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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1243/2022

ATA/526/2022 du 18.05.2022 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1243/2022-FORMA ATA/526/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 mai 2022

sur effet suspensif

 

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure agissant par ses parents, Madame et Monsieur B______

contre

SERVICE ÉCOLES ET SPORT, ART, CITOYENNETÉ

 



Attendu, en fait, que :

1) A______, née le ______ 2009, a été admise dans le dispositif
sport-art-études (ci-après : SAE) pour l’année scolaire 2021-2022, alors qu’elle suivait sa 9ème année de scolarité obligatoire au cycle d’orientation de ______, en filière intensive. Elle pratiquait la danse classique, jazz et contemporaine auprès de l’école de danse C______.

2) Le 12 décembre 2021, elle a rempli une demande de maintien dans le dispositif SAE pour l’année 2022-2023 auprès du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département ou le DIP) pour la 10ème année de scolarité obligatoire au cycle d’orientation.

3) A______ a été convoquée à une audition le 13 mars 2022.

Selon le rapport d’audition du même jour, rédigé par Madame D______, responsable pour les rencontres professionnelles de danse, A______ a obtenu la note finale de 9,14 sur 15. Les remarques du jury étaient les suivantes : « lacunes importantes en technique de base, niveau non atteint, manque important de contrôle de l’en-dehors, manque de directions et de spirales, raideur dans la colonne, travail de dos et de bras à fluidifier et questionnement sur un éventuel sous poids ».

4) Le 17 mars 2022, le service écoles et sport, art, citoyenneté-SAE du DIP
(ci-après : le service) a informé A______, par l’intermédiaire de ses parents, que les conditions requises pour la maintenir dans le dispositif SAE n’étaient pas atteintes et lui a accordé un délai de dix jours pour lui faire part de ses observations.

5) Par courriel du 23 mars 2022 adressé au service, les parents de A______ ont observé que les différents formateurs qui avaient accompagné l’intéressée dans son parcours pourraient confirmer que le résultat obtenu n’était pas cohérent ni représentatif de ses performances et qualités. À cela s’ajoutait que A______ avait été souffrante le jour de l’audition du 13 mars 2022 et ne se trouvait pas dans les conditions physiques et mentales adéquates pour passer son audition. Ces éléments avaient d’ailleurs été portés à l’attention de Mme D______ dès son arrivée dans les locaux de l’audition, sans pour autant qu’il en soit tenu compte dans le cadre de son évaluation. Dans un état fébrile, atteinte de toux, sous médication et très certainement angoissée de l’enjeu que présentait l’audition, A______ avait néanmoins passé l’audition malgré ses capacités restreintes.

À l’appui de leur courriel, ils ont joint la quittance d’achats de médicaments le 12 mars 2022, un certificat médical établi par la pédiatre de leur fille le 21 mars 2022, attestant d’une incapacité à 100 % du 13 au 15 mars 2022, ainsi qu’un échange de correspondance avec l’administration de l’école, annonçant que A______ serait absente dès le 14 mars 2022, en raison de « fièvre, toux, rhume ».

6) Par décision du 30 mars 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le service a refusé la demande de maintien dans le dispositif SAE, au motif que les conditions n’étaient plus réunies.

Il ressortait de l’évaluation que le niveau artistique requis n’était pas atteint. L’admission dans le dispositif pour les danseuses et danseurs était exclusivement basée sur les résultats de l’audition SAE.

7) Par acte posté le 21 avril 2022, A______, représentée par ses parents, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et, principalement, à l’annulation de la décision attaquée et à ce que le service soit invité à la maintenir dans le dispositif SAE pour l’année scolaire 2022-2023.

S’agissant de la demande de restitution de l’effet suspensif, il convenait d’appliquer l’art. 8 al. 5 du règlement sur le dispositif SAE du 26 août 2020 (RDSAE - C 1 10.32), par analogie. Les pièces produites démontraient que le 13 mars 2022, la recourante était affectée dans sa santé à un point tel que ses capacités en étaient réduites, raison pour laquelle ses prestations avaient été jugées insuffisantes. Le fait de pouvoir demeurer dans le dispositif SAE à titre provisoire serait susceptible de lui permettre d’éviter un décalage et de concilier ses excellents résultats scolaires avec maintien d’un niveau élevé sur le plan artistique.

8) Le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.

Le refus du maintien dans le dispositif SAE était une décision négative, de sorte qu’aucun effet suspensif ne pouvait y être associé. La législation applicable ne conférait pas un droit à l’élève de demeurer dans le dispositif SAE pour la prochaine année scolaire.

La recourante n’avait pas obtenu la note de 10 points lui permettant d’être maintenue dans le dispositif.

Si l’intéressée avait bien un intérêt à éviter, en cas d’admission de son recours, l’interruption de son maintien dans le dispositif SAE, son intérêt privé devait céder le pas à l’intérêt public légitime du DIP à ce que ne soient maintenus dans ledit dispositif que les élèves en remplissant les conditions.

9) Par réplique du 9 mai 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Il n’y avait aucun motif rendant impérative l’exécution immédiate de la décision contestée.

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt final de la chambre de céans.

3) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

5) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, 265).

6) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

7) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

8) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

9) Selon le RDSAE, l’accès au dispositif est réservé aux élèves pratiquant de manière intensive une discipline artistique qui fait l'objet d'une formation professionnelle certifiante en haute école (art. 3 al. 2 RDSAE).

Le service détermine les critères sportifs et artistiques d'admission dans le dispositif en collaboration avec les organismes visés à l'al. 1 (art. 5 al. 4 RDSAE). Il évalue le dossier de l'élève au regard des critères sportifs ou artistiques d'admission ou de maintien et notifie aux parents ou à l’élève majeur une décision de constatation que ces critères sont remplis ou non (art. 5 al. 5 RDSAE).

Le dispositif est ouvert aux élèves pratiquant un sport individuel, la musique ou la danse dès la 5e année primaire, à la condition qu'ils remplissent les critères sportifs ou artistiques d'admission dans le dispositif (art. 6 al. 1 RDSAE).

Selon l’art. 7 al. 1 RDSAE, la décision d'admission dans le dispositif est valable pour une année scolaire. La demande de maintien dans le dispositif doit être renouvelée pour chaque année scolaire.

Les demandes d'admission ou de maintien doivent parvenir au département au plus tard à la date limite de dépôt des inscriptions (art. 8 al. 2 RDSAE). L'élève n'ayant pas rempli les critères nécessaires à son maintien à la date limite de dépôt des inscriptions en raison d'une blessure affectant ses capacités sportives ou artistiques peut, sur demande motivée accompagnée d'un certificat médical, demeurer à titre provisoire dans le dispositif. Ce maintien est conditionné à la remise, au 15 août précédant la rentrée scolaire, d'attestations du médecin et de l'entraîneur ou du professeur certifiant que l'élève a pleinement repris son activité sportive ou artistique. Un avis du service de santé de l’enfance et de la jeunesse peut être requis (art. 8 al. 5 RDSAE).

Les modalités d'admission et de maintien des élèves dans le dispositif, ainsi que les délais de dépôt des inscriptions, sont publiés chaque année sur le site Internet du département (art. 8 al. 1 RDSAE).

Selon l’art. 10 du règlement audition danse SAE (ci-après : le règlement), les élèves obtenant une note supérieure ou égale à 10 points obtiennent un préavis favorable de la part du jury. L’audition SAE est obligatoire pour le maintien des élèves dans le dispositif SAE au niveau du cycle d’orientation lorsqu’ils sont issus d’une école de danse non accréditée par le canton de Genève (art. 3 du règlement).

À teneur de la brochure explicative SAE portant sur la liste des critères sportifs et artistiques requis et modalités de sélection pour l’année scolaire 2022-2023, le délai pour déposer une demande d’admission ou de maintien dans le dispositif pour l’année scolaire 2022-2023 est fixé au 14 janvier 2022. Les élèves désirant intégrer le dispositif SAE dans les disciplines danse et musique doivent obtenir un préavis favorable du jury.

10) En l'espèce, la décision querellée porte sur le refus de maintenir la recourante dans le dispositif SAE pour l’année scolaire 2022-2023, en raison de la note de 9.14 obtenue lors de son évaluation. Il ressort des dispositions précitées, en particulier de l’art. 7 al. 1 RSDAE, que les élèves ayant été admis au dispositif SAE n’ont aucun droit à y demeurer l’année suivante. Ils doivent, en effet, renouveler chaque année leur demande de maintien dans ledit dispositif. Lorsque, comme en l’espèce, l’élève est issu d’une école de danse qui n’est pas accréditée par le canton de Genève, l’audition SAE est obligatoire pour le maintien de ceux-ci dans le dispositif SAE et il doit obtenir un préavis favorable du jury. Le refus de maintenir la recourante dans le dispositif SAE pour l’année 2022-2023 constitue dès lors une décision négative. Dans ce cas, seule entre en considération l’hypothèse de mesures provisionnelles. Or, l’octroi de telles mesures ne se justifie pas, puisqu’il aurait pour effet de faire droit, de manière provisoire, à ses conclusions sur le fond, ce qui est en principe prohibé (ATA/1609/2017 du 13 décembre 2017 ; ATA/448/2016 du 31 mai 2016 consid. 4).

La recourante se prévaut de l’art. 8 al. 5 RDSAE, lequel permet d’obtenir, sur demande motivée accompagnée d'un certificat médical, une admission à titre provisoire lorsque l’élève n’a pas rempli les critères nécessaires à son maintien à la date limite de dépôt des inscriptions en raison d'une blessure affectant ses capacités sportives ou artistiques. Or, ainsi que le fait valoir l’intimé, cette disposition vise a priori une situation différente de celle de la recourante en ce qu’elle permet à un candidat de solliciter une dérogation en cas de blessure affectant ses capacités au moment du dépôt des inscriptions. Au vu du dossier, il n’apparait pas qu’une telle demande ait été formée par la recourante au moment du dépôt des inscriptions, soit en l’occurrence, le 14 janvier 2022.

Quoi qu’il en soit, même à considérer que la recourante puisse solliciter une mesure provisionnelle sur la base de cette disposition – ce qui est douteux –, il n’y a aucune urgence à prendre une telle mesure in casu. L’arrêt de la chambre administrative pourra vraisemblablement être rendu dans un délai raisonnable. L’intérêt privé de la recourante à éviter, en cas d'admission du recours, l’éventuelle interruption de son maintien dans le dispositif SAE pendant la durée de la procédure doit, en tous les cas, céder le pas à l'intérêt public – légitime – de l'intimé à ce que ne soient admis dans le dispositif que les élèves en remplissant les conditions (ATA/292/2021 précité ; ATA/952/2020 du 24 septembre 2020 ; ATA/1135/2019 du 9 juillet 2019 ; ATA/367/2018 du 18 avril 2018 consid. 6). Cet intérêt public est également important au regard du principe de l'égalité de traitement entre étudiants.

Enfin, les chances de succès du recours ne paraissent, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, pas à tel point évidentes qu'il conviendrait d’octroyer la mesure sollicitée.

La requête de restitution de l’effet suspensif et d’octroi de mesures provisionnelles sera, partant, rejetée.

11) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours et d'octroyer des mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Madame A______, agissant par ses parents Madame et Monsieur B______ ainsi qu'au Service écoles et sport, art, citoyenneté.

 

Au nom de la chambre administrative :

Le vice-président

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :