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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3572/2022

ATAS/164/2023 du 13.03.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3572/2022 ATAS/164/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 mars 2023

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à THÔNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

 

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1970, originaire de Russie, entré en Suisse en avril 2006, marié, père de trois enfants, est titulaire d’un livret F pour étranger admis provisoirement.

b. L’assuré a déposé le 8 mai 2018 une demande de prestations auprès de l'Office de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI).

B. a. Sur la base des documents recueillis, l'OAI, par décision du 25 septembre 2019, a refusé au recourant le droit à une rente et à une mesure d’ordre professionnel, au motif que son degré d’invalidité était de 10%.

b. L’assuré, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre de céans) à l’encontre de la décision précitée.

c. Par arrêt du 27 janvier 2020 (ATAS/54/2020), la chambre de céans a admis partiellement le recours, annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision, comme ce dernier le préconisait également.

d. Par décision incidente du 4 juin 2020, l’OAI a ordonné une expertise pluridisciplinaire de type MED@P avec des volets en médecine interne, neurologie et psychiatrie, voire bilan neuropsychologique.

Le 5 juin 2020, l’OAI a chargé le CEMed de procéder à l’expertise. Le même jour, l'assuré a écrit à l’OAI afin de choisir consensuellement des experts pour une expertise bidisciplinaire.

e. Le 13 juillet 2020, l'assuré a recouru auprès de la chambre de céans à l’encontre de la décision incidente du 4 juin 2020, en concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’intimé de mettre sur pied une expertise neurologique et psychiatrique, avec un examen neuropsychologique, et désignation consensuelle des experts.

f. Par arrêt du 7 septembre 2020 (ATAS/745/2020), la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision incidente du 4 juin 2020 et renvoyé la cause à l'OAI afin qu'il mette en œuvre une expertise neurologique et psychiatrique, avec bilan neuropsychologique, dans le respect du choix consensuel des experts.

C. a. Le 24 septembre 2020, l'avocat de l'assuré a écrit à l'OAI, sollicitant que l'arrêt de la chambre de céans du 7 septembre 2020 soit exécuté dans les meilleurs délais et qu'ils discutent des modalités de l'expertise, particulièrement du choix des experts.

b. Après que l'OAI a demandé à l'assuré de lui fournir le nom de deux spécialistes de son choix pour chaque discipline, ce dernier a communiqué les noms du docteur B______ et de la doctoresse C______ pour le volet rhumatologique et des docteurs D______ et E______ pour le volet psychiatrique.

c. Interpellés par l'OAI en janvier 2021, la Dresse C______ a répondu qu'elle ne réalisait pas d'expertises, tandis que le Dr D______ a répondu qu'il était très chargé professionnellement, mais qu'il serait en principe intéressé à effectuer une expertise pour un cas comportant une problématique de déficit d'attention. Il souhaitait discuter de la situation avec l'OAI afin de se faire une idée plus précise de la demande.

d. Dans une note téléphonique de l'OAI avec le secrétariat du mandataire de l'assuré du 24 février 2021, il a été mentionné que le Dr E______ était décédé, que la Dresse C______ avait refusé le mandat d'expertise et que le Dr D______ l'acceptait, mais sous condition. L'OAI a proposé que l'assuré transmette le nom d'un expert psychiatre disposé à effectuer une expertise bidisciplinaire avec le Dr B______, à défaut de quoi son service médical choisirait deux nouveaux experts.

e. Le 3 mars 2021, sous la plume de son conseil, l'assuré a communiqué à l'OAI les noms de trois médecins psychiatres supplémentaires, soit la doctoresse F______, le docteur G______ et le docteur H______.

f. A la demande formulée par l'OAI le 18 mars 2021, la Dresse F______ a indiqué qu'elle n'était malheureusement pas disponible pour cette expertise car son agenda était surchargé, alors que le Dr B______ a répondu qu'il n'était pas disponible avant septembre 2021.

g. Dans une note de travail du 4 mai 2021, le gestionnaire de l'OAI a indiqué qu'aucune proposition n'avait abouti, de sorte que le SMR était prié de mandater deux nouveaux experts, comme le conseillait le Service juridique.

h. Le 31 mai 2022, l'assuré s'est étonné de demeurer sans nouvelles de l'OAI depuis son envoi du 3 mars 2021 et du délai écoulé pour mettre sur pied les mesures d'instruction ordonnées par la chambre de céans. Si l'expertise n'était pas mise en œuvre d'ici le 30 juin 2022, il agirait pour déni de justice.

i. Le 2 juin 2022, l'OAI a répondu être entré en matière sur certaines des propositions d'experts formulées par l'assuré, mais que les experts contactés avaient décliné le mandat. Le processus de désignation consensuelle avait donc été mené à son terme sans succès. Dans la mesure où les experts proposés par l'assuré qu'il avait validé n'étaient pas disponibles, il convenait de mandater de nouveaux experts dont il communiquerait le nom dès qu'ils seraient connus.

j. Dans une note de travail du 13 juin 2022, l'OAI a relevé que depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle législation le 1er janvier 2022, les expertises impliquant deux disciplines médicales devaient être réalisées par un centre d'expertises ou un binôme d'experts, tous deux liés par une convention à l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après: OFAS). La désignation se faisait de manière aléatoire via la plateforme SuisseMED@P. Ainsi, la procédure de recherche consensuelle d'experts, qui avait d'ailleurs en l'occurrence mené à un échec faute de disponibilité des experts désignés en commun, n'avait plus lieu d'être.

k. Le 13 juin 2022, l'assuré a contesté par écrit auprès de l'OAI le fait que le processus de désignation consensuelle des experts avait été mené à terme sans succès. Il n'avait en effet reçu aucune information sur les propositions d'experts qu'il avait formulées, celles qui avaient obtenu l'aval de l'OAI et celles qui auraient été rejetées. L'OAI ne l'avait pas informé de l'indisponibilité de certains experts ou des raisons pour lesquelles ils auraient décliné le mandat, alors qu'il aurait dû le faire et lui donner la possibilité de désigner d'autres experts. Enfin, l'assuré a transmis les noms de deux nouveaux psychiatres et de deux nouveaux neurologues pour réaliser l'expertise.

l. Le 23 juin 2022, l'OAI a répondu qu'une recherche de consensus avait bien eu lieu. Aucun des deux spécialistes en psychiatrie proposés en premier lieu n'avait pu être retenu, alors que la Dresse C______ ne réalisait pas d'expertise. L'assuré avait eu l'occasion de soumettre le nom d'un nouveau spécialiste en psychiatrie. Le Dr B______ et la Dresse F______ consensuellement retenus avaient décliné tous les deux le mandat, par faute de temps. L'OAI avait donc concrètement tenté de trouver un consensus dans la désignation des experts, mais en vain. Enfin, l'attribution des expertises bidisciplinaires se faisait désormais de manière aléatoire, de sorte que la recherche d'un consensus n'avait plus lieu d'être.

m. Le 22 août 2022, après avoir été informé par la plateforme informatique de ce que le mandat d'expertise concernant l'assuré avait été attribué au Swiss Expertises Médicales (ci-après: SEM), l'OAI a communiqué à l'assuré les questions d'expertise et lui a fait savoir qu'il serait informé du lieu, des dates d'examens ainsi que du nom des experts dès que ceux-ci seraient connus. Un délai de dix jours lui était accordé pour poser d'éventuelles questions complémentaires.

n. Un courrier électronique du 5 septembre 2022 généré par la plateforme informatique a informé l'OAI de ce que l'exécution du mandat avait été confirmée par le SEM et que les experts seraient le docteur I______ pour la neurologie et le docteur J______ pour la psychiatrie et la psychothérapie, ce dont l'assuré a été informé par communication de l'OAI du lendemain.

o. Le 15 septembre 2022, l'assuré s'est opposé au choix des experts, se référant à ses objections du 13 juin 2022. En outre, il a demandé la récusation du Dr J______ au motif d'un manque d'impartialité et d'une prévention de ce dernier, en raison d'un différend d'ordre personnel avec son conseil. Le médecin avait en effet manifesté ouvertement une certaine hostilité à son encontre alors qu'il n'avait fait que son métier, soit qu'il avait critiqué le résultat de l'un de ses rapports – avec raison puisque l'autorité de recours venait d'ordonner une expertise judiciaire. A son pli, l'assuré a joint une écriture du Dr J______ du 23 février 2021 alors qu'il officiait en qualité d'expert médical en psychiatrie-psychothérapie qui mentionne ce qui suit:

« Monsieur Mathey-Doret émet des accusations graves me concernant:

"Le rapport du Dr J______ est superficiel et lacunaire. Ce dernier procède par affirmations stéréotypées plutôt que d'examiner de manière consciencieuse la situation de Madame , comme il aurait dû le faire".

Il lui est loisible, à ce stade, de retirer ses accusations mensongères. »

p. Le 27 septembre 2022, l'OAI a rendu une décision incidente, par laquelle il a maintenu l'expertise auprès des experts désignés, relevant que le fait que le conseil de l'assuré et l'expert psychiatre avaient été en désaccord dans le cadre d'une autre affaire n'était pas relevant dans la présente situation, car cela ne constituait pas la preuve d'une attitude de prévention du spécialiste envers l'assuré, ni ne fondait objectivement de doute quant à son impartialité.

q. Après que le SEM, le 12 octobre 2022, a communiqué directement à l'assuré les dates des rendez-vous avec les experts en neurologie et psychiatrie, ainsi qu'avec l'experte en neuropsychologie, l'OAI, sur réquisition du conseil de l'assuré, lui a demandé de mettre les convocations en suspens jusqu'à ce que le délai de recours contre la décision incidente du 27 septembre 2022 soit échu.

D. a. Le 28 octobre 2022, représenté par son conseil, l'assuré a formé recours contre la décision incidente du 27 septembre 2022 dont il a sollicité l'annulation. Il a conclu à ce qu'il soit dit que le Dr J______ ne saurait être désigné comme expert et au renvoi de la cause à l'intimé pour mise sur pied d'une expertise médicale bidisciplinaire neurologique et psychiatrique (avec un bilan neuropsychologique), dans le respect du principe de la désignation consensuelle des experts. Le recourant a relevé que l'hostilité que le Dr J______ avait par le passé affichée à l'égard de son conseil dénotait un manque d'impartialité et une prévention de sa part, justifiant sa récusation. De plus, l'intimé n'avait pas respecté le principe de la mise en œuvre consensuelle de l'expertise, ce d'autant plus qu'il n'avait pas fait preuve de la célérité nécessaire dans la désignation des experts. Enfin, l'arrêt de la chambre de céans entré en force imposait la réalisation d'une expertise consensuelle.

b. Le 24 novembre 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. Il a souligné que depuis le 1er janvier 2022, les expertises bidisciplinaires devaient être attribuées via la plateforme SuisseMED@P, de sorte que la voie consensuelle n'avait plus lieu d'être. Il a en outre relevé qu'il existait une présomption d'impartialité de l'expert et que les motifs de récusation que le recourant faisait valoir à l'égard du Dr J______ reposaient sur un ressenti subjectif de son conseil et concernaient une autre procédure ne l'impliquant pas. Admettre un motif de récusation dans le cas d'espèce reviendrait à laisser la porte ouverte aux abus, le représentant d'un assuré pouvant volontairement critiquer de manière véhémente et infondée l'expertise d'un spécialiste pour ensuite se prévaloir de sa réponse dans le cadre d'une autre procédure.

c. Une audience de comparution des mandataires s'est tenue le 19 décembre 2022 devant la chambre de céans.

Le représentant de l'intimé a déclaré qu'il incombait au SMR de trouver les experts, avec le case manager du dossier. Depuis 2022, toutes les expertises bidisciplinaires étaient ordonnées par la plateforme SuisseMED@P. Cela était exigé par l'OFAS et était prévu par la circulaire. L'intimé n'avait probablement pas contacté les Drs G______ et H______, mais il ne pouvait se prononcer de manière certaine à cet égard.

d. L'intimé a déposé des déterminations écrites le 9 janvier 2023 et relevé que sur les quatre experts proposés initialement par le recourant, trois étaient indisponibles pour différentes raisons, seul le Dr B______ ayant répondu positivement. Ce dernier s'était finalement désisté, à l'instar de la nouvelle experte psychiatre que le recourant avait ultérieurement suggérée. Il avait donc bien rempli son devoir de recherche de consensus. En tout état, la jurisprudence développée en lien avec la recherche d'un consensus était antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation prévoyant la désignation aléatoire des spécialistes en cas d'expertise bidisciplinaire, de sorte qu'il n'avait aucune latitude quant au choix des experts sous peine de violer la loi.

e. Par écriture du 13 janvier 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions, estimant que l'intimé ne s'était pas efforcé de trouver un consensus. Trois des experts qu'il avait proposés n'avaient pas été contactés et le quatrième avait été écarté sur la base d'un motif obscur non vérifiable. L'intimé ne l'avait pas informé des démarches entreprises, ne l'avait pas associé à la recherche d'alternatives et n'avait pas même considéré toutes les propositions qu'il avait soumises. Il n'avait de surcroît plus rien entrepris pendant plus d'une année jusqu'à ce lui-même le relance et lui propose deux autres spécialistes de chaque discipline. L'intimé avait donc sciemment attendu l'entrée en vigueur de la modification réglementaire afin de se soustraire à son obligation de recherche d'un consensus, alors même que l'arrêt de la chambre de céans lui ordonnant de mettre sur pied une expertise bidisciplinaire de manière consensuelle datait du 7 septembre 2020. Un tel comportement était contraire aux règles de la bonne foi et constituait un abus de droit. Enfin, le Dr J______ devait en tout état être récusé, n'ayant pas respecté son devoir de réserve, dans la mesure où il avait formulé des reproches outranciers et infondés à l'encontre de son conseil et avait personnalisé le débat.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.              

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) ; RO 2021 706). Dans le sillage de cette modification, la LPGA a aussi connu plusieurs modifications qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022, dont notamment l'art. 44 sur l'expertise.

2.2 Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s’applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et les références). Sur le plan de la procédure, les nouvelles dispositions sont applicables, sauf dispositions transitoires contraires, à tous les cas en cours, dès l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 129 V 113 consid. 2.2 ; Milena PIREK, L'application du droit public dans le temps: la question du changement de loi, Thèse, 2018, n. 779). Ceci concerne en particulier les dispositions du chapitre 4 de la LPGA (« Dispositions générales de procédure »), soit les art. 27-62 LPGA (cf. ATF 130 V 1 consid. 3.2).

2.3 La décision litigieuse ayant été rendue le 27 septembre 2022, les dispositions de procédure en vigueur depuis le 1er janvier 2022 sont applicables.

3.              

3.1 La décision litigieuse, qui rejette la demande de récusation de l'expert psychiatre formulée par le recourant, est au surplus une décision incidente au sens de l'art. 44 al. 4 LPGA, soit une décision d’ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l’opposition n’est pas ouverte (art. 52 al. 1 LPGA ; cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 29/03 du 25 novembre 2004) et qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances (cf. art. 56 al. 1 LPGA).

3.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA, 62 ss et 89B LPA).

4.             Le litige porte sur la demande de récusation du Dr J______ formulée par le recourant et, plus largement, sur la validité du maintien des experts nommés par l'intimé, au regard du principe de la désignation consensuelle de ceux-ci, de la force de chose jugée de l'arrêt de la chambre de céans du 7 septembre 2020 et du principe de la bonne foi.

5.              

5.1 Aux termes de l'art. 44 al. 2 LPGA, si l'assureur doit recourir aux services d'un ou de plusieurs experts indépendants pour élucider les faits dans le cadre d'une expertise, il communique leur nom aux parties. Les parties peuvent récuser les experts pour les motifs indiqués à l'art. 36 al. 1 LPGA, et proposer des contre-propositions dans un délai de dix jours.

L'art. 36 al. 1 LPGA énonce que les personnes appelées à rendre ou à préparer des décisions sur des droits ou des obligations doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l’affaire ou si, pour d’autres raisons, elles semblent prévenues.

5.2 Les objections que peut soulever l'assuré à l'encontre de la personne de l'expert peuvent être de nature formelle ou matérielle; les motifs de récusation formels sont ceux prévus par la loi; d'autres motifs, tels que le manque de compétence dans le domaine médical retenu ou encore un manque d'adéquation personnelle de l'expert, sont de nature matérielle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.2 et les références).

S'agissant des motifs de récusation formels d'un expert, il y a lieu selon la jurisprudence d'appliquer les mêmes principes que pour la récusation d'un juge et qui découlent directement du droit constitutionnel à un tribunal indépendant et impartial garanti par l'art. 30 al. 1 Constitution (Cst. - RS 101) – qui en la matière a la même portée que l'art. 6 par. 1 CEDH – respectivement, pour un expert, des garanties générales de procédure de l'art. 29 al. 1 Cst., qui assure à cet égard une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.3.1 et les références).

Un expert passe ainsi pour prévenu lorsqu'il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s'agit toutefois d'un état intérieur dont la preuve est difficile à apporter. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l'expert. L'appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l'expertisé, la méfiance à l'égard de l'expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.3.2 et les références).

Un juge peut être récusé en raison d'une amitié étroite ou d'une inimitié personnelle avec une partie ou son mandataire. En ce qui concerne l'inimitié, il faut qu'il y ait un antagonisme passionné ("leidenschaftliche Gegnerschaft") ou à tout le moins un différend marqué ("besonderes Zerwürfnis") ou des tensions prononcées ("ausgeprägte Spannungen") entre le juge et une partie, ce qui, d'un point de vue objectif, suggère une inimitié (arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.3.3).

5.3 Il est attendu de l'expert qu'il distingue entre la personne assurée et son mandataire, raison pour laquelle il n'y a en principe pas d'apparence de prévention lorsque les relations entre l'expert et le représentant sont atteintes (Anna BÖHME, Der medizinische Sachverständigenbeweis in der obligatorischen Unfallversicherung, Thèse, 2018, p. 240).

Le Tribunal fédéral a par exemple jugé qu'une différence d'opinion entre l'expert et l'avocat de l'assurée ne créait pas une apparence de prévention (arrêt du Tribunal fédéral 8C_509/2008 du 4 février 2009 consid. 7). Il a également nié que le fait que l'avocat défende des médecins ayant travaillé dans un centre d'expertises médicales dans le cadre d'une procédure pénale initiée à leur encontre par ledit centre cause un risque de partialité de l'ensemble des experts y exerçant, rappelant qu'un motif de récusation ne devait être admis qu'avec retenue et en présence de circonstances particulières lorsque les relations entre le représentant et l'expert étaient détériorées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2009 du 24 juin 2009 consid. 2.2.2). En ce sens, les relations entre l'expert et le représentant doivent sensiblement s'éloigner des usages sociaux pour permettre de considérer de manière objective qu'elles seraient de nature à entraîner des effets sur les parties et le procès lui-même (arrêt du Tribunal fédéral 1B_303/2008 du 25 mars 2009 consid. 2.2).

Récemment, le Tribunal fédéral a estimé que le fait qu'un expert avait mal accueilli les critiques émises par l'avocat au sujet d'une expertise qu'il avait rendue plusieurs années auparavant ne permettait pas de retenir qu'il existait entre les deux un antagonisme passionné ou même seulement des tensions prononcées qui seraient de nature à jeter un doute sur l'impartialité de l'expert à l'égard d'un autre assuré qui devait être expertisé, ce d'autant plus que l'expert n'avait pas saisi la justice pénale ou civile, ni même la Commission du barreau (arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 3.2).

5.4 En l'espèce, le Dr J______ a sans conteste manifesté une forme d'intolérance à la critique en qualifiant les propos de l'avocat du recourant à l'égard de l'une de ses préalables expertises d'accusations graves et mensongères. Bien que les termes employés par l'expert ne soient pas neutres et dénotent une forme de personnalisation du débat – en ce sens que l'avocat du recourant est désigné nommément –, alors même que la forme écrite permet un recul et une réserve plus grands, ces éléments ne sont pas suffisants pour retenir un motif de prévention de l'expert. Il est en effet regrettable que le Dr J______ ait tenu de tels propos. Cependant, ceux-ci s'apparentent plus à une absence de remise en question de l'expert qu'à un différend marqué ou à des tensions prononcées avec le conseil du recourant. Ils n'atteignent dès lors pas les exigences posées par la jurisprudence dans les cas où le motif de récusation réside dans les relations entre l'expert et le représentant de l'assuré.

La situation du cas d'espèce ne diffère sensiblement pas de l'état de fait analysé par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 8C_452/2020 du 7 octobre 2021, si ce n'est que l'antagonisme entre le mandataire de l'assuré et l'expert était alors plus ancien. Or, malgré que le différend entre l'expert et l'avocat du recourant est en l'occurrence bien plus récent, datant de début 2021, cet élément ne peut, à lui seul, fonder un motif de partialité, en l'absence d'autres circonstances permettant de retenir un inimité prononcée sur la durée.

Par conséquent, l'intimé a rejeté à raison la demande de récusation du Dr J______ formulée par le recourant.

6.             Le recourant soutient en outre que la décision litigieuse doit être annulée car elle ne respecterait pas le principe de la désignation consensuelle des experts, tel que dégagé par la jurisprudence en matière d'expertises relevant de l'assurance-invalidité.

6.1 En application de l’art. 44 al. 2 LPGA, le Conseil fédéral a adopté les art. 7j ss de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) portant sur les expertises. D’après l'art. 7j OPGA, si une partie récuse un expert en vertu de l’art. 44 al. 2 LPGA, l’assureur doit examiner les motifs de récusation. En l’absence de motif de récusation, les parties tentent de trouver un consensus (al. 1). Si un mandat d’expertise est attribué de manière aléatoire, il n’y a pas lieu de rechercher un consensus (al. 3).

6.2 L'art. 72bis RAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, prévoit pour le surplus que les expertises impliquant deux disciplines médicales doivent être réalisées par un centre d’expertises médicales ou un binôme d’experts, liés dans les deux cas à l’OFAS par une convention (al. 1bis) et que l’attribution du mandat d’expertise doit se faire de manière aléatoire (al. 2).

6.3 Avant le 1er janvier 2022, seules les expertises pluridisciplinaires comprenant trois ou plus de trois disciplines devaient se dérouler auprès d'un centre d'expertises médicales lié à l'OFAS par une convention (cf. art. 72bis RAI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021).

Sur la base de cette réglementation, la chambre de céans avait, dans son arrêt du 7 septembre 2020, renvoyé la cause à l'intimé afin qu'il ordonne une expertise neurologique et psychiatrique, avec un bilan neurologique, dans le respect du choix consensuel des experts.

6.4 Comme déterminé plus haut (cf. supra ch. 2.2 et 2.3), les règles de procédure sont applicables immédiatement à tous les cas en cours, sauf dispositions contraires. L'art. 72bis RAI s'insère dans le chapitre V du règlement afférent à la procédure et est donc directement applicable à tous les cas pendants, en tant que norme de procédure. Il en va de même de l'art. 7j OPGA contenu au chapitre 2 de l'ordonnance, relatif aux dispositions générales de la procédure.

6.5 La décision litigieuse ayant été rendue après le 1er janvier 2022, le recourant ne peut ainsi exiger que l'expertise soit mise en œuvre de manière consensuelle, cela allant à l'encontre du texte clair des art. 72bis al. 2 RAI et 7j al. 3 OPGA, postérieurs à la jurisprudence développée en matière de désignation consensuelle des experts.

7.             Néanmoins, se pose la question de savoir si cette solution irait à l'encontre de l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 7 septembre 2020, tel que le soutient le recourant.

7.1 L’autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel [materielle Rechtskraft]) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (ATF 142 III 210 consid. 2.1 et les références). Il y a identité de l’objet du litige quand, dans l’un et l’autre procès, les parties soumettent au tribunal la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3 ; ATF 116 II 738 consid. 2a). L’identité de l’objet du litige s’entend au sens matériel; il n’est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1 et les références).

Pour savoir si les conclusions des parties formées dans la procédure pendante ont été définitivement tranchées dans un jugement précédent, il convient de se fonder non pas sur les constatations du prononcé attaqué mais sur le jugement précédent, dont le dispositif définit l’étendue de la chose jugée au sens matériel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1 et les références). L’autorité de chose jugée ne s’attache qu’au seul dispositif du jugement, à l’exclusion des considérants (motivation), à moins que le dispositif y renvoie. Il faut toutefois souvent recourir aux considérants pour déterminer la portée exacte du dispositif (ATF 142 III 210 consid. 2.2). Par ailleurs, l’autorité attachée à l’arrêt de renvoi oblige l’autorité cantonale à laquelle l’affaire est renvoyée de se fonder sur les considérants de droit de cet arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 5A_866/2012 du 1er février 2013 consid. 4.2 et la référence). De même le tribunal est-il lié par ses précédents considérants si après un jugement de renvoi, il est saisi d’un nouveau recours dans la même cause (ATF 135 III 334 consid. 2 ; cf. Jean MÉTRAL, in Dupont/Moser-Szeless [éd.], Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, n. 122 ad art. 61 LPGA).

Cela étant, si les circonstances ou le droit changent, une modification de la décision initiale par son auteur ne sera pas exclue, car l'autorité de chose jugée ne se rapporte qu'à la situation de fait et de droit qui a été soumise à l'autorité de recours ou à la juridiction (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 326 n. 955 ; ATF 120 Ib 42 consid. 2c).

7.2 En l'espèce, depuis l'entrée en vigueur des dispositions légales et réglementaires édictées dans le cadre du développement continu de l'AI, la situation juridique a précisément changé puisqu'il est désormais prévu que les expertises bidisciplinaires ordonnées par les offices AI soient attribuées de manière aléatoire, ce qui exclut la voie consensuelle.

Bien que l'arrêt de renvoi de la chambre de céans du 7 septembre 2020 ordonnait à l'intimé de mettre en œuvre une expertise bidisciplinaire de manière consensuelle (cf. ch. 4 du dispositif cum ch. 5 et 6 des considérants), les modifications légales intervenues au 1er janvier 2022 imposent désormais que le centre d'expertises ou le binôme d'experts soient désignés de manière aléatoire, par le biais de la plateforme SuisseMED@P.

Le grief du recourant quant à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 7 septembre 2022 est ainsi infondé.

8.             Le recourant soutient encore que l'intimé a sciemment attendu l'entrée en vigueur de la modification de l'art. 72bis RAI afin de se soustraire à son obligation de trouver un consensus et qu'un tel procédé est contraire aux règles de la bonne foi et constitutif d'un abus de droit.

8.1 Le principe de la bonne foi qui doit imprégner les relations entre l’État et les citoyens (art. 5 al. 3 Cst. ; ATF 126 II 104 consid. 4b) leur impose de se comporter l’un vis-à-vis de l’autre de manière loyale. Chaque autorité étatique qui applique le droit suisse se doit de respecter d'office le principe de la bonne foi, notamment en ce qui concerne l’interdiction de l'abus de droit (ATF 128 III 201 consid. 1c).

Le principe de la bonne foi contient l'interdiction de l'abus de droit. Cette interdiction se réfère à l'exercice d'un droit d'une manière manifestement contraire au droit ou à l'utilisation d'une institution juridique à des fins allant à l'encontre de la finalité pour laquelle elle a été créée. L'autorité qui fait sciemment traîner une procédure pour permettre l'application du nouveau droit entré en vigueur dans l'intervalle enfreint le principe de la bonne foi (Frédéric BERNARD, La protection de la bonne foi, in Les grands principes du droit administratif, 2022, p.176 et les références citées ; ATF 110 Ib 332 consid. 2).

8.2 En l'occurrence, si l'on peut en effet déplorer le fait que l'intimé n'a pas été diligent dans la mise en œuvre de l'arrêt de la chambre de céans du 7 septembre 2020 et n'a en particulier entrepris aucune démarche entre la note du 4 mai 2021 qui chargeait le SMR de mandater des experts et la relance du recourant du 31 mai 2022 – sans qu'il faille in casu trancher la question de savoir si la procédure de désignation consensuelle des experts avait été correctement suivie ou non –, il ne peut toutefois être retenu que l'intimé a contrevenu aux règles de la bonne foi.

En effet, aucun élément concret ne vient étayer la thèse du recourant selon laquelle l'intimé aurait sciemment tardé à désigner des experts dans le but de se prévaloir du changement de législation. Le seul écoulement du temps en l'absence d'autres circonstances particulières, telles que des relances du recourant avant ce changement législatif, ne saurait être décisif.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Il n'y a pas lieu de condamner le recourant au paiement d'un émolument, la procédure ne portant pas sur des prestations de l'AI (art. 69 al. 1bis LAI a contrario).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le