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Décisions | Chambre civile

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C/5700/2022

ACJC/178/2023 du 24.01.2023 sur OTPI/504/2022 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CPC.261; CC.176
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5700/2022 ACJC/178/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 24 JANVIER 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 juillet 2022, comparant par Me Franco SACCONE, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Katarzyna KEDZIA RENQUIN, avocate, Keppeler Avocats, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/504/2022 du 26 juillet 2022, statuant sur mesures provisionnelles, le Tribunal a attribué à B______ la garde sur l'enfant C______ (chiffre 1 du dispositif), réservé en faveur de A______ un droit de visite sur C______ devant s'exercer d'entente entre cette dernière et A______, mais au minimum un week-end sur deux du vendredi après-midi au dimanche soir et pendant la moitié des vacances scolaires (ch. 2), donné acte à B______ de son engagement à prendre à sa charge l'entier des frais de C______ (ch. 3), dit que la décision sur les frais des mesures provisionnelles était renvoyée à la décision finale (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte déposé le 5 août 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a appelé de cette ordonnance, qu'elle a reçue le 28 juillet 2022. Elle a conclu à l'annulation du chiffre 5 du dispositif de l'ordonnance et, cela fait, à ce que B______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, dès le 1er juin 2022, la somme de 4'450 fr. au titre de contribution à son entretien. Elle a également conclu à ce que B______ soit condamné à lui verser la somme de 10'000 fr. à titre de provisio ad litem, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit une attestation de sa régie immobilière du 2 août 2022, des avis de crédit du 26 juillet 2022, ainsi que ses situations de compte ICC 2022 et IFD 2021, selon état au 2 août 2022.

b. Dans sa réponse du 29 août 2022, B______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit les preuves de paiement des contributions d'entretien pour les mois de juin, juillet et août 2022 attestant que, depuis le mois de juin 2022, il verse à A______ des montants de 1'040 fr. au titre de "contribution aux frais de D______" et de 1'000 fr. au titre de "contribution provisoire A______".

c. Dans leur réplique et duplique respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

B______ a produit une citation à comparaître à l'audience de plaidoiries finales du 16 novembre 2022 dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale ainsi qu'une copie du rapport d'évaluation sociale rendu par le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) en date du 20 septembre 2022 dans le cadre de cette même procédure.

d. La Cour a gardé la cause à juger en date du 3 novembre 2022.

e. A______ a produit le 5 octobre 2022 une ordonnance de report de l'audience de plaidoiries finales au 30 novembre 2022.

f. Le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures protectrices de l'union conjugale le 1er décembre 2022.

C.           Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, née [A______] le ______ 1976, et B______, né le ______ 1975, tous deux de nationalité suisse, se sont mariés le ______ 2005 à E______ (Genève).

b. Ils sont les parents de D______, née le ______ 2002 et de C______, née le ______ 2007. A______ est également la mère de F______, née le ______ 1996, issue d'une précédente union, que B______ a adoptée en 2011.

c. Les parties vivent séparées depuis octobre 2020.

d. Les parties ont exercé une garde alternée sur C______ jusqu'en décembre 2021. Depuis lors, celle-ci vit auprès de son père. L'enfant majeure D______, encore en études, partage son temps entre les domiciles respectifs des parties.

e. Le 24 mars 2022, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, assortie d'une requête de mesures provisionnelles.

Sur mesures provisionnelles, elle a conclu à ce que le Tribunal condamne B______ à lui verser une provisio ad litem de 8'000 fr. ainsi que, rétroactivement au 1er mars 2021, par mois et d'avance, une contribution à l'entretien de C______ de 2'800 fr. et une contribution à son propre entretien de 2'850 fr., sous suite de frais judiciaires et dépens.

f. Dans sa réponse du 11 mai 2022, B______ a conclu, sur mesures provisionnelles, à ce que la garde exclusive de C______ lui soit attribuée, un droit de visite devant être réservé à A______, à ce qu'il soit dit que l'entretien convenable de C______ s'élève à 1'100 fr. 85, à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement à prendre en charge tous les frais ordinaires et fixes de C______, à ce qu'il soit dit que les dépenses extraordinaires seront réparties à parts égales entre les parties et à ce qu'il soit le bénéficiaire des allocations familiales versées en faveur de C______, sous suite de frais judiciaires et dépens.

g. Lors de l'audition de comparution personnelles des parties du 16 mai 2022, B______ s'est déclaré prêt à prendre en charge les frais de l'enfant majeure D______ en versant directement à A______ la somme de 1'040 fr. par mois et en payant en sus son abonnement de bus (33 fr.). Les allocations familiales la concernant pouvaient demeurer en mains de A______.

A______ a accepté que la garde de C______ soit provisoirement attribuée à B______.

h. Dans sa réplique du 15 juin 2022, A______ a modifié ses conclusions sur mesures provisionnelles, concluant aux versements en sa faveur d'une provisio ad litem de 8'000 fr., d'une contribution mensuelle à l'entretien de C______ de 2'800 fr. et à son propre entretien de 2'850 fr., rétroactivement du 1er mars 2021 au 31 mai 2022, à ce qu'il soit dit que les allocations familiales perçues pour C______ seront versées à B______ dès le 1er juin 2022, à la prise en charge par B______ de la totalité des frais d'entretien et des frais extraordinaires de C______, au versement par B______ d'une contribution à l'entretien de C______ de 300 fr., correspondant à la moitié de son minimum vital, ainsi qu'au versement d'une contribution à son propre entretien de 4'450 fr. dès le 1er juin 2022, sous suite de frais judiciaires et dépens.

i. Le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles le 21 juin 2022.

 

j.a Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu, s'agissant des points encore litigieux en appel, que A______ travaillait en qualité d'assistante socio-éducative auprès de la crèche G______ à 68%. Son salaire mensuel net avait été de 4'873 fr. en 2021.

 

Ses charges mensuelles, arrêtées selon le minimum vital du droit de la famille, s'élevaient à 7'015 fr., comprenant le loyer (3'299 fr.), les primes d'assurance-maladie de base (482 fr. 55) et complémentaire (165 fr. 50), les frais médicaux (89 fr. 75, la régularité des autres frais n'étant pas démontrée), les frais de transport (70 fr.), l'assurance-ménage (29 fr. 50), la télévision (28 fr.) et sa charge fiscale estimée (1'500 fr.), ainsi que le montant de base selon les normes OP (1'350 fr.). Les autres frais médicaux allégués ont été écartés par le Tribunal, faute de démonstration de leur régularité.

j.b B______ travaillait auprès de H______ SA à temps plein. Il avait perçu un revenu mensuel moyen de 12'465 fr., bonus compris, en 2021, et son revenu pouvait être évalué à 12'620 fr. en 2022, auquel s'ajoutait un revenu accessoire de 111 fr. par mois en moyenne.

Ses charges n'ont pas été établies par le Tribunal. B______ a toutefois allégué devant le premier juge avoir des charges mensuelles d'un montant de 7'860 fr. 15, comprenant sa part du loyer (1'648 fr., soit 80 % du loyer total de 2'060 fr.), ses frais de parking (180 fr.), sa prime d'assurance-maladie obligatoire (470 fr. 95), sa prime d'assurance-maladie complémentaire (139 fr. 20), ses frais dentaires (20 fr.), ses frais médicaux (38 fr.), de leasing (202 fr.), de véhicule (1'088 fr., soit 33 fr. d'impôts plaques, 908 fr., de frais de véhicule et 75 fr. d'assurance véhicule), ses frais de téléphone (131 fr.), de redevance (28 fr.), ses frais de téléphonie (131 fr.), ses impôts (2'500 fr.), sa prime d'assurance-RC (30 fr.), ainsi que le montant de base selon les normes OP (1'350 fr.).

j.c Les charges de C______ ont été arrêtées par le Tribunal à 1'236 fr. 85 par mois, comprenant sa part du loyer de B______ (412 fr., soit 20% du loyer total de 2'060 fr.), sa prime d'assurance-maladie obligatoire (113 fr. 85), sa prime d'assurance-maladie complémentaire (46 fr.), ses frais médicaux (82 fr.), ses cours de japonais (200 fr.), les frais de repas (50 fr.), les frais de transport (33 fr.), ainsi que le montant de base selon les normes OP (600 fr.), sous déduction des allocations familiales (300 fr.), lesquelles sont versées en mains de B______. Ces charges sont intégralement assumées par B______.

Le Tribunal a arrêté les charges de D______ à 883 fr. 25 par mois, montant arrondi à 885 fr., comprenant son assurance-maladie de base (387 fr. 75), son assurance-maladie complémentaire (55 fr.50), ses frais médicaux (85 fr.), ses frais de lentilles de contact (45 fr.), ses frais de répétiteur (110 fr.), ainsi que le montant de base selon les normes OP (600 fr.), sous déduction des allocations familiales (400 fr.). B______ assumait en sus son abonnement de bus de 33 fr.

 

j.d Le Tribunal a ainsi retenu que les charges de A______ représentaient un total de 7'600 fr. – soit un montant de 7'015 fr. auquel s'ajoutaient sa part des frais de D______, soit la moitié de son montant de base et ses autres charges, d'un montant total de 585 fr. (885 fr. – 300 fr.) – de sorte que son déficit arrondi était de 2'730 fr. B______ avait versé à A______ 4'000 fr. en février et mars 2021, 3'800 fr. en avril 2021 et 3'000 fr. dès le mois de mai 2021, à l'exception du mois de juin 2022, où il avait versé le montant de 2'040 fr. Il n'était ainsi pas rendu vraisemblable, après un examen sommaire de la situation dans le cadre de mesures provisionnelles, que A______ subissait, s'agissant de la contribution d'entretien en sa faveur, une atteinte ne pouvant être que difficilement réparée par la décision finale, raison pour laquelle il l'a déboutée de sa conclusion en versement d'une contribution à son entretien.

 

S'agissant d'une provisio ad litem, B______ versait à A______ une contribution d'entretien qui couvrait en grande partie ses charges. Il apparaissait dès lors que A______ était en mesure de supporter elle-même les frais liés à la procédure. Le Tribunal l'a ainsi déboutée de ses conclusions à ce titre.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige portant exclusivement sur la contribution d'entretien en faveur de l'épouse et la provisio ad litem, il est de nature pécuniaire (ATF
133 III 393 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_42/2013 du 27 juin 2013 consid. 1.1; 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 1; 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 1).

Conformément à l'art. 92 al. 1 CPC, la capitalisation du montant des contributions d'entretien restées litigieuses au vu des dernières conclusions des parties devant le premier juge excède largement 10'000 fr.

1.2 L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les dix jours à compter de la notification de la décision attaquée, s'agissant de mesures provisionnelles qui sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1 CPC), l'appel est donc recevable. Il en va de même de la réponse de l'intimé (art. 314 al. 1 CPC).

2.             2.1 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes inquisitoire simple (art. 272 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) s'agissant de la contribution d'entretien entre époux et du versement d'une provisio ad litem.

2.2 L'autorité judiciaire qui se prononce sur des mesures provisionnelles peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

3.             Les parties ont produit de nouvelles pièces et allégué de nouveaux faits en appel.

3.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

S'agissant des vrais nova, soit les faits qui se sont produits après le jugement de première instance – ou plus précisément après les débats principaux de première instance (art. 229 al. 1 CPC) –, la condition de nouveauté posée à l'art. 317 al. 1 let. b CPC est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate (art. 317 al. 1 let. a CPC) doit être examinée.

3.1.2 L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a et 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC).

3.2.1 En l'espèce, rien n'indique que les situations de compte ICC 2022 et IFD 2021 n'auraient pas pu être produites dans la procédure de première instance; ces pièces seront déclarées irrecevables. Les autres pièces nouvelles produites par les parties en appel ainsi que les faits en découlant sont recevables car elles se rapportent à des faits survenus postérieurement à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger et sans retard. Bien que produite postérieurement au 3 novembre 2022, date à laquelle la Cour a gardé la cause à juger sur la procédure d'appel, la citation établissant le report de l'audience au fond est relative à un fait connu de toutes les parties et du juge de sorte qu'elle est recevable.

3.2.2 L'appelante a réclamé pour la procédure de première instance le versement d'une provisio ad litem de 8'000 fr. En appel, elle a sollicité le versement d'une provisio ad litem d'un montant total de 10'000 fr. Elle explique l'augmentation de sa conclusion par le fait qu'elle a été "contrainte de former le présent appel". Le versement de la provisio ad litem complémentaire de 2'000 fr. correspond ainsi à la procédure d'appel et ne constitue pas une modification des conclusions en appel, au contraire de ce que soutient l'intimé. Cette conclusion est dès lors recevable.

4.             L'appelante reproche au Tribunal de ne pas lui avoir alloué, sur mesures provisionnelles, une contribution à son entretien.

4.1.1 La question de savoir si des mesures provisionnelles peuvent être ordonnées dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, qui constituent déjà elles-mêmes des mesures provisionnelles (cf. ATF 137 III 475 consid. 4.1), est controversée en doctrine et n'a pas été tranchée par le Tribunal fédéral (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 cité consid. 3.4).

La Cour de céans reconnaît la possibilité de prononcer valablement de telles mesures, notamment lorsque la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale risque de se prolonger (ACJC/1454/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3.1 et les références citées). Elles ne peuvent toutefois être ordonnées que pour autant que les conditions posées par l'art. 261 CPC soient réunies (ACJC/256/2021 du 2 mars 2021 consid. 5.1; ACJC/1684/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.1; ACJC/763/2019 du 14 mai 2019 consid. 1.3; ACJC/1452/2018 du 19 octobre 2018 consid. 3.1).

4.1.2 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable, d'une part, qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et, d'autre part, que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

Dans le contexte particulier de mesures provisionnelles sollicitées dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, l'existence d'un préjudice difficilement réparable doit être appréciée au regard des conséquences concrètes qu'aurait pour la partie requérante l'absence de telles mesures. Un tel préjudice doit ainsi notamment être admis s'il est rendu vraisemblable que, à défaut de mesures provisionnelles, la partie requérante serait contrainte de modifier de manière importante son organisation en prenant des mesures sur lesquelles il ne lui sera que difficilement possible de revenir par la suite: tel pourra par exemple être le cas si, faute de décision judiciaire faisant obligation à son conjoint de contribuer à son entretien, un époux se voit contraint de quitter le logement qu'il occupait jusqu'alors, de se séparer du moyen de transport qu'il utilisait régulièrement ou encore de retirer un enfant de l'école privée qu'il fréquentait. En revanche, le fait de devoir renoncer pendant la durée de la procédure à certaines dépenses (voyages de loisirs, achat d'un nouveau véhicule plus luxueux, etc.) n'influant pas durablement sur les conditions d'existence de l'époux requérant ne saurait être considéré comme constitutif d'un préjudice difficilement réparable (ACJC/1684/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.1; ACJC/1387/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3.2; ACJC/824/2016 du 10 juin 2016 consid. 3.1.1).

Les mesures provisionnelles prononcées dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale ne visent en effet pas à anticiper la décision finale, en octroyant à l'époux vraisemblablement crédirentier une contribution lui permettant de maintenir son train de vie antérieur ou correspondant à la répartition du montant disponible de la famille, mais à éviter que, pendant la procédure, les intérêts de l'une ou l'autre des parties ne subissent une atteinte ne pouvant être que difficilement réparée par la décision finale (ACJC/1684/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.1; ACJC/1387/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3.2; ACJC/824/2016 du 10 juin 2016 consid. 3.1.1).

4.1.3 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due par l'un des époux à l'autre selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux (ATF 121 I 97 consid. 3b).

Dans trois arrêts récents publiés (ATF 147 III 265; 147 III 293 et 147 III 301), le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille. Selon cette méthode en deux étapes, ou méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, il convient de déterminer les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

Les besoins des parties sont calculés en partant du minimum vital au sens du droit des poursuites (LP). Celui-ci comprend le montant de base fixé par les normes d'insaisissabilité (OP), les frais de logement effectifs ou raisonnables, les coûts de santé, tels que les cotisations d'assurance-maladie obligatoire, les frais de transports publics et les frais professionnels, tels que les frais de repas à l'extérieur (art. 93 LP; ATF 147 III 265 précité consid. 7.2; 5A_329/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4.1; Bastons bulleti, L'entretien après le divorce: Méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II 77, p. 84 s. et 101 s.).

Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur (ATF 143 III 233 consid. 3.2; ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1026/2021 du 27 janvier 2022 consid. 4.1; 5A_1046/2018 du 3 mai 2019 consid. 4.3). Si le juge entend exiger d'un époux la prise ou la reprise d'une activité lucrative ou encore l'extension de celle-ci, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_407/2021 du 6 mai 2022 consid. 3.2; 5A_444/2021 du 9 mars 2022 consid. 3.1).

4.2 En l'espèce, l'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir procédé à l'établissement des faits pertinents en n'établissant pas les revenus et les charges admissibles de l'intimé et, partant, son solde disponible. En outre, le montant versé spontanément par l'intimé pour la couverture des charges de Maé était insuffisant, augmentant d'environ 300 fr. le déficit de l'appelante tel qu'établi par le Tribunal. Il convenait enfin de procéder au partage de l'excédent de l'intimé, de sorte que la contribution d'entretien de 4'450 fr. requise aurait dû lui être accordée.

L'intimé conteste quant à lui l'opportunité du prononcé de mesures provisionnelles, faisant valoir que l'appelante dispose de revenus suffisants pour couvrir ses charges et qu'un revenu hypothétique pourrait en outre lui être imputé pour une activité à temps plein, de sorte qu'elle ne subirait le risque d'aucun préjudice difficilement réparable.

D______ est majeure depuis le ______ 2020, soit avant même le dépôt de sa requête par l'appelante. Son entretien revêt ainsi un caractère subsidiaire à celui du conjoint, de sorte que ses charges n'auraient pas dû être ajoutées à celles de sa mère dans le cadre de la présente procédure (art. 277 al. 2 CC; ATF 147 III 265 consid. 8.5; 146 III 169 consid. 4.2.2.2; 132 III 209 consid. 2.3).

Sur la base des revenus (4'873 fr.) et des charges (7'015 fr.) de l'appelante tels qu'établis par le premier juge, - l'appelante se montre critique quant à la manière dont le Tribunal a établi ses charges, tout en les reprenant dans sa motivation, de sorte que lesdites charges peuvent être considérées comme étant admises –, celle-ci accuserait un déficit mensuel s'élevant à 2'142 fr. Déduction faite de la contribution à son entretien versée spontanément par l'intimé de 1'000 fr., l'appelante aurait un déficit résiduel de 1'142 fr. (2'142 fr. – 1'000 fr.), susceptible, selon les circonstances, de lui causer un préjudice difficilement réparable.

Cela étant, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures protectrices de l'union conjugale le 1er décembre 2022, de sorte que le risque de voir cette procédure se prolonger n'existe plus. La procédure sommaire étant applicable, un jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale sera ainsi vraisemblablement rendu dans un avenir proche, dans lequel le Tribunal devra se prononcer sur le droit ou non de l'appelante au versement d'une contribution à son entretien ainsi que sur le montant et sur la rétroactivité de la contribution d'entretien éventuellement ordonnée. La condition de l'urgence n'est dès lors pas remplie et il ne se justifie pas de prononcer des mesures provisionnelles.

La décision entreprise sera ainsi confirmée par substitution de motifs.

5.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir refusé de lui accorder une provisio ad litem pour la procédure de première instance de 8'000 fr. et en sollicite une pour la procédure d'appel de 2'000 fr.

5.1 La fixation d'une provisio ad litem par le juge présuppose d'une part l'incapacité du conjoint demandeur de faire face par ses propres moyens aux frais du procès, d'autre part l'existence de facultés financières suffisantes du défendeur, qui ne doit pas être lui-même placé dans une situation difficile par l'exécution de cette prestation (ATF 103 Ia 99 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_590/2019 du 13 février 2020 consid. 3.3; 5A_808/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.1).

Se trouve dans le besoin celui qui ne pourrait pas assumer les frais d'un procès sans recourir à des moyens qui lui sont nécessaires pour couvrir son entretien courant et celui de sa famille. L'appréciation de cette circonstance intervient sur la base de l'examen d'ensemble de la situation économique de la partie requérante, c'est-à-dire d'une part de toutes ses charges et d'autre part de sa situation de revenus et de fortune (De Luze/Page/Stoudmann, Droit de la famille, Code annoté, 2013, n. 2.5 ad art. 163 CC).

La requête de provisio ad litem valablement formée par une partie ne perd pas son objet, bien que la procédure soit achevée, si des frais de procédure sont mis à la charge de la partie qui a sollicité la provisio ad litem et que les dépens sont compensés. Dans ce cas, il convient d'examiner si celle-ci dispose des moyens suffisants pour assumer lesdits frais, question qui continue de se poser au moment où la décision finale est rendue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 du 13 février 2020 consid. 3.3 et 3.5).

Le montant de la provisio ad litem doit être proportionné aux facultés financières de l'autre conjoint et correspondre aux frais prévisibles de l'action judiciaire entreprise (ATF 103 Ia 99 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_778/2012 du 24 janvier 2013 consid. 6.1; arrêt de la Cour de justice du 30 mai 1980 publié in SJ 1981 p. 126).

5.2.1 Comme constaté sous chiffre 4.2 supra, en l'absence d'urgence – la cause ayant été gardée à juger sur mesures protectrices de l'union conjugale – il ne se justifie pas d'allouer, sur mesures provisionnelles, une provisio ad litem. Il appartiendra ainsi au Tribunal de se prononcer sur le droit ou non de l'appelante au versement d'une telle provisio dans le cadre du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale. Par conséquent, l'appelante sera déboutée de sa conclusion en paiement d'une provisio ad litem relative à la procédure de première instance et le chiffre 5 de la décision entreprise sera confirmé.

 

5.2.2 Compte tenu des revenus de l'appelante (4'873 fr.) et de ses charges (7'015 fr.) retenus précédemment (chiffre 4.2 supra), ainsi que de la contribution d'entretien spontanément versée par l'intimé à l'appelante (1'000 fr.), cette dernière accuse un déficit de plus de 1'000 fr. (7'015 fr. – 4'873 fr. – 1'000 fr.).

Il est ainsi rendu vraisemblable que l'appelante n'est pas en mesure de s'acquitter des frais relatifs à la procédure d'appel de sorte qu'il sera donné une suite favorable à sa conclusion en paiement d'une provisio ad litem pour ladite procédure.

Les charges de l'intimé de même que son solde disponible n'ont pas été établis dans le cadre de la procédure de première instance. Il peut néanmoins être observé, notamment sur la base des allégations de l'intimé – qui articule des revenus mensuels de 12'546 fr. et des charges de 7'860 fr. 15 – ainsi que de l'entretien retenu par le premier juge pour l'enfant mineur (1'236 fr. 85) et de la contribution d'entretien versée spontanément à l'appelante (1'000 fr.), qu'il dispose d'un solde d'au minimum 2'449 fr. (12'546 fr. – 7'860 fr.15 – 1'236 fr. 85 – 1'000 fr.) qui lui permet de s'acquitter d'une provisio ad litem.

Au vu de l'ampleur de travail nécessaire et compte tenu de l'issue du litige, l'intimé sera condamné à verser à l'appelante une provisio ad litem de 1'000 fr. pour la procédure d'appel.

6.             6.1 Les frais – qui comprennent les frais judiciaires et les dépens – sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Le Tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 CPC).

Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

6.2 Il n'y a pas lieu de modifier la décision du premier juge sur les frais de première instance, réservant la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (art. 104 al. 3 CPC).

6.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'450 fr. (95 al. 2 et 105 al. 1 CPC; art. 31 et 37 RTFMC).

Ils seront mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, soit 725 fr. à charge de l'appelante et 725 fr. à charge de l'intimé, compte tenu de l'issue et de la nature du litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens d'appel.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 5 août 2022 par A______ contre l'ordonnance OTPI/504/2022 rendue le 26 juillet 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5700/2022.

Préalablement :

Condamne B______ à verser à A______ une provisio ad litem de 1'000 fr. pour la procédure d'appel.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'450 fr. et les met à la charge des parties pour moitié chacune.

Condamne B______ à verser aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la somme de 725 fr. au titre de frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ à verser aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la somme de 725 fr. au titre de frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président, Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges, Madame Camille LESTEVEN, greffière


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites des art. 93 et 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.