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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1186/2022

ATA/528/2022 du 18.05.2022 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1186/2022-EXPLOI ATA/528/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 mai 2022

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michael Lavergnat, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



Attendu, en fait, que :

1) Par décision du 3 octobre 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a autorisé Monsieur A______ à exploiter l'établissement à l'enseigne « B______ » (ci-après : B______), sis 7-9, rue ______ à Genève.

2) Les 30 juillet, 18 et 28 août 2021, la police municipale a effectué des contrôles. Selon les rapports y relatifs respectivement rédigés les 3 et 31 août ainsi que 1er septembre 2021, une animation musicale occasionnait des inconvénients graves pour le voisinage, soit du bruit excessif. L'établissement était en revanche au bénéfice d'une autorisation d'animation musicale pour le trimestre en cours.

3) Par courrier du 15 février 2022, M. A______ a requis pour le « B______ » une autorisation d'animation musicale ainsi qu’une demande de dérogation horaire de fermeture pour le premier trimestre 2022.

4) Le 24 février 2022, la PCTN a annoncé à M. A______ son intention de refuser de donner suite à ses demandes.

Par courrier de 19 janvier, 28 janvier et 7 février 2022, la PCTN l’avait sanctionné pour diverses infractions suite aux rapports établis par la police. Plusieurs infractions à l’art. 4 al. 2 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), soit « inconvénients graves pour le voisinage » et 36 LRDBHD, « non-respect des conditions de l’autorisation d’animation », avaient été commises.

Un délai lui était octroyé pour faire valoir ses observations.

Le 22 mars 2022, M. A______ a relevé que les décisions des 19 et 28 janvier ainsi que celle du 7 février 2022 avaient été retirées par la PCTN. S’agissant de celle du 16 mars 2022, elle venait de lui être notifiée et n’était pas entrée en force. Il contestait toute infraction et avait déjà déposé trois recours. La PCTN avait refusé d’éclaircir les faits et d’instruire le dossier. Les complexes de faits étaient antérieurs de plus de trois mois au dépôt des deux requêtes, si bien que la PCTN n’était pas tenue de refuser l’extension de l’horaire et l’autorisation d’animation, mais disposait d’un large pouvoir d’appréciation. Les faits constatés n’avaient fait l’objet d’aucune plainte et concernaient un environnement exempt, aux heures de constatation, de tout voisinage. La profession vivait des heures difficiles. Il essayait de retrouver sa clientèle après des mois de pandémie. Il était disproportionné de statuer sur la base d’infractions contestées judiciairement et dont l’impact sur l’ordre public semblait inexistant.

5) Par deux décisions du 11 avril 2022, déclarées exécutoires nonobstant recours, la PCTN a rejeté les requêtes d'autorisation d'animation musicale et de dérogation horaire trimestrielle, pour les motifs annoncés.

6) Par un acte unique posté le 13 avril 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions du 11 avril 2022, concluant préalablement à l’octroi de mesures superprovisionnelles urgentes, soit à la restitution de l'effet suspensif au recours, alternativement à ce qu’il soit autorisé, provisoirement, jusqu’à droit jugé, à exploiter son établissement jusqu’à 2h00 du dimanche au jeudi et jusqu’à 4h00 les vendredi et samedi et à organiser une animation musicale au sein de son établissement. Les mêmes conclusions étaient prises sur mesures provisionnelles. Principalement, les décisions devaient être annulées. Préalablement, la comparution de trois agents devait être ordonnée.

Par décision du 16 mars 2022, la PCTN avait retiré ses décisions des 19 et 28 janvier ainsi que 7 février 2022. Elle avait maintenu ses griefs, mais avait renoncé à traiter les trois complexes de faits séparément. Se ralliant à l’argumentation du recourant, elle avait prononcé une peine d’ensemble sous la forme d’une seule amende de CHF 1'665.-. Il avait formé recours contre cette nouvelle décision. Sans réelle motivation et sans la moindre pesée d’intérêt, l’autorité intimée avait rendu les deux décisions querellées. Or, le recourant bénéficiait du renouvellement de ses autorisations depuis de nombreuses années. Ces refus avaient un effet catastrophique à l’approche des beaux jours et au sortir de la crise. Ces décisions lui feraient perdre sa clientèle qui se dirigerait certainement vers d’autres lieux plus attractifs. Son droit d’être entendu avait été violé au vu de la motivation, sommaire, des décisions. La PCTN avait violé le principe de la proportionnalité. Elle avait abusé de son pouvoir d’appréciation, donnant l’impression d’une volonté de passer en force et d’ignorer ce que pourrait décider la chambre administrative quant à la réalité des infractions qui lui étaient reprochées.

7) Les mesures superprovisionnelles ont été refusées par la chambre de céans le 14 avril 2022.

8) Le 4 mai 2022, la PCTN a conclu au rejet de la demande d’octroi de mesures provisionnelles.

Les décisions attaquées étant négatives, il fallait considérer la demande sous l'angle d'éventuelles mesures provisionnelles. Autoriser M. A______ à organiser des animations musicales reviendrait à anticiper ce qu'il demandait au fond. Du reste, tant qu'une autorisation d'organiser des animations musicales n'était délivrée, M. A______ n'était pas en droit d'en organiser, même si une requête en ce sens était déposée.

9) Dans sa réplique sur mesures provisionnelles, le recourant a produit les onze autorisations d’animation musicale et neuf dérogations d’horaire d’ouverture obtenues, depuis le 1er janvier 2019, les dernières pour le dernier trimestre 2021. Il contestait la qualification de décision négative et persistait dans ses conclusions

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) Selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre ou par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge.

2) a. Aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

b. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

c. Selon la jurisprudence, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344).

Lorsqu'une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l'effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d'un statut légal qui lui était retiré de celui qui ne disposait d'aucun droit. Dans le premier cas, il peut être entré en matière sur une requête en restitution de l'effet suspensif, aux conditions de l'art. 66 al. 2 LPA, l'acceptation de celle-ci induisant, jusqu'à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. En revanche, il ne peut être entré en matière dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée. Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l'art. 21 LPA, est envisageable (ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/280/2009 du 11 juin 2009 ; ATA/278/2009 du 4 juin 2009).

d. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

e. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

3) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

4) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

5) En l'espèce, bien qu'il ne s'agisse pas d'un renouvellement d'autorisation à proprement parler, il ressort des rapports de police que le recourant a régulièrement été au bénéfice d’autorisations d'animation musicale, la dernière fois, par autorisation du 16 septembre 2021, pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2021, soit le trimestre précédant celui pour lequel les autorisations demandées ont été refusées. La restitution de l'effet suspensif au recours est donc en soi concevable.

Cela étant, le trimestre en cause est échu. Dès lors, et même si la chambre de céans devait surseoir à l'exigence d'intérêt actuel au recours et entrer en matière sur ce dernier, autoriser maintenant le recourant à organiser des animations musicales reviendrait à lui accorder une prérogative allant au-delà de ses conclusions au fond, ce qui n'est pas envisageable.

De surcroît, la décision attaquée a été rendue en vue de faire respecter la tranquillité publique. À l'issue de l'instruction de la présente cause, la chambre de céans déterminera le cas échéant si les animations respectaient le cadre légal, mais dans l'intervalle il n'y a pas lieu d'autoriser des animations potentiellement susceptibles de perturber à nouveau la tranquillité publique.

Les mesures provisionnelles seront en conséquence refusées.

6) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse les mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Michael Lavergnat, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

 

Le président :

 

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :