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Décisions | Sommaires

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C/17353/2020

ACJC/783/2022 du 04.05.2022 sur JTPI/14737/2021 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17353/2020 ACJC/783/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 4 MAI 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], recourant contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 novembre 2021, comparant par Me David Papaux, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, Allemagne, intimée, comparant par Me E______, avocate, ______, Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14737/2021 du 22 novembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, que lui a fait notifier B______, à hauteur de respectivement 24'400 fr., 30'000 fr. et 22'500 fr. (chiffre 1 du dispositif). Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., ont été compensés avec l'avance effectuée par B______ (ch. 2) et mis à la charge de A______, lequel a été condamné à les rembourser à B______ (ch. 3). Il n'a pas été alloué de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 6 décembre 2021 au greffe de la Cour de justice (tenant sur cinq pages), A______ recourt contre ce jugement, qu'il a reçu le
24 novembre 2021, dont il requiert l'annulation. Il conclut, cela fait, au rejet de la requête de mainlevée définitive formée par B______ et au déboutement de cette dernière de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Préalablement, A______ a conclu à l'octroi de l'effet suspensif au recours, ce à quoi B______ s'est opposée.

Par arrêt du 15 décembre 2021, la Cour a rejeté la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris. Le sort des frais a été réservé à la décision au fond.

c. Dans sa réponse, B______ a conclu principalement à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet, du recours, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Les parties ont été informées par pli du greffe du 10 janvier 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis au Tribunal :

a. B______, née le ______ 1998, est la fille de A______.

b. Dans le cadre d'une action alimentaire opposant les précités, le Bezirksgericht du canton de Zurich a, par jugement du 22 septembre 2003, condamné le père à verser à sa fille, à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, la somme de 1'500 fr. par mois du
1er mars 2002 au 31 décembre 2009 et de 2'000 fr. par mois jusqu'à la majorité de l'enfant, voire, au plus tard, jusqu'à l'achèvement de la formation initiale ordinaire ("bis zur Mündigkeit der Klägerin, längstens bis zu deren Vollendung der ordentlichen Erstausbildung").

c. En 2009, 2010 et 2015, B______ a poursuivi son père pour des contributions d'entretien impayées.

d. Elle a entrepris de nouvelles démarches en ce sens en 2020.

Elle a d'abord signifié à son père, par courrier du 9 juin 2020, qu'il lui devait plusieurs dizaines de milliers de francs depuis juin 2015 à titre d'allocations familiales non reversées et de pensions non acquittées ou acquittées partiellement.

Elle lui a ensuite fait notifier, en date du 19 août 2020, un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour un montant total de 83'000 fr. (30'500 fr. à titre d'allocations familiales en 500 fr. par mois non reversées de juin 2015 à juillet 2020 ; 30'000 fr. à titre de contributions d'entretien en 2'000 fr. par mois non versées de juin 2015 à septembre 2016; 22'500 fr. à titre de contributions d'entretien versées partiellement en 500 fr. par mois d'octobre 2016 à août 2020), auquel A______ a formé opposition.

e. B______ a requis du Tribunal la mainlevée définitive de cette opposition le 1er septembre 2020.

A l'audience du Tribunal du 8 novembre 2021, A______ a conclu au rejet de la requête, sous suite de dépens. Il a fait valoir l'absence de relations personnelles avec sa fille, ce qui ne correspondait pas à son souhait, le fait que sa fille avait interrompu sa formation, et divers frais dont il s'était acquitté. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

Il résulte du dossier soumis au juge de première instance qu'après l'accomplissement de ses études secondaires en Hongrie, B______ a suivi un bachelor en ______ à l'Université de Zurich, débuté en septembre 2016, qu'elle n'a pas achevé, en raison, selon l'intéressée, d'un accident de vélo.

Elle a ensuite suivi un bachelor en ______ à l'Université de C______[Autriche], aux termes duquel elle a, selon ses dires, non établis par pièces, obtenu le diplôme souhaité en septembre 2020.

Par la suite, l'intéressée s'est inscrite à un master en ______ à C______[Autriche], qu'elle n'a pas mené jusqu'à la fin.

Elle poursuit actuellement un master à D______[Allemagne ].

EN DROIT

1. 1.1 Le recours, dirigé contre une décision de mainlevée, est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de dix jours applicable en procédure sommaire (art. 142 al. 1 et 3, 251 let. a et 321 al. 2 CPC) et suivant la forme prévue par la loi (art. 321 al. 1 CPC), contre une décision ne pouvant faire l'objet d'un appel (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

Contrairement à ce que plaide l'intimée, le recours est suffisamment motivé, dès lors que le recourant critique de manière compréhensible les considérants du jugement entrepris, s'en prenant, en particulier, au fait que le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition alors que l'intimée refuse d'entretenir des relations personnelles avec lui et qu'elle n'a pas entrepris d'études régulières.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2e éd. 2020, n. 2307).

ohl,H

 

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a
a contrario et 58 al. 1 CPC).

2. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir admis la mainlevée de l'opposition.

2.1 En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.

Selon la jurisprudence, par "extinction de la dette", l'art. 81 al. 1 LP ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil, comme, par exemple, l'accomplissement d'une condition résolutoire (ATF 124 III 501 consid. 3b et les références citées).

Le jugement qui condamne le poursuivi au versement de contributions d'entretien au-delà de la majorité au sens de l'art. 277 al. 2 CC est conditionnellement exécutoire, en ce sens qu'il soumet cet entretien à la condition résolutoire de l'achèvement de la formation dans un délai raisonnable (ATF 144 III 193 consid. 2.2, in JdT 2018 II p. 351 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_719/2019 et 5A_720/2019 du 23 mars 2020 consid. 3.3.1 ; 5A_445/2012 du 2 octobre 2013 consid. 4.2, in SJ 2014 I p. 189 ; Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 32 et 37 ad art. 80 LP).

Lorsque le jugement prévoit une condition résolutoire, il incombe au débiteur de prouver par titre immédiatement disponible la réalisation de la condition, à moins que celle-ci ne soit reconnue sans réserve par le créancier ou qu'elle ne soit notoire (ATF 144 III 193 précité consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 6.2.1 ; 5D_37/2018 du 8 juin 2018 consid. 4 ; 5A_445/2012 précité consid. 4.3 et les références citées ; dans le même sens, pour la condition suspensive à prouver par le créancier : ATF 143 III 564 consid. 4.2.2 et les références citées).

2.2 Saisi d'une requête de mainlevée définitive, le juge doit notamment vérifier si la créance en poursuite résulte du document produit (jugement ou titre assimilé). En revanche, il n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est soumis (ATF 143 III 564 précité consid. 4.3.2 et les références citées ; plus récemment : arrêts du Tribunal fédéral 5A_123/2021 du 23 juillet 2021 consid. 4.1.2.2 et 5D_178/2020 du 26 janvier 2021 consid. 4.3.2). Il ne lui appartient pas davantage de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, dont la connaissance ressortit exclusivement au juge du fond (ATF 124 III 501 précité consid. 3a et les références citées ; parmi plusieurs : arrêt du Tribunal fédéral 5A_416/2019 du
11 octobre 2019 consid. 4.2.1, in SJ 2020 I p. 102). Tel est le cas de la question de savoir si la formation a été achevée dans des "délais normaux", puisqu'elle dépend des circonstances du cas concret, de sorte que l'examen – sous réserve de situations manifestes – excède la cognition du juge de la mainlevée définitive (arrêts du Tribunal fédéral 5A_719/2019 et 5A_720/2019 précités consid. 3.3.1).

2.3 En l'espèce, le jugement du 22 septembre 2003 du Bezirksgericht du canton de Zurich condamne expressément le recourant à contribuer à hauteur d'un montant déterminé à l'entretien de l'intimée au-delà de la majorité, jusqu'à l'achèvement par cette dernière d'une formation initiale de base. Ce jugement – définitif et exécutoire – constitue donc, en soi, un titre de mainlevée définitive. Celui-ci subordonne toutefois l'obligation du débiteur à la condition, résolutoire, que dite formation soit achevée dans des délais raisonnables (ce qui est déduit de l'emploi des termes "Vollendung der ordentlichen Erstausbildung").

A cet égard, il résulte de la procédure que l'intimée a étudié pendant l'intégralité de la période de référence (de juin 2015 à août 2020), terminant ses études secondaires et entreprenant des études universitaires de base. Contrairement à ce que plaide le recourant, il n'y a pas lieu de douter du fait qu'elle a obtenu un bachelor en ______ en septembre 2020, à l'âge de 22 ans, bien qu'une copie de ce titre n'ait pas été produite. En effet, il est acquis que l'intimée a pu s'inscrire à des masters à C______[Autriche] et à D______[Allemagne ], ce qui présuppose qu'elle était en possession d'un bachelor, puisqu'il s'agissait d'un prérequis à ses admissions. S'il est vrai que l'intimée a subi un échec avant l'obtention de ce diplôme, puisqu'elle n'a pas mené à terme sa première formation en ______ entreprise à Zurich en septembre 2016, il ressort de ses allégués que son cursus académique a été perturbé par son état de santé induit par un accident de vélo. Il n'est ainsi pas manifeste que la formation initiale ordinaire de l'intimée a été obtenue hors "délais normaux". Le recourant, quant à lui, n'a pas prouvé par titre la survenance de la condition résolutoire à laquelle est subordonnée son obligation alimentaire. Son grief est par conséquent mal fondé, étant précisé qu'un examen plus concret de cet élément excède la cognition du juge de la mainlevée définitive, dès lors que le pouvoir d'appréciation y joue un rôle important.

Quant aux arguments du recourant tirés de l'inexistence de relations personnelles entre les parties, qui justifierait, selon lui, le refus de s'acquitter des pensions fixées, cet élément excède également largement le pouvoir d'examen du juge de la mainlevée, auquel il n'appartient pas de trancher des questions délicates de droit matériel. En effet, la jurisprudence exige du parent qui refuse toute contribution d'entretien fondée sur ce motif qu'il prouve que l'enfant s'est soustrait fautivement et gravement aux devoirs prévus par le droit de la famille (cf. art. 272 CC), un tel comportement n'étant pas présumé par l'art. 277 al. 2 CC (arrêt du Tribunal fédéral 5C.270/2002 consid. 3.2, résumé in RDT 2003 p. 151; Hausheer/Spycher, Handbuch des Unterhaltsrechts, 2010, p. 424, n° 06.118), ce qui ne s'apprécie pas abstraitement, mais au vu de la situation concrète et compte tenu de toutes les circonstances (ATF 113 II 374 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.231/2005 consid. 2, in FamPra.ch 2006 p. 488), le juge disposant à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 5C.94/2006 consid. 3.3, in FamPra.ch 2007 p. 442 et 5C.205/2004 consid. 5.2, in FamPra.ch 2005 p. 414).

En définitive, il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la mainlevée définitive, sur son principe, a été accordée à bon droit par le premier juge. Les montants pour lesquels elle a été prononcée n'ont, de surcroît, pas été contestés, de sorte qu'ils seront confirmés.

Infondé, le recours sera, partant, rejeté.

3. Les frais judiciaires du recours, comprenant l'émolument relatif à la décision sur effet suspensif, seront arrêtés à 750 fr. (art. 48 et 61 OELP). Ils seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de même montant effectuée par ce dernier, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera également condamné à verser 1'000 fr., débours et TVA compris, à l'intimée à titre de dépens du recours, dont le travail de son conseil s'est limité à une écriture de deux pages sur effet suspensif et de cinq pages sur le fond (art. 84, 85, 88, 89 et 90 RTFMC ; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 6 décembre 2021 par A______ contre le jugement JTPI/14737/2021 rendu le 22 novembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17353/2020-14.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 750 fr., les met à charge de A______ et les compense avec l'avance versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.