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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/960/2021

DCSO/242/2021 du 17.06.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : réquisition de vente; retard injustifié; actions communautaires
Normes : lp.116; lp.120; lp.122; lp.98
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/960/2021-CS DCSO/242/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 17 JUIN 2021

 

Plainte 17 LP (A/960/2021-CS) formée en date du 15 mars 2021 par A______ SA, B______ SA, C______ et D______, représentés par E______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-B______ SA A______ SA, C______ et D______

c/o E______

Agent d'affaires breveté

______

______

______.

- F______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Dans le cadre de la poursuite no 1______ dirigée contre F______ à la requête de G______ SA, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a établi un acte de défaut de biens après saisie le 7 juin 2019 (ADB n° 2______), le montant impayé étant de 610'372 fr.

b. En date du 19 septembre 2019, A______ SA, B______ SA, C______ et D______, agissant en tant que cessionnaires des droits de la masse en faillite de G______ SA (selon acte de cession du 8 février 2019), ont requis la continuation de la poursuite fondée sur l'acte de défaut de biens après saisie précité.

L'Office a enregistré cette poursuite sous n° 3______.

c. Le 11 décembre 2019, l'Office a saisi 100'000 actions nominatives de la société H______, 150 actions nominatives de la société I______ SA et 100 actions nominatives de la société J______ SA, estimées respectivement à 100'000 fr., 150'000 fr. et 100'000 fr., soit l'intégralité du capital-actions de ces trois sociétés, toutes domiciliées 4______ [à] Genève et dont F______ est l'administrateur unique.

d. Le 18 février 2020, l'Office a établi un procès-verbal de saisie, série
n° 5______, à laquelle participe la poursuite n° 3______, qui mentionne la saisie des revenus de F______ tirés de son activité indépendante et celle des actions précitées.

e. Par réquisition déposée le 21 février 2020, A______ SA, B______ SA, C______ et D______ ont sollicité la vente des actions saisies dans la série n° 5______.

f. Par courriel du 3 avril 2020, l'Office a indiqué au mandataire des créanciers que l'envoi du procès-verbal de saisie était une erreur, le dossier étant toujours en cours d'instruction. Une visite domiciliaire avait eu lieu le 5 mars 2020 et le débiteur avait été auditionné le 9 mars 2020. Il lui avait été demandé de fournir des documents qui n'avaient pas été obtenus.

f. Le 8 mai 2020, l'Office a adressé à F______ un avis de réception de la réquisition de vente, lequel indiquait que la date et le lieu de la vente des actions seraient communiqués ultérieurement.

g. Le même jour, l'Office a invité le mandataire des quatre poursuivants à fournir une avance de frais de 500 fr., qui a été versée en juin 2020.

h. Le 12 mai 2020, l'Office a établi un nouveau procès-verbal de saisie, série
n° 5______, qui annulait et remplaçait celui du 18 février 2020. A la suite de l'audition du débiteur le 9 mars 2020, l'Office a renoncé à la saisie des gains de l'activité indépendante et maintenu la saisie des actions, à la date du 11 décembre 2019. Ce procès-verbal indiquait, comme le précédent, que la réquisition de vente pouvait être formée entre le 11 janvier et le 11 décembre 2020.

i. Par courrier recommandé du 28 août 2020, l'Office a invité F______ à lui remettre les bilans et comptes des trois dernières années ainsi que la dernière taxation fiscale des sociétés H______, I______ SA et J______ SA, dont il était l'administrateur unique, et ce afin d'estimer la valeur des actions. F______ était également prié de remettre les actions en vue de leur vente aux enchères. Ce courrier a été réexpédié par l'Office par courrier A+ du 17 septembre 2020.

j. A une date indéterminée, F______ s'est présenté à l'Office et a remis quelques documents, notamment une procuration en faveur d'un avocat genevois qu'il avait mandaté le 14 août 2020.

k. Entre temps, par courriers des 16 juillet, 12 août et 8 septembre 2020, les poursuivants ont relancé l'Office.

l. Par courriel du 17 septembre 2020, l'Office a répondu aux créanciers qu'il était dans l'attente des documents nécessaires pour procéder à une estimation des actions. De plus, la situation sanitaire avait conduit à la cessation des ventes aux enchères pendant plusieurs mois.

m. Les 24 novembre et 21 décembre 2020, les poursuivants ont de nouveau relancé l'Office afin qu'il aille de l'avant avec la réalisation des actions.

n. Par pli recommandé du 25 janvier 2021, l'Office a imparti à F______ un délai au 10 février 2021 pour qu'il transmette les actions saisies ainsi que les documents demandés. Il a réexpédié cette lettre par courrier A+ le 10 février 2021.

o. Le 18 février 2021, l'Office a dénoncé F______ au Ministère public.

B. a. Par acte posté le 15 mars 2021, A______ SA, B______ SA, C______ et D______ ont formé plainte auprès de la Chambre de surveillance pour retard injustifié dans le traitement de la réquisition de vente, poursuite n° 3______. Ils concluent à ce que l'Office procède sans plus tarder à la réalisation des actions saisies.

b. Dans son rapport, l'Office conclut au rejet de la plainte. Il expose, d'une part, que le processus de réalisation avait subi du retard en raison de la situation sanitaire. D'autre part, F______ n'avait toujours pas remis à l'Office les actions saisies, en vue de leur estimation et réalisation, de sorte qu'une plainte pénale avait été déposée contre lui le 18 février 2021.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures non attaquables par la voie judiciaire ou, comme en l'espèce, pour déni de justice ou retard injustifié (art. 17 al. 1 et 2 LP).

1.2. Une plainte pour déni de justice ou retard injustifié peut être formée en tout temps (art. 17 al. 3 LP).

En tant que poursuivants, les plaignants ont qualité pour se plaindre d'un retard injustifié dans le traitement de la réquisition de vente. La plainte satisfait pour le surplus aux exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP).

Elle est donc recevable.

2. 2.1.1 Aux termes de l'art. 116 LP, le créancier peut requérir la vente des biens saisis un mois au plus tôt et un an au plus tard après la saisie, s'il s'agit de biens meubles, y compris les créances (al. 1). L'Office informe le débiteur de la réquisition de réaliser dans les trois jours (art. 120 LP). Les biens meubles, y compris les créances, sont réalisés par l'Office des poursuites dix jours au plus tôt et deux mois au plus tard à compter de la réception de la réquisition de vente (art. 122 al. 1 LP). Selon l'art. 123 al. 1 LP, si le débiteur rend vraisemblable qu'il peut acquitter sa dette par acomptes et s'il s'engage à verser à l'office des acomptes réguliers et appropriés, le préposé peut renvoyer la réalisation de douze mois au plus, une fois le premier versement effectué.

Le délai maximal dans lequel la réalisation doit intervenir est certes un délai d'ordre. Sa violation n'affecte pas la validité de la réquisition de vente, mais un retard injustifié ou une inaction de l'Office est susceptible d'engager la responsabilité du canton (art. 5 LP).

2.1.2 Dans le contexte de la pandémie de Coronavirus, le Conseil fédéral a pris diverses mesures notamment dans les domaines de la justice et des poursuites. Il a ainsi ordonné la suspension des poursuites au sens de l'art. 62 LP pour la période du 19 mars au 4 avril 2020, laquelle a été suivie par les féries des poursuites ordinaires. Les poursuites ont ainsi été suspendues du 19 mars au 19 avril 2020 (Ordonnance sur la suspension des poursuites au sens de l'art. 62 LP du 18 mars 2020).

Le Conseil fédéral a prévu à l'art. 9 de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural du 16 avril 2020 (RS 272.81), la possibilité pour les Offices des poursuites et des faillites d'organiser des enchères en ligne pour les biens mobiliers, et ce compte tenu de l'interdiction des manifestations publiques selon l'Ordonnance 2 COVID-19 dans sa teneur du 19 mars 2020.

A compter du 6 juin 2020, les manifestations privées et publiques réunissant jusqu'à 300 personnes ont été à nouveau autorisées.

A Genève, les manifestations publiques de plus de cinq personnes ont été de nouveau interdites à compter du 2 novembre 2020.

2.1.3 Lorsque la saisie porte sur des espèces, billets de banque, titres au porteur, effets de change ou autres titres transmissibles par endossement, objets de métaux précieux ou autres objets de prix, l'office les prend sous sa garde (art. 98 al. 1 LP).

L'art. 98 al. 1 vise en particulier les titres de créances qualifiés ayant le caractère de papier-valeur, tels que les titres à ordre (p. ex. effets de change, actions nominatives, cédules hypothécaires nominatives) et les titres au porteur parfaits (p. ex. obligations d'emprunt, actions au porteur, coupons d'actions, chèques au porteur : cf. De Gottrau, CR LP, n° 13 ad art. 98 LP)

2.2 En l'espèce, la réquisition de vente a été déposée un peu plus de deux mois après l'exécution de la saisie des actions le 11 décembre 2019, soit dans la période prévue par l'art. 116 LP. Elle a été reçue par l'Office le 21 février 2020 et a donné lieu à l'avis au débiteur le 8 mai 2020. Or, au moment du dépôt de la réquisition de vente, la suspension des poursuites en raison de la pandémie de COVID-19 n'avait pas encore été décrétée, de sorte que l'envoi de l'avis aurait pu être adressé immédiatement, comme l'exige l'art. 120 LP, ce qui n'a pas été fait.

Par ailleurs, quand bien même la situation sanitaire a compliqué l'organisation des enchères durant l'année 2020, force est de constater que l'Office a surtout tardé en l'espèce à prendre sous sa garde les actions saisies et à réclamer les documents nécessaires pour en estimer la valeur, soit à effectuer les démarches préalables et indispensables à la réalisation. Or, la situation sanitaire ne faisait pas obstacle à l'exécution de ces mesures, lesquelles pouvaient et devaient être effectuées avec célérité, indépendamment de la possibilité concrète de tenir des enchères.

Alors que le débiteur s'est montré peu collaborant - il n'a pas fourni les documents demandés à la suite de son audition du 9 mars 2020 -, l'Office ne l'a sommé de remettre les actions que le 28 août 2020, soit plusieurs mois plus tard. De plus, entre l'envoi de cette mise en demeure et la sommation du mois de janvier 2021, plusieurs mois se sont écoulés sans que l'Office n'ait tenté de prendre possession des actions, par exemple en se rendant au siège des sociétés ou au domicile du poursuivi. Ni le passage du poursuivi dans les locaux de l'Office, à une date indéterminée, ni le dépôt d'une plainte pénale, après la dernière sommation, ne justifient cette inaction.

Il convient donc d'accueillir la plainte et de constater que l'Office a tardé de manière injustifiée dans le traitement de la réquisition de vente.

2.3. La plainte est ainsi admise et l'Office invité à effectuer sans désemparer toute démarche utile pour tenter de prendre possession des actions et pour obtenir les documents utiles à leur estimation, notamment en se rendant au siège des sociétés respectivement au domicile du débiteur, puis à organiser les enchères.

3. La présente procédure est gratuite (art. 20a al. 1 LP ; art. 61 al. 2 let. a et art. 62 al. 2 OELP).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 15 mars 2021 par A______ SA, B______ SA, C______ et D______ pour retard injustifié dans le traitement de la réquisition de vente, poursuite n° 3______.

Au fond :

L'admet.

Constate que l'Office cantonal des poursuites a tardé de manière injustifiée dans le traitement de la réquisition de vente précitée.

Invite l'Office cantonal des poursuites à procéder conformément au considérant 2.3 de la présente décision.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.