose jugée (art. 14 al. 2 LPA).

b L’argumentation du recourant paraît difficilement compréhensible. Il ne précise pas quelle était la question préjudicielle. À considérer qu’il s’agisse de son éventuelle culpabilité dans le cas de la procédure pénale, celle-ci a été retenue par l’enquêteur administratif qui s’est référé à la condamnation pénale. Il n’est pas nécessaire, en application de l’art. 14 al. 2 LPA, de reprendre le détail les différents constats faits respectivement par l’enquêteur administratif ou/et par la CPAR en matière de comptabilité et de chercher à détailler sur quels points éventuels leur constat différerait, étant rappelé qu’il s’agirait de se pencher sur les différents types de factures, qu’il s’agisse des sommations, des notes d’honoraires, du contentieux ou des commissions de performance, ou de la problématique des forfaits au temps. Une telle analyse n’est pas nécessaire pour l’issue de la présente procédure compte tenu de la condamnation pénale de l’intéressé.

De même, le recourant ne peut valablement soutenir qu’il n’aurait pas compris, après sa condamnation pénale, les reproches formulés par son employeur, quand bien même le fait que l’enquêteur ait maintenu dans son rapport ses conclusions de l’époque sur quelques trente pages, alors même qu’une procédure pénale d’envergure, postérieure aux constats de l’enquêteur, a permis d’établir avec précision les faits reprochés, ne contribue effectivement pas à la simplification du dossier.

Le grief est infondé.

14) Le recourant se plaint d’une violation de l’art. 16 LPAC. Il invoque ne pas avoir compris les griefs formulés à son encontre et, par voie de conséquence, ne pas être apte à analyser si leur gravité pouvait justifier une révocation, de surcroît avec effet rétroactif.

En l’espèce, le recourant a été reconnu coupable de gestion déloyale à l’encontre de son employeur et de lui avoir causé, conjointement avec un tiers, un dommage matériel de plus de vingt millions de francs. Le Tribunal fédéral a confirmé l’arrêt de la CPAR, lequel relevait que la faute du recourant était « assurément lourde. Durant une très longue période de sept ans et demi (2008 à mi- 2015), il a[vait] par ses actes de gestion agit au détriment des intérêts de son employeur, établissement public, et partant, en définitive, de la collectivité, alors qu’il avait, en sa qualité de responsable puis chef du service des comptabilités, la tâche d’organiser le recouvrement au mieux desdits intérêts. Ce faisant, il a[vait] trahi la confiance de son employeur et abusé de ses prérogatives, se concentrant exclusivement sur l’objectif d’encaissement, au détriment de la question, pourtant essentielle, du coût. Dans ce contexte, il avait tiré parti des défaillances internes et fait obstruction aux quelques tentatives, il [était] vrai molles, à tout le moins de la part de ses supérieurs, d’identifier ladite charge. [ ] La volonté délictuelle était intense, l’intéressé ayant eu à tout moment le moyen de mettre fin à ses agissements, ce qu’il n’a[vait] pas fait. Au contraire, [ ] il a[vait] agi de manière répétée et systématique, notamment se rendant personnellement et quasiment toutes les semaines chez son co-prévenu, gardant ainsi la maîtrise du système mis en place. En définitive, seule l’action parallèle et coordonnée de l’audit interne et de la Cour des comptes a[vait] posé un terme à ces agissements » (arrêt CPAR précité consid. 8.3).

À l’évidence, un tel comportement est constitutif d’une faute excessivement grave justifiant la sanction la plus lourde, avec effet rétroactif. Si être reconnu coupable de gestion déloyale à l’encontre d’un employeur à hauteur de vingt millions de francs ne devait pas remplir les conditions de la plus grave des sanctions envisagées par la LPAC, on peine à envisager quel comportement fautif pourrait y correspondre. S’il est exact que le recourant n’avait jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire au préalable ni l’objet de reproches, la gravité de la faute justifie la révocation avec effet rétroactif sans violer le principe de la proportionnalité, étant rappelé que le recourant était haut cadre de l’administration cantonale et qu’à ce titre un devoir de diligence accrue et d’exemplarité était attendu de sa part.

Le grief est infondé.

15) Les conclusions du recourant en paiement d’une indemnité seront en conséquence rejetées compte tenu de ce qui précède.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

16) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 septembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 30 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 2’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Steve Alder, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Pascal Maurer, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et McGregor,
M. Mascotto et Mme Michon Rieben, juges.

 


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :