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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4293/2020

ATA/454/2022 du 03.05.2022 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4293/2020-FPUBL ATA/454/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1974, a été engagé en qualité de chargé d'enseignement (disciplines : biologie et mathématique) par le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département) le 1er septembre 2015.

Il a été nommé fonctionnaire le 1er septembre 2017.

Il a notamment exercé en qualité de chargé d’enseignement au collège et école de culture générale B______ (ci-après : CECG) et au cycle d'orientation C______.

2) Entre le 9 et 12 avril 2019, M. A______ a accompagné les élèves d’une classe du CECG, dont il n’était pas l’enseignant, lors de son voyage d'études à D______.

3) Le 6 mai 2019, M. A______ a reçu une convocation pour un entretien de service, lequel s’est déroulé le 3 juin 2019, en lien avec la plainte formée par une élève au sujet de son comportement lors du voyage d'études à D______ ainsi que de son attitude envers elle quelques jours plus tard. Il était immédiatement et provisoirement libéré de son obligation de travailler.

4) Par arrêté déclaré exécutoire nonobstant recours du 23 août 2019, le Conseil d’État a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative contre M. A______ et prononcé la suspension provisoire de l’intéressé, laquelle était assortie de la suppression de toute prestation à la charge de l’État en sa faveur.

5) Dans son rapport d’enquête du 18 décembre 2019, l’enquêteur a conclu que M. A______ avait fait preuve, entre le 12 et le 17 avril 2019, de différents comportements qui, dans certains cas, entraient en contradiction flagrante avec ses devoirs d’enseignant et, dans d’autres cas, dénotaient un manque d’à-propos tel qu’il permettait, lui aussi, de s’interroger sur la confiance que son employeur pouvait placer en lui.

Il s'était arrangé pour que deux élèves l'accompagnent en sortie lors de la nuit du 11 au 12 avril 2019, ce qui allait à l'encontre de la distance professionnelle attendue d'un enseignant à l'égard des élèves. En quittant l'hôtel avec les deux élèves à 00h30, il avait pris le parti d'enfreindre l'heure du couvre-feu. De surcroît, avoir permis qu'une bouteille d'alcool fort soit posée sur la table en discothèque entraînait nécessairement le risque d'une consommation problématique. Cette erreur s'était prolongée et aggravée dès lors que le précité ne s'était pas du tout occupé de la quantité d'alcool ingérée par les deux élèves. Quand bien même ces dernières étaient majeures, il était garant de leur sécurité. En négligeant ce devoir, il avait fait preuve d'une très grande légèreté, étant rappelé qu'à la sortie de la discothèque l’une des élèves était complètement ivre et avait perdu la mémoire entre ce moment-là et celui du petit-déjeuner. Il avait également fait preuve d'une très grande légèreté en acceptant que la sortie se prolonge jusqu'à 05h00 du matin, alors qu'il s'agissait d'un voyage d'études durant lequel les élèves étaient placés sous la protection du DIP et sous l'autorité des enseignants qui les accompagnaient. Une mauvaise rencontre faite lors du retour à l'hôtel illustrait concrètement le risque de circuler à cette heure de la nuit et aurait pu se terminer dramatiquement, surtout pour les deux jeunes filles. En constatant à l'arrivée à l'hôtel que les élèves ne pouvaient pas rentrer dans leur chambre, il leur avait proposé de dormir dans sa chambre ou dans le couloir. Au lieu d'assumer pleinement ses responsabilités en laissant les élèves occuper seules sa chambre, et de dormir lui-même dans un fauteuil de l'hôtel ou à l'extrême rigueur par terre dans sa chambre, il s'était allongé dans le lit à côté de l’une d’elles, laquelle n'avait conservé que sa culotte et s'était installée sous les draps. Le caractère particulièrement scabreux de la situation aurait dû l'amener à reconsidérer cette idée. Or, il avait, pour seule précaution, décidé de dormir au-dessus des draps. Au matin, M. A______ avait donné quelques explications à l’autre enseignante qui accompagnait les élèves, sans mentionner l'état d'ivresse de l’une d’elles et en mentant, lui disant que les deux élèves avaient dormi dans le couloir de l'hôtel. Il avait répété cette faute en mentant à une autre enseignante après le voyage, et en allant jusqu'à s'assurer avec les deux élèves de la cohérence du récit mensonger qu'il y avait lieu de présenter. Il convenait enfin de relever le caractère particulièrement inapproprié et étrange du rendez-vous fixé en tête à tête au retour avec l’une des élèves ayant dormi dans sa chambre durant le voyage, dont il avait tenté au moment de l'enquête de faire un portrait plus ou moins sulfureux. S'agissant des accusations relatives à cette rencontre et portées contre M. A______, un doute important subsistait, lequel devait lui profiter.

6) Par arrêté du 25 mars 2020, le Conseil d’État a révoqué M. A______ avec effet immédiat, rétroactivement au jour de l’ouverture de l’enquête administrative à son encontre. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

L'intéressé avait commis de nombreuses fautes qui, prises dans leur ensemble, étaient constitutives de très graves violations des devoirs de fonction d'un enseignant. Il ressortait de l'enquête qu’il n'avait pas fait preuve, dans la nuit du
11 au 12 avril 2019, du comportement attendu de la part d'un enseignant à l'égard d'élèves dont il était responsable et qu'un tel comportement allait à l'encontre de la mission d'éducation du DIP et du devoir d'exemplarité dont devaient faire preuve les enseignants ainsi qu'aux objectifs fixés par l'école publique, lesquels s'imposaient également dans le cadre d'un voyage d'études.

Il convenait d'écarter le grief relatif à l'entrevue du 17 avril 2019 et des prétendues avances faites à l’une des deux élèves, dès lors que l'enquête n'avait pas permis de retenir de manière probante une version des faits au détriment d'une autre. Nonobstant, l'initiative d'une telle entrevue, en dehors de tout cadre scolaire, n'était pas compatible avec ce qui était attendu de la part d'un collaborateur du DIP. Dès lors, ce comportement constituait également une violation de ses devoirs de fonction.

7) Le 23 septembre 2020, le DIP a transmis un certificat de travail à M. A______, co-signé par la nouvelle directrice du CECG et le directeur des ressources humaines du DIP.

8) Par courrier du 7 octobre 2020, M. A______ s’est opposé au contenu dudit certificat de travail, au motif qu’il ne reflétait pas ses compétences professionnelles.

Il sollicitait l’intégration de différents éléments et la suppression de l’ultime paragraphe.

9) Le 29 octobre 2020, Avenir Syndical a également dénoncé la teneur du certificat remis à M. A______ et sollicité sa modification.

10) Le 16 novembre 2020, le DIP a délivré un nouveau certificat de travail à
M. A______.

Il a notamment précisé, dans son courrier d’accompagnement, qu’il en allait de la responsabilité de l’employeur d’indiquer les motifs particuliers ayant conduit à la résiliation des rapports de service, quand bien même une procédure de recours à l’encontre de cette décision était en cours. Le motif devait être indiqué s’il pouvait objectivement importer au futur employeur d’en avoir connaissance, notamment pour être en mesure d’avoir une appréciation générale de l’image du travailleur.

En sus de l’indication de la nature du poste, de la durée des rapports de travail, et de la description des activités réalisées, ledit certificat précisait ce qui suit :

« Monsieur A______ s’est montré respectueux des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité dans les différents aspects de son travail et dans l’ensemble de ses tâches. Consciencieux, organisé et autonome, Monsieur A______ a su faire preuve d’un grand sens du service public par son engagement et sa disponibilité, dans le cadre de son enseignement, à l’égard des élèves, des parents et de la direction.

Enthousiaste et à l’écoute, Monsieur A______ a su fixer un cadre de travail propice à l’étude et à l’effort. Il a entretenu de très bonnes relations de travail avec ses collègues.

Il a été mis fin aux rapports de service de Monsieur A______ au 23 août 2019 en raison d’un comportement incompatible avec la mission d’enseignant au cours de l’année scolaire 2018-2019. Il nous quitte libre de tout engagement à l’exception du secret de fonction, obligation qui subsiste après la cessation des rapports de service [ ] ».

11) a. Par acte mis à la poste le 17 décembre 2020, M. A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre « la décision » du 16 novembre 2020, concluant préalablement à la comparution personnelle des parties, principalement, à son annulation, à ce qu’il soit ordonné au DIP de procéder à la rectification de son certificat de travail dans le sens des considérants, et à ce que le DIP soit condamné en tous les frais et dépens de la procédure, y compris à une indemnité valant participation à ses honoraires d’avocat.

Le certificat de travail qui lui avait été délivré signait sa « mise à mort professionnelle ». Ses compétences et qualités étaient évoquées avec une réserve qui ne se justifiait aucunement, dès lors qu’elles n’avaient jamais été mises en cause. Par ailleurs, le dernier paragraphe, en sus de ne pas être conforme au droit, portait une atteinte grave à sa personnalité. Il laissait entendre qu’il était inapte à exercer la fonction d’enseignant, alors que cela n’était manifestement pas le cas, anéantissant définitivement ses chances de retrouver un emploi, que ce soit dans sa branche ou dans un domaine tiers.

Sa révocation, qui faisait l’objet d’une procédure pendante par-devant la chambre administrative, était intervenue en violation claire des conclusions du rapport d’enquête, dont il ressortait qu’il pouvait être qualifié d’enseignant exemplaire.

Le certificat de travail délivré relevait bien plutôt d’une mesure de représailles de la part du département que d’une évaluation objective du travail accompli.

Son certificat de travail devait être rectifié de la manière suivante :

« [ ] Monsieur A______ s’est montré très respectueux des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité dans les différents aspects de son travail et très investi dans l’ensemble de ses tâches. Consciencieux, organisé et autonome, Monsieur A______ a su faire preuve d’un grand sens du service public par son engagement et sa disponibilité, dans le cadre de son enseignement, à l’égard des élèves, des parents et de la direction.

Enthousiaste et à l’écoute, Monsieur A______ a su fixer un cadre de travail propice à l’étude et à l’effort. Doté d’un grand sens pédagogique, il a œuvré sans relâche à la réussite de l’ensemble de ses élèves. Il a par ailleurs entretenu de très bonnes relations avec ses collègues, tant sur le plan professionnel que personnel, ainsi qu’avec ses directeur-trices.

Nous le remercions pour son engagement et lui souhaitons plein succès dans la poursuite de sa carrière professionnelle. Il nous quitte libre de tout engagement à l’exception du secret de fonction, obligation qui subsiste après la cessation des rapports de service [ ] ».

b. Étaient notamment joints à son recours les entretiens d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) des 12 octobre 2015 et 9 mars 2017.

12) Dans son mémoire de réponse du 27 janvier 2021, le DIP a conclu au rejet du recours.

Les paragraphes relatifs à ses compétences et qualités professionnelles étaient positifs et de nature à favoriser l’avenir économique du recourant. La demande d’ajout des superlatifs « très respectueux » et « très investi » devait être écartée car non nécessaire, dès lors que son investissement pour le service public était souligné à la phrase suivante. La phrase « Doté d’un grand sens pédagogique, il a œuvré sans relâche à la réussite de l’ensemble de ses élèves » ne pouvait être retenue dans la mesure où les agissements du recourant ayant abouti à sa révocation étaient à l’opposé de l’attitude pédagogique attendue d’un enseignant dans le cadre d’un voyage scolaire.

Il était inadmissible d’ajouter dans le certificat de travail qu’il avait entretenu de très bonnes relations avec ses directeurs et directrices, dès lors qu’il avait sciemment caché à sa hiérarchie ce qui s’était passé à D______ ainsi qu’au retour à Genève.

Les relations personnelles qu’il avait pu nouer avec ses collègues sortaient du cadre professionnel et n’avaient pas à figurer sur son certificat de travail.

Le dernier paragraphe portant sur le motif de congé était conforme à la jurisprudence en vigueur. Il s’agissait bien d’une révocation pour faute grave et non de résiliation des rapports de service. Ne pas mentionner cet élément aurait été constitutif d’une faute de la part du DIP. Il ne s’agissait pas d’une mesure de représailles, mais d’un devoir d’objectivité du département à l’égard des destinataires du certificat de travail. S’il n’était pas contesté qu’une telle mention puisse compliquer la recherche d’un nouvel emploi, cette dernière était néanmoins nécessaire afin que tout futur employeur dispose d’une image globale du recourant, à plus forte raison dans le cadre d’une postulation dans le domaine de l’enseignement.

13) Par arrêt du 23 mars 2021 (ATA/351/2021), la chambre administrative a admis le recours interjeté par M. A______ contre l’arrêté du 25 mars 2020 et a ordonné sa réintégration.

14) Le Conseil d’État a interjeté recours par-devant le Tribunal fédéral contre l’arrêt précité.

15) Par décision du 31 mai 2021, la chambre administrative a prononcé la suspension de la procédure relative à la modification du certificat de travail, jusqu'à droit jugé devant le Tribunal fédéral de la procédure relative à la révocation du recourant.

16) Par arrêt du 23 novembre 2021 (8C_335/2021), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par le Conseil d’État contre l’arrêt de la chambre administrative précité, a annulé ledit arrêt et a confirmé l'arrêté du Conseil d'État du 25 mars 2020.

Il a notamment relevé qu’il était arbitraire de considérer que la gravité des manquements était atténuée du fait qu'ils s’étaient déroulés pendant une très courte période. Quoique les manquements aient eu lieu durant une période relativement courte, ils n'en constituaient pas moins une succession de transgressions distinctes les unes des autres, dont la gravité résultait non seulement de la réitération des comportements inadéquats, mais surtout de leur incompatibilité absolue avec la fonction d'enseignant. Si les autres voyages d'études s’étaient bien déroulés et si
M. A______ ne présentait pas d'antécédents disciplinaires dans son activité d'enseignant, cela ne pouvait le dédouaner des graves manquements dont il était question et qui suffisaient, à eux seuls, à fonder une révocation. La nature des faits, la durée et les circonstances dans lesquelles ils s’étaient produits étaient objectivement de nature à susciter des interrogations dans l'esprit des élèves, de leurs parents et des autres membres du personnel enseignant et à fonder la conclusion que leur auteur n’était plus digne de rester en fonction.

17) Par décision du 28 février 2022, la chambre administrative a prononcé la reprise de la procédure relative au certificat de travail et a imparti un délai aux parties pour se déterminer sur la suite de ladite procédure.

18) Le 11 mars 2022, le département a indiqué qu’il persistait dans les conclusions prises dans sa détermination.

La nécessité de valider le certificat de travail établi dans la version du
16 novembre 2020 ne faisait aucune doute, au regard des considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral confirmant la révocation.

19) Le 8 avril 2022, le recourant a réitéré son argumentation selon laquelle le dernier paragraphe du certificat de travail l’empêchait de retrouver un poste dans le secteur de l’enseignement, ce que l’autorité intimée reconnaissait.

Un tel procédé constituait une double peine inadmissible.

Il ne présentait aucun antécédent disciplinaire dans son activité d’enseignement et la question de ses prestations en lien avec l’enseignement n’avait jamais été remise en cause, de sorte que ses compétences et son comportement ne pouvaient être arbitrairement réduits aux faits isolés ayant mené à son licenciement.

20) Le 13 avril 2022, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) a. La compétence de la chambre administrative est déterminée par l'art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05). Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ).

b. Les art. 35 al. 2 et 65 al. 1 et 2 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04), applicables à la fin des rapports de travail du recourant, prévoient la voie de recours auprès de la chambre administrative contre les décisions relatives au certificat de travail.

c. Par décision au sens de cet article, il faut entendre les décisions formelles, comme celle rejetant une demande de modification de certificat de travail formée par le travailleur auprès de l’autorité qui l’a employé (ATA/1176/2018 du
6 novembre 2018 consid. 1b ; ATA/1589/2017 du 12 décembre 2017 consid. 1 et les arrêts cités), le certificat de travail en soi étant un acte matériel contre lequel le recours est irrecevable (ATA/119/2016 du 9 février 2016 consid. 5).

d. En l’espèce, le recourant a demandé une modification de son certificat de travail le 7 octobre 2020. Le refus partiel apporté à cette demande par le département dans sa lettre du 16 novembre 2020 constitue donc une décision au sens de l’art. 4 LPA.

Dès lors qu’il a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours du 17 décembre 2020 contre cette décision est recevable (art. 62 al. 1
let. a LPA).

2) Le recourant sollicite la comparution personnelle des parties.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374
consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l'occasion de s'exprimer de manière complète et à plusieurs reprises. Il a notamment produit par écrit la teneur du certificat de travail qu’il souhaite se voir délivrer et s’est déterminé sur les motifs pour lesquels il juge son actuel certificat non conforme au droit. Il n'indique par ailleurs pas en quoi son audition ou celle de l’autorité intimée serait indispensable – ni même utile pour appréhender certains points de fait au-delà de ce que permet la procédure écrite.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux actes d'instruction sollicités.

3) a. L'art. 35 RStCE prescrit qu’à la fin des rapports de service, le membre du personnel enseignant faisant l’objet d’une rétribution mensuelle reçoit un certificat de sa hiérarchie portant sur la nature et la durée du travail ainsi que sur la qualité de son travail et son comportement. À la demande expresse du membre du personnel enseignant, le certificat ne porte que sur la nature et la durée du travail.

b. Dans le cadre d'une relation de travail de droit public, la délivrance d'un certificat de travail fait partie du devoir de diligence et de protection de l'employeur. Le but du certificat de travail est de favoriser l’avenir économique du travailleur et ses recherches d’emploi (ATF 107 IV 35 ; ATA/775/2021 du 27 juillet 2021
consid. 15c). Sauf lorsque le travailleur le demande, le certificat doit être complet, soit contenir la description précise et détaillée de l’activité exercée et des fonctions occupées dans l’entreprise, les dates de début et de fin des rapports de travail, l’appréciation de la qualité du travail effectué, ainsi que celle relative à l’attitude du travailleur dans l’entreprise (Christian BRUCHEZ/Patrick MANGOLD/ Jean Christophe SCHWAAB, Commentaire du contrat de travail, 4ème éd., 2019, p. 253-254, n. 4). Il est notoire que ce document est important pour une personne en recherche d'emploi (ATA/1176/2018 du 6 novembre 2018 consid. 28b ; ATA/1589/2017 précité consid. 3a).

c. Un certificat de travail doit être véridique et complet. Le choix de la formulation appartient en principe à l'employeur. Conformément au principe de la bonne foi, la liberté de rédaction reconnue à l'employeur trouve ses limites dans l'interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, à des allusions dissimulées ou inutilement dépréciatives, voire constitutifs de fautes d'orthographe ou de grammaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.129/2003 du
5 septembre 2003 consid. 6.1 et la doctrine citée).

Le certificat de travail doit répondre aux principes parfois contradictoires de vérité et de complétude, d’une part, et de bienveillance, d’autre part. Le rédacteur du certificat de travail doit non seulement favoriser l’avenir professionnel du travailleur, mais encore donner – du point de vue d’un tiers impartial – une image la plus exacte possible de la réalité de l’activité, des prestations et de la conduite du travailleur. Cette double exigence implique que les aspects positifs de l’activité et du comportement du travailleur doivent être valorisés sans que les éléments négatifs ne soient pour autant dissimulés, dans la mesure toutefois où ils revêtent de l’importance pour évaluer l'ensemble de la situation. Une appréciation négative de la qualité du travail ou de la conduite du travailleur peut être exprimée pour autant qu'elle soit pertinente et fondée (arrêt du Tribunal fédéral 4C.129/2003 précité consid. 6.1 et la doctrine citée ; ATA/445/2020 du 7 mai 2020 consid. 10a ; Christian FAVRE/Charles MUNOZ/Rolf A. TOBLER, Le contrat de travail, Code annoté, 2010, art. 330 a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220, p. 126 et les références citées). En synthèse, s'il doit être établi en principe de manière bienveillante, le certificat de travail peut et même doit contenir des faits et appréciations défavorables, dans la mesure où ces éléments sont pertinents et fondés (Aurélien WITZIG, Droit du travail, 2018, p. 335).

De manière générale, les derniers temps du rapport d’emploi ne doivent pas prendre une place exagérément importante par rapport à l’ensemble de la relation. Le rédacteur du certificat devra donc se méfier de la tendance à porter davantage l’accent sur les événements les plus récents, surtout lorsque ceux-ci sont chargés d’émotion (Aurélien WITZIG, op. cit., p. 335).

d. Le motif du congé doit être indiqué lorsqu’il peut objectivement importer au futur employeur d’en avoir connaissance, notamment pour être en mesure d’avoir une appréciation générale de l’image du travailleur (Aurélien WITZIG, op. cit.,
p. 335 ; David AUBERT in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Commentaire du contrat de travail, 2013, p. 451). Tel est notamment le cas si le congé a été signifié en raison d’un manque de flexibilité et d’adaptation du travailleur, de l’envoi par le travailleur de courriers privés aux frais de l’employeur ou encore de la faute grave du travailleur ayant mené au congé. Le travailleur peut également en demander la mention (David AUBERT, op. cit., p. 451).

e. Le travailleur qui estime que le certificat de travail qui lui a été remis est lacunaire, inexact ou qu'il contient des indications trompeuses ou ambiguës peut demander à l'employeur de le modifier. Dans le cadre de l'action en justice, il appartient au travailleur de prouver que le contenu du certificat n'est pas conforme à la réalité. L'employeur devra collaborer à l'instruction de la cause, en motivant les faits qui fondent son appréciation négative. S'il refuse de le faire ou ne parvient pas à justifier sa position, le juge pourra considérer que la demande de rectification est fondée (Christiane BRUNNER/Jean-Michel BÜHLER/Jean-Bernard WAEBER/ Christian BRUCHEZ, op. cit., p. 255-256 n. 6 ; ATF 129 III 177 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_270/2014 du 18 décembre 2014 consid. 3.2.1 ; ATA/445/2020 précité consid. 10).

Lorsque le travailleur demande la rectification du contenu du certificat de travail, il doit formuler lui-même le texte requis, de manière à ce que le tribunal puisse le reprendre sans modification dans son jugement. Le travailleur ne peut donc pas se borner à conclure à ce que l'employeur lui délivre un certificat de travail dont le contenu est conforme à la vérité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_270/2014 précité consid. 3.2.2 et les références citées).

L'employeur qui établit un certificat qualifié d’incomplet court le risque, lors de la recherche d'un nouvel emploi où un tel certificat est utilisé, de se rendre responsable à l'égard d'un futur employeur (ATF 129 III 177 consid. 3.2, in JT 2003 I 342 ; 101 II 69 consid. 2). Un employeur établit un faux certificat de travail, par exemple, s’il ne mentionne pas l’abus de confiance commis par le travailleur à son détriment (David AUBERT, op. cit., p. 451).

f. Les directives contenues dans le Mémento des instructions de l’office du personnel de l’État (ci-après : MIOPE) précisent que les indications contenues dans le certificat de travail doivent être objectives et exactes, non seulement au titre de l'élémentaire déontologie, mais afin qu'un éventuel futur employeur puisse se faire une idée aussi réelle que possible des qualités et défauts du candidat qui se présente à lui (MIOPE 06.01.04 ; ATA/775/2021 précité consid. 15).

4) La chambre des prud'hommes de la Cour de justice a notamment fait droit aux conclusions d’un travailleur tendant à la suppression de la réserve « hormis les circonstances qui ont entouré la fin des rapports de travail » de son certificat de travail, laquelle atténuait grandement la portée dudit certificat. Elle a relevé que, pour être admissible, la mention du motif de la fin des rapports de travail aurait dû être plus détaillée, pour qu'elle soit utile à l'appréciation générale du travail de l'intéressé (CAPH/81/2016 du 3 mai 2016 consid. 5.5).

En revanche, le Tribunal fédéral a confirmé que le certificat de travail d’un employé licencié suite au vol d’une bouteille de vin de faible valeur pouvait mentionner valablement que ce dernier avait adopté « un comportement propre à rompre la confiance qu'implique les rapports de travail » (arrêt du Tribunal fédéral 4A_228/2015 du 29 septembre 2015 consid. 6).

5) En l’espèce, le recourant demande que son certificat de travail soit modifié sur plusieurs points, lesquels seront successivement examinés ci-après.

a. Le recourant sollicite l’ajout de superlatifs dans le cadre de l’appréciation de ses compétences, tels que « très respectueux » et « très investi ». Il expose en particulier que ses compétences et qualités seraient exposées avec réserve sans que cela ne se justifie, dès lors qu’elles n’avaient jamais été remises en cause. En l’occurrence, même sans les ajouts sollicités, l’appréciation faite des qualités du recourant est positive, ce qui est d’ailleurs renforcé par la phrase suivante relevant son « grand sens du service public ». Dès lors, compte tenu de la liberté de rédaction reconnue à l'employeur et de l’absence de termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, ainsi que d’allusions dissimulées ou inutilement dépréciatives, les rectifications sollicitées n’ont pas lieu d’être.

b. L’intéressé demande l’ajout de la phrase suivante : « Doté d’un grand sens pédagogique, il a œuvré sans relâche à la réussite de l’ensemble de ses élèves ». L’autorité intimée s’y oppose au motif que les agissements du recourant ayant abouti à sa révocation étaient à l’opposé de l’attitude pédagogique attendue d’un enseignant dans le cadre d’un voyage d’études.

Or, comme relevé par la doctrine précitée, les derniers temps du rapport d’emploi ne doivent pas prendre, dans le cadre de la rédaction du certificat de travail, une place exagérément importante par rapport à l’ensemble de la relation. En l’occurrence, il ressort du dossier, et notamment des EEDP du recourant, que ses capacités pédagogiques étaient reconnues et très appréciées. L’ancien directeur du CECG a notamment relevé dans l’EEDP du 9 mars 2017 que le recourant avait un bon contact avec ses élèves et veillait à ce que chacun progresse. L’autorité intimée a d’ailleurs précisé dans son mémoire de réponse du 27 janvier 2021 que les prestations en lien direct avec l’enseignement du recourant en classe n’avaient jamais été remises en question et étaient sans rapport aucun avec les motifs à l’origine de sa révocation.

Dans ces conditions, les motifs ayant conduit à la révocation du recourant, qui seront évoqués ci-après et qui ne concernent d’ailleurs pas des élèves à qui il enseignait alors, ne justifient pas de passer sous silence les capacités pédagogiques qui ont été reconnues durant les années de service. Le certificat de travail sera dès lors modifié pour y inclure la phrase suivante : « Doté d’un grand sens pédagogique, il a œuvré sans relâche à la réussite de l’ensemble de ses élèves », tel que sollicité par le recourant.

c. Le recourant requiert l’ajout du fait qu’il a entretenu de très bonnes relations avec ses collègues sur le plan « personnel », mais également la mention de très bonnes relations avec ses directrices et directeurs.

Comme le relève à juste titre l’autorité intimée, en tant que le certificat de travail ne concerne que les activités et relations professionnelles du recourant, il ne saurait y inclure une mention sur les relations privées, en dehors du cadre professionnel, qu’aurait pu entretenir le recourant avec ses collègues.

Il est vrai qu’il ressort tant de la décision de révocation du Conseil d’État que de l’arrêt du Tribunal fédéral confirmant celle-ci que le recourant a violé son devoir de fidélité envers son employeur en ne rapportant pas de manière véridique les événements de la soirée du 11 au 12 avril 2019 à sa hiérarchie, mais en les dissimulant. Cela étant, comme relevé au point précédent, les derniers temps du rapport d’emploi ne doivent pas prendre une place exagérément importante par rapport à l’ensemble de la relation. Or, il ne ressort pas du dossier, et l’autorité intimée ne le prétend d’ailleurs pas, que les relations entre le recourant et sa hiérarchie auraient été problématiques avant les événements ayant donné lieu à sa révocation. Le certificat de travail devra dès lors être modifié dans ce sens : « Il a entretenu de très bonnes relations de travail avec ses collègues et ses directrices et/ou directeurs ».

d. Le dernier paragraphe que le recourant souhaite voir supprimer dans son certificat comporte une appréciation qui est conforme à la réalité. La procédure ayant abouti à sa révocation, confirmée par le Tribunal fédéral, a en effet permis de démontrer l'existence de comportements inadéquats, d’une incompatibilité absolue avec la fonction d’enseignant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_335/2021 précité consid. 5.3). L’autorité intimée a d’ailleurs mentionné l’existence d’un comportement problématique durant l’année 2018-2019, laissant dès lors entendre que c’était un événement particulier qui a causé la fin des rapports de service, et non les compétences et qualités générales du recourant dans l’enseignement.

L’autorité était ainsi en droit, conformément au principe de vérité et de complétude, de mentionner le motif ayant conduit à la fin des rapports de service (ATF 136 III 510 consid. 4.1). Il n'y a dès lors pas matière à rectification sur ce point.

Rien ne laisse par ailleurs penser qu’il s’agirait d’une mesure de représailles, comme le soutient le recourant.

Pour le surplus, le recourant pourra obtenir auprès du département, sur demande expresse de sa part et s’il l’estime nécessaire, un certificat de travail ne portant que sur la nature et la durée du travail effectué (art. 35 al. 1 RStCE).

6) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

Le certificat de travail établi le 16 novembre 2020 sera modifié dans le sens des considérants qui précèdent.

7) Vu l’issue du litige, un émolument – réduit – de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, qui y a conclu.

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 décembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 16 novembre 2020 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

condamne le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse à modifier le certificat de travail de Monsieur A______ du 16 novembre 2020 dans le sens des considérants ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :