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Décisions | Sommaires

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C/8331/2021

ACJC/1121/2022 du 30.08.2022 sur JTPI/3772/2022 ( SFC ) , CONFIRME

Normes : LP.190
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8331/2021 ACJC/1121/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 30 AOÛT 2022

Entre

A______ SARL, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 mars 2022, comparant par Me Pascal PETROZ, avocat, Perréard de Boccard SA, rue du Mont-Blanc 3, case postale, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

CAISSE DE COMPENSATION B______, CAISSE DE COMPENSATION C______ CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES D______, sises ______, intimées, comparant par Me Pierre VUILLE, avocat, GVA law , rue des Alpes 15, case postale 1592, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elles font élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3772/2022 du 24 mars 2022, reçu par A______ SARL le 28 mars 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la faillite sans poursuite préalable de A______ SARL (ch. 1 du dispositif), l'a condamnée à verser 500 fr. au titre des frais judiciaires à la CAISSE DE COMPENSATION B______, la CAISSE DE COMPENSATION C______ et à la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES D______ (ci-après "les Caisses") (ch. 2 et 3) et 300 fr. à titre de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Le 7 avril 2022, A______ SARL a formé recours contre ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule et, subsidiairement, à ce qu'elle ajourne sa faillite, le tout avec suite de frais et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles.

b. Par décision du 12 avril 2022, la Cour, sur requête de A______ SARL, a prononcé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite. L'inventaire des biens de la recourante a été ordonné.

c. Le 6 mai 2022, les Caisses ont conclu au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

d. A______ SARL a répliqué le 30 mai 2022, persistant dans ses conclusions, et a produit des pièces nouvelles.

e. Les Caisses ont dupliqué le 28 juin 2022, persistant dans leurs conclusions.

f. Les parties ont été informées le 21 juillet 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ SARL, inscrite au Registre du commence de Genève, a notamment pour but social tous travaux dans les domaines du bâtiment, construction et maçonnerie. Son siège social est situé au no. ______ avenue 1______ à H______ [GE].

Son associé gérant est E______, domicilié au no. ______ av. 2______, [code postal] O______ [GE]. Depuis décembre 2017, E______ se trouve en prison. Il est actuellement incarcéré à l'établissement de I______.

Du fait de son but social, A______ SARL est affiliée auprès des Caisses, de par la loi et de par son adhésion aux conventions collectives de travail.

Il n'est pas contesté que A______ SARL n'a plus d'activité sur les chantiers depuis plusieurs années. Selon son associé gérant, cette société a des réserves lui permettant de faire face à ses échéances. Elle a par ailleurs assigné la société F______ SA en paiement de 700'000 fr. par devant les tribunaux vaudois. Cette cause est actuellement suspendue.

En plus de la faillite faisant l'objet de la présente procédure, la faillite de A______ SARL a été prononcée par le Tribunal à deux reprises, soit les 6 avril 2016 et 28 janvier 2021. Ces décisions ont été annulées par arrêts de la Cour.

b. En décembre 2018, les Caisses ont conclu avec E______, alors incarcéré à l'établissement pénitentiaire G______, une convention portant sur le paiement de cotisations dues pour la période de janvier à octobre 2018. Cette convention a été adressée E______ à l'établissement G______ et signée par ses soins.

Les Caisses allèguent que, dans ce cadre, E______ leur a indiqué téléphoniquement que toute correspondance concernant A______ SARL devait être envoyée à son adresse personnelle à l'avenue 2______, où résidait sa compagne. E______ leur avait également indiqué qu'il pouvait être atteint par courriel, à son adresse E______@______.com. Elles ne produisent aucune pièce à l'appui de ces allégations, qui sont contestées par E______.

c. Selon les Caisses, un contrôle effectué en 2019 a mis en évidence le fait que des arriérés de cotisations AVS en 157'814 fr. 40 étaient dus par A______ SARL pour les années 2014 à 2018.

Par courriel du 12 décembre 2019, envoyé à l'adresse E______@______.com les Caisses ont transmis à E______ un tableau récapitulant les montants dus et lui ont imparti un délai de 10 jours pour se prononcer sur cette question. E______ conteste avoir reçu ce courriel.

d. Le 30 juillet 2020, les Caisses ont envoyé à A______ SARL, c/o E______, avenue 2______, no. ______, [code postal] O______, les décisions suivantes :

- Décision n° 3______ condamnant A______ SARL à payer 97'295 fr. 55 au titre des cotisation AVS pour 2014;

- Décision n° 4______ condamnant A______ SARL à payer 17'600 fr. 90 au titre des cotisation AVS pour 2015;

- Décision n° 5______ condamnant A______ SARL à payer 5'102 fr. 15 au titre des cotisation AVS pour 2016;

- Décision n° 6______ condamnant A______ SARL à payer 36'471 fr. 85 au titre des cotisation AVS pour 2017;

- Décision n° 7______ condamnant A______ SARL à payer 1'343 fr. 95 au titre des cotisation AVS pour 2018.

Ces décisions indiquaient qu'elles étaient susceptibles d'opposition dans un délai de 30 jours dès réception.

e. Des sommations de payer les montants précités ont été adressées à A______ SARL le 14 septembre 2020 par les Caisses à la même adresse que les décisions.

f. E______ allègue n'avoir reçu ni les décisions, ni les sommations.

g. Cinq commandements de payer portant sur les montants précités, au titre d'arriérés de cotisations AVS pour 2014 à 2018, ont été notifiés à A______ SARL à son siège social au no. ______ avenue 1______, à H______, les 11 et 15 mars 2021. Il n'a pas été formé opposition à ces commandements de payer.

Cinq autres commandements de payer, portant sur les mêmes montants, au même titre, ont été notifiés le 16 mars 2021 à E______ à la prison de I______. Il n'a pas été formé opposition à ces commandements de payer.

h. Le 3 mai 2021, les Caisses ont requis du Tribunal le prononcé de la faillite sans poursuite préalable de A______ SARL faisant valoir qu'elles étaient créancières de celle-ci à hauteur de 157'814 fr. 40 au titre des décisions du 30 juillet 2020.

Elles ont en outre allégué que leur partie adverse avait suspendu ses paiements et qu'elle laissait s'accumuler les poursuites intentées par les créanciers de droit public, lesquels ne pouvaient pas requérir la faillite par la voie de la poursuite.

i. Par jugement JPTI/9647/2021 du 14 juillet 2021, le Tribunal a prononcé la faillite de A______ SARL.

Ce jugement a été annulé par arrêt de la Cour ACJC/1342/2021 du 18 octobre 2021, au motif que A______ SARL n'avait pas été valablement citée à l'audience de faillite appointée par le Tribunal.

j. Lors de l'audience du Tribunal du 14 janvier 2022, A______ SARL a conclu au rejet de la requête de faillite. Elle n'était pas débitrice des Caisses, car les décisions du 30 juillet 2020 ne lui avaient pas été correctement notifiées. Elle n'était pas non plus en cessation de paiements.

Les Caisses ont persisté dans leurs conclusions, faisant valoir qu'elles avaient engagé plusieurs poursuites contre A______ SARL et que celles-ci étaient au stade de la saisie, de sorte que leur qualité de créancières était établie, à l'instar de la condition de la cessation des paiements.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 21 mars 2022.

k. Dans son jugement, le Tribunal a retenu que les Caisses avaient rendu vraisemblable leur qualité de créancières de A______ SARL.

Celle-ci faisait l'objet de nombreuses poursuites et actes de défaut de biens. Elle avait manifestement cessé de payer les primes d'assurance, les impôts cantonaux et fédéraux, les charges sociales, ainsi que plusieurs fournisseurs. Selon ses états financiers au 31 décembre 2021, elle n'avait pas réalisé de chiffre d'affaire pour les exercices 2020 et 2021, lesquels étaient déficitaires, et elle n'avait pratiquement aucune activité économique. Elle était en rupture de trésorerie et les charges résiduelles étaient financées par la diminution du compte courant associé, lequel injectait vraisemblablement des liquidités dans la société. A______ SARL avait manifestement délibérément cessé de payer certains créanciers et plus particulièrement l'administration fiscale, les institutions publiques AVS/AC/AMAT, LPP, APG et les cotisations professionnelles. Elle ne payait plus que certaines charges sociales et les honoraires de tiers, privilégiant ainsi certains créanciers au détriment des autres. Apparemment, la seule raison justifiant le maintien de A______ SARL était sa revendication pour un montant de 700'000 fr. envers la société F______ SA, dont l'issue judiciaire, très incertaine, ne permettait pas de retenir qu'elle n'était pas en cessation de paiements.

l. Il ressort de l'extrait des poursuites de A______ SARL au 8 avril 2022 que celle-ci faisait l'objet à cette date de 27 poursuites actives, pour un montant total d'environ 378'326 fr. Treize de ces poursuites en étaient au stade de la saisie ou de la réalisation et deux au stade de la commination de faillite. La majorité de ces poursuites émanaient de créanciers de droit public. A______ SARL faisait en outre l'objet de 18 actes de défauts de biens pour un total de 226'316 fr. 79.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP, par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable en l'espèce.

2. 2.1 Dans le cadre du recours de l'art. 174 LP - applicable à la faillite sans poursuite préalable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP -, les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux, lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance (art. 174 al. 1, 2ème phrase, LP). Cette disposition spéciale de la loi, au sens de l'art. 326 al. 2 CPC, vise les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir ceux qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit; ces faits peuvent être invoqués sans restriction et prouvés par pièces, pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours. Aux termes de l'art. 174 al. 2 LP, le failli peut aussi invoquer de vrais nova, à savoir les faits, intervenus après l'ouverture de la faillite en première instance, qui sont énumérés aux chiffres 1 à 3; selon la jurisprudence, ces vrais nova doivent également être produits avant l'expiration du délai de recours. En vertu de la lettre claire de l'art. 174 al. 2 LP, aucun autre novum n'est admissible. Partant, dans le cadre d'un recours contre un prononcé de faillite sans poursuite préalable, seuls les pseudo-nova sont en principe recevables, les hypothèses énumérées exhaustivement à l'art. 174 al. 2 ch. 1-3 LP étant étrangères à ce type de procédure. Il n'est ainsi pas possible d'invoquer que, dans le délai de recours, l'état de surendettement a été éliminé, qu'un nouvel organe de révision est arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas de surendettement ou encore qu'une postposition de créance nouvellement consentie rend superflu l'avis au juge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_243/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1).  

2.2 En l'espèce, et conformément à ce qui précède, les pièces nouvelles produites par la recourante qui sont antérieures au 21 mars 2022, date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal, sont recevables. Les pièces 24, 30, 32 et 33 qui sont postérieures à cette date, sont irrecevables.

3. La recourante fait valoir que le Tribunal a retenu à tort que les intimées ont rendu vraisemblable leur qualité de créancières car les décisions du 30 juillet 2020, envoyées à l'adresse privée de son associé gérant ne lui avaient pas été valablement notifiées. Elle n'avait pas suspendu ses paiements. Les poursuites au stade de la commination de faillite intentées par J______ SA et K______ avaient été retirées. La majorité des autres poursuites n'était pas justifiée. Des arrangements avaient été trouvés avec de nombreux créanciers. L'associé gérant de la société allait prochainement être mis au bénéfice d'un régime de semi-détention et l'activité de la société allait reprendre. A______ SARL avait une créance de 700'000 fr. contre F______ SA et venait de recouvrer un montant de 11'028 fr. 25 de la part de L______ SA.

3.1 Selon l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP, le créancier peut requérir la faillite sans poursuite préalable si le débiteur, sujet à la poursuite par voie de faillite a suspendu ses paiements.

Seul celui qui a la qualité de créancier peut requérir la faillite sans poursuite préalable de son débiteur en vertu de l'art. 190 LP. Comme ce type de faillite n'est pas précédé d'une poursuite préalable et qu'il n'y a donc pas de procédure de mainlevée au cours de laquelle la titularité de la créance du requérant aurait pu être examinée, il est justifié d'exiger que, à l'instar du créancier qui se fonde sur un titre pour requérir la mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 LP (ATF 132 III 140 consid. 4.1), le créancier motive sa requête en produisant le titre sur lequel il se base, la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et de ses caractéristiques extérieures comme un tel titre, étant suffisante pour que sa qualité de créancier soit admise si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblables des exceptions (arrêt du Tribunal fédéral 5A_730/2013 du 24 avril 2014 consid. 6.1).  

Celui qui requiert une faillite sans poursuite préalable doit rendre vraisemblable sa qualité de créancier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_117/2012 du 12 juillet 2012 consid. 3.2.2). Rendre vraisemblable signifie qu’il n’est pas nécessaire que le juge soit convaincu de l’exactitude de l’allégué présenté, mais qu’il suffit que sur la base d’éléments objectifs, le fait en cause soit rendu probable, sans qu’il doive pour autant exclure la possibilité que les faits aient aussi pu se dérouler autrement. La vraisemblance requiert plus que de simples allégués : ceux-ci doivent être étayés par des éléments concrets ou des indices et être accompagnés de pièces. Le juge doit être convaincu que la réalisation de l’état de fait allégué est plus vraisemblable que sa non-réalisation. Pour atteindre le niveau de la simple vraisemblance il suffit ainsi déjà d’une simple prépondérance de la vraisemblance de la présentation des faits du recourant (ATF 130 III 321 consid. 3.3, JdT 2005 I 618, SJ 2005 I 514; ATF 120 II 393 consid. 4c; ATF 104 Ia 408; HGer/BE du 3 mai 2012 (HG 12 39)).

Le motif de la faillite posé à l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP est une notion juridique indéterminée qui accorde au juge un large pouvoir d'appréciation. La suspension de paiements a été préférée par le législateur à l'insolvabilité parce qu'elle est perceptible extérieurement et, dès lors, plus aisée à constater que l'insolvabilité proprement dite; il s'agissait ainsi de faciliter au requérant la preuve de l'insolvabilité. Pour qu'il y ait suspension de paiements, il faut que le débiteur ne paie pas des dettes incontestées et exigibles, laisse les poursuites se multiplier contre lui, tout en faisant systématiquement opposition, ou omette de s'acquitter même des dettes minimes; il n'est cependant pas nécessaire que le débiteur interrompe tous ses paiements; il suffit que le refus de payer porte sur une partie essentielle de ses activités commerciales. Même une dette unique n'empêche pas, si elle est importante et que le refus de payer est durable, de trahir une suspension de paiements; tel est notamment le cas lorsque le débiteur refuse de désintéresser son principal créancier. Le non-paiement de créances de droit public peut constituer un indice de suspension de paiements. La suspension des paiements ne doit pas être de nature simplement temporaire, mais doit avoir un horizon indéterminé (ATF 137 III 460 consid. 3.4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_354/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6.2.1; 5A_439/2010 du 11 novembre 2010 consid. 4).

L'existence de comminations de faillite valables, c'est-à-dire non périmées, permet de conclure à la suspension des paiements (Cometta, Commentaire romand, n. 10, ad art. 190 LP).

3.2 En l'espèce, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que les intimées ont rendu vraisemblable leur qualité de créancières de la recourante. En effet, ni la recourante, ni son associé gérant n'ont formé opposition aux commandements de payer qui leur ont été notifiés en mars 2021 et qui concernent les créances dont les intimées se prévalent dans la présente procédure. Il en résulte que ces créances doivent être considérées comme admises par la recourante.

Ce qui précède est corroboré par le fait que, selon l'extrait des poursuites de la recourante au 8 avril 2022, les poursuites relatives à ces créances, d'environ 158'000 fr., sont au stade de la réalisation, sans que la recourante n'allègue avoir entamé de démarche pour les faire annuler.

Il en résulte que la qualité de créancières des intimées doit être admise sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de savoir si les décisions du 30 juillet 2020 ont valablement ou non été notifiées à la recourante.

La première condition posée par l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP est dès lors réalisée.

La seconde l'est également, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal.

Les pièces produites attestent de ce que la recourante a délibérément cessé de payer certains créanciers, notamment les créanciers de droit public qui n'ont pas la possibilité de requérir sa faillite par la voie ordinaire, pour en favoriser d'autre.

La cessation des paiements ressort de l'importance des dettes de la recourante, dont le montant au 8 avril 2022 était d'environ 378'326 fr., actes de défauts de biens non inclus, selon son extrait des poursuites.

Le fait que l'une des poursuivantes de la recourante, la société M______ SARL, ait fait faillite, n'est pas pertinent car la créance de cette société n'est pas incluse dans le montant qui précède. En tout état de cause, la seule faillite de la société créancière n'éteint pas forcément la poursuite. La créance de [la société] N______ n'a quant à elle pas non plus été prise en compte dans le montant précité, de sorte que ce grief tombe à faux.

Les pièces produites par la recourante ne suffisent pas à rendre vraisemblable que les arrangements de paiement conclus par celle-ci avec l'administration fiscale cantonale, la TVA, et la SUVA sont effectivement respectés. Même en tenant compte du fait que la recourante a, comme elle le dit, désintéressé les deux créanciers qui avaient requis sa faillite, pour un montant de 40'000 fr. environ, elle a toujours des dettes faisant l'objet de poursuites en cours à hauteur de 338'000 fr. environ.

Or la recourante ne rend pas vraisemblable qu'elle a la possibilité de s'acquitter à court ou moyen terme de ses dettes. Elle n'a plus de revenus depuis plusieurs années et les derniers états financiers qu'elle a produits font état de pertes d'exploitation.

Aucun élément concret ne permet de retenir, même au stade de la vraisemblance, que la recourante sera susceptible de réaliser dans un avenir proche des revenus lui permettant à la fois de couvrir ses frais de fonctionnement et de rembourser ses créanciers. L'on ignore si elle aura gain de cause ou non à l'issue de la procédure qu'elle a intentée contre F______ SA. Ce revenu est d'autant plus aléatoire que cette procédure est suspendue pour le moment. Le fait que la recourante se soit acquittée des avances de frais requises dans le cadre de ladite procédure ne suffit pas à rendre vraisemblable qu'elle est solvable.

A cela s'ajoute que les difficultés financières de la recourante ne sont pas uniquement passagères, mais durables, puisque celle-ci fait l'objet d'actes de défaut de biens pour un montant de 226'316 fr. 79 et que sa faillite a été prononcée à plusieurs reprises par le passé.

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que les conditions de l'art. 190 al 1 ch. 2 LP étaient réalisées.

4. La recourante fait valoir que le Tribunal aurait dû lui accorder un ajournement de faillite fondé sur l'art. 173a al. 2 LP.

Selon cette disposition, le tribunal peut ajourner d’office le jugement de faillite lorsqu’un concordat paraît possible; il transmet dans ce cas le dossier au juge du concordat.

En l'espèce, aucun concordat ne paraît possible à teneur des pièces du dossier. La recourante ne fournit d'ailleurs aucun élément concret ni aucune explication permettant de retenir quels éléments pourraient justifier l'octroi d'un concordat in casu.

La faillite de la recourante a dès lors été prononcée à bon droit par le Tribunal et le jugement querellé sera confirmé.

5. Lorsque l'effet suspensif octroyé par l'autorité de recours porte également sur la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, et non seulement sur le caractère exécutoire du jugement de faillite, et que l'autorité rejette le recours contre la faillite, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de l'arrêt de seconde instance. L'autorité doit par conséquent fixer à nouveau ce moment (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2013 consid. 1.3.2.1).

La faillite de la recourante sera dès lors confirmée, avec effet à la date du prononcé du présent arrêt.

6. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 106 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 750 fr. et compensés avec l'avance versée par la recourante, acquise à l'Etat de Genève (art. 52 et 61 OELP; 111 CPC).

Une indemnité de 1'000 fr., débours et TVA inclus, sera allouée aux intimées à titre de dépens (art. 85,88, 89 et 90 RTFMC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 7 avril 2022 par A______ SARL contre le jugement JTPI/3772/2022 rendu le 24 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8331/2021-8 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ SARL prenant effet le 30 août 2022 à 12h00.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de A______ SARL les frais judiciaires de recours, fixés à 750 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SARL à verser 1'000 fr. de dépens de recours à la CAISSE DE COMPENSATION B______, à la CAISSE DE COMPENSATION C______ et à la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES D______ prises solidairement.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.