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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3258/2022

ATAS/171/2023 du 14.03.2023 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3258/2022 ATAS/171/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mars 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o M. B______, à ATHENAZ (Avusy)

 

 

recourant

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA, CDC-Centre de compétences Romand, LAUSANNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après: l'assuré ou le recourant) a été engagé comme collaborateur pour le service de clientèle dès le 1er juillet 2021 pour une durée indéterminée par C______ SA (ci-après: l'employeur). Les trois premiers mois du contrat de travail étaient considérés comme période d'essai.

b. Le 13 septembre 2021, son contrat de travail a été résilié avec effet au 20 septembre 2021.

c. Le 19 octobre 2021, l'assuré s'est inscrit au chômage, en indiquant ignorer pour quel motif il avait été licencié, et un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert jusqu'au 20 septembre 2023.

d. Le 18 novembre 2021, l'employeur a informé la caisse de chômage Unia (ci-après: la caisse ou l'intimée) que l'assuré a été licencié en raison de deux fautes graves.

e. Le 23 novembre 2021, l'assuré a indiqué avoir été licencié le 13 septembre 2021 avec effet immédiat sans qu'il ait pu donner une explication, mais que le salaire lui avait été payé jusqu'au 20 suivant. Il a par ailleurs pris position sur les motifs de licenciement allégués par l'employeur.

B. a. Par décision du 14 janvier 2022, la caisse a suspendu le droit aux indemnités de chômage pendant une durée de 18 jours à partir du 21 septembre 2021, au motif que l'assuré était sans travail par sa propre faute.

b. Par courrier du 28 janvier 2022, l'assuré a formé opposition à cette décision, en contestant avoir commis une faute grave.

c. Par courrier du 28 juillet 2022, l'employeur s'est déterminé sur les allégués de l'assuré.

d. Invité à prendre position sur les renseignements donnés par l'employeur, l'assuré s'est référé aux motifs figurant dans son opposition.

e. Par décision du 2 septembre 2022, la caisse a admis partiellement l'opposition et a réformé sa décision dans le sens que le droit à l'indemnité de chômage est suspendu durant 12 jours.

C. a. Par acte du 3 octobre 2022, l'assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant implicitement à son annulation, au motif que les manquements reprochés étaient dus à une mauvaise formation.

b. Dans sa réponse du 9 novembre 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours.

 

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le recours a valablement été interjeté dans le délai de 30 jours (art. 60 LPGA) dans les forme et contenu prescrits par l'art. 61 let. b LPGA. Il est par conséquent recevable.

3.             Le recours porte sur la question de savoir si la suspension du droit à l'indemnité de chômage pendant 12 jours est justifiée au motif que le recourant a perdu son travail par sa propre faute.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute. Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l'assuré qui par son comportement, en particulier par la violation de ses obligations contractuelles de travail, a donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail (art. 44 al. 1 let. a de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02]).

Pour qu'une sanction se justifie, il faut que le comportement de l'assuré ait causé son chômage. Un tel lien fait défaut si la résiliation est fondée essentiellement sur un autre motif que le comportement du travailleur. Il suffit que le comportement à l'origine de la résiliation aurait pu être évité si l'assuré avait fait preuve de la diligence voulue, comme si l'assurance n'existait pas. Le comportement reproché doit toutefois être clairement établi (ATF 112 V 242 consid. 1 p. 245; arrêt 8C_370/2014 du 11 juin 2015 consid. 2.2). En outre, il est nécessaire, en application de l'art. 20 let. b de la Convention n° 168 du 21 juin 1988 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (RS 0.822.726.8), que l'assuré ait délibérément contribué à son renvoi, c'est-à-dire qu'il ait au moins pu s'attendre à recevoir son congé et qu'il se soit ainsi rendu coupable d'un dol éventuel (arrêt 8C_872/2011 du 6 juin 2012, in DTA 2012 n° 13 p. 294 ss; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n° 24 ad art. 30 LACI). Lorsqu'un différend oppose l'assuré à son employeur, les seules affirmations de ce dernier ne suffisent pas à établir une faute contestée par l'assuré et non confirmée par d'autres preuves ou indices aptes à convaincre l'administration ou le juge (ATF 112 V 242 consid. 1 précité et les références; Boris RUBIN, op. cit., n° 31 ad art. 30 LACI  ; arrêt du Tribunal Fédéral 8C_446/2015 du 29 décembre 2015). 

4.2 Il est par ailleurs indifférent que le contrat de travail ait été résilié de façon immédiate et pour de justes motifs ou à l’échéance du congé légal contractuel. Sous l’angle du droit de l’assurance-chômage, l’intention, respectivement le dol éventuel, ne doit pas se rapporter à l’acte fautif qui est en cause, mais au fait d’être licencié : il y a chômage fautif si l’assuré adopte intentionnellement un comportement en vue d’être licencié ou s’il peut prévoir que son comportement peut avoir pour conséquence un licenciement et qu’il accepte de courir ce risque (arrêt du Tribunal fédéral du 11 juin 2015 8C_370/2014).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.              

6.1 En l'espèce, l'employeur reproche au recourant deux fautes graves, dans son courrier du 18 novembre 2021. Aux dires de ce dernier, le recourant n'a pas respecté les consignes données par le dispatcheur avec la conséquence qu'une poche de sang a été livrée avec du retard. Suite à cet incident, le dispatcheur a eu un entretien avec le recourant. Le recourant aurait également cassé par inadvertance des lames d'histologie en verre lors de leur transport. Par ailleurs, le 24 août 2021, un entretien avait eu lieu entre ce dernier, le responsable du service et le responsable adjoint concernant les heures de passage chez les clients, ainsi que le transport de sang. Après ces incidents, l'employeur a invité le recourant à être plus attentif aux consignes données pour la collecte d'échantillons ou lors des livraisons pour ses clients et à respecter l'ordre et l'horaire des tournées.

Le recourant s'est justifié le 23 novembre 2021, en alléguant que la consigne avait été donnée à la va-vite et qu'on ne lui avait jamais montré à quel endroit il devait livrer la poche de sang. Étant donné qu'il se rendait pour la première fois à cet endroit et au vu de l'importance de cette poche de sang, il aurait été judicieux de l'accompagner la première fois. Quant aux lames brisées, il a expliqué que celles-ci n'avaient pas été attachées correctement avec du scotch, ce qui était le travail du cabinet. Il avait par ailleurs averti la personne qui devait traiter ces lames et il n'y avait pas eu de conséquences pour les analyses. Enfin, on ne lui avait pas donné l'occasion de s'expliquer et il n'avait commis aucune faute jusque-là.

Dans son opposition, le recourant indique, concernant la poche de sang, avoir expressément demandé à son dispatcheur s'il devait amener la poche de sang aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) et que celui-ci lui aurait répondu par l'affirmative, alors même que cette poche aurait dû être livrée à la Clinique générale de Beaulieu. C'est la raison pour laquelle il s'était rendu aux HUG, sans que cela ait eu toutefois d'incidence pour le patient. Durant sa formation, on ne lui avait pas montré l'endroit de livraison dans cette clinique. Quant aux lames, elles n'avaient pas été correctement attachées dans le carton, le cabinet ayant omis de le sceller avec du scotch pour les bloquer à l'intérieur. S'agissant des tournées, le recourant allègue que, concernant la tournée de la Côte, il lui avait été expliqué, lors de sa formation, qu'il était possible de passer à Nyon plus tôt afin d'éviter la circulation qui est dense à cet horaire. Cela n'a pas d'impact sur la tournée, dès lors qu'en cas d'urgence, il y a un passage planifié à Nyon sur le retour. Il n'a suivi que ce qui lui avait été enseigné. Il ne s'agissait pas de fautes graves. Personne ne lui avait fait des remarques avant qu'il soit licencié. Il pensait sincèrement que tout allait bien, ayant eu des retours positifs de ses supérieurs de Genève. La décision de licenciement avait été prise par la hiérarchie à Bâle. Il n'a pas non plus eu l'occasion de se justifier lors d'un entretien et considère que le licenciement est abusif.

L'employeur explique le 28 juillet 2022 qu'il est client du laboratoire d'immuno-hématologie qui se situe aux HUG, mais qu'il ne travaille pas pour ceux-ci. Ainsi, les collaborateurs se rendaient à ce laboratoire pour récupérer des produits sanguins labiles destinés soit au laboratoire de l'employeur, soit à ses clients. Il était dès lors peu probable que le dispatcheur ait demandé au recourant de retourner aux HUG pour y déposer des prélèvements qu'un collaborateur venait d'y récupérer. En ce qui concerne les lames, le recourant aurait dû informer l'assistante du fait que celles-ci n'étaient pas correctement emballées pour le transport. Il a manqué de conscience professionnelle en transportant le matériel en l'état et en pleine conscience des risques encourus, ce qui a conduit à rendre ce matériel extrêmement précieux inexploitable. Le plan des tournées est par ailleurs établi par des horaires fixes pour chaque client. En fonction de la circulation, il arrive parfois que le coursier soit obligé de partir plus tôt pour arriver à l'heure prévue chez les clients. Néanmoins, l'horaire indiqué reste en vigueur et doit être respecté.

L'intimée retient dans sa décision sur opposition que le recourant a concédé dans sa première déclaration avoir reçu une consigne correcte pour la livraison de la poche de sang, mais que celle-ci avait été donnée à la va-vite. Le fait que le recourant n'a pas contesté formellement avoir eu des entretiens à ce sujet, constitue un indice supplémentaire du caractère fautif du comportement reproché. L'intimée considère ainsi qu'une faute au sens de l'art. 30 al. 1 let. a LACI est établie. S'agissant de la seule faute établie, dont de surcroît il n'est pas démontré qu'elle a eu des conséquences négatives et dont l'employeur reconnaît qu'il n'est pas totalement exclu que le recourant ait été induit en erreur, l'intimée qualifie la faute de légère. Toutefois, elle considère que le fait que le recourant n'a pas contesté avoir fait l'objet d'entretiens sur la qualité de son travail, doit être retenu comme une circonstance aggravante, justifiant une suspension de 12 jours.

Dans son recours, le recourant répète qu'on lui a donné la consigne de livrer la poche de sang aux HUG et qu'on ne lui a pas montré, pendant sa formation, le 5ème étage de la Clinique générale de Beaulieu. L'erreur commise est ainsi due à une mauvaise formation.

6.2 Concernant la seule faute que l'intimée retient encore dans sa décision sur opposition, il sied de constater que l'erreur de livraison est manifestement due à un malentendu. En effet, il ne paraît pas vraisemblable que le recourant ait délibérément livré la poche de sang aux HUG, alors qu'un autre endroit de livraison lui a été indiqué. Comme le déclare le recourant, la consigne a été donnée à la va-vite, ce qui peut expliquer qu'elle a été mal comprise. Il n'est pas non plus exclu que le dispatcheur ait mal compris la question du recourant. En effet, celui-ci déclare avoir expressément demandé à son dispatcheur s'il devait amener la poche de sang aux HUG.

Quant à l'endroit de livraison à la Clinique générale de Beaulieu, il semble que le recourant ne l'ait pas tout de suite trouvé. Cela ne peut pas non plus lui être reproché, dans la mesure où ce comportement ne relève pas d'une mauvaise volonté, mais d'une ignorance des lieux durant le temps d'essai.

En ce qui concerne le fait que le recourant semble avoir eu des entretiens sur la qualité de son travail, ce qu'il n'a pas contesté formellement, il ne peut être considéré qu'il s'agit d'un manquement à l'origine de son licenciement. Ce fait ne peut donc constituer une circonstance aggravante. Au demeurant, l'employeur n'a pas déclaré qu'un entretien a eu lieu en septembre 2021 avant le licenciement. Il fait uniquement état d'un entretien en date du 24 août 2021, de sorte qu'il paraît exact que le recourant n'a pas pu s'expliquer avant la résiliation de son contrat de travail.

Partant, il ne peut être reproché au recourant d'avoir adopté intentionnellement, ou du moins par dol éventuel, un comportement en vue d’être licencié, ou d'avoir accepté de courir ce risque.

Par conséquent, la décision de suspension est infondée.

7.             Le recours sera par conséquent admis et la décision du 2 septembre 2022 annulée.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision du 2 septembre 2022.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le